Il est vrai que, tous, nous partageons cette exigence d'efficacité et de simplification, mais je souhaite dire, à cette occasion, combien l'usage à répétition de l'article 38 de la Constitution nous paraît dangereux.
D'une part - personne ne peut le contester - cet instrument constitutionnel ne doit pas constituer un véritable dessaisissement du pouvoir du Parlement. Il convient, au contraire, comme on le dit dans le langage commun, d'en user avec modération. Le choix de confier au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnances n'est pas l'un de ceux pour lesquels un parlementaire opte spontanément avec enthousiasme.
Nous pouvons, bien sûr, contrôler les mesures prises par le Gouvernement lors de la ratification des ordonnances, mais nous savons pertinemment que, dans les faits, cette capacité est limitée.
Ce constat est d'autant plus regrettable que, d'une part, les sujets abordés sont très variés et souvent majeurs et que, d'autre part, le calendrier parlementaire ne nous permet pas d'organiser en commission les auditions qui paraissent pourtant nécessaires.
Il faut souligner également qu'un certain nombre d'articles d'habilitation sont du domaine réglementaire. Il est donc curieux que le Gouvernement nous demande une habilitation qui est de son propre domaine de compétence.
Le texte lui-même, en six chapitres et soixante-trois articles, regroupe plus de deux cents mesures touchant des domaines extrêmement variés, du secteur sanitaire et social à l'administration en passant par le logement et l'agriculture.
Certaines de ces mesures auront un effet direct sur la vie des citoyens : vous comprenez donc que l'idée même de légiférer par ordonnance nous gêne. D'ailleurs, l'intitulé même du projet de loi - « Simplification du droit » - ne nous semble pas tout à fait approprié.
Certes, l'objectif du Gouvernement, à savoir simplifier le droit, est louable. Il en va ainsi en ce qui concerne, notamment, les relations entre les administrés et les administrations, la législation applicable en matière de police de l'eau, de la pêche et des milieux aquatiques.
Ce que nous contestons, c'est le champ de l'habilitation. J'évoquerai trois sujets particuliers : tout d'abord, le droit d'association ; ensuite, le droit de la filiation ; enfin, les contrats de partenariat public-privé.
Parmi les droits les plus précieux figure le droit fondamental d'association, reconnu en 1848 et consacré dans la célèbre loi de 1901, toujours en vigueur. Cette loi est, en effet, la pierre angulaire d'une démocratie, puisque la liberté d'association porte en elle le multipartisme, sans lequel il n'y a pas de démocratie authentique, comme le montrent de nombreux exemples à travers le monde aujourd'hui.
Les associations sont très importantes en France : elles totalisent 35, 6 millions d'adhésions en 2002. Le bénévolat est un moyen de se sentir utile à la société et de s'épanouir quand il n'est pas un vecteur d'action militante très utile à notre société.
Il faut donc absolument que ce droit d'association soit préservé. L'article 34 de la Constitution dispose, en premier lieu, que « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».
Nous ne pouvons accepter, en conséquence, que cette liberté, fondamentale par sa valeur et son symbolisme, fasse l'objet d'une ordonnance. Nous avons déposé un amendement afin de retirer cette habilitation du projet de loi, car il s'agit d'un sujet beaucoup trop sensible pour que nous acceptions un dessaisissement du Parlement.
Partant du même principe que, compte tenu de leur importance, certains sujets touchant directement à la vie de nos concitoyens ne peuvent figurer dans ce projet de loi, nous contestons que le droit de la filiation et d'autres dispositions du code civil puissent être modifiés par voie d'ordonnances. La commission des lois a également formulé ces réserves. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez les entendre.
Je le répète : notre groupe est formellement opposé à ces dispositions : le code civil ne peut être modifié par ordonnances.
La ratification de l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat public-privé proposée par la commission des lois constitue un autre sujet d'inquiétude. Mon collègue Jean-Paul Amoudry avait fait remarquer, lors de l'examen du premier projet de loi d'habilitation, que le recours à ce type de contrat risquait de nuire aux petites entreprises.
Il n'est pas question d'être frileux en matière d'évolution des règles de procédure des marchés publics, mais nous tenons à rappeler que l'élargissement des contrats globaux est une pratique dangereuse. Le risque est en effet que les contrats soient monopolisés par les grands groupes qui maîtrisent la chaîne de la réalisation d'un bout à l'autre. Par conséquent, les petites entreprises du bâtiment et les architectes seront exclus de ces missions de service public.
Par ailleurs, cette nouvelle législation conduira non seulement à une perte de la qualité architecturale au profit de « produits » banalisés, mais surtout à une déstructuration du tissu régional des PME du bâtiment, à cause de l'utilisation élargie de la conception-réalisation.
Rappelons, d'une part, que le Conseil constitutionnel, qui craint que ce nouveau dispositif ne banalise ce qui devrait être une procédure dérogatoire, a exprimé des réserves ; d'autre part, que plusieurs recours en annulation ont été déposés devant le Conseil d'Etat.
Ne serait-il pas préférable, monsieur le secrétaire d'Etat, d'attendre les avis du Conseil d'Etat et de repousser la ratification de cette ordonnance ?
Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je voulais apporter en complément de l'autre sujet majeur qui a été abordé par mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe.
Vous aurez compris que le groupe de l'Union centriste émet les plus vives réserves sur l'utilisation répétée d'une telle procédure censée simplifier le droit. Nous attendons vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que nos revendications soient entendues.