L'excès de zèle, c'est l'ambition de la médiocrité. Alors, tentons d'être pragmatiques ! C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort.
Ce texte, approuvé en première lecture par l'Assemblée nationale en juin dernier, s'inscrit dans une démarche qui doit être constante et revenir régulièrement chaque année. Jean-Paul Delevoye et Henri Plagnol avaient commencé, Renaud Dutreil et Eric Woerth ont pris le relais. C'est un travail de Romains ! Certains d'entre vous auront du mal à éviter d'y voir un inventaire à la Prévert. Mais il est très difficile de faire autrement, en tout cas pour cette année.
Le Gouvernement, le législateur, le pouvoir réglementaire ont déjà fait de gros efforts pour maîtriser l'inflation législative. Certaines branches de notre droit sont tellement et inutilement complexes. Mais la tâche est immense.
Le projet de loi qui vous est soumis ne constitue donc qu'une étape. Lorsque Renaud Dutreil a été auditionné voilà quelques mois par la commission des lois, il a rappelé que le Président de la République souhaitait une loi de simplification par an, et il a confirmé qu'un troisième texte, avec des thèmes celui-ci, était en préparation.
Le présent projet de loi, qui est actuellement composé de soixante-cinq articles, est d'une très grande portée. Il regroupe deux cents mesures qui touchent des domaines législatifs très divers, comme M. Woerth l'a évoqué à l'instant. Plus de 1 300 articles de lois sont visés par la ratification des ordonnances. Bien entendu, la commission des lois est saisie au fond, mais quatre commissions le sont pour avis. C'est tout dire.
La loi du 2 juillet 2003 présente déjà un bilan positif. Cette démarche politique constitue un objectif juridique à part entière, comme l'a d'ailleurs rappelé le Conseil constitutionnel le 26 juin 2003.
Si nous avons déjà supprimé de nombreux organismes qui ne servaient pas à grand-chose, sinon à perdre du temps, il a bien fallu créer le COSA, le conseil d'orientation de la simplification administrative, et l'ADAE, l'agence pour le développement de l'administration électronique.
Ces structures rassemblent des informations et seront bientôt une source de proposition. Le COSA, par exemple, est constitué de trois députés, trois sénateurs, un conseiller régional, un conseiller général, un maire et six personnalités qualifiées. Son action sera à l'avenir déterminante pour inciter l'administration à faire des efforts.
Par ailleurs, la loi de 2003 a permis au Gouvernement de prendre trente-trois ordonnances. Le rapport qui doit être présenté au Parlement l'a été avec un retard de cinq mois : le 11 août 2004, pour être précis. C'est la preuve qu'il ne faut pas toujours décider de délais sur le fil du rasoir, car, par la suite, on ne les tient pas !
Pour la simplification du droit par ordonnance, la caducité des ordonnances déjà adoptées est donc totalement écartée et leurs dispositions sont pleinement applicables.
Pour la codification du droit par ordonnance, quatre ordonnances devaient être prises. Là encore, cela a été fait dans les temps et leurs dispositions sont donc totalement applicables.
Ces nombreuses ordonnances ont permis au Gouvernement d'apporter des améliorations réelles à la vie quotidienne des citoyens et des entreprises. Je n'entrerai pas dans le détail, car vous le trouverez dans le rapport.
Mais maintenant, inlassablement, il faut approfondir et élargir le champ de la simplification.
Initialement, ce projet de loi comportait soixante et un articles. Après son examen par l'Assemblée nationale, il en compte soixante-cinq, soit deux fois plus que le projet de loi de l'an passé, et prévoit deux cents mesures de simplification. Il s'agit donc d'une véritable montée en puissance de la simplification du droit, puisque ce projet concerne l'urbanisme, le logement, certains régimes sociaux, le sport ou encore le droit de la consommation.
La réforme de l'Etat embrasse un champ aussi large que celui de l'action administrative, qui touche aujourd'hui la plupart des aspects de la vie courante.
C'est aussi, il faut bien le dire, la confirmation d'une méthode : l'habilitation. Le recours aux ordonnances devient l'instrument privilégié de la simplification du droit. Il n'y a rien à y redire puisque cette procédure est prévue par l'article 38 de la Constitution. L'essentiel des mesures procédera d'une habilitation législative. Cette utilisation d'une grande ampleur s'appuie sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la première loi.
L'habilitation à légiférer par ordonnance ne doit pas exclure par formalisme les modifications directes de la législation quand elles ne présentent pas de difficultés ; en effet, cela permet au Parlement d'exercer son contrôle sur ces mesures et la mise en oeuvre des dispositions est plus rapide.
C'est le cas, par exemple, des groupements d'intérêt public, de l'organisation des élections régionales, de la durée de validité des passeports et du taux de compétence des conseils de prud'hommes.
Permettez-moi de donner quelques exemples des mesures phares de ce projet de loi qui intéressent directement la population.
Le premier vise la mise en place d'un service de déclaration unique de changement d'adresse. Cela pourra se faire dans n'importe quel service administratif. Cette mesure est d'autant plus importante que 5 millions de Français déménagent chaque année.
Je vous proposerai, à ce sujet, un amendement visant à étendre ce service à la déclaration des changements de situation familiale : mariage, naissance, décès.
Le deuxième exemple a trait à la simplification du droit relatif aux opérations funéraires, avec la simplification des démarches des familles du défunt. Il s'agit en particulier de la suppression de certaines autorisations pour les transports de corps.
Un troisième exemple porte sur la simplification du droit applicable aux associations. Il n'est bien sûr pas question de toucher à la sacro-sainte loi de 1901, mais une réforme du régime des libéralités est prévue, afin de garantir une plus grande transparence des comptes de ces associations.
Un quatrième exemple concerne la réécriture du code de l'urbanisme, notamment la réduction du nombre d'autorisations et de déclarations.
Un cinquième exemple est la suppression d'autorisations pour l'activité de certaines entreprises.
Enfin, sixième exemple, la simplification des règles budgétaires et comptables des communes nous va droit au coeur.
En conclusion, la commission des lois approuve le présent projet de loi, qui poursuit et approfondit l'oeuvre de simplification de notre droit et modernise notre administration au profit des usagers.
La commission des lois vous proposera trente-six amendements visant à préciser le champ des habilitations, à introduire de nouvelles mesures d'application directe et à améliorer le dispositif destiné à faciliter le contrôle du Parlement.
Elle vous demandera, enfin, de supprimer une habilitation dans l'exercice des compétences de police administrative en Alsace-Moselle. La concertation n'a pu se faire en amont. Il faut donc que les élus de ces départements puissent, au préalable, en discuter.
Vous l'avez bien compris, mes chers collègues, ce projet de loi est un travail de titan. Il demande que l'on avance dans un certain état d'esprit et implique les efforts de tous. Il faut éviter les processus de routine, faire preuve de créativité et placer l'usager au centre de notre travail.
Certains, comme des parasites, vivent de la complexité. Ne nous privons donc pas du plaisir de simplifier. Quand on manque d'argent, ce qui est souvent le cas de l'Etat, simplifier est un bon levier pour en gagner.
Ayons de l'audace ! Ce n'est sûrement pas une « nuit du 4 août » que nous allons vivre durant ces deux jours de discussion