Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 13 octobre 2004 à 15h00
Simplification du droit — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est-il possible de ne pas souscrire à l'objet du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ? Je ne le pense pas.

Notre pays a un besoin urgent de simplification. Il n'est pas question de discuter ce point.

Cependant, le nécessaire effort de simplification auquel nous devons consentir ne doit pas se faire au détriment des prérogatives de la représentation nationale, soit au détriment de la démocratie.

Il ne saurait être question de prendre par ordonnances des mesures de fond comme celles qui concernent, dans le présent projet de loi, les associations, la filiation ou les contrats de partenariat public-privé. Ces sujets touchent aux libertés publiques qui constituent le coeur de la compétence législative parlementaire. Ma collègue Jacqueline Gourault reviendra tout à l'heure sur ce point.

Pour ma part, je concentrerai mon propos sur la question du régime social des indépendants, le RSI, car elle est symbolique de l'abus qui peut être fait des ordonnances.

On va réglementer toutes ces professions sans discussion ou presque. En vertu du 12° de l'article 48 du projet de loi, le Gouvernement sera autorisé à créer un régime social des travailleurs indépendants chargé de gérer l'affiliation des assurés. Il s'agit là d'une simplification majeure, excellente au demeurant, visant à pérenniser - vous l'avez précisé tout à l'heure solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat - le régime social des travailleurs indépendants.

La complexité actuelle du régime est génératrice de perte de temps, d'énergie et d'efficacité, tout le monde en convient.

Par conséquent, le groupe de l'Union centriste salue l'effort engagé par les conseils d'administration de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA, effort qui a rendu possible la constitution d'un guichet unique, comme il en existe dans les autres régimes.

Par ailleurs, ce même projet de loi vise à prévoir la création, par ordonnance, d'un interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations des assurés. C'est là que le bât blesse.

L'intention de ce gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est-elle pas de confier obligatoirement au réseau des URSSAF la mission de recouvrer les cotisations des ressortissants du RSI ?

Pour ce faire, le RSI serait dans l'obligation de déléguer aux URSSAF cette compétence. C'est ce que nous refusons, au nom de la décentralisation et de la sauvegarde de l'emploi.

Ce faisant, nous nous faisons les porte-parole non seulement des organismes conventionnés qui sont actuellement chargés de procéder au recouvrement en question, mais également de tous les organismes professionnels de base constitutifs du régime des indépendants.

La suppression de la liberté de choix de son gestionnaire par l'assuré est une absurdité et est contraire au principe de libre organisation qui préside à notre système d'assurance sociale.

Concernant le régime des non-salariés non agricoles, ce principe n'a jamais été démenti depuis qu'il a été posé par la loi du 25 janvier 1961.

A l'heure où l'on tente d'approfondir la décentralisation, c'est une mesure qui bafoue les règles élémentaires de la démocratie, les caisses de base s'opposant aux caisses nationales.

En un mot comme en cent, il est nécessaire de faire confiance aux principaux intéressés, de les laisser s'organiser comme bon leur semble dans le cadre du nouveau RSI. Ils ont déjà fait la preuve de leur compétence. Ils disposent aussi des outils nécessaires pour le faire. Je pense au système informatique ACR, conçu dès à présent pour affilier tous les chefs d'entreprises du commerce, de l'industrie, de l'artisanat et des services pour calculer, appeler et encaisser toutes leurs cotisations sociales.

Tout est donc réuni pour que la décentralisation produise des effets bénéfiques en vertu du principe selon lequel les meilleurs systèmes sont ceux qui permettent aux partenaires d'assurer eux-mêmes la gestion de leurs intérêts.

Nul doute que le RSI effectuerait un recouvrement et une gestion plus souple, plus soucieuse des situations particulières des indépendants que ne le feraient les URSSAF.

La délégation du recouvrement aux URSSAF est d'autant moins souhaitable qu'elle serait socialement coûteuse. En effet, qu'adviendra-t-il des personnels actuellement employés par les organismes de recouvrement du régime des indépendants ? Il faudra bien reclasser les personnels des actuelles caisses nationales, et ce ne sera pas simple de les envoyer dans les URSSAF départementales. Quelle complication pour une mesure de simplification !

De plus, ces personnels ne seront pas les seuls menacés. En excluant les organismes conventionnés, assureurs et mutualistes, de la gestion des régimes sociaux des non-salariés, le Gouvernement risque de supprimer de nombreux autres emplois.

Est-ce bien la solution ? Le coût social de l'opération sera d'une particulière gravité, notamment outre-mer, et nous ne pouvons le tolérer.

J'ai invoqué là le principe de la liberté de choix profitant aux assurés et celui de l'impact d'une telle mesure sur l'emploi, mais un autre argument mérite d'être évoqué, celui de l'efficacité.

La mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales chargée de se prononcer sur le RSI a reconnu que le coût du recouvrement assuré par les organismes conventionnés du régime d'assurance maladie des non-salariés est très inférieur à celui des réseaux de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et des caisses de retraite. Pire, déléguer obligatoirement ce recouvrement aux réseaux de l'ACOSS serait générateur d'incohérences. Le travailleur indépendant se trouverait confronté à un système de va-et-vient de son dossier entre l'URSSAF et le RSI. Le gain d'une telle mesure en termes d'efficacité pourrait ainsi se révéler négatif.

Pour me résumer, je ne vois aucune raison valable de confier obligatoirement la mission de recouvrement aux URSSAF. Je me demande donc ce qui peut bien motiver le Gouvernement en la matière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion