Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'an dernier, lors de l'examen du premier projet de loi de simplification du droit, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi, en raison du substantiel volet social qu'il comporte.
En effet, notre droit social se caractérise - et malheureusement sans doute de plus en plus - par sa singulière complexité.
Certes, une certaine dose de complexité est inhérente à sa nature puisqu'il a pour vocation de régir des rapports sociaux, par définition multiples et complexes dans nos sociétés développées, et puisqu'il s'attache de plus en plus à apporter des réponses personnalisées.
Il reste que notre droit social tend, d'année en année, à se complexifier.
Pour ma part, je vois trois causes principales à cette complexité croissante.
La première de ces causes est d'abord l'inflation des mesures née d'un empilement de textes successifs dont l'articulation est parfois pour le moins incertaine ; à titre d'exemple, l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, estime que les caisses d'allocations familiales doivent appliquer quelque 15 000 règles de droit.
La deuxième cause est l'instabilité des règles.
La troisième cause, enfin, est la « technicisation croissante » du droit, notamment de la loi, alors même que la Constitution précise pourtant que « la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail, ... et de la sécurité sociale ».
Cette complexité croissante n'est pas sans conséquences.
Elle conduit d'abord à un risque d'ineffectivité de la règle. Trop complexe, la règle est mal appliquée ou n'est pas appliquée du tout.
La lourdeur des procédures et des formalités imposées à l'ensemble des acteurs sociaux peut, au-delà des immenses pertes de temps et d'énergie qu'elle provoque, finalement décourager les usagers, notamment les plus fragiles, et restreindre ainsi l'accès au droit.
La méconnaissance des règles sociales, conséquence évidente de leur grande complexité, conduit fatalement au même résultat.
Le deuxième risque inhérent à la complexité de notre droit est celui de la fragilité de la règle.
A cet égard, la complexité se traduit souvent par une certaine ambiguïté qui ouvre alors la porte à bien des contentieux.
De fait, on constate depuis plusieurs années une tendance à la judiciarisation des relations sociales. Alors que la Cour de cassation voit diminuer le nombre des recours dont elle est saisie globalement, la chambre sociale fait figure d'exception : le nombre de recours ne fait que s'y accroître. Cette augmentation du contentieux va de pair avec une insécurité juridique évidente pour les acteurs sociaux.
Enfin, la complexité du droit social comporte un troisième risque, qu'il ne faut pas négliger dans une économie mondialisée, celui d'être un handicap sérieux pour l'attractivité de notre pays.
Dans ce contexte, les projets de loi de simplification que nous propose le Gouvernement sont particulièrement bienvenus.
Il convient toutefois de ne pas se méprendre sur la portée de ces textes. Il ne s'agit en aucun cas d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de fond, modifiant l'architecture de notre système social, comme cela avait pu être par exemple le cas pour les lois d'habilitation de 1982 et de 1986.
La démarche est plus pragmatique : il s'agit pour l'essentiel de simplifier notre droit social, d'assouplir certaines procédures lourdes ou désuètes et de faciliter la gestion de nos dispositifs au profit des acteurs sociaux : assurés, entreprises, organismes gestionnaires...
Cette démarche n'en est pas moins ambitieuse puisqu'elle conduit à entreprendre un vaste programme de révision systématique de notre droit social.
Pour autant, l'exigence de simplification, que je qualifierai de « technique », ne doit pas exonérer d'une adaptation plus profonde de notre droit social.
J'observe d'ailleurs que le Gouvernement a d'ores et déjà engagé une démarche de fond. Celle-ci s'est, par exemple, traduite dans les projets de loi relatifs à la santé publique et à la réforme de l'assurance maladie adoptés cet été. On y trouve en effet nombre de dispositions visant à rationaliser le mode de fonctionnement des caisses de sécurité sociale et des divers grands établissements sanitaires.
Dans le domaine du droit du travail, la mission confiée par François Fillon à une commission présidée par Michel de Virville avait précisément cet objet. Celle-ci était chargée de « faire des propositions à la Commission nationale de la négociation collective de nature à développer la place du droit conventionnel et à lutter contre l'insécurité juridique engendrée par la complexité législative, réglementaire et jurisprudentielle ». Certaines des propositions de cette commission - les plus techniques - sont d'ailleurs reprises dans le texte que nous examinons aujourd'hui.
Ces exemples montrent bien que le présent projet de loi, comme celui de l'an dernier, est loin d'épuiser l'impératif de simplification.
Avant de vous présenter le volet social du projet de loi qui nous est soumis, mes chers collègues, je voudrais faire un rapide bilan de l'application de la précédente loi de simplification.
Plus d'une vingtaine d'ordonnances ont été adoptées, dont la plupart sont soumises à ratification dans le présent texte.
Dans le domaine social, je citerai l'ordonnance relative à la simplification des formalités concernant les entreprises, les ordonnances visant à alléger les formalités applicables à certaines prestations sociales, à simplifier le minimum vieillesse ou encore relatives à des mesures de simplification dans le domaine du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
C'est donc une sorte de processus vertueux de la simplification que le Gouvernement a enclenché, et nous nous en félicitons : nous ratifions cette année des ordonnances pour lesquelles nous avions accordé une habilitation au Gouvernement l'an dernier. Et nous donnons à ce dernier la possibilité de prendre de nouvelles mesures de simplification au cours des six à dix-huit mois qui viennent.
Cette procédure des ordonnances prévue à l'article 38 de la Constitution convient finalement bien à l'objectif visé : les mesures à prendre sont essentiellement d'ordre technique et relèvent de législations diverses qu'il convient de regrouper, d'harmoniser, voire de codifier. Il importe néanmoins que le champ de l'habilitation soit bien délimité. Il arrive que cela ne soit pas tout à fait le cas ; je vous proposerai alors, au nom de la commission des affaires sociales, des amendements destinés à le préciser.
J'en viens maintenant au contenu des treize articles qui constituent, en tout ou partie, le volet social de ce texte.
Le paragraphe II de l'article 8 vise à supprimer une formalité administrative à la fois lourde et sans réelle portée juridique, celle de la prestation de serment devant le préfet des contrôleurs de caisses de congés payés. Ceux-ci doivent s'engager à ne pas révéler les secrets de fabrication et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission.
Tout en trouvant parfaitement justifiée la suppression de la prestation de serment devant le préfet, la commission des affaires sociales a néanmoins jugé nécessaire de maintenir dans la loi l'obligation de secret professionnel qui incombe à cette profession, obligation sanctionnée pénalement en cas d'infraction. Ce sera l'objet de mon premier amendement.
L'article 12 prévoit d'harmoniser et de simplifier la réglementation des aides personnelles au logement.
Les mesures envisagées sont essentiellement techniques, la plus importante d'entre elles étant la fusion, que nous avons jugée opportune, du FNH, le Fonds national de l'habitat, et du FNAL, le Fonds national des aides au logement.
L'article 33 s'inscrit dans la même veine. Il tend à simplifier diverses règles de fonctionnement du régime de protection sociale agricole ou du régime spécial de retraite des marins.
Je soulignerai simplement devant vous l'intérêt du 5° de cet article, qui devrait remédier à une ambiguïté des textes et se traduire par une amélioration de la situation de certains conjoints collaborateurs au regard de la retraite.
L'article 36 introduit dans le droit de la sécurité sociale la procédure de « rescrit » et rend opposables aux organismes en charge du recouvrement les circulaires publiées par l'administration.
L'équité et l'impartialité de l'application de la réglementation sociale constituent l'une des toutes premières exigences des cotisants à la sécurité sociale. Or, souvent, les organismes en charge du recouvrement ne parviennent pas, en raison du droit foisonnant et complexe qu'ils ont à appliquer, à traiter certains dossiers dans la plus parfaite homogénéité.
Pour résoudre cette difficulté, plusieurs pistes ont été explorées, soit dans la dernière convention d'objectif et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, soit dans les lois, notamment la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, mais elles n'ont pas résolu les difficultés que nous avions soulevées dès le mois de novembre 2001.
C'est dans ce contexte que l'article 36 étend le dispositif du rescrit fiscal au droit de la sécurité sociale, ce qui garantira au cotisant de bonne foi de n'être ni poursuivi ni redressé arbitrairement. En outre, il institue la faculté pour les cotisants de se prévaloir des circulaires et instructions ministérielles en vigueur.
Il faut espérer que, grâce à ces mesures, les difficultés que nous dénonçons depuis plusieurs années vont enfin être définitivement résolues.
L'article 37 vise à alléger et à simplifier les obligations incombant aux prestataires de formation professionnelle. Ce sont essentiellement, là encore, des mesures d'ordre technique qui prolongent celles qui étaient prévues dans la loi d'habilitation de l'an dernier.
L'article 37 bis, ajouté par l'Assemblée nationale, est directement inspiré du rapport de la commission Virville, dont je vous parlais voilà quelques instants. Il se rapporte à des mesures très ponctuelles en matière d'élections professionnelles. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement de précision rédactionnelle à cet article.
L'article 48 A, également ajouté par l'Assemblée nationale, est d'application directe. Il vise en effet à étendre le bénéfice de la qualité de pupille de la nation à certains enfants de fonctionnaires, civils ou militaires, décédés dans l'exercice de leurs fonctions, afin de corriger une inégalité de traitement peu fondée introduite par le législateur en 1993.
L'article 48 habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures en matière de sécurité sociale, dont, bien sûr, le fameux RSI dont vous venez de nous entretenir, monsieur le ministre.
La précédente loi d'habilitation a autorisé le Gouvernement à créer au bénéfice des travailleurs non salariés non agricoles un interlocuteur social unique pour la gestion de leurs obligations sociales. Dans le même temps, les régimes concernés - CANAM, CANCAVA et ORGANIC - ont pris eux-mêmes l'initiative de proposer leur rapprochement avec comme objectif final la création d'un régime social unique des travailleurs indépendants.
Il est ici proposé de franchir une nouvelle étape. Pour déterminer les modalités de la mise en place du RSI, le Gouvernement s'appuie sur les travaux d'un comité de pilotage animé par l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances.
Ainsi, un partage serait réalisé entre la gestion du client dans ses obligations de cotisant, qui reviendrait à la charge exclusive du RSI, et les opérations d'encaissement, qui seraient déléguées à l'URSSAF, dont la compétence est évidente en ce domaine.
Pour lever toutes les inquiétudes qui ont pu s'exprimer ces derniers temps, notamment sur ce nouveau partage des compétences, mes collègues m'avaient demandé de vous interroger, monsieur le ministre, sur la manière dont le Gouvernement entend procéder pour la mise en oeuvre, dans chacun de ses aspects, du RSI. Vous nous avez donné un certain nombre d'assurances. J'aimerais néanmoins que vous nous confirmiez que le Gouvernement sera attentif aux conséquences de ce dispositif, aussi bien pour le réseau des caisses locales des régimes des indépendants que pour leurs personnels et celui des URSSAF.
Les propos que vous avez tenus dans votre intervention liminaire sont allés dans le sens que nous souhaitons les uns et les autres.
Les autres aspects de l'article 48 sur lesquels je voudrais attirer votre attention portent, d'une part, sur les diverses mesures de simplification dans le fonctionnement et la gestion des caisses de la sécurité sociale, mesures qui interviennent dans le prolongement de la loi du 13 août dernier relative à l'assurance maladie et, d'autre part, sur la simplification des procédures d'indemnisation des victimes de l'amiante, afin, notamment, de permettre une meilleure coordination entre les caisses de sécurité sociale et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, dispositions qui nous paraissent particulièrement bienvenues.
Je vous proposerai un seul amendement de précision sur cet article.
L'article 49 concerne le domaine de l'action sociale. Il vise, d'une part, à simplifier les procédures en supprimant notamment les commissions d'admission à l'aide sociale, dont les compétences sont aujourd'hui résiduelles, et, d'autre part, à simplifier les modalités d'autorisation, de tarification, de financement et de contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux.
Parmi les mesures envisagées, je voudrais d'abord me féliciter de la fixation tant attendue des modalités de financement de la prise en charge des jeunes adultes handicapés maintenus, faute de places adaptées, dans les établissements pour enfants handicapés. Cela devrait enfin permettre de compléter, quinze ans après le vote de l'amendement Creton, le dispositif de transition entre les établissements pour enfants et ceux pour adultes handicapés.