Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 1er février 2007 à 11h20
Droit opposable au logement — Articles additionnels après l'article 5

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Madame la ministre, il s'agit par cet amendement de s'assurer que la concertation prévue dans les textes aura bien lieu.

Je vous rappelle que, sur le site de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, on peut lire que « les projets doivent être pensés pour et avec les habitants ».

Or, qu'en est-il dans les faits ? Le présent projet de loi étant dédié à la mémoire de l'abbé Pierre, je citerai ce que soulignait d'ailleurs dès 2005 le rapport de la Fondation Abbé-Pierre : « S'il existe bien, dans le cadre de la mise en oeuvre des opérations de renouvellement urbain, une phase de consultation des habitants, il n'y a pas vraiment de délibération collective permettant aux habitants de faire valoir leur point de vue au moment de la prise de décision de la démolition. Celle-ci est d'ailleurs le plus souvent antérieure à la consultation et l'on ne trouve pas d'exemple, à notre connaissance, de débat collectif impliquant les habitants qui soit revenu sur la décision de démolition. »

En réalité, le seul moyen de garantir qu'une vraie concertation soit engagée est de soumettre toute opération de démolition-reconstruction à un référendum local. Étant touchées dans leur intimité, les populations concernées devraient donc bénéficier d'un droit de veto sur ces opérations.

D'ailleurs, si ces projets sont conduits dans leur intérêt, et non dans celui d'élus locaux prompts à déconcentrer les quartiers d'habitat social pouvant déranger la tranquillité de leurs autres administrés ou celle de leur réélection, les habitants sont sensés, ils voteront « oui ». Il n'y a donc pas à s'inquiéter d'un tel vote.

Par ailleurs, quand les logements sont reconstruits, où le sont-ils ? L'ANRU estime que 52 % de ces logements sociaux seront construits en dehors du territoire des quartiers. En outre, de quel type de logements « sociaux » sera-t-il alors question ? S'agira-t-il de plans locatifs sociaux, ou PLS, qui, contrairement à la définition du logement social donné dans la loi, ne sont pas réservés aux ménages modestes ?

Bref, on le voit bien, le compte n'y est pas.

Si cela peut vous rassurer, je vous rappelle que notre proposition fait partie des idées défendues par la Fondation Abbé-Pierre, qui propose d'« introduire dans les opérations de renouvellement urbain une obligation de consultation et de validation du projet par les locataires. » Mais vous me répondrez peut-être, comme l'a fait ici même M. Braye, lors de la discussion générale du projet de loi portant engagement national pour le logement, que la fondation est entourée par de dangereux gauchistes !

Pourtant, il s'agit là tout simplement de rappeler que les habitants ont quand même le droit de parler, de dire leur mot sur leur quotidien et leur lieu de vie !

Une véritable « co-élaboration » avec les habitants serait possible. Cela s'est d'ailleurs fait dans certaines communes, par exemple à Arcueil et à Gentilly, où un référendum « non consultatif », mais décisionnel, a permis aux habitants de choisir entre quatre projets différents allant de la réhabilitation à la destruction.

Les collectifs « anti-démolitions » se multiplient, tout spécialement en Île-de-France. Si vous cherchez une explication à la crise des banlieues, on pourrait d'ailleurs en trouver une dans le sentiment qu'ont certains habitants d'être méprisés par les pouvoirs publics, y compris en ce qui concerne l'avis qu'ils peuvent avoir sur leur quartier et leur lieu de vie quotidien.

Toutefois, nous ne sommes pas hostiles par principe aux démolitions. C'est pourquoi nous proposons l'organisation d'un référendum. Dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire de démolir, mais pourquoi détruire des logements qui sont parfois spacieux, éclairés et en bon état, comme l'était par exemple la barre 260, réhabilitée en 1997, puis en 2001 ?

Il y a une crise du logement grave en France. Au lieu de faire du « un pour un », vous devriez construire ou bien réhabiliter sans démolir, la réhabilitation étant généralement la demande exprimée par les habitants. Voilà pourquoi elle est bien mieux acceptée que la démolition. Par ailleurs, on le sait bien, ce procédé est moins coûteux.

Il ne faudrait pas que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine serve à « déloger » les pauvres, les familles à problèmes, celles que les maires rechignent à accueillir, des familles, disons-le, qui sont souvent issues de l'immigration.

Je crois que de nombreux maires se frottent les mains en pensant à l'ANRU, car ils se disent qu'ils pourront grâce à elle éloigner ces familles, comme si le problème résidait dans la concentration de la pauvreté, alors qu'il tient simplement à la pauvreté elle-même.

Voilà pourquoi nous vous demandons de ne pas oublier de consulter les habitants et de respecter leur parole.

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