Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 4 juillet 2005 à 15h00
Confiance et modernisation de l'économie — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vital et urgent de redonner à notre économie les moyens de créer des richesses et des emplois. Tel est notre objectif, votre objectif, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, le retour d'une croissance fructueuse se fait trop attendre. Si 76 % des investisseurs ne croient pas à une amélioration à court terme de la situation économique, cela peut déjà s'expliquer par les constantes et incertaines réévaluations des chiffres de la croissance.

Pourquoi ne pas s'astreindre à une véritable obligation de sincérité budgétaire dans le projet de loi de finances ?

En identifiant et dénouant les blocages structurels en matière d'accès au crédit bancaire, l'Etat est ici pleinement dans son rôle de stabilisateur macroéconomique. Le montant des crédits accordés aux PME est passé de 322 milliards d'euros au 31 décembre dernier à 333 milliards d'euros au 30 avril 2005.

La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite loi Dutreil, a enfin accéléré le processus des créations d'entreprises avec un surcroît de 18 % pour 2004. Les premiers effets positifs se font donc sentir, mais les PME françaises restent structurellement sous-capitalisées. Ce handicap est évident !

En matière d'outils de financement des entreprises, la France se distingue très négativement au sein de l'Union européenne. Avec un taux d'épargne des ménages pour 2003 de 15, 8 %, notre pays dépasse de 6 points la moyenne de la zone euro.

Le problème ne réside pas tant dans ce chiffre, anormalement élevé, que dans l'orientation de cette épargne : seule une épargne affectée à l'investissement peut permettre à l'appareil de production de se renforcer efficacement. Nous en sommes loin !

Il faut allier politique de relance de la consommation et politique d'amélioration des conditions de vie des entreprises, pour parvenir à optimiser la performance économique. On constate que ce niveau élevé de l'épargne, et son vraisemblable corollaire, l'ampleur abyssale des déficits publics, font peser sur les ménages et les entreprises une incertitude chronique et insoutenable.

Plusieurs facteurs viennent alimenter cette situation : l'absence de croissance du pouvoir d'achat, le goût peu prononcé pour la prise de risques en matière d'investissement, ou encore le manque de lisibilité pour les ménages de l'accès aux placements financiers. Néanmoins, l'augmentation du taux d'épargne financière des Français, passé de 2 % en 1988 à près de 8 % du revenu disponible brut en 2002, est positive.

L'optimisation de l'orientation de l'épargne, attribut de la puissance publique, doit permettre une véritable adéquation entre l'offre de revenus disponible et le besoin de financement des entreprises. Pour réorienter une épargne trop liquide et insuffisamment investie en actions, il faut absolument que nous réussissions à développer la culture du risque et de la diversification des placements chez les épargnants.

L'amélioration du financement des entreprises nécessite également que soit facilité l'accès des entreprises aux sources de financement répondant à leurs besoins. Le taux d'autofinancement des entreprises se situe depuis 2002 à des niveaux trop bas, de l'ordre de 88 %, alors qu'il atteignait 115 % en 1996. La situation financière des entreprises, si elle demeure trop dégradée, n'entraînera qu'une faible reprise de l'investissement et donc de la croissance.

Il faut dénoncer l'insuffisance de l'intermédiation bancaire. Les banques jouent, nous le savons, un rôle stratégique dans la transformation de l'épargne courte en crédit long, spécialement à l'endroit des PME. Mais les marchés financiers sont encore largement hors de leur portée. Incitons donc les banques à tenir leur rôle d'appui et de soutien au financement des PME. De même, l'Etat doit accélérer la création des fonds d'investissement de proximité. Ils ne sont que quinze à ce jour...

Il apparaît aujourd'hui indispensable de réfléchir à la nécessaire responsabilisation des hauts fonctionnaires occupant des postes de direction dans de grandes entreprises liées aux secteurs les plus capitalistiques de l'économie. A l'image des trésoriers-payeurs généraux, il paraît juste que soit mis en place un dispositif engageant la responsabilité personnelle de ces hauts fonctionnaires.

Une autre problématique récurrente doit continuer à nous interpeller : le renforcement de l'attractivité du territoire, impératif catégorique de l'action de l'Etat. En 2004, le flux d'entrée des investissements directs étrangers a chuté de 21 %. L'image de la France se dégrade auprès des investisseurs étrangers. Les conséquences sont criantes sur l'emploi : notre pays vient ainsi de se faire doubler par la Pologne, en termes d'emplois créés directement du fait d'implantations internationales. De plus, les investisseurs se gardent d'implanter leur siège dans notre pays pour des raisons fiscales évidentes. Alors qu'il était ministre des finances, M. Fabius avait même autorisé la holding de Renault - l'Etat était alors l'actionnaire majoritaire -à s'implanter aux Pays-Bas !

Les maux sont bien connus. Nous attendons toujours les remèdes. Selon le tableau de bord pour juin 2005 de l'Agence française des investissements internationaux, les indices synthétiques de compétitivité globale des agences de notation pointent systématiquement la pression fiscale, la rigidité, la conflictualité et la judiciarisation des relations de travail. La France doit attirer les investisseurs, tout en se prémunissant des effets d'aubaine, ou des hit and run entries, très destructeurs d'emplois.

Ces problèmes d'attractivité se doublent de ceux qui sont liés aux délocalisations, et qui sont légitimement au coeur des préoccupations de nos compatriotes. Le Président de la République a appelé de ses voeux le lancement d'une nouvelle grande politique industrielle, architecture d'une politique d'ancrage de l'emploi. Les pôles de compétitivité, ou bien encore les Small Business Acts, qui permettraient d'attribuer directement à des PME l'exécution de commandes publiques, constituent deux solutions possibles.

Monsieur le ministre, dans ce projet de loi vous prenez acte de ces maux. Vous vous proposez de donner à notre économie de nouveaux dispositifs à la hauteur de nos attentes. Mais le seul critère d'appréciation de ces mesures sera leur efficacité, jugée à l'aune des créations d'emplois et de la valeur ajoutée produite.

Votre projet de loi se nourrit d'un volontarisme que la majorité des membres du groupe du RDSE approuve. C'est pourquoi elle votera ce texte.

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