Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 8 juillet 2010 à 14h30
Orientations des finances publiques pour 2011 — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

De même, les dépenses de fonctionnement ne baisseront pas dans les proportions attendues si les opérateurs, ces 655 entités qui sont autant de points de fuite potentiels de la dépense publique, ne sont pas soumis à la même contrainte que l’État. Elles ne baisseront pas davantage si les gestionnaires ne sont pas mis sous tension.

À cet égard, Philippe Marini a invité le Gouvernement à moduler l’effort en fonction des performances réalisées par les responsables de programme. Voilà qui donnerait un peu de contenu aux objectifs et indicateurs de performance promus par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et qu’on s’est, pour l’heure, contenté d’utiliser formellement et, pour tout dire, stérilement. Je voudrais que les décisions qui ont été prises pour tenter d’infléchir la politique du Gouvernement sur la base de ces indicateurs soient identifiées.

Plus précisément et en dehors des économies de « constatation » liées à la fin du plan de relance ou aux suites de la réforme de la taxe professionnelle – afin d’évaluer l’effort réel pour 2011, il faut soustraire les 15 milliards d’euros dépensés en 2010 qu’on ne dépensera pas en 2011 –, quels dispositifs vont passer sous la toise, quand et pour quels montants ? À quel moment le Parlement disposera-t-il d’un inventaire précis et robuste des mesures arbitrées, afin de mesurer, ligne par ligne, l’ampleur des économies programmées ?

Ces interrogations ne sont pas que de méthode.

Elles sont nourries par l’expérience d’un président de commission des finances qui a passé de longues heures à débattre, année après année, des crédits des missions inscrits au projet de loi de finances. Elles sont nourries par le souvenir de querelles homériques, dès qu’il s’agissait d’arracher le moindre euro à un ministre qui, une fois qu’il avait gagné ses arbitrages à Matignon, considérait ses crédits comme sanctuarisés.

Plus récemment, la commission des finances a entendu sept ministres du Gouvernement. Naturellement, nous avons été intéressés par l’usage qu’ils avaient fait des crédits mis à disposition pour 2009. Mais, à la question de savoir comment ils mettraient en œuvre les mesures vigoureuses dont les contours viennent de nous être présentés, ils ont apporté des réponses pour le moins évasives.

Afin d’aider le Gouvernement à tenir le cap qui vient d’être fixé, nous aurons donc besoin de le traduire très rapidement en espèces sonnantes et trébuchantes. D’ailleurs, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, j’espère que vous mettrez tout votre talent de pédagogue au service de l’arbitrage budgétaire, ce qui ne sera pas simple… En effet, pour les ministres auditionnés, toutes les dépenses fiscales et tous les crédits dont ils disposaient étaient essentiels et donc sanctuarisés.

Le Gouvernement prévoit également de contenir fortement la dépense locale. L’objectif est louable autant qu’ambitieux, dans la mesure où l’État n’en maîtrise pas tous les déterminants, tant s’en faut.

Un bon début consisterait à enrayer la frénésie normative qui accable chaque jour les exécutifs locaux d’obligations nouvelles, qui sont autant de dépenses supplémentaires. De fait, à quoi sert-il de déployer une révision générale des politiques publiques pour l’État si, parallèlement, se reconstitue une bureaucratie territoriale chargée de mettre en œuvre une réglementation tatillonne au point de prescrire le contenu des assiettes dans les cantines scolaires ?

Je demande donc l’armistice des normes, étant précisé que certaines normes européennes que les gouvernements français ont, à un moment ou à un autre, acceptées sont encore dans les tuyaux et devront bientôt être appliquées.

J’en viens à présent aux recettes et, d’abord, aux méthodes tantôt artisanales, tantôt fleuries que le Gouvernement nous propose pour contenir la prolifération des dépenses fiscales.

La première est celle du « rabot », c’est-à-dire de l’écrêtement d’un grand nombre de crédits et autres réductions d’impôt. La systématicité du procédé est séduisante et a le mérite d’envoyer un message clair aux contribuables.

La seconde méthode, celle du « bouquet » de mesures ciblées, complète heureusement le passage du rabot. Ne doutez pas, madame la ministre, monsieur le ministre, de la détermination de la commission des finances à soutenir le Gouvernement et à faire preuve de créativité dans cet exercice délicat !

Pour autant, nous ne pourrons pas nous contenter d’élaguer la dépense fiscale afférente à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, sauf à attendre 2012, l’année où les dispositions relatives aux niches fiscales sur ces deux impôts commenceront à produire leurs effets, pour engranger des économies.

Dans ces conditions, la fiscalité indirecte devra, elle aussi, permettre de dégager des recettes supplémentaires dès la prochaine discussion budgétaire.

Je pense en particulier aux taux réduits de TVA. Le rapporteur général M. Marini a évoqué une évolution du taux réduit de 5, 5 % à 8 %. Pour ma part, je propose une autre hypothèse, à savoir l’introduction, pour des activités de proximité telles que la restauration et la rénovation de logements, d’un taux intermédiaire fixé entre 10 % et 12 %. De telles dispositions auraient l’avantage d’accroître les ressources pour 2011 de 4 ou 5 milliards d’euros.

Au-delà de la réduction des dépenses fiscales, je maintiens qu’une refonte globale de notre système de prélèvements obligatoires demeure nécessaire, que l’instauration d’une TVA « sociale » constitue une mesure urgente de compétitivité et que la « trilogie » fondée sur la suppression du bouclier fiscal, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’instauration d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu irait dans le sens de l’équité et de l’efficacité. Il faudrait aussi revoir le barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières.

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