La question des rapports locatifs est posée au premier chef par la crise du logement que connaît notre pays. Cette crise exclut de l'accès au logement des couches de plus en plus larges de la population et, particulièrement dans les plus grandes villes, ce qui est en cause c'est bien souvent, au-delà de l'insuffisance manifeste de la construction de logements sociaux, le processus constant d'accroissement des loyers que nous connaissons depuis de trop longues années.
Depuis 1990 - nous l'avons déjà dit, mais la pédagogie est l'art de la répétition... - les loyers ont progressé de plus de 66 %, quand l'indice des prix à la consommation augmentait de 35 %, alors que nombre de revenus ne connaissaient pas d'évolution aussi significative.
Le poids du poste logement est devenu particulièrement intolérable dans le budget de nombreux ménages. Nous avons tous, dans nos permanences, l'occasion d'avoir sur ce sujet de nombreuses discussions avec nos concitoyens.
Des taux d'effort de 25 à 40 % sont aujourd'hui le lot quotidien de milliers de familles, et c'est sans compter l'impact des dépenses liées au logement : assurances, consommation d'eau, d'énergie et services téléphoniques, sans oublier la fiscalité.
Comment peut-on vivre quand on doit déjà consacrer près de la moitié de son revenu mensuel à faire face à ces charges fixes ?
Le dynamisme des loyers est une des tendances lourdes des deux dernières décennies. Depuis l'adoption de la loi Méhaignerie en 1986, la part du logement locatif soumis aux règles du marché n'a cessé de progresser dans l'ensemble des logements mis en location par la déshérence du patrimoine régi par la loi de 1948 et par l'insuffisance de la construction de logements sociaux au regard de l'ensemble de la construction et de la demande.
Vingt ans après, les résultats sont là : logements vides, loyers en hausse constante et indice de révision largement supérieur à l'indice des prix à la consommation. La machine à trier les candidats au logement et à exclure les plus modestes, les plus vulnérables et les plus pauvres est à l'oeuvre.
Je vous rappelle les termes de l'article 18 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 : « Dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants (...). Ce décret précise sa durée de validité qui ne peut excéder un an et peut prévoir des adaptations particulières, notamment en cas de travaux réalisés par les bailleurs ou de loyers manifestement sous-évalués. »
Madame la ministre, ce décret intègre donc la possibilité pour l'autorité publique de mettre en oeuvre une politique de modération des loyers en vue d'éviter aux familles des difficultés majeures de paiement et de prévenir la vacance de logements locatifs.
Mes chers collègues, dans le contexte actuel, il importe donc que cette intervention de la puissance publique permette éventuellement un moratoire sur la progression des loyers, moratoire au demeurant reconductible en tant que de besoin. Une telle mesure serait susceptible de mettre un frein à la poussée continue des loyers sans nuire cependant, pour ceux qui pourraient s'en inquiéter, à la rentabilité globale de la propriété foncière, dont les plus récents éléments fiscaux disponibles montrent suffisamment la progression ces dernières années.
La question est de savoir si l'on souhaite favoriser le pouvoir d'achat des locataires plutôt que les revenus de ceux qui font du logement un placement financier spéculatif.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.