Par conséquent, il nous faut éviter qu’un allongement souhaitable du congé de maternité puisse aboutir à un résultat contraire à l’intérêt et à la promotion sociale des femmes dans certaines professions. Nous ne pouvons accepter que cet allongement puisse organiser un retrait plus durable des femmes du marché du travail et des interruptions d’activité qui pèseront sur leur niveau de rémunération et leur retraite.
Deuxième thématique de votre proposition de loi : renforcer la protection juridique des femmes salariées enceintes ou ayant accouché.
L’entretien professionnel auquel les femmes ont droit à l’issue de leur congé de maternité doit porter non seulement sur leur orientation professionnelle, mais aussi sur l’évolution de leurs conditions et horaires de travail.
Là aussi, avant la mise en œuvre d’une mesure législative, il est essentiel d’engager une discussion approfondie avec les partenaires sociaux. Cette mesure relève surtout du domaine de la négociation et des conventions collectives.
Comme vous l’avez précisé lors de la réunion de la commission du 25 mai dernier, certaines conventions collectives prévoient déjà la possibilité d’adapter les rythmes et horaires de travail des femmes revenant d’un congé de maternité. Mais tel n’est pas le cas dans tous les secteurs d’activité. Pour y parvenir, il faut faire mûrir les esprits et rechercher de nouveaux points de consensus.
Vous soulignez que cette mesure est directement inspirée de la proposition de directive européenne. J’ai justement fait remarquer, lors du Conseil EPSCO du 6 décembre 2010 relatif à l’emploi et aux affaires sociales, que les options du Parlement européen ne tenaient pas suffisamment compte du principe de subsidiarité et qu’elles laissaient trop peu de place au dialogue social.
Il est nécessaire d’approfondir les pistes de réflexion en vue d’établir des liens entre les différentes formes de congés familiaux ouverts aux pères et aux mères, notamment le congé de paternité. Il faut se donner le temps d’explorer toutes les options et de discuter avec les partenaires sociaux, qui doivent être étroitement associés au traitement de ce dossier.
Je serais plutôt favorable à l’établissement préalable d’un constat précis des difficultés actuelles sur le marché du travail en termes de protection.
De même, il est nécessaire d’évaluer les conséquences de cette mesure sur le marché du travail des femmes, son degré d’efficacité et ses différents coûts pour l’entreprise, l’assurance maladie et l’État. On ne peut prendre de décision en la matière sans disposer d’un tableau précis des différents besoins de financement.
J’en viens maintenant aux troisième et quatrième thématiques : étendre les droits aux femmes enceintes exerçant une activité indépendante, d’une part, créer un congé d’accueil de l’enfant, d’autre part.
Comme pour la deuxième thématique, j’ai tendance à juger plus adéquat d’engager préalablement une négociation avec les partenaires sociaux et une évaluation précise des difficultés actuelles, des coûts pour les différentes parties, de l’efficacité et des conséquences de telles mesures sur le marché du travail.
Concernant les femmes exerçant une profession libérale, en faveur desquelles j’ai pris, je le rappelle, un certain nombre de dispositions dans le cadre des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, il convient de souligner un autre inconvénient : si le congé de maternité offre à toute salariée la garantie de retrouver son emploi à son retour, le poste qu’elle occupait, on ne peut apporter cette garantie aux femmes exerçant une activité libérale, celles-ci courant le risque de perdre une partie de leur clientèle.
Vous l’aurez compris, de nombreux volets de cette proposition de loi me semblent devoir encore faire l’objet d’un examen approfondi, afin de nous assurer que nous allons bien dans le sens d’une conciliation juste et durable de la vie familiale et de la vie professionnelle. L’ensemble des aspects particuliers doivent être réglés avant d’aborder la phase législative.
La politique familiale de notre pays, extrêmement ambitieuse et saluée sur de nombreux points par nos partenaires européens, ne saurait être réduite au seul congé de maternité. En 2010, nous lui avons consacré 5, 1 % de notre PIB, soit deux fois plus que la moyenne des autres pays européens, contre 4, 7 %, je le rappelle, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. C’est grâce à cet effort remarquable que nous obtenons les meilleurs résultats en Europe en termes de natalité, tout en ayant un taux d’activité féminin figurant parmi les plus élevés du continent. Comme vous le savez, l’avenir de notre pays se joue aussi dans le renouvellement des générations.
Il faut donc engager préalablement la négociation collective pour faire progresser les droits des femmes.
Comme aucun texte législatif n’est parfait, il faut que la réponse aux contraintes que fait peser la maternité sur l’activité professionnelle des femmes puisse être déterminée au cas par cas, selon les besoins et les spécificités des branches professionnelles et pour l’adapter aux différences qui existent, en matière de travail, entre la fonction publique et le secteur privé.
Il faut également introduire plus de souplesse, encadrée par la loi après la négociation collective afin d’assurer le respect des principes fondamentaux du droit du travail dans les relations entre employeurs et salariées, en vue de permettre aux femmes qui souhaitent reprendre le travail plus rapidement après leur accouchement de pouvoir le faire, en ne figeant pas le dispositif du congé de maternité.
Parallèlement, il me semble utile d’étudier des dispositifs protecteurs de nature législative ou sociale pour les femmes exerçant une profession libérale ou des fonctions de cadre supérieur en entreprise, comme l’a souligné en commission M. André Lardeux.
Je crois en outre important de régler des cas particuliers, comme la naissance d’un enfant handicapé – la mère doit pouvoir bénéficier de mesures d’accompagnement et d’aide supplémentaires – ou l’adoption, avec la prise en compte des besoins spécifiques que celle-ci implique.
Enfin, nous devons maîtriser les coûts pour les finances publiques et réfléchir au mode de financement de ces mesures nouvelles, recourir à une augmentation des droits sur les alcools n’étant pas satisfaisant.
J’ajoute que la tenue d’un Conseil EPSCO le 17 juin prochain va dans le même sens : il me paraît plus opportun de réserver notre position en attendant de connaître les prochaines évolutions.
Ce qui est certain, c’est que nous devons adopter une vision et une approche globales, qui tiennent compte non seulement du congé de maternité, mais aussi de l’articulation de l’ensemble des congés existants, afin de conserver la cohérence des dispositifs actuels. Il faut aussi étudier les conditions de l’intégration des femmes au sein du marché du travail, de la répartition des rôles et des responsabilités entre les hommes et les femmes ou encore de l’accueil de la petite enfance.
En effet, ces différentes dimensions sont liées, et elles seront abordées lors de la conférence sur l’égalité professionnelle et familiale que j’organiserai, à la fin du mois, avec mon collègue Xavier Bertrand.
Je ne saurais approuver ce texte en l’état, mais je tiens à réaffirmer mon engagement en faveur des droits des femmes et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Chère Claire-Lise Campion, je vous remercie de votre travail ; vous avez ouvert, avec cette proposition de loi, un important dossier, selon une philosophie que je partage, mais son examen mérite d’être encore affiné. Je suis sûre que tel était le sens de votre initiative !