Il s'agit là d'un point important, charnière, de notre débat. Cet article 4 appelle à discussion, et vous avez d'ailleurs fait référence aux longs débats qu'il a suscités à l'Assemblée nationale.
Derrière le droit, il y a des situations familiales, qu'il faut évidemment traiter.
Ces amendements sur la filiation sont donc fondamentaux et je souhaite vous apporter des explications détaillées afin de vous convaincre de rejeter les amendements de suppression et d'adopter l'amendement du Gouvernement. Je rejoins d'ailleurs en grande partie les propos très lumineux du président de la commission des lois ainsi que ceux du rapporteur.
Nous n'avons nullement la volonté de modifier les principes fondamentaux du droit de la filiation. Cela n'aurait pas sa place dans une ordonnance. Notre but est seulement d'apporter à ce droit la clarté et la sécurité que nos concitoyens exigent et qui correspondent pleinement à l'objet de ce projet de loi d'habilitation.
Les grands débats sur la filiation ont eu lieu. Les principes fondamentaux ne sont évidemment pas modifiés. Ils résultent d'abord de la loi du 3 juillet 1972 relative à la filiation. Cette loi avait déjà posé le principe de l'égalité, vous l'avez rappelé, entre les filiations légitimes et les filiations naturelles.
Ces principes fondamentaux ont été approfondis par les lois du 3 décembre 2001 et du 4 mars 2002. Celles-ci ont supprimé les distinctions entre les enfants naturels et les enfants légitimes, s'agissant des droits successoraux, des règles de dévolution du nom de la famille et, enfin, de l'autorité parentale. Ces lois ont fait l'objet de débats extrêmement approfondis.
Ainsi, vous le constatez, le Parlement a déjà réformé le droit de fond de la filiation. L'ordonnance projetée ne reviendra évidemment pas sur ces évolutions essentielles et sur l'égalité entre les enfants. Il n'est évidemment pas question d'étendre la présomption de paternité du mari au profit du père non marié, qui devra toujours reconnaître son enfant.
Je voudrais maintenant vous détailler point par point l'objet, peut-être plus technique, de l'ordonnance telle qu'elle vous est présentée à travers ces sept tirets.
En premier lieu, nous voulons « tirer les conséquences de l'égalité de statut entre les enfants ». Cela vise à toiletter le code civil.
Celui-ci est encore rédigé sur le fondement d'une hiérarchie entre les filiations naturelle et légitime, hiérarchie que vous avez vous-même souhaité, avec le Gouvernement, supprimer.
Cette distinction a perdu toute portée juridique : il s'agit simplement d'en tirer les conséquences. Nous ne faisons que tirer les conséquences des grands débats qui ont eu lieu.
En deuxième lieu, nous voulons « unifier les conditions d'établissement de la filiation maternelle ».
Rien ne permet plus d'expliquer que les modalités d'établissement de la maternité soient différentes selon la situation conjugale de la mère et qu'il soit encore exigé de la mère non mariée qu'elle aille reconnaître son enfant en mairie, alors que la mère mariée en est dispensée. C'est une situation extrêmement concrète.
En troisième lieu, nous voulons « préciser les conditions de constatation de la possession d'état ».
Cette notion assure la prise en compte par le droit de la réalité sociologique et affective du lien de filiation. Depuis 1982, elle constitue un mode d'établissement de la filiation sans que son régime juridique ait été organisé. Il s'agit seulement de le faire, ce qui garantira une meilleure sécurité du lien de filiation établi par la possession d'état.
En quatrième lieu, nous voulons « harmoniser le régime procédural de l'établissement judiciaire de la filiation ».
Il convient en effet de simplifier les délais prévus pour l'établissement du lien de filiation en les harmonisant. Aujourd'hui, l'enfant dispose à sa majorité de deux ans pour rechercher son père et de trente ans pour rechercher sa mère. Un délai unique de dix ans est prévu.