Intervention de Michel Charasse

Réunion du 18 février 2009 à 15h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Article 7, amendement 43

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Je le dis pour mon ami Bernard Frimat, en faisant bien la distinction entre les travaux en amont et l’élaboration du projet de loi, texte qui passe en conseil des ministres avant d’être déposé sur le bureau d’une assemblée : s’il faut publier demain tous les travaux préparatoires internes à l’exécutif, ne vous faites pas d’illusions, on exigera un jour de vous que vous publiiez aussi, à l’appui de vos propositions de loi et amendements, tous vos documents préparatoires, tels que les notes de vos assistants, les lettres plus ou moins intelligentes que vous recevez d’associations et organismes divers qui vous incitent à déposer ou à ne pas déposer tel ou tel texte, sans même parler, car je ne veux pas être désagréable en cette fin d’après-midi, de ce que l’on peut entendre dans les sections UMP, socialistes, communistes… Pourtant, il vous faudra tout publier, même des lettres personnelles !

Cela veut dire aussi que l’on interdira au pouvoir exécutif d’organiser, à Matignon ou ailleurs, des réunions de travail non publiques consacrées à la préparation d’un projet de loi, parce qu’on ira jusqu’à exiger que ces réunions préparatoires fassent l’objet, ce qui n’est généralement pas le cas, d’un procès-verbal, qui devra être rendu public.

Par conséquent, de ce point de vue, c’est là une entorse grave à un principe sacré, celui du droit à la réflexion politique du ministre, du Gouvernement ou du parlementaire auteur d’une initiative législative préalablement au dépôt de son texte.

En outre, pour avoir lu, à l’Élysée ou ailleurs, des avis du Conseil d’État pendant quatorze ans – je fais appel aux souvenirs de ceux de nos collègues qui ont été amenés à exercer certaines responsabilités et à avoir accès aux avis du Conseil d’État –, je puis affirmer que, dans 90 % des cas, le Conseil d’État ne fait aucune observation ou très peu et se contente éventuellement de rerédiger sans commentaire les articles du projet de loi, et encore pas tous ! Il s’agit surtout de problèmes de forme et de questions rédactionnelles. Cela donne lieu à une réunion de fonctionnaires des cabinets ministériels autour du secrétaire général du Gouvernement, à Matignon, où, 99 fois sur 100, il est tenu compte de la rédaction du Conseil d’État lorsqu’elle paraît effectivement meilleure que celle du Gouvernement, ce qui est souvent le cas – sans parler des précisions souvent utiles qu’ajoute le Conseil d’État, ou des corrections de références législatives erronées.

Dans les 10 % de cas restants, sauf exception, le Conseil d’État appelle l’attention, par une note de quelques lignes, sur la compatibilité du texte avec un accord international, un acte européen, la Constitution ou un autre texte en discussion, sur les éventuelles contradictions internes à la législation, etc. Il propose alors, bien entendu, une nouvelle rédaction.

Ce n’est guère que dans un cas sur cent qu’il porte une appréciation d’opportunité, qui n’a rien à faire à ce stade du débat, puisque le Conseil d’État n’est pas une assemblée comme sous Napoléon, qu’il n’est pas élu et qu’il n’a pas à participer au débat politique et législatif.

Pour ma part, j’aurais donc pu me rallier au sous-amendement de notre collègue Yves Détraigne si le dernier membre de phrase avait été rédigé de la façon suivante : « ainsi que les avis autres que d’opportunité du Conseil d’État ».

Mais si nous votons une telle disposition, je vous affirme que, dans six mois, nous serons tellement encombrés de papiers que nous demanderons nous-mêmes que les avis ne nous soient plus systématiquement transmis !

Mes chers collègues, vous aurez compris les motifs d’ordre pratique, tenant aussi à l’intérêt supérieur de l’État et au nécessaire secret des délibérations intimes du gouvernant, qui me conduisent à ne pas voter le sous-amendement n° 43 rectifié.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion