Intervention de Renaud Dutreil

Réunion du 13 octobre 2004 à 15h00
Simplification du droit — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter, avec Eric Woerth, ce deuxième projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Eric Woerth vous décrira le détail de ce texte. Mais auparavant, je vous rappellerai la cohérence de l'action gouvernementale en ce qui concerne la réforme de l'Etat.

Un Etat mal géré, vous le savez, est un Etat qui alourdit le poids des impôts, qui laisse se paupériser ses collaborateurs, c'est-à-dire les fonctionnaires, et se dégrader la qualité du service qu'il rend aux citoyens. Nous ne pouvons absolument pas accepter cela.

Le Gouvernement a donc entrepris une action vigoureuse pour réformer l'Etat. Cette réforme doit avoir, au terme d'une action à la fois hardie et cohérente, trois gagnants : les fonctionnaires, les usagers et les contribuables.

Tout d'abord, les ministères sont en train de s'adapter à la nouvelle constitution financière de l'Etat, la LOLF, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui rend son pouvoir de contrôle au Parlement et fait passer l'Etat d'une logique de moyens à une logique de résultats. C'est essentiel, mais insuffisant.

Ensuite, Eric Woerth et moi-même avons mis en ordre de marche les stratégies ministérielles de réforme, les SMR, qui font passer l'administration de la logique du mikado - le premier qui bouge perd - à celle de la bicyclette - le premier qui cesse de pédaler tombe !

Tous les ministères sont priés d'aller de l'avant, et nous avons déjà des résultats précis, chiffrés, d'amélioration de la productivité globale de chaque administration.

La version 2004 des stratégies ministérielles de réforme soumise le mois dernier à un jury d'experts présidé par Francis Mer a donné des résultats, puisqu'elle dégage une économie de 1, 5 milliard d'euros sur trois ans, soit des gains de productivité de 1, 5 % sur trois ans.

C'est insuffisant, mais c'est beaucoup plus que ce que nous avons jamais pu réaliser jusque-là.

Il nous faut maintenant aller plus loin. Notre objectif est de dégager 2 % de gains de productivité annuelle, ce que beaucoup d'organisations publiques ou privées parviennent à réaliser en vitesse de croisière. Lorsque nous aurons atteint cet objectif, nous pourrons limiter le flux d'embauche de l'Etat à 40 000 recrutements par ans d'ici à 2015, chiffre à rapprocher des 77 000 départs à la retraite prévus.

Ce sera suffisant pour faire face à nos contraintes : un service de la dette qui s'accroît, des pensions dont le coût est de plus en plus pesant sur le budget de l'Etat, un déficit qu'il faut contenir, des impôts d'Etat qu'il faut maîtriser, des choix politiques qu'il faut assumer et pour lesquels il faut donc dégager des marges de manoeuvre ; s'agissant de ce dernier point, je pense en particulier à la reconstruction de l'Etat régalien - justice, police, défense, diplomatie - à laquelle procède le Président de la République, à la cohésion sociale, au financement d'un Etat apportant sa contribution au développement de l'intelligence, dans l'enseignement supérieur et la recherche.

Toute cette action devra être réalisée sans dégrader la qualité du service public ni compromettre les espérances de pouvoir d'achat des fonctionnaires, comme c'est tout à fait légitime.

Telle est l'entreprise générale que nous avons aujourd'hui engagée.

Elle ne suffit pas, là encore, car ni la LOLF ni les stratégies ministérielles de réforme ne pourront porter leurs fruits sans que le statut de la fonction publique d'Etat soit lui-même modernisé.

L'Etat, vous le savez, est organisé en 1 400 corps d'Etat statutaires, dont 900 sont encore vivants, c'est-à-dire qu'ils recrutent.

Cette organisation corporative extrêmement lourde à gérer - nos coûts de gestion représentent à peu près 4 % des effectifs contre 2 % pour la plupart des organisations ou des établissements publics - pénalise surtout les fonctionnaires eux-mêmes. La concrétisation de leurs aspirations à la mobilité professionnelle, en particulier, est aujourd'hui rendue difficile et des injustices criantes sont dénoncées par de très nombreux fonctionnaires dans tous les services de l'Etat du fait de l'opacité des grilles indiciaires, des régimes indemnitaires, des règles d'avancement, ces éléments variant non pas en fonction de critères transparents et objectifs mais bien souvent en fonction des habitudes, de l'histoire des différents corps ou de leurs influences respectives auprès des décideurs.

Il faudra donc engager cette réforme de la fonction publique d'Etat qui sera liée à la réforme de la fonction publique territoriale.

Je veux rendre sur ce point un hommage tout particulier au Sénat, qui est à l'origine de très nombreuses propositions que le Gouvernement a faites siennes et qui figureront donc dans ce texte.

En ce qui concerne la simplification, quatrième volet de cette réforme de l'Etat, il s'agit d'abord de rendre l'égalité aux citoyens.

En effet, bien souvent, la complexité administrative pèse sur les plus faibles. Nous le savons, toutes les formalités auxquelles sont confrontés les Français dans leur vie quotidienne, qu'il s'agisse d'obtenir les aides à domicile, l'aide au logement, les allocations familiales ou d'inscrire les enfants à l'école, sont plus difficiles à accomplir pour ceux qui sont démunis.

Nous recevons d'ailleurs de très nombreux courriers nous encourageant à aller plus loin dans cette action de simplification.

Cette complexité est également très coûteuse pour l'Etat, et il y a donc à cet égard une possibilité de gain de productivité.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais également vous dire un mot du prochain projet de loi d'habilitation à simplifier le droit.

Je souhaite modifier la méthode, car, si nous nous contentons de demander aux administrations de l'Etat de faire des propositions de simplification, le résultat risque de nous décevoir.

Nous avons donc décidé de partir des Français, de panels représentatifs de nos concitoyens constituant autant d'objectifs de simplification: les familles, qui supportent aujourd'hui de nombreuses complexités, les personnes âgées, qui sont bien souvent extrêmement démunies face aux tracasseries administratives, les très petites entreprises, qui disposent rarement des moyens administratifs leur permettant de se frayer un chemin dans les dédales du droit, les maires des petites communes et les investisseurs internationaux, ces derniers, pour réaliser un projet dans notre pays, devant bien souvent accomplir un véritable parcours du combattant.

Nous travaillerons donc sur la base de ces objectifs, et je compte sur les parlementaires, tout particulièrement sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour avancer des propositions.

Par ailleurs, au cours de l'examen de ce projet de loi, nous devrons également porter nos regards sur un certain nombre d'éléments pénalisant beaucoup les entreprises. A cet égard, je souhaite évoquer une mesure très importante de simplification présentée dans ce t texte : le régime social des indépendants, ou RSI.

L'objectif du RSI est de simplifier la vie des artisans et des commerçants indépendants qui ne ressortissent pas au système de sécurité sociale des salariés.

A l'heure actuelle, les artisans et les commerçants indépendants sont confrontés à des formalités complexes pour le paiement de leurs cotisations sociales, puisque les assiettes, les taux, les calendriers et les procédures de recouvrement, amiable ou forcé, sont différents. De surcroît, il n'existe pas aujourd'hui de fonds d'intervention social susceptible de leur venir en aide pour surmonter une difficulté de trésorerie passagère. Ils ne peuvent donc pas bénéficier d'un étalement de paiement ou d'une remise gracieuse, comme cela peut se faire par ailleurs.

Il faut donc simplifier, mais aussi humaniser.

Il faut également réformer, c'est-à-dire regrouper trois organismes de sécurité sociale - l'ORGANIC, ou organisation autonome nationale d'assurance-vieillesse de l'industrie et du commerce, la CANCAVA, ou caisse autonome nationale de compensation de l'assurance-vieillesse artisanale, et la CANAM, la caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes - pour assurer non seulement une plus grande efficacité, donc un moindre coût de gestion du système, mais aussi, et c'est très important, la pérennité du régime des indépendants. En effet, si nous ne faisions rien, le risque serait grand de voir ces organismes absorbés par nécessité, faute de moyens financiers, par le régime des URSSAF, ce qui n'est absolument pas notre volonté. Nous souhaitons, au contraire, consolider le régime social des indépendants, dont la gestion doit être assurée par des élus des indépendants. Cette volonté rejoint une aspiration très profonde de ce milieu qui a besoin d'une égalité de droits sociaux, mais aussi d'un système qui lui soit propre.

Cette réforme est donc pragmatique, elle est le fruit d'un long travail de concertation entre les acteurs et le Gouvernement depuis maintenant plus d'un an. Ces orientations ont été validées par les conseils d'administration des caisses des non-salariés. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux présidents Gérard Quevillon, Gérard Rouchy et Louis Grassi qui se sont engagés dans cette voie avec l'audace des réformateurs et qui, aujourd'hui, attendent de la part du Gouvernement et du Parlement un soutien pour continuer le mouvement de réforme qui a été engagé.

Ce qui est essentiel à mes yeux, c'est que les artisans et les commerçants puissent avoir un contact physique et personnel avec un seul interlocuteur, le RSI.

S'il est tout à fait envisageable que le RSI sous-traite certaine tâches par souci d'économie, cette sous-traitance ne devra pas se traduire par une exposition des travailleurs indépendants à un autre régime social que celui du RSI. Pour toutes les occasions de contact, qu'elles concernent des demandes d'information, l'inscription, les cas de précontentieux ou de contentieux, c'est donc bien le RSI qui pourra intervenir pour régler les problèmes, donner les explications ou procéder aux formalités administratives. Ce n'est que derrière cette vitrine du RSI que, éventuellement, et de façon extrêmement justifiée, des sous-traitances pourront être mises en oeuvre.

Il s'agit là d'un élément important de ce texte, mais ce n'est pas le seul. Je vais donc, mesdames, messieurs les sénateurs, laisser Eric Woerth vous apporter des éclairages sur les autres dispositions de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion