Des procédures redondantes, des démarches inutiles se transforment pour les citoyens en marathons, voire - pardonnez-moi l'expression - en galères administratives.
Or, non seulement la complexité administrative est coûteuse et nuisible à la bonne administration, mais elle mine sourdement la confiance des citoyens dans leur Etat. Tocqueville l'a fort bien montré : les plus légères contraintes, lorsqu'elles sont absurdes ou vexatoires, peuvent envenimer la vie publique durablement.
La simplification administrative en est d'autant plus urgente.
Il est évident qu'un tel projet nous amène à aborder un nombre considérable de domaines, tant la complexité est omniprésente dans notre société et tant elle a envahi la vie quotidienne de nos concitoyens.
Aussi, comme pour la loi du 2 juillet 2003 autorisant le Gouvernement à simplifier le droit, le Gouvernement a estimé que la procédure des ordonnances était la plus adaptée pour agir vite et bien.
Cette procédure conserve néanmoins au Parlement la prérogative éminente qui consiste à fixer les objectifs assignés à l'exécutif, sans enliser le débat dans le détail des mesures techniques. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle a été fréquemment utilisée depuis 1958 par toutes les majorités. A titre d'exemple, sous la précédente législature, neuf lois d'habilitation ont été adoptées et soixante-dix-sept ordonnances ont été prises pour leur application.
Nous continuons sur cette voie, car nous avons sous les yeux le succès de la loi de 2003 qui a donné lieu à la publication de vingt-neuf ordonnances, les délais ayant été respectés.
Deux exemples suffiront ici à rappeler l'intérêt de cette procédure pour nos concitoyens : d'une part, la simplification du vote par procuration, mesure dont ont bénéficié 800 000 électeurs lors des dernières élections régionales ; d'autre part, la simplification du bulletin de paie, mesure élaborée sur l'initiative du secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises d'alors, Renaud Dutreil.
Cette réussite démontre, je crois, la capacité du Gouvernement à conduire un grand chantier de simplification sur le plan tant quantitatif que qualitatif.
Je voudrais souligner au passage que cette démarche a strictement respecté les termes, souvent très précis, de l'habilitation et n'a pas, comme on le craignait sur certaines travées de cet hémicycle, abouti à prendre des décisions dont le contenu ou la portée eussent été camouflés lors du débat législatif. Les choses ont été claires et, bien évidemment, respectées.
Je dois dire que nous avons pu atteindre cet objectif grâce à l'appui constant du Président de la République et du Premier ministre, et grâce à la coopération de tous les ministres concernés.
Quels grands objectifs le Gouvernement poursuit-il avec ce projet de loi ?
Il souhaite d'abord procéder à la modernisation de certaines règles de portée générale, afin de mieux assurer la sécurité juridique et de lever certains obstacles législatifs à la dématérialisation des procédures.
Ensuite, le Gouvernement souhaite alléger une série de procédures administratives dont la lourdeur n'est plus justifiée par des exigences d'intérêt général. Certaines, que nous avons supprimées, dataient de Courteline, quand ce n'est pas du Grand Siècle !
Enfin, le Gouvernement entend poursuivre la politique de codification systématique que le Président de la République a lancée dès 1995.
La discussion des articles de ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous donnera l'occasion d'examiner en détail les mesures envisagées. A ce stade, je souhaite simplement attirer votre attention sur quelques exemples de mesures me semblant emblématiques de notre effort pour simplifier la vie des Français.
Le premier exemple concerne le droit de l'urbanisme. C'est un droit qui est devenu éminemment complexe. Nous voulons procéder à une oeuvre de clarification et de simplification, en regroupant les procédures de délivrance des déclarations et autorisations d'utiliser le sol, en simplifiant les règles de délivrance de ces actes et en redéfinissant les procédures de contrôle de la conformité des travaux.
Le deuxième exemple porte sur l'organisation en droit du recours aux outils de communication les plus modernes, notamment à ceux qu'offrent les nouvelles technologies de l'information. A cette fin, nous voulons définir un cadre général apportant aux autorités administratives et aux usagers une véritable sécurité juridique et technique, tout en étant compatible avec le respect du secret professionnel et la protection de la vie privée. Cela permettra de développer l'administration électronique dans de bonnes conditions.
Le troisième exemple vise le renforcement de la sécurité juridique des entreprises par l'extension aux prélèvements douaniers et sociaux des procédures dites de « rescrit ».
Aujourd'hui, les URSSAF, comme les douanes, ne sont pas liées par les positions qu'elles prennent lorsqu'elles interprètent les textes relatifs aux prélèvements qu'ils recouvrent. Il y a évidemment là une atteinte, assez paradoxale et assez difficile à comprendre par les entreprises, à la confiance que l'usager place dans les services publics. Nous devons y mettre fin.
Je souligne que cette réforme est l'un des éléments du plan présenté par le Premier ministre pour améliorer l'attractivité du territoire national pour les investisseurs étrangers. Il s'agit donc de la compétitivité du pays.
Le quatrième exemple est relatif au réexamen de l'utilité des autorisations administratives. On en compte près de 2 000. Nous allons donc réexaminer chacun de ces régimes concernant les entreprises pour nous assurer de leur utilité. Si celle-ci n'est pas avérée, nous proposerons soit le remplacement de l'autorisation par un régime déclaratif, soit la suppression pure et simple.
Nous donnerons à ce travail une base économique puisque Renaud Dutreil et moi-même avons demandé à nos services, appuyés sur un bureau d'études, d'évaluer le coût de ces autorisations.
Le cinquième exemple concerne le renforcement des obligations du pouvoir exécutif relatives à la publication des textes d'application des lois. Nous ne pouvons plus en effet admettre - je ne devrais pas être contredit ici - que les décisions du Parlement restent inappliquées faute pour le Gouvernement de prendre les décrets, les arrêtés et autres circulaires d'application dans des délais suffisants. Certes, sur l'initiative du Premier ministre, des progrès substantiels ont été réalisés, mais il faut donner une base législative solide aux intentions manifestées par tous.
C'est pourquoi nous avons tenu à introduire une forte transparence, source de mobilisation politique. Le Gouvernement sera tenu de remettre un rapport aux commissions parlementaires six mois après l'entrée en vigueur de chaque loi. Ce rapport devra donner l'indication des motifs du retard pris pour l'application de certaines dispositions. Vous aurez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les moyens de contrôler l'action du Gouvernement après le vote d'un texte.
Voilà donc cinq exemples parmi les deux cents mesures présentées dans ce projet de loi d'habilitation.
Par ailleurs, quatre mois se sont écoulés depuis le vote de ce projet de loi à l'Assemblée nationale. Pendant ce délai, les ministres ont évidemment continué à travailler à l'oeuvre de simplification, à laquelle ils ont apporté de nouvelles contributions. C'est pourquoi le Gouvernement vous proposera au cours des débats d'enrichir le texte sur plusieurs points. Je mentionnerai, par exemple, la poursuite du programme de simplification des commissions administratives et autres observatoires - nous y tenons particulièrement - et l'habilitation à dématérialiser les bulletins officiels.
Avant de terminer, je souhaite évidemment remercier les commissions et l'ensemble des rapporteurs du Sénat, qui ont fait un travail considérable sur ce projet de loi.
En conclusion, je voudrais vous rappeler que la finalité de la simplification juridique est de renforcer l'efficacité de l'Etat dans tous ses rouages et de donner ainsi à tous nos concitoyens de plus sûrs motifs d'apprécier le « modèle français ». Avec votre appui, nous y parviendrons.