… sur une question qui touche tant aux évolutions de notre société qu’à la place que nous souhaitons donner à la femme au sein de celle-ci.
Je veux avant tout saluer l’initiative de notre rapporteur, Claire-Lise Campion, et les avancées que permet la proposition de loi qu’elle a déposée. Son contenu, qui répond aux préoccupations de nombre de jeunes couples, est tout à la fois moderne et utile.
Toutefois, le texte dont nous débattons aujourd’hui montre aussi qu’un long chemin reste à parcourir avant de parvenir à une égalité réelle entre les hommes et les femmes.
Comme la plupart des orateurs qui m’ont précédé l’ont indiqué, notre débat s’inscrit dans le cadre d’un processus européen visant à harmoniser les législations nationales par le haut. Il s’agit d’une situation suffisamment rare pour n’être pas soulignée : en effet, les directives européennes sont souvent considérées, à tort ou à raison, comme marquant un recul par rapport à notre modèle français.
C’est pourquoi je me réjouis pleinement de l’adoption par le Parlement européen, le 23 février 2010, d’un rapport invitant les pays membres à instituer un congé de maternité d’une durée de vingt semaines au minimum.
De la même façon, je me félicite de l’adoption, le 8 mars 2010, de la directive relative au congé parental, qui porte de trois à quatre mois la durée de ce dernier, pose le principe d’un mois non transférable entre parents et prévoit une négociation obligatoire avec l’employeur portant sur l’aménagement des horaires de travail au retour du congé parental.
La présente proposition de loi s’inscrit dans la lignée de ces initiatives européennes.
Pour écarter d’emblée l’un des arguments avancés contre elle, j’aborderai la question du coût et du financement de son dispositif.
Les projections du ministère du travail, de l’emploi et de la santé évaluent entre 250 millions et 350 millions d’euros le coût de l’allongement à dix-huit semaines du congé de maternité. Quant à l’allongement conjoint du congé de maternité et du congé de paternité, il coûterait environ 550 millions d’euros.
Je rappelle, pour comparaison, que la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans le secteur de la restauration représente pour sa part une dépense fiscale de 3 milliards d’euros, pour le résultat que l’on sait…
La question du financement de l’allongement du congé de maternité relève donc d’un choix politique fort et assumé, car il est des dépenses qui représentent des investissements pour l’avenir : c’est le cas de celles qu’entraînera la mise en œuvre de notre proposition de loi.
Certes, notre politique familiale est volontariste, puisque, comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure, notre pays lui consacre une part non négligeable de son PIB et se situe sur ce plan au troisième rang des pays de l’OCDE. Nous bénéficions en outre de l’un des meilleurs taux de fécondité européens, avec 2, 02 enfants par femme.
Depuis plusieurs années, cependant, les modes de vie et les attentes de nos concitoyens évoluent : la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est au cœur de leurs préoccupations. Toutes les enquêtes, en particulier celle de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, montrent que le congé de maternité est jugé insuffisant par les mères : 84 % d’entre elles souhaiteraient s’arrêter de travailler plus longtemps à la naissance d’un enfant.
À juste titre, les femmes souhaitent avoir des enfants sans pour autant renoncer à leur carrière professionnelle. Un chiffre, à cet égard, doit nous interpeller : entre 25 et 49 ans, c’est-à-dire dans la tranche d’âge où l’activité professionnelle est le plus fréquente, une femme sur cinq est inactive. En outre, ce sont les femmes les moins qualifiées et disposant des ressources les plus faibles qui sont le plus souvent écartées du marché du travail. Remarquons également que, pour de multiples raisons, l’âge de la maternité ne cesse de reculer : désormais, les femmes deviennent mères pour la première fois après 30 ans.
Aussi l’article 1er de notre proposition de loi prévoit-il un allongement de seize à vingt semaines de la durée du congé de maternité. J’observe d’ailleurs – cela a déjà été rappelé – que la très grande majorité des femmes s’arrêtent de travailler plus longtemps que la durée légale de seize semaines, soit qu’elles se soient vu reconnaître un état pathologique lié à leur grossesse, soit qu’elles prennent un congé supplémentaire après la naissance de leur enfant.