Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 1er juin 2011 à 14h30
Modernisation du congé maternité — Discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le droit fil des initiatives récentes de l’Union européenne visant à garantir les droits des femmes et à améliorer leur situation.

En effet, en 2008, en vue de permettre une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, la Commission européenne avait proposé de modifier la directive 92/85/CEE, afin de porter la durée minimale du congé de maternité à dix-huit semaines et de rendre obligatoire un arrêt d’au moins six semaines après l’accouchement.

Cette proposition comportait d’autres avancées importantes. Ainsi, elle prévoyait l’interdiction du licenciement des femmes enceintes, le droit pour elles à bénéficier de l’ensemble des avantages accordés à leurs collègues pendant leur absence ou la possibilité de demander une modification des horaires et rythmes de travail à leur retour. Enfin, la Commission européenne posait le principe du maintien intégral du salaire pendant le congé de maternité.

En octobre 2010, le Parlement européen est allé encore plus loin, en se prononçant en faveur d’un congé de maternité de vingt semaines au minimum rémunéré à hauteur de 100 % du salaire, conformément aux recommandations de l’Organisation internationale du travail.

Il s’agit aujourd’hui d’allonger la durée du congé de maternité en France, qui, actuellement fixée à seize semaines, se situe dans la moyenne basse de l’Union européenne. Rappelons qu’elle est par exemple de vingt-six semaines en Italie et de vingt-huit semaines au Danemark. Cette proposition de loi vise donc à adapter notre législation à l’évolution du droit européen, en faisant passer la durée du congé de maternité de seize à vingt semaines.

Une telle mesure répond à une attente des femmes, qui aimeraient rester plus longtemps auprès de leur bébé. Il s’agit également d’une question de santé publique : en période prénatale, le congé de maternité est une nécessité, en raison des incidences sur la santé non seulement du travail, mais aussi des trajets en voiture ou en transport en commun pour se rendre sur le lieu de travail ; en période postnatale, les mères sont fatiguées, surtout si elles ont subi une césarienne, et l’accouchement nécessite une période de récupération suffisamment longue.

Le rejet du principe de cette mesure, au motif qu’elle créerait de nouvelles dépenses publiques et des charges supplémentaires pour les entreprises, est, selon nous, inacceptable. La maternité ne peut pas être considérée comme un fardeau pesant sur les systèmes de sécurité sociale, alors qu’il s’agit de la santé des femmes, du renouvellement des générations, d’un investissement pour l’avenir.

L’argument entendu en commission des affaires sociales selon lequel les femmes deviendraient plus difficilement employables est tout aussi irrecevable. Une enquête de 2006 sur l’allongement du congé de maternité en France prouve que, en pratique, la majorité des femmes ont recours aux congés pour grossesse pathologique, aux congés payés ou à un congé sans solde pour prolonger le congé de maternité : seulement 12 % d’entre elles ne s’arrêtent que seize semaines. Cela confirme que les mères ont réellement besoin d’un congé plus long et que les coûts de ces arrêts de travail supplémentaires pour les entreprises, l’État et les familles existent déjà. Finissons-en avec l’hypocrisie !

En outre, la mise en œuvre des dispositions de cette proposition de loi obligera l’employeur à évoquer l’adaptation des conditions et horaires de travail avec l’intéressée à son retour de congé de maternité. Est aussi prévu le maintien intégral du salaire, qui dépend aujourd’hui du contenu des conventions collectives, aucune obligation légale n’existant en la matière.

La situation des femmes qui exercent des professions non salariées – chefs d’entreprise, artisans, conjoints collaborateurs – est également prise en compte. Afin de leur permettre de mener à bien leur maternité, la proposition de loi prévoit pour elles le bénéfice d’un congé rémunéré tenant compte de leur nécessaire remplacement au sein de l’entreprise. C’est une question de justice envers ces femmes, qui doivent pouvoir vivre pleinement cette période, sans éprouver de culpabilité.

Enfin, cette proposition de loi aborde un point essentiel, la présence du père à la naissance de l’enfant. La création du congé de paternité en 2001 par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille et à l’enfance, a constitué un pas décisif en la matière. Le bénéfice de ce congé permet le développement du sentiment de paternité et l’implication du père dans le partage des tâches. En effet, nous le savons, l’absence de partage des responsabilités familiales et du travail domestique handicape les femmes et engendre des inégalités sur le marché du travail.

Malheureusement, seulement deux tiers des pères prennent un congé de paternité. On peut voir dans cet état de choses la persistance de stéréotypes dans la définition des rôles parentaux. La proposition de loi vise donc à mieux impliquer le père par l’instauration d’un congé de paternité de quatorze jours consécutifs, rebaptisé « congé d’accueil de l’enfant ». Pour en bénéficier, la personne concernée devra vivre maritalement avec la mère, quel que soit son statut juridique : mari, partenaire de PACS ou concubin.

Ce texte contribue à l’évolution de notre législation pour l’adapter aux réalités actuelles des familles. C’est un premier pas, dans l’attente d’une politique plus globale et plus volontariste en matière de congé parental d’éducation, lequel est pour l’heure très peu demandé par les hommes, en raison de la baisse de rémunération qu’il implique. Aujourd’hui, le père n’est plus seulement le symbole de l’autorité au sein de la famille, il participe désormais, au même titre que la mère, à la prise en charge de tous les aspects du quotidien. Beaucoup de ceux que l’on qualifie de « nouveaux pères » s’investissent, dès les premiers jours, dans les soins apportés aux enfants ; il faut les encourager à aller plus loin.

La France pourrait proposer à tous les couples un dispositif s’inspirant du modèle suédois, où le congé parental de seize mois est mieux rémunéré que chez nous et divisé entre les deux parents, afin d’encourager le partage de l’éducation des enfants. C’est essentiel pour favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais c’est surtout bénéfique pour l’épanouissement de l’enfant. Il faut aussi développer les modes de garde, car le manque de structures d’accueil pour les enfants non scolarisés est patent dans notre pays. Il reste donc encore beaucoup à faire !

Dans l’immédiat, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi. Elle représente un progrès pour la santé des femmes et constitue un premier pas vers une politique familiale plus ambitieuse. Aujourd’hui, la France affiche un taux élevé de fécondité ; nous nous en réjouissons, car les enfants sont une richesse pour notre pays. Il faut témoigner de la considération et de l’estime aux futures mères qui parviennent à concilier vie familiale et vie professionnelle. Si l’on veut que les femmes continuent à devenir des mères, encourageons-les en améliorant leurs conditions de vie.

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