Séance en hémicycle du 4 juillet 2005 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, je rappelle qu'au cours de la séance du lundi 27 juin 2005 il a été donné connaissance au Sénat du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du vendredi 1er juillet 2005.

Je constate que la session extraordinaire est ouverte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le compte rendu analytique de la séance du jeudi 30 juin 2005 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le Président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une requête contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 19 juin 2005 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection d'un sénateur.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, établi en application de l'article 5 de la loi organique du 29 juillet 2004, ainsi que le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, établi en application de l'article 48, premier alinéa, de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein :

- de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en raison de l'échéance du mandat de M. Philippe Marini ;

- du conseil d'orientation de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, en raison de l'échéance des mandats de MM. Marcel Deneux et Gérard Le Cam.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite les commissions des finances et des affaires économiques à présenter des candidatures.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (nos 412, 445).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je me réjouis de revenir devant vous aujourd'hui pour discuter en deuxième lecture de ce projet de loi organique.

La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, est, depuis son origine, le fruit d'un travail consensuel, collectif, et de la bonne volonté de parlementaires issus de la majorité comme de l'opposition. Je veux, de ce point de vue, rendre tout particulièrement hommage à Alain Lambert, qui ne peut malheureusement être présent aujourd'hui : il a été l'un des inspirateurs de cette réforme de notre constitution financière. Celle-ci ouvre une voie nouvelle vers une administration plus lisible, un Etat plus efficace, plus transparent, et elle représente pour les Français une réponse forte en matière de démocratie et de bonne gestion des deniers publics.

Les contributions d'Alain Lambert et de Didier Migaud, tous deux parlementaires en mission auprès de moi, me sont absolument indispensables dans cette dernière phase avant la mise en application effective de la LOLF.

Ma reconnaissance va aussi au président Jean Arthuis, rapporteur de ce texte, qui, je le sais, ne ménage pas ses efforts pour faire de la LOLF et de sa mise en oeuvre un vrai succès.

Cet esprit de consensus, le Gouvernement s'est attaché à le préserver depuis 2002, à chaque étape, d'abord en associant systématiquement le Parlement, que ce soit sur la maquette ou sur le choix des objectifs et des indicateurs, ensuite en tenant le plus grand compte des propositions du Parlement et de la Cour des comptes, en particulier à propos des 650 objectifs et des 1 300 indicateurs du projet de loi de finances pour 2006, dont la liste a été publiée à l'occasion du débat d'orientation budgétaire qui aura lieu dans votre assemblée mercredi prochain.

C'est tout à l'honneur de notre démocratie d'avoir su se rassembler sur un sujet aussi constructif et innovant ; c'est suffisamment rare pour être salué. Nous avons travaillé dans cette logique de consensus avec l'ensemble des membres de cette assemblée. C'est dans ce même esprit que je vous propose d'aborder la seconde lecture de ce projet de loi organique.

C'est désormais dans moins de six mois que se fera, dans l'ensemble de notre pays, le passage au nouveau mode de constitution financière.

Ne nous y trompons pas : il s'agit d'une révolution majeure pour l'ensemble de notre administration. A certains égards, c'est un événement beaucoup plus important que le passage à l'an 2000, où l'on craignait un bug informatique, ou même que le passage à l'euro. Car à l'époque, ce qui comptait, c'était que tout soit terminé au 1er janvier. Là, tout commence au 1er janvier : c'est un point de départ et non un point d'arrivée.

Toute mon énergie est concentrée sur la réussite de cette réforme ; c'est ma priorité absolue comme ministre délégué au budget et comme ministre en charge de la réforme de l'Etat. En effet, la LOLF « nouvelle manière » combine ces deux aspects de ma mission : elle est donc au coeur de mon activité ministérielle.

Je crois d'ailleurs que le rapprochement de ces deux missions - le budget et la réforme de l'Etat - offre une occasion historique d'avancer dans le sens de la performance, de la qualité et d'une dépense publique plus efficace.

Pour moi, c'est non pas le budget qui a absorbé la réforme de l'Etat, mais la réforme de l'Etat qui a absorbé le budget, d'où la nécessité pour Bercy de sortir d'une logique purement comptable et de se placer résolument dans une logique de qualité.

Nous devons rendre des comptes aux Français sur la bonne gestion des deniers publics et leur donner des rendez-vous réguliers sur l'évaluation, la performance et la productivité, mots qui prennent tout leur sens cette année avec la préparation du budget dans ce nouveau cadre comptable.

L'année 2005 est donc capitale. Beaucoup a déjà été fait depuis le début de cette année ; quelques données illustrent l'ampleur de la mobilisation.

Le cadre du budget est connu : 34 missions, 133 programmes et près de 600 actions.

La chaîne de responsabilités est définie : 80 responsables de programme et 950 responsables de budgets opérationnels de programme.

A tous les niveaux, les agents se mobilisent et se forment : en 2003, 80 services ont été formés, en 2005, ils sont 500, ce qui représente 600 000 fonctionnaires formés, ou en voie de l'être, pour la mise en oeuvre de la nouvelle constitution budgétaire.

De ce mouvement, nous percevons déjà les premiers effets : la réflexion sur les missions et le sens de l'action conduite sur la gestion des ressources humaines, sur le dialogue social, gagne naturellement en contenu.

C'est tout un esprit nouveau, une culture nouvelle qui irrigue chaque niveau de l'administration de notre pays. De ce point de vue, il s'agit du plus formidable levier de réforme de l'Etat que l'on puisse imaginer.

Je profite d'ailleurs de ma présence à cette tribune pour saluer le travail accompli par les fonctionnaires de l'administration française : leur mobilisation et leurs efforts vont permettre, le 1er janvier, d'atteindre les objectifs fixés par la représentation nationale. Il n'est pas si fréquent de pouvoir mesurer de manière concrète le travail réalisé, et j'en remercie au premier chef la direction de la réforme budgétaire et son directeur, M. Frank Mordacq, qui a piloté l'ensemble de ce dispositif.

Ce projet de loi organique répond à trois objectifs.

Tout d'abord, il tend à éviter de répéter les erreurs du passé concernant d'éventuelles plus-values fiscales. Ce texte s'inscrit en effet dans un contexte précis, celui d'un pays qui a accumulé 1 000 milliards de dettes. Face à ce constat, nous avons une obligation : une gestion responsable et rigoureuse de nos finances publiques.

D'ailleurs, les Français ne demandent rien d'autre : ils attendent de leurs dirigeants qu'ils disent la vérité et qu'ils assument leurs responsabilités. L'objet du texte que je vous propose est que l'on puisse désormais veiller à ce que les fruits de la croissance ne puissent être dilapidés dans la plus grande opacité.

La LOLF, ainsi modifiée, obligera le Gouvernement à annoncer à l'avance devant le Parlement ce qu'il entend faire des recettes supplémentaires, en toute transparence. C'est le moins que l'on puisse attendre d'une démocratie moderne !

Ensuite, ce texte vise à renforcer les droits du Parlement.

Je pense, en particulier, à l'heureuse initiative du président Jean Arthuis sur les partenariats public-privé. Cette disposition tend à éviter que les engagements financiers de l'Etat au titre de ces contrats de long terme n'échappent à la comptabilité publique, donc à votre contrôle. Cela va tout à fait dans le sens de ce que l'on peut souhaiter.

Votre assemblée a eu parfaitement raison de soulever ce sujet : dès lors que l'on veut développer ces nouvelles techniques de gestion, il faut trouver un dispositif qui permette leur traitement budgétaire et leur appréhension comptable. De ce point de vue, la contribution de l'Assemblée nationale, en liaison étroite avec le Sénat et avec vous-même, monsieur le président de la commission, a permis de parvenir à une rédaction qui devrait convenir à tout le monde.

La discussion entre vos assemblées a permis également de parvenir à un compromis à propos du rapport annuel de la Cour des comptes. Le Gouvernement a laissé la représentation nationale convenir de la meilleure formule. Le plus important me paraît être de s'assurer que les travaux de la Cour soient suivis d'effet. A cet égard, je veux saluer le travail en profondeur réalisé par votre commission.

Enfin, ce projet de loi organique a pour objet de donner les moyens de mieux maîtriser la dépense publique.

Vous connaissez l'engagement que j'ai pris devant vous de tenir la dépense publique. Voilà pour le principe ! Encore faut-il avoir les instruments pour tenir cet engagement. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé un dispositif destiné à améliorer nos procédures de maîtrise de la dépense publique. Vous le savez, cet amendement est le fruit d'une intense concertation et de la collaboration très précieuse des deux assemblées. Je veux, là encore, remercier MM. Lambert, Arthuis et Marini de leur aide et de leur travail.

Le système que je vous soumets aujourd'hui est centré sur la notion de régulation.

La régulation a mauvaise presse ; elle fait l'objet de critiques récurrentes et justifiées : réputée injuste, déresponsabilisante, elle désorganise l'activité des services en arrivant souvent trop tard dans l'année. On sait comment tout cela fonctionne : des décisions arbitraires conduisent à mettre en réserve ou à geler des crédits dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

C'est tout le sens de l'amendement proposé par le Gouvernement.

Il prévoit, d'abord, une information obligatoire du Parlement, dès le projet de loi de finances initial, sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour maîtriser l'exécution, c'est-à-dire respecter l'autorisation fixée par le Parlement. Il s'agit d'une annexe obligatoire, au même titre que le rapport économique, social et financier.

Il prévoit, ensuite, une mise en réserve systématique, au sein de chaque programme, d'une part des crédits. Il s'agira de taux forfaitaires, mais on prendra soin de distinguer un taux pour les dépenses de personnel et un taux pour les autres dépenses eu égard à la nature profondément différente des deux types de crédits.

Enfin, ces crédits constitueront une tranche « conditionnelle » s'ajoutant à la tranche ferme sur laquelle chaque gestionnaire pourra compter. C'est un élément très important, car les conditions d'utilisation éventuelle de ces crédits devront être définies en amont et en toute transparence. Je suis très soucieux de limiter le plus possible les conséquences négatives de la régulation pour les gestionnaires. De ce point de vue, la mise en perspective de ce dispositif en amont sera évidemment très importante.

L'objet de ce dispositif est d'instaurer une procédure à la fois plus efficace, plus transparente vis-à-vis de la représentation nationale, et plus responsable, puisque les gestionnaires sauront le 1er janvier de chaque année sur quels crédits ils peuvent compter à coup sûr.

Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, toute une série de raisons qui justifient pleinement l'existence de ces nouvelles dispositions venant améliorer notre loi organique. Ce sont des éléments importants qui renforcent la lisibilité, l'efficacité et la crédibilité du dispositif, autant de principes qui nous rassemblent dans un esprit de démocratie et de vérité.

A la veille de notre débat d'orientation budgétaire, qui prend naturellement une tout autre dimension, il me semble que ce texte a trouvé sa forme définitive. Il convient donc d'en permettre une adoption rapide, si vous le voulez bien. Il pourra ainsi entrer en application, après l'intervention du Conseil Constitutionnel nous donnant tous les instruments nécessaires à l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

A six mois de la gestion 2006, qui nous permettra de voir fonctionner notre nouvel outil, je crois que la LOLF ne doit plus être modifiée.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Nous verrons bien ce que cela donnera dans les mois et les années à venir. L'attention est désormais tout entière tournée vers le succès de sa mise en oeuvre : à nous de faire en sorte que cet instrument soit le fer de lance de la modernisation de l'Etat.

Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des divergences politiques qui peuvent bien souvent nous opposer, il y a - en tout cas je le souhaite- matière à tous nous retrouver.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je pense comme vous, monsieur le ministre, que le projet de loi organique qui nous est soumis est sans doute dans sa forme définitive.

Je souhaite d'abord évoquer l'historique de la navette de ce texte, engagée à l'automne dernier.

Le projet de loi organique était initialement composé d'un article unique, pour prévoir que la première partie de la loi de finances de l'année devra arrêter les modalités d'utilisation des éventuels surplus, par rapport aux évaluations, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat. Cet article a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté cinq articles à ce texte, dont quatre ont été adoptés sans modification par le Sénat.

L'article 2 fixe au 10 octobre la date limite des réponses ministérielles aux questionnaires budgétaires.

L'article 3 ajoute à la liste des documents joints au projet de loi de finances de l'année une présentation indicative des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public, avec la justification des variations par rapport à la situation existante. Les emplois dont il s'agit se situent en dehors du champ des plafonds d'emploi.

L'article 4 prévoit, symétriquement, que la présentation des emplois effectivement rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public fera l'objet d'un document joint au projet de loi de règlement.

Selon l'article 5, sans préjudice des pouvoirs de contrôle déjà dévolus au président, au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux, la commission des finances de chaque assemblée accordera des pouvoirs de contrôle, chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs de ses membres.

Cet article, comme les précédents, a été adopté sans modification par le Sénat. La commission des finances a interprété ce texte comme confortant, pour une large part, des pratiques déjà mises en place en son sein. Celui-ci semble plutôt destiné à l'usage de l'Assemblée nationale, dont la commission des finances, contrairement à celle du Sénat, ne confie pas un rapport budgétaire à chaque commissaire. Il s'agit de permettre aux membres de l'opposition de se saisir de rapports de contrôle.

L'article 6 prévoyait la possibilité d'organiser des débats parlementaires à l'occasion de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes ou de ses autres rapports publics. Il étendait à la préparation de ces débats la mission d'assistance au Parlement de la Cour des comptes.

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, a été supprimé par le Sénat en première lecture, sur proposition de la commission des finances, qui, tout en comprenant et en partageant totalement les objectifs poursuivis, a considéré que, sur un plan normatif, la disposition était superfétatoire.

L'Assemblée nationale n'a pas rétabli cet article, du moins sur un plan formel, les dispositions ayant toutefois été, partiellement il est vrai, reprises dans l'article 11 ; j'y reviendrai.

En première lecture au Sénat, sur amendements de la commission des finances, deux articles additionnels ont été adoptés au sujet des partenariats public-privé.

L'article 7 prévoit que ceux-ci devront faire l'objet d'une autorisation d'engagement couvrant la totalité de la dépense, qu'il s'agisse d'investissements, de maintenance, de frais d'exploitation ou de gestion. Cette disposition a été adoptée avec l'accord du Gouvernement.

L'article 8 dispose que les dépenses correspondantes figureront au sein de la dette des administrations publiques lorsque l'Etat supportera la plupart des risques liés à la propriété des actifs. Sur cet article, le Gouvernement avait exprimé un avis pour le moins réservé, pour ne pas dire défavorable.

Ces deux articles avaient pour objet d'éviter que l'on n'utilise les partenariats public-privé comme une simple commodité budgétaire.

J'ai encore en mémoire les propos d'un ministre éminent vantant à cette tribune les partenariats public-privé, formidables, selon lui, parce qu'il n'y a pas de régulation budgétaire. J'ajouterai : c'est encore mieux s'il n'y a pas d'autorisation d'engagement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, tout en partageant les préoccupations à l'origine de ces deux articles, a adopté une nouvelle rédaction apportant aux dispositions proposées des modifications qui apparaissent bienvenues.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture, inséré quatre nouveaux articles.

L'article 1er bis prévoit que les lois de finances rectificatives pourront modifier les modalités d'utilisation des surplus de recettes fiscales qui auront été définies en loi de finances initiale conformément à l'article 1er du présent projet de loi organique.

L'article 9 organise l'information du Parlement dans le projet de loi de finances de l'année sur les mises en réserve prévues de crédits.

L'article 10 prévoit que le compte général de l'Etat, joint au projet de loi de règlement, comportera une présentation du traitement comptable des partenariats public-privé.

Enfin, l'article 11 autorise l'organisation d'un débat dans chaque assemblée parlementaire sur le rapport annuel de la Cour des comptes. Cet article reprend, partiellement, les dispositions de l'article 6 du présent projet de loi organique, dont la suppression, votée par le Sénat en première lecture, a été maintenue par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Examinons maintenant, un par un, les articles restant en discussion.

L'Assemblée nationale a inséré un article 1er bis au projet de loi organique pour prévoir que le « collectif » pourra modifier les modalités d'utilisation des éventuels surplus de rentrées fiscales, telles qu'elles auront été arrêtées par la loi de finances de l'année selon l'article 1er du présent projet de loi organique.

Ainsi, une loi de finances rectificative pourrait modifier, à la fin du printemps, par exemple, les modalités d'utilisation des surplus arrêtées dans la loi de finances de l'année votée à l'automne précédent. Cette modification pourrait intervenir trois mois seulement avant la présentation du prochain projet de loi de finances de l'année comprenant la « constatation » de l'éventuel surplus.

Le présent article semble donc accroître la marge de manoeuvre du Gouvernement en lui accordant plus de souplesse et limiter parallèlement le caractère « volontariste » de l'article 1er, à l'origine du présent projet de loi organique.

D'une certaine manière, cet article pourrait être considéré comme « relativisant » la portée de l'article 1er. Toutefois, la disposition proposée paraît incontestable dans son principe, les circonstances pouvant en effet conduire le Gouvernement à « moduler » les décisions initiales en cours d'exercice.

La commission des finances vous propose donc l'adoption sans modification de l'article 1er bis.

L'origine de l'article 7 revient au Sénat, qui, en première lecture et sur proposition de la commission des finances, a souhaité que « pour les opérations menées en partenariat pour lesquelles l'Etat confie à un tiers une mission globale relative au financement d'investissements ainsi qu'à leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, l'autorisation d'engagement couvre la totalité de l'engagement financier ».

En d'autres termes, le texte du Sénat rendrait obligatoire une autorisation parlementaire sous la forme d'autorisation d'engagement- pour le lancement des partenariats public-privé, l'autorisation devant couvrir aussi bien l'investissement que les dépenses de maintenance, d'exploitation et, éventuellement, de gestion. Il s'agit donc de permettre au Parlement d'exercer pleinement ses prérogatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Qu'est-ce qui vous permet de dire cela, madame Luc ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous le savez très bien ! Nous avons eu ce débat en commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Sans être la meilleure formule en toutes circonstances, les partenariats public-privé peuvent, dans certaines hypothèses, constituer un moyen d'améliorer l'efficacité de la dépense publique - préoccupation de Mme Luc -, ce qui n'empêche pas de veiller à leur transparence budgétaire - autre préoccupation de Mme Luc.

Cette formule ne doit cependant pas se réduire à un moyen d'échapper aux contraintes budgétaires. Bien au contraire, le projet de loi de finances doit clairement faire apparaître les engagements financiers de l'Etat résultant des partenariats public-privé.

L'objectif du Sénat de soumettre le financement des partenariats public-privé à autorisation d'engagement a été approuvé par l'Assemblée nationale, qui a toutefois modifié la rédaction du présent article pour mieux préciser son champ.

La formulation retenue par le Sénat pourrait conduire à ouvrir, dès l'année de conclusion du contrat, des autorisations d'engagement correspondant au coût total du contrat, comprenant aussi bien l'investissement que la maintenance et, éventuellement, les dépenses de gestion.

Compte tenu du fait que les partenariats public-privé ont vocation à courir sur le long terme, le montant des autorisations d'engagement à ouvrir en loi de finances pourrait être considérable, ce qui rendrait difficile la signature de contrats qui n'auraient pas été suffisamment anticipés, alors même que l'ordonnance du 17 juin 2004 fait figurer l'urgence parmi les cas de recours à ces contrats.

L'importance des autorisations d'engagement à ouvrir pourrait alors rendre le recours aux partenariats public-privé exceptionnel, ce qui priverait l'Etat d'un outil permettant, dans certaines hypothèses, une plus grande efficacité de la dépense publique.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale tend à substituer à l'expression : « totalité de l'engagement financier » la formule, plus restrictive : « totalité de l'engagement juridique », afin que l'autorisation d'engagement ne couvre que la partie certaine de l'engagement contracté.

Les coûts d'investissement devraient être couverts dès la première année en totalité, tandis que les coûts de fonctionnement et les coûts de financement, au contraire, feraient l'objet d'autorisations d'engagement année par année. Les coûts liés au dédit éventuel seraient couverts par des autorisations d'engagement dès la première année.

Au total, l'article 7, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, apparaît incontestablement clarificateur, sans qu'il remette aucunement en cause l'objectif visé par le Sénat. La commission des finances propose donc au Sénat de l'adopter.

En première lecture, sur l'initiative de la commission des finances, le Sénat a prévu, à l'article 8, que les partenariats public-privé dans lesquels l'Etat supporte la plupart des risques liés à la propriété des actifs figurent au sein de la dette des administrations publiques, en tant que prêts imputés, dans la limite de la valeur nette comptable des investissements. C'était là une rédaction quelque peu hâtive, j'en conviens.

J'avais indiqué au Sénat en séance publique, lors de la première lecture du texte, qu'il me paraissait nécessaire, pour avoir une image fidèle de l'endettement de l'Etat, « d'inscrire dans les dettes de l'Etat celles qui correspondent à des portages d'opérations par des tiers. En effet, lorsque l'Etat confie à des opérateurs privés le soin de construire une prison ou une gendarmerie, l'objectif à atteindre est le même que si l'Etat conduisait ces opérations en tant que maître d'ouvrage. Nous souhaitons donc que la dette de l'Etat prenne en compte de tels financements, à hauteur des investissements dans leur valeur nette comptable. »

La question posée est celle de l'incidence des partenariats public-privé sur la capacité ou sur le besoin de financement public et sur la dette publique au sens du traité de Maastricht. L'Assemblée nationale a approuvé l'objectif visé par le Sénat, tout en proposant une nouvelle rédaction susceptible de répondre à certaines interrogations.

Selon un avis du Conseil d'Etat, le législateur organique n'est compétent que pour fixer les principes généraux de la comptabilité publique. Les règles de traitement comptable des partenariats public-privé ne peuvent donc pas figurer dans la loi organique relative aux lois de finances. En outre, les règles de comptabilité nationale sont harmonisées à l'échelon européen.

Pour autant, le Parlement doit être informé en toute transparence des conditions du traitement comptable des opérations de partenariat public-privé.

Dans cet esprit, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 8. Le texte soumis aujourd'hui au Sénat prévoit que le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l'année comportera une explicitation de la « clé de passage » entre le solde budgétaire de l'Etat et la capacité ou le besoin de financement de l'Etat, au sens des engagements européens de la France. La complexité de cette « clé de passage » justifie en effet qu'une explication détaillée soit donnée au Parlement.

Selon la rédaction qui nous est soumise, le rapport précité devra expliciter le passage, pour l'année considérée et celle qui précède, du solde budgétaire à la capacité ou au besoin de financement de l'Etat tel qu'il est mesuré pour permettre la vérification du respect des engagements européens de la France, en indiquant notamment l'impact des contrats de partenariat public-privé.

La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter l'article 8 dans cette nouvelle rédaction.

Aux termes de l'article 9, le Gouvernement devrait présenter, en annexe au projet de loi de finances de l'année, les mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement.

Cette présentation mentionnerait, en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, c'est-à-dire, désormais, la plupart des crédits, d'une part, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits du titre II, relatif aux dépenses de personnel, et, d'autre part, celui qui est prévu pour les crédits des autres titres.

Le Parlement sera donc informé sur les réserves envisagées, sans avoir à se prononcer à ce sujet, la régulation budgétaire relevant de la compétence exclusive du Gouvernement. Vous apprécierez, monsieur le ministre, que le Parlement ne cherche pas à empiéter sur vos prérogatives ! Le Gouvernement doit en effet pouvoir assumer pleinement ses responsabilités, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est le début d'un long processus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

... mais le Parlement sera informé avant même que l'on exécute la loi de finances.

L'information apportée en amont sur les mesures de gel sera utile au Parlement, mais aussi aux gestionnaires de programmes. Ceux-ci auront désormais connaissance, avant même le début de l'exercice, du montant de la « tranche conditionnelle » de leurs crédits. De ce fait, il leur sera plus difficile d'invoquer les gels de crédits pour expliquer le défaut de réalisation des objectifs inscrits dans le projet annuel de performance. On évitera ainsi, au mois de février, tous ces commentaires fielleux et acides qui accompagnent vos décisions de gel de crédits, monsieur le ministre.

Il convient de souligner que le dispositif présenté se limite à une information du Parlement sur les mesures envisagées par le Gouvernement, qui n'est donc pas tenu de se conformer strictement à ses propres prévisions.

En premier lieu, sur un plan constitutionnel, l'exécution budgétaire, comme celle de toutes les lois, relève de la compétence du Premier ministre, et non de celle du Parlement, selon l'article 21 de la Constitution. Ce dernier autorise la dépense en loi de finances initiale, sur la base des informations données, notamment la « justification au premier euro » et les objectifs de performance. Il appartient au Gouvernement d'assurer ensuite l'exécution budgétaire, dans la transparence et en informant le Parlement. Enfin, il revient au Parlement de contrôler l'exécution du budget et la réalisation des performances annoncées...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Mais il n'aura pas eu le droit d'amender le texte auparavant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Voulez-vous que nous prenions rendez-vous pour en parler, madame Luc ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je me suis présenté devant chacune des commissions permanentes de notre assemblée pour évoquer ce sujet et je me tiens à la disposition du groupe communiste républicain et citoyen pour discuter plus longuement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Il ne faut pas affirmer des choses qui ne sont pas vraies ! Nous ne pourrons pas présenter d'amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

... s'il le souhaite, des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, afin que ses membres puissent envisager dans l'allégresse l'examen du prochain projet de loi de finances.

Il revient au Parlement, disais-je, de contrôler l'exécution du budget et la réalisation des performances annoncées dans le cadre du projet de loi de règlement, dont l'importance devra être renforcée. Ce contrôle viendra à l'appui de ses décisions relatives au projet de loi de finances suivant. Comment le Parlement pourrait-il contrôler l'exécution budgétaire après avoir « copiloté » les mesures de régulation ? Voilà qui justifie que ces dernières soient une prérogative exclusive du Gouvernement.

Par ailleurs, il est indispensable, en opportunité, que le Gouvernement dispose de toute la souplesse nécessaire en cours d'exercice pour adapter son action aux évolutions de la conjoncture, ce qui ne le dispense pas d'un contrôle parlementaire sur la sincérité de l'exécution.

En outre, la rédaction proposée présente l'avantage de relier les mesures de gel à ce qui devrait être leur finalité, à savoir « assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement ».

Dans un objectif de simplicité et pour favoriser un débat général sur le sujet, la solution qui consiste à prévoir des taux différents selon les programmes a été écartée. Il a donc été retenu deux taux distincts : le premier pour le titre II, relatif aux dépenses de personnel, le second pour les autres titres.

Le dispositif présenté paraît de nature à responsabiliser les gestionnaires, en leur permettant de distinguer, au sein des crédits de leur programme, entre une « tranche ferme » et une « tranche conditionnelle », ayant ensuite vocation soit à être « dégelée », soit à être annulée.

La commission des finances propose donc au Sénat d'adopter l'article 9 du projet de loi organique.

L'article 10, pour sa part, a pour finalité de permettre la mesure, au stade du projet de loi de règlement, de l'incidence sur la dette de l'Etat des opérations réalisées dans le cadre des partenariats public-privé. De ce point de vue, il s'inscrit exactement dans l'objectif que s'était fixé le Sénat à l'article 8.

Désormais, le compte général de l'Etat comportera, parmi les annexes du bilan, une présentation du traitement comptable des opérations conduites en partenariat entre le public et le privé.

La commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'article 10.

L'article 11 n'est pas sans lien, comme je le disais tout à l'heure, avec l'article 6 du projet de loi organique, inséré par l'Assemblée nationale puis supprimé par le Sénat en première lecture, même si les dispositions ne sont pas tout à fait identiques.

Par rapport au précédent, le nouveau texte présenté comporte deux différences : il « limite » la possibilité de débat parlementaire au seul rapport annuel de la Cour des comptes, sans plus faire référence aux « autres rapports publics » ; il ne reprend pas la charge de « préparation » des débats qui aurait été assignée à la Cour des comptes dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement.

Le présent article se borne à compléter l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, pour énoncer que « le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat », ce débat gardant donc un caractère facultatif.

Tout en enregistrant positivement « l'atténuation », par l'Assemblée nationale, de son texte initial et tout en partageant les objectifs visés, la commission des finances du Sénat continue d'estimer que les dispositions votées par nos collègues députés sont superfétatoires. L'organisation, chaque année, d'un débat en séance publique sur le rapport de la Cour des comptes est permise par les textes en vigueur, plus précisément dans le cadre de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, concernant les séances mensuelles réservées par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée.

Il n'est donc pas besoin, pour atteindre l'objectif louable de nos collègues de l'Assemblée nationale, de « charger » une loi organique, en l'occurrence la LOLF, de dispositions juridiquement inutiles, avant même sa complète mise en oeuvre, au risque d'en faire une loi « bavarde ».

Au demeurant, comme l'a relevé notre collègue député Didier Migaud, il n'est pas totalement certain que la formule retenue soit la plus efficace pour atteindre l'objectif visé : « L'efficacité du contrôle procède non de textes, mais d'une volonté. Une audition en commission d'un président de chambre peut avoir une audience réelle si elle est ouverte à la presse. Un certain formalisme bride la parole des parlementaires en séance publique, sans permettre d'y dégager toujours des indications ou des orientations précises. L'enceinte de la commission peut être plus appropriée pour organiser un débat efficace. »

Les pratiques récemment développées par la commission des finances témoignent de la pertinence de cette observation. Ainsi, l'audition contradictoire, ouverte à la presse, qu'elle a organisée le 22 mars 2005 à la suite du rapport établi par la Cour des comptes sur Météo France dans le cadre de l'article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux lois de finances, a permis une véritable confrontation entre ses membres et les responsables de l'établissement public, ainsi que le ministère de tutelle.

Ce débat, qui a bénéficié d'un retour médiatique incontestable, pourrait, aussi bien qu'une discussion en séance publique, permettre de favoriser le suivi des recommandations de la Cour des comptes, du moins de certaines d'entre elles.

Néanmoins, tenant compte de l'effort de rapprochement accompli par l'Assemblée nationale, la commission des finances pense qu'il est possible, dans un esprit de conciliation, de mettre un terme à la navette du présent projet de loi organique.

Il est temps, monsieur le ministre, de refermer la boite de Pandore, et de vous donner le temps dont vous avez besoin pour réformer aussi le système d'information budgétaire, comptable et financière de l'Etat. Sans un système complet se substituant aux nombreux systèmes actuels, nous aurons quelque peine à faire vivre dans sa pleine efficacité notre nouvelle constitution financière.

Ainsi, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter sans modification l'article 11, ainsi que l'ensemble du projet de loi organique, levier de réforme de l'Etat, instrument de la lucidité politique.

Si le courage et la volonté sont au rendez-vous de nos devoirs, alors, oui, nous devons cesser de douter de nous-mêmes, de notre capacité à maîtriser la dépense publique, et nous convaincre qu'il est justifié d'entrer dans une ère nouvelle avec confiance. Ce qui est en cause, c'est bien la bonne gouvernance de l'Etat.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Jean-Jacques Jégou.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la LOLF est aujourd'hui au coeur de notre réflexion sur la modernisation de l'Etat, la bonne utilisation de l'argent public, dans un souci d'optimisation des deniers publics.

Cette mise en oeuvre pose deux problèmes : d'une part, classer les actions de l'Etat en fonction des chantiers prioritaires et des orientations gouvernementales ; d'autre part, adapter les moyens aux résultats attendus.

Le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, après avoir été substantiellement modifié au cours de la navette, a pour objet de satisfaire à un objectif de sincérité budgétaire, en donnant plus de visibilité et de responsabilité au Parlement dans la gestion de la dette publique.

Poser les règles du jeu par avance en affectant dès la loi de finances initiale les éventuels excédents de recettes fiscales, tout en donnant plus de transparence à la gestion financière de l'Etat - je ne rappellerai pas l'épisode de la « cagnotte » de 2000 - offre une crédibilité non négligeable à nos finances publiques, qui ont souffert pendant trop longtemps de dérive laxiste.

Le Parlement sera alors saisi de cette manne financière, au même titre que les recettes dites « classiques » ou « attendues », et selon les mêmes règles et les mêmes contraintes. A l'évidence, il importe de donner une priorité au remboursement de la dette. Pourtant, il nous faut une loi organique pour fixer ces règles. Cependant, ces règles ne seront efficaces que lorsque nous, parlementaires, faisant face à nos responsabilités, nous voterons enfin des lois de finances initiales équilibrées. Mais en avons-nous seulement la volonté ? Arrêterons-nous un jour de nous cacher tous les ans derrière des prévisions de croissance plus qu'optimistes ?

Nous mettons aujourd'hui tous nos espoirs pour la réussite de la modernisation de l'Etat dans la LOLF. Je suis profondément convaincu de la nécessité de cette modernisation, mais je reste très vigilant quant à son application et je souhaite que la LOLF ne soit pas le seul outil de cette stratégie. Car la réforme ne doit pas seulement s'arrêter à l'application d'un texte : elle doit traduire une dynamique continue.

Après ces quelques réserves de principe, je souhaite revenir sur le fond du projet de loi organique. Plusieurs articles, ajoutés par l'Assemblée nationale, ont été adoptés dès la première lecture et donnent de plus grandes marges de manoeuvre et une plus grande capacité d'appréciation de la gestion des finances de l'Etat par les commissions parlementaires. Cette gestion est affinée, en particulier grâce à une surveillance plus précise de l'emploi public ou subventionné par l'Etat, mais aussi par les possibilités élargies d'enquêtes et de débats parlementaires.

Je n'évoquerai que brièvement les partenariats public-privé, qui ont été largement développés par le président Jean Arthuis. Des améliorations ont été apportées par les députés en deuxième lecture et elles méritent d'être soulignées. Les PPP offrent des possibilités non négligeables d'efficacité de la dépense publique. Plusieurs de leurs travers ont été corrigés, notamment celui qui aurait permis à l'Etat de contourner habilement, par ce type de financement, certaines contraintes budgétaires. La clarification apportée par l'Assemblée nationale sur l'obligation d'en faire des objets d'autorisation d'engagement au sens juridique du terme, bien que toujours contraignante, me semble opportune.

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un bon texte. Le rôle de contrôle du Parlement en sort accru, ainsi que la visibilité qu'il offre sur le pilotage des finances publiques. Néanmoins, l'efficacité de ce projet de loi organique dépendra entièrement de son appropriation par les parlementaires. Il nous restera, à nous parlementaires, comme au Gouvernement, de la faire vivre et d'en prouver l'efficacité.

Le groupe de l'Union centriste-UDF votera donc ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique nous a été présenté comme un texte purement technique, visant en particulier à adapter les conditions du débat budgétaire dans notre assemblée aux nouvelles règles posées par la LOLF.

Plusieurs dispositions nouvelles ne peuvent manquer de nous interpeller.

En effet, le débat en seconde lecture à l'Assemblée nationale a conduit à ajouter au texte des mesures précisant le cadre comptable des opérations d'investissement menées, par exemple, en partenariat entre la puissance publique et des entreprises privées, ainsi que les conditions de détermination du respect des engagements européens de la France.

On pourrait évidemment se dire, à la lecture de ces articles ajoutés à l'issue des débats au Palais Bourbon, qu'il s'agit là de mesures de transparence complémentaires à celles qui sont déjà inscrites dans le texte de la loi organique.

Comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, on pourrait se féliciter de disposer ainsi d'outils essentiels pour améliorer la qualité de la discussion de la loi de règlement, qui n'était jusqu'à présent qu'un simple exercice de validation.

On pourrait également se féliciter que l'opposition puisse avoir des rapports, ce qui n'est pas le cas à l'Assemblée nationale ; nous en prenons d'ailleurs acte et, bien sûr, nous ferons notre travail. J'en profite pour remercier les administrateurs de la commission des finances de leur disponibilité à l'égard de tous les groupes.

Nous ne remettons pas en cause les auditions, monsieur le président de la commission, mais ce projet de loi organique pose quelques questions de fond.

En effet, si tant est que le présent texte intègre, d'une certaine manière, les critères qui semblent être retenus aujourd'hui en matière de convergence des politiques économiques des pays membres de l'Union européenne, doit-on faire comme s'il ne s'était rien passé le 29 mai dernier ?

Pour en revenir à l'essentiel de la loi organique, comment ne pas rappeler, une fois de plus, que son adoption découle directement de l'insertion de notre politique économique et de la pratique budgétaire de l'Etat dans le cadre de la convergence des politiques de l'Union européenne et, singulièrement, de la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire ? En réalité, l'adoption, en 2001, de la loi organique avait pour objet de donner un cadre technique au respect par la France des critères de convergence passant, entre autres, par la maîtrise de la dépense publique ?

Le débat sur la fongibilité des crédits, par exemple, prend un relief tout particulier quand on le rapporte à ses conséquences naturelles : l'assimilation des dépenses de personnel à des dépenses de matériel et la gestion à flux tendu de l'emploi public, générant, dans la pratique, précarité, discrimination, remise en question des statuts. On pourra le vérifier par la suite !

Le débat sur la performance pose évidemment la question de la qualité des critères retenus pour évaluer les politiques publiques, critères que nous jugeons très libéraux.

De multiples exemples ont d'ores et déjà été tirés des expériences de globalisation des enveloppes budgétaires, première mise en oeuvre des orientations de la loi organique.

C'est du reste cette globalisation qui a conduit à supprimer de nombreux emplois de policiers de proximité pour renforcer les groupements d'intervention rapide, délaissant de fait l'action quotidienne et patiente contre la petite délinquance et l'insécurité au profit d'opérations spectaculaires.

C'est cette globalisation qui conduit à la fermeture des options dans les lycées, au dépérissement des collèges situés en zone sensible, à la suppression des actions de formation continue dans certaines académies au motif qu'il serait préférable de mettre en place une écoute psychologique individualisée des enseignants.

C'est également cette globalisation qui affecte lourdement les crédits de la ville, encore une fois utilisés comme réservoir pour l'ajustement budgétaire, au détriment d'un soutien effectif à tous ceux qui, par leur action, rendent pourtant la vie moins insupportable aux habitants des quartiers les plus en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur Foucaud, me permettez-vous de vous interrompre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La LOLF n'est pas la politique que l'on mène : c'est un instrument de lucidité et de visibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Qu'est-ce qui peut justifier une politique fondée sur l'opacité ?

Tout à l'heure, vous avez fait référence au référendum du 29 mai, monsieur Foucaud, mais osez-vous imaginer que l'on ait une autre monnaie que l'euro aujourd'hui ? Compte tenu de nos niveaux de déficits, la sanction des marchés monétaires serait instantanée et nous assisterions à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt.

Avec la LOLF, on peut conduire toutes les politiques que l'on veut ; la seule différence, c'est la lisibilité ! Lorsque j'écoute Mme Luc ou vous-même, monsieur Foucaud, j'ai l'impression qu'il y a un malentendu : il ne faut pas confondre la politique et l'instrument qui permet d'en assurer la lisibilité.

Si ce texte est assez largement consensuel, c'est uniquement parce qu'il offre à tous ceux qui sont aptes à gérer les finances publiques le moyen d'y voir clair et de rendre compte de leur gestion. Le reste n'est que procès d'intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Comme je le disais tout à l'heure, monsieur le président de la commission, ce ne sont pas les auditions que nous remettons en cause : à l'évidence, nous sommes pour la transparence et pour les enquêtes ; nos propos portent sur le fond.

Tout à l'heure, Mme Luc est intervenue en ce qui concerne la présentation d'amendements : comment allons-nous faire, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour amender, si ce n'est en créant l'austérité dans un autre secteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous souvenez-vous des amendements que vous avez déposés dans le passé ? Il n'y a jamais eu de demande pour restreindre les crédits !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Oui, mais le gage des amendements ne sera plus le même !

Pour en revenir à mon intervention, c'est cette même globalisation qui entrave aujourd'hui l'action des directions départementales de l'équipement, tandis qu'il ne se passe pas un jour sans que le Journal officiel ne nous annonce la parution de décrets ou d'arrêtés d'annulation, de transferts, de répartition ou de report de crédits.

Ainsi, au mois d'avril, nous en avons eu une illustration remarquable avec le décret ouvrant les crédits indispensables au déroulement de la campagne référendaire et à l'information des citoyens. La loi de finances pour 2005 n'ayant manifestement pas prévu l'envoi à tous les électeurs du texte du traité constitutionnel, des crédits ont été annulés dans un grand nombre de chapitres abondés en loi de finances, notamment au titre de la politique de la ville ou de l'insertion professionnelle.

Face à une telle démarche, on peut se demander si le droit du Parlement, en sa qualité de représentant de la souveraineté populaire, à fixer la quotité de l'impôt et à en répartir l'usage a encore un sens compte tenu des conditions d'exécution budgétaire. Il suffit en effet de regarder le droit d'amendement !

Mais revenons-en au contenu du projet de loi, tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.

Nous l'avons dit, les articles ajoutés lors de cette lecture conduisent, notamment, à créer le cadre de la prise en compte du pacte de stabilité européen « nouvelle formule » et des opérations menées en partenariat public-privé.

Mais ce pacte de stabilité, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me dois de vous le dire, les Français, en rejetant sans appel le traité constitutionnel européen, l'ont aussi rejeté. D'ailleurs, par cohérence, ceux qui, ici, ont pris fait et cause contre le traité constitutionnel devraient repousser les termes du présent projet de loi.

Posons quelques idées.

Le pacte de stabilité est donc « nouvelle formule », et les dépenses d'équipement jouissent, depuis le conflit entre la Commission européenne, d'une part, la France et l'Allemagne, d'autre part, d'un traitement particulier permettant de les distraire, pour partie, de l'évaluation des déficits publics.

Nous serions d'accord pour un tel traitement. Mais ce serait oublier un peu vite que d'autres dépenses, notamment en matière d'éducation ou de santé, ne sont pas dépourvues d'utilité et que leur traitement européen conduit à les transformer, encore et toujours, comme les autres, en stock d'économies à réaliser et en performances à améliorer !

Ne serait-ce que de ce point de vue, le pacte de stabilité, et l'obsession de la réduction de la dépense publique qui le sous-tend, est en quelque sorte dévalué.

Prenons la question du traitement des investissements à financement mixte, c'est-à-dire faits d'engagements de l'Etat et de crédits privés.

Force est de constater que ce qui se prépare avec l'article 7 du présent texte n'est ni plus ni moins qu'une mise en déshérence de la dépense d'équipement public. Tout laisse en effet à penser qu'il s'agit de faire en sorte que les grands investissements structurants de demain - corridors de ferroutage, autoroutes d'aménagement du territoire, ouvrages d'art importants, infrastructures sportives à vocation olympique, par exemple - seront financés par cette mixité de capitaux et gérés par des personnes morales de droit privé. Là encore, nous ne pouvons donner quitus à ces orientations.

Compte tenu des remarques que je viens de faire sur le rapport et la qualité des informations qui nous ont été fournies ainsi que sur le fond du texte, vous aurez compris que nous voterons contre le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très brève, et ce pour deux raisons.

D'abord, nous arrivons au terme d'une démarche consensuelle à laquelle les commissaires socialistes de la commission des finances ont pris toute leur part.

Ensuite, nous sommes globalement d'accord avec les observations présentées par le président de notre commission, M. Arthuis, rapporteur de ce projet de loi.

Je rappelle simplement que, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi organique modifiant la LOLF, les orateurs du groupe socialiste avaient souligné, à juste titre, qu'il n'y avait aucune urgence à modifier une loi qui n'était pas encore entrée en application.

Cette urgence s'imposait d'autant moins que, une fois la loi mise en oeuvre tout au long de l'année 2006, il serait bien étonnant que nous ne trouvions pas, à l'usage, des raisons de procéder à quelques ajustements supplémentaires, qui pourraient se révéler pertinents. En outre, même si tout le monde s'accorde sur la nécessité d'améliorer les règles de pilotage des finances publiques - alors que l'on a pu constater, depuis juin 2002, leur véritable « explosion », et que le Gouvernement souhaitait l'adoption de règles de comportement budgétaire pluriannuelles -, ce projet de loi s'est initialement traduit par un simple article relatif aux modalités d'affectation des surplus éventuels de recettes fiscales.

Or, si la régulation budgétaire est utile, et si un gouvernement doit pouvoir en user, celle-ci ne doit pas être automatique. Mais la règle proposée ayant, sinon introduit une exigence de plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques, du moins signalé un souci de plus grande transparence dans les relations entre l'exécutif et le législatif, et l'Assemblée nationale ayant procédé à quelques ajouts qui ne remettaient pas en cause la problématique de la LOLF, le groupe socialiste du Sénat avait approuvé, en première lecture, le projet de loi soumis à notre examen.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a complété le texte, de nouveau. Dans la mesure où des précisions nouvelles ont été apportées en matière d'information du Parlement sur le contenu et la présentation du budget et où l'on peut espérer que ces informations faciliteront la tâche aussi bien du Parlement que du Gouvernement, on peut dire que le projet de loi a ainsi été enrichi par le débat parlementaire.

En conséquence, monsieur le ministre, je peux d'ores et déjà vous indiquer que le groupe socialiste approuvera le projet de loi organique modifiant la LOLF. Mais nous serons très vigilants quant à l'application de ce texte, que vous avez vous-même qualifié de révolutionnaire pour l'administration des finances publiques, notamment pour ce qui est du respect par le Gouvernement de ses obligations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à souligner la très grande tenue des différentes interventions.

Monsieur le président de la commission, je retrouve bien des convergences entre vos propos et les nôtres. C'est fréquent, mais, en l'espèce, cela se vérifie tout particulièrement.

En effet, sur le dispositif de régulation, nous avons su trouver un bon équilibre. Nous répondons ainsi aux critiques récurrentes sur le sujet, et nous mettons en place un dispositif préservant les prérogatives du Gouvernement tout en améliorant la transparence des lois de finances.

Par ailleurs, vous avez eu raison de conclure sur la nécessité dans laquelle nous nous trouvons de travailler sur les systèmes d'information budgétaire et comptable. C'est l'un des grands enjeux techniques pour la réussite de la LOLF. Il va de soi que, comme vous pouvez l'imaginer, je serai très vigilant sur ce point.

Monsieur Jégou, vous avez fort utilement fait le lien entre le pilotage des finances publiques et la LOLF, qui est un instrument visant à assurer la transparence. Ensuite, chacun est, bien évidemment, libre d'y recourir.

A cet égard, monsieur Foucaud, M. Arthuis a excellemment rappelé le principe de la LOLF. Pour prendre une comparaison historique, je rappelle que le parti communiste a voté contre la Constitution de la Ve République.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Or rien dans cette Constitution n'interdit de mener une politique ou une autre.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

La meilleure preuve en est que, moins de vingt-cinq années après l'instauration de la VeRépublique, des ministres communistes siégeaient au gouvernement et exerçaient les prérogatives que leur conférait un texte qu'ils avaient rejeté.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Certes, mais c'est un autre sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

On le dit même parmi les parlementaires de la majorité !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Tout cela pour vous dire, monsieur Foucaud, que vous vous trompez et que vous confondez le contenu et le contenant.

Je le répète, on a ici toutes les raisons de soutenir un texte, qui, en réalité, crée un cadre améliorant considérablement la transparence et l'efficacité de la gestion publique. Ensuite, on pourra naturellement appliquer la politique que l'on souhaite.

Il n'y a donc aucun lien avec le 29 mai. S'il devait y en avoir un, pour le coup il y aurait une réponse : les Français demandent de manière générale plus de transparence et plus d'efficacité publique ? C'est ce que la LOLF leur apporte. Rétrospectivement, je me dis même qu'il aurait peut-être fallu adopter et mettre en oeuvre ce texte avant le 29 mai.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Quant au droit d'amendement, je peux vous indiquer qu'il sera considérablement élargi par rapport à ce qu'il était dans le cadre de l'ordonnance de 1959. Aujourd'hui, le Parlement ne peut présenter que des amendements visant à réduire les dépenses. Lorsque nous mettrons en place la nouvelle formule, il y aura des amendements de majoration et de minoration. C'est une disposition d'autant plus intéressante que l'examen du projet de loi de finances aura lieu dans le cadre d'enveloppes budgétaires, ce qui changera tout !

En ce qui concerne les PPP, le texte explique, là aussi, comment les utiliser, mais sans porter de jugement de valeur sur leur contenu.

Enfin, monsieur Massion, j'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'attention. Il n'est pas si fréquent que l'opposition et la majorité se rejoignent... Ce texte est vraiment né dans un esprit de consensus. J'ai d'ailleurs rappelé dans la discussion générale que, de ses deux concepteurs, MM. Migaud et Lambert, l'un appartenait à l'opposition, l'autre à la majorité, et réciproquement en fonction des alternances !

Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a dans ce texte de quoi faire progresser la démarche publique au service des citoyens, ce qui mérite le vote le plus large possible, même si, je l'ai bien compris, le groupe communiste ne se joindra pas au consensus. Je le regrette, car cela aurait eu du sens d'adopter ce texte-là à l'unanimité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 35 de la même loi, la référence : « 9° » est remplacée par la référence : « 10° ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Monsieur le rapporteur, vous avez de très belles formules, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

... mais elles dissimulent mal le fait que ce nouveau texte ne contribuera pas à élargir les droits des parlementaires, contrairement à ce qu'affirment M. le ministre délégué au budget ainsi que M. de Villepin, lui que ne cesse de dire qu'il souhaite accroître le rôle du Parlement.

Cette LOLF, que vous vous efforcez de ramener au rang de texte technique, est tout au contraire hautement politique, et vous le savez très bien. En fait, votre seul souci, c'est de contenir les dépenses et d'arriver enfin à respecter le pacte de stabilité, ce à quoi vous n'êtes pas parvenu jusqu'ici. Certes, il y aura tout de même un effet positif, et vous ne prendrez pas mon objectivité en défaut sur ce point. Tout ce qui améliorera la transparence permettra de suivre la réalisation des programmes. C'est un acquis intéressant, mais on aurait très bien pu aboutir au même résultat sous l'empire du texte précédent.

Pour le reste, vous ne m'avez toujours pas convaincue, et vous ne pourrez pas me convaincre. Je prends un exemple, celui de la mission « Défense ».

Cette mission contient quatre programmes : « Environnement et prospective de la politique de défense », « Préparation et emploi des forces terrestres, navales et aériennes », « Equipement des forces » et « Soutien de la politique de défense ».

Or, si je veux, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, déposer un amendement visant à modifier le total de la mission « Défense », je ne le peux pas. Je ne peux que proposer de retirer des crédits aux forces terrestres pour les attribuer aux forces navales ou de transférer des crédits des forces aériennes aux forces terrestres.

C'est pourquoi je dis que la LOLF, loin d'être le progrès que l'on nous vante, est bien un recul. C'est indiscutable, et je ne vois pas comment on pourrait me prouver le contraire. En tout cas, ni M. le ministre ni M. le président de la commission n' y sont parvenus.

Et je m'étonne que M. Jégou, que je connais bien, car il est de mon département, où il se pose en opposant du Gouvernement sur bien des points, puisse considérer que ce texte va dans le bon sens.

Le sujet est suffisamment grave pour justifier le ton que j'adopte aujourd'hui, monsieur le ministre. Le débat n'est pas clos, et nous serons amenés à y revenir. J'espère sincèrement que nous ne discuterons pas longtemps du budget de cette manière !

Vous obtiendrez, bien entendu, comme sur beaucoup d'autres textes, l'aval du Sénat, comme vous avez eu celui de l'Assemblée nationale. Je reste néanmoins persuadée que cette loi organique, loin de constituer un progrès, conduira à limiter le droit d'amendement des parlementaires, de même que le projet de Constitution européenne restreint le droit des parlements nationaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaiterais tellement vous faire partager mes convictions, madame Luc ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous y mettez de la bonne volonté, je le reconnais, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, rapporteur. Votre observation me touche profondément, madame Luc.

Sourires

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

D'abord, vous reconnaissez que ce texte clarificateur est parfaitement conforme aux textes fondamentaux de la République, en l'occurrence à l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

N'a-t-on pas, au fil des années, perdu de vue en partie cette nécessité de rendre compte de son administration ? Désormais, madame Luc, si la discussion du projet de loi de finances reste, il est vrai, très importante, le grand moment budgétaire sera, selon moi, l'examen du projet de loi de règlement.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaite, avec les membres de la commission des finances, que nous puissions, au printemps, consacrer une semaine à la discussion des projets de loi de règlement. Ainsi, le ministre du budget ne sera plus le seul à être accablé en cas de dépassement des crédits et ceux des ministres les plus impliqués dans la dépense publique viendront rendre compte de leur gestion et nous indiquer le cas échéant pour quels motifs ils n'auront pas atteint les performances qui justifiaient les demandes de crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous faites référence à l'Europe, mais est-ce seulement pour nous conformer au pacte de stabilité et de croissance que nous voulons limiter la dette publique ?

Avez-vous des petits-enfants, madame Luc ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Et cela ne vous pose pas de problème de constater que l'on met chaque année à la charge de vos petits-enfants entre 50 milliards et 70 milliards d'euros de dette publique supplémentaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Mme Hélène Luc. Ce qui me pose problème, c'est que les enfants ne puissent pas apprendre à lire et à écrire en cours préparatoire parce que les effectifs y sont trop importants !

Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Madame Luc, je ne peux que réitérer ma proposition : je suis tout à fait prêt à débattre de la LOLF avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'article 1er bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Türk, Nogrix et P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe I de l'article 7 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les autorités administratives indépendantes figurant sur une liste annexée au projet de loi de finances et constituant une action au sein d'un programme fixent les objectifs et les résultats attendus associés à cette action. Sous réserve des dispositions de l'article 14, aucune décision ayant pour objet ou pour effet de réduire des crédits qui leur ont été attribués en loi de finances ne peut être prise sans l'accord du président de l'autorité concernée. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

La loi organique relative aux lois de finances, dans son article 7, traite de deux situations : les services d'un ministère, pour les missions « normales », et les pouvoirs publics - pour les missions spécifiques. Le texte reste silencieux sur la situation des autorités administratives indépendantes, qui, sans pouvoir être considérées comme appartenant aux pouvoirs publics, ne sauraient pour autant être assimilées à des services d'un ministère.

De fait, dans l'architecture budgétaire qui est actuellement mise en place, ces autorités sont placées comme « actions » dans les programmes de ministères agissant dans des domaines proches, alors que, pourtant, les lois qui les instituent leur reconnaissent l'autonomie budgétaire en donnant à leur président la qualité d'ordonnateur principal.

Paradoxalement, ces AAI se retrouvent sous le contrôle budgétaire d'administrations dont elles sont chargées de réguler, voire de contrôler l'action. Or ce contrôle budgétaire est accru par la loi organique en raison du principe de fongibilité que le texte institue au sein d'un programme. Ainsi, le directeur d'un programme serait parfaitement fondé, en cours d'exercice, à réduire les crédits d'investigations ou d'études d'une autorité administrative indépendante figurant dans le programme dont il a la responsabilité pour les utiliser au profit d'une autre action, et ce malgré le fait que ladite autorité constitue un budget opérationnel de programme, ou BOP.

Or les présidents de ces autorités ont vocation à être responsables de leur action, ce qui suppose qu'ils puissent disposer de la maîtrise non seulement de leurs objectifs, mais aussi, sous le contrôle du Parlement, de leurs crédits.

Le présent amendement tend à définir la place de ces autorités dans le dispositif budgétaire et à affirmer leur indépendance en exécution de la loi de finances. Il prévoit que les mouvements de crédits au sein d'un programme ayant pour effet de réduire les crédits affectés à une autorité administrative indépendante ne peuvent être réalisés sans l'accord du président de l'autorité. Cette disposition ne concerne cependant pas les mesures générales de régulation budgétaire.

Si l'amendement ne pouvait être adopté à ce stade ultime de la procédure, monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à faire en sorte que les crédits nécessaires aux autorités administratives indépendantes tels qu'ils sont appréciés par la direction du budget soient notifiés aux responsables de programmes et à ces autorités, et ne puissent pas être réduits lors des conférences de répartition ? En d'autres termes, pouvez-vous prendre l'engagement devant nous que les autorités administratives indépendantes disposant jusqu'à présent de l'autonomie budgétaire conserveront une conférence budgétaire autonome, comme le préconisait en des termes clairs le Conseil d'Etat dans son rapport de 2001 ?

Pouvez-vous, en outre, nous assurer que le montant des crédits affectés à une autorité administrative indépendante à l'issue de cette répartition ne pourra être réduit en cours d'exercice par une décision du directeur de programme de rattachement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cet amendement répond à une préoccupation que la commission des finances avait exprimée, voilà déjà plus d'un an, dans son rapport d'information sur la mise en oeuvre de la nouvelle architecture budgétaire.

Nous avions en effet proposé, mais sans succès, la création d'une mission « Transparence et régulation de l'action publique ». Cette mission comportait deux programmes. Le premier était intitulé « Juridictions financières », afin de tenir compte du rôle tout à fait novateur de la Cour des comptes, qui devra désormais certifier la sincérité des comptes de l'Etat. Autrement dit, et pardonnez-moi cette précision, monsieur le ministre, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

... nous ne souhaitions pas que la Cour des comptes fût placée sous l'autorité de celui qui tenait les comptes !

Nous suggérions que cette mission « Transparence et régulation de l'action publique » regroupe toutes les autorités administratives indépendantes. Nous estimions nécessaire de ne pas les mettre en difficulté par rapport aux administrations dont elles assurent la régulation.

La problématique est délicate, et vous en avez exposé tous les termes. Il y a une relative urgence, je le disais tout à l'heure à la tribune, à refermer la boîte de Pandore, et l'expérience nous conduira sans doute à porter quelques aménagements à cette loi organique.

Monsieur le ministre, au-delà des réponses que vous apporterez aux questions de M. Dominati, il me semblerait utile que le Gouvernement s'engage à maintenir, quand elles existaient avant l'application de la LOLF, les conférences budgétaires avec les autorités administratives indépendantes ou, pour le moins, à garantir un dialogue budgétaire entre votre ministère et ces AAI.

Peut-être pourriez-vous nous confirmer également que la fongibilité asymétrique des crédits qui pourrait être décidée en défaveur des autorités administratives indépendantes ne le serait qu'après l'accord préalable du président desdites autorités ?

Il conviendrait également de renoncer aux mesures de régulation budgétaire défavorables aux autorités administratives indépendantes. Il n'est pas normal qu'une autorité administrative indépendante apprenne parfois plusieurs mois après que la décision a été prise que ces crédits ont été gelés.

Par conséquent, monsieur le ministre, nous serions heureux de vous entendre avant de prendre position sur ces questions.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur Dominati, les réponses que je vais vous apporter sont de nature à apaiser les inquiétudes que vous exprimez. C'est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

Vous m'interrogez sur la place des autorités administratives indépendantes dans la nouvelle architecture budgétaire sont légitimes et importantes. Je vais tenter de vous répondre.

D'abord, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait que la LOLF n'a pas pour objet de remettre en cause le caractère indépendant des autorités administratives. Les AAI ont chacune une vocation, une finalité, une indépendance qu'il ne s'agit en rien de contester. Elles ont parfaitement pu exercer la plénitude de leurs compétences sous le régime de l'ordonnance de 1959, il n'y a donc aucune raison qu'il en aille autrement.

Compte tenu de l'importance du sujet, je distinguerai trois préoccupations.

La première concerne les liens avec le contrôle financier. Certaines autorités administratives font valoir que l'application informatique destinée à gérer les crédits à partir du 1er janvier 2006 - le fameux « Palier 2006 » - n'exonérerait pas en totalité les autorités administratives du visa du contrôleur financier.

Ce n'est pas forcément le lieu ni le moment de revenir sur le passé, mais nous aurons au 1er janvier 2006 un système de gestion budgétaire et comptable transitoire avant l'entrée en fonction, en 2008, du système définitif Chorus.

Ce système transitoire comporte de fortes contraintes techniques qu'il convient de prendre en compte si nous ne voulons pas risquer de rencontrer une réelle difficulté de gestion de la dépense de l'Etat.

Chaque autorité administrative sera donc effectivement traitée dans le flux informatique, ou workflow, correspondant au programme dont elle relève, et ce dispositifne peut en aucune manière les identifier.

Cependant, l'effet pratique de cette conception informatique sera très limité. Seules les « dotations pour opérations centrales », passées une fois par an, et les tranches fonctionnelles d'investissement passeront sur l'ordinateur du contrôleur financier. Celui-ci « cliquera » en temps réel, et sans contrôle, ces opérations. Les 99 % des opérations restantes ne passeront pas par le workflow du contrôleur financier.

Je le redis devant vous de manière solennelle, les autorités administratives indépendantes ne seront en aucune manière, par le biais du Palier 2006 ou de quelque outil informatique que ce soit, soumises au visa ou au contrôle du contrôleur financier. Les inconvénients qui subsistent auront totalement disparu une fois que le système définitif sera mis en place.

La deuxième préoccupation concerne les conditions de négociation du budget.

Lors de la procédure mise en oeuvre cette année, la direction du budget a d'ores et déjà organisé des réunions budgétaires autonomes pour les principales autorités administratives indépendantes, je pense en particulier au Médiateur, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Cette procédure a vocation à être reconduite à l'avenir.

Dans le cadre des plafonds arrêtés pour chaque mission, il reviendra de répartir les crédits en assurant à chaque autorité administrative les moyens de son fonctionnement, dans le cadre du dialogue budgétaire initial.

Afin que l'information du Parlement soit complète, chaque autorité administrative fera l'objet d'une action permettant de bien identifier les moyens qui lui sont affectés, et donc d'en vérifier l'utilisation en cours d'exercice.

Vous avez évoqué une troisième préoccupation, comme M. le rapporteur, à savoir les conditions de gestion et, en particulier, la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique. Les autorités administratives indépendantes craignent que la présence de leurs crédits au sein des programmes ne permette pas la mise en oeuvre d'une fongibilité asymétrique qui leur serait défavorable, qui plus est de la part de responsables de programme qui seraient les « contrôlés » de ces mêmes autorités.

Bien que le risque me semble réduit, ne serait-ce que parce qu'il déclencherait une réaction médiatique très forte des autorités administratives indépendantes - et elles peuvent réagir très vite, comme on a pu le constater cet après-midi ! -, je souhaite également apporter des assurances précises. Elles seront ainsi inscrites dans le marbre du Journal officiel.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

D'abord, les crédits de chaque autorité administrative indépendante feront l'objet, en exécution, d'un budget opérationnel de programme dont le responsable sera le dirigeant de l'autorité. Cette procédure permet ainsi à l'autorité administrative indépendante de gérer ses propres crédits en toute indépendance, tout en respectant, évidemment, le caractère limitatif de sa dotation, ce qui ne change rien par rapport à la situation précédente.

En outre, afin d'encadrer la fongibilité des crédits au sein du programme et de rassurer l'autorité administrative indépendante, le responsable du programme peut convenir avec le dirigeant de l'autorité d'une convention de gestion, prévoyant en particulier les conditions dans lesquelles les crédits de l'autorité concernée seront préservés en exécution.

Mes services apportent déjà leur concours - ils continueront de le faire - à l'élaboration de telles conventions ; je souhaite qu'elles se généralisent.

Quoi qu'il en soit, je tiens à affirmer que le Gouvernement fait preuve d'une extrême vigilance afin de garantir l'indépendance des autorités administratives indépendantes.

J'espère, monsieur le sénateur, avoir ainsi répondu à vos interrogations et apaisé vos craintes. J'ai pris devant vous des engagements qui, dans le respect de l'esprit et de la lettre du projet de loi organique, sont suffisamment précis pour que vous retiriez cet amendement d'alerte. Votre proposition, au demeurant très légitime, pourrait introduire une confusion par rapport aux autres grandes notions de ce projet de loi organique et risquerait d'être mal interprétée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

J'ai entendu les engagements pris par M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Je ne puis donc que m'associer à sa demande de retrait de cet amendement.

Il va sans dire que d'autres instances peuvent exprimer des demandes identiques sur les régulations - je pense en particulier à l'Assemblée des Français de l'étranger, que M. Del Picchia a évoquée. Il faudra également que le Gouvernement veille à ne pas mettre en difficulté ces instances.

En tout état de cause, sur la foi des déclarations de M. le ministre délégué, je vous demande, monsieur Dominati, de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je remercie M. Arthuis d'avoir soulevé la question des Français de l'étranger.

Monsieur le ministre, il existe une certaine ambiguïté sur l'Assemblée des Français de l'étranger. Certes, il ne s'agit bien évidemment pas d'une autorité administrative indépendante, puisque l'AFE est une assemblée d'élus au suffrage universel, mais son budget est géré par le ministère des affaires étrangères et sa présidence assurée par le ministre.

En tout état de cause, monsieur le ministre, le principe de fongibilité risque de s'appliquer totalement. Vous venez de nous assurer le contraire, raison pour laquelle M. Dominati, ce que je comprends fort bien, acceptera sans doute de retirer son amendement.

Pour ma part, j'aimerais obtenir du Gouvernement l'assurance qu'il tiendra compte de l'indépendance de cette assemblée d'élus et qu'il n'appliquera pas régulièrement le principe de fongibilité, ce qui viendrait amputer un budget d'ores et déjà minime, vous le savez, monsieur le ministre.

Je vous remercie par avance, au nom des élus des Français de l'étranger, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner quelque assurance pour apaiser nos inquiétudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le ministre, la caractéristique des autorités administratives indépendantes est d'être indépendantes ! Il est donc tout à fait naturel qu'elles réagissent très vite.

Quoi qu'il en soit, compte tenu des précisions que vous nous avez apportées, j'accepte de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur Dominati, je vous remercie d'avoir bien voulu retirer cet amendement.

J'espère véritablement avoir répondu à toutes vos interrogations. Sachez, en tout cas, que je me tiens à votre disposition, et à la disposition du Sénat, pour apporter tous les compléments d'information que vous souhaiteriez. C'est un sujet qui me tient à coeur, car j'entends véritablement que la mise en oeuvre de la LOLF se fasse sans ambiguïté.

Il n'est pas question d'empêcher qui que ce soit d'accomplir sa mission ni de créer une quelconque entrave. Il s'agit simplement de se placer dans l'esprit de la LOLF, à savoir d'agir dans un souci de transparence et d'efficacité publique.

Monsieur Del Picchia, c'est tout à fait votre rôle d'évoquer l'Assemblée des Français de l'étranger, institution respectable qui mérite l'attention de tous. Néanmoins, je suis quelque peu dépendant, sur ce point, du ministre des affaires étrangères. Je lui transmettrai donc votre message.

Le deuxième alinéa de l'article 8 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'autorisation d'engagement afférente aux opérations menées en partenariat pour lesquelles l'Etat confie à un tiers une mission globale relative au financement d'investissements ainsi qu'à leur réalisation, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, couvre, dès l'année où le contrat est conclu, la totalité de l'engagement juridique. »

L'article 7 est adopté.

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 50 de la même loi, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il explicite le passage, pour l'année considérée et celle qui précède, du solde budgétaire à la capacité ou au besoin de financement de l'Etat tel qu'il est mesuré pour permettre la vérification du respect des engagements européens de la France, en indiquant notamment l'impact des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 8. » -

Adopté.

Après le 4° de l'article 51 de la même loi, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ; ». -

Adopté.

La première phrase du 7° de l'article 54 de la même loi est ainsi rédigée :

« Le compte général de l'Etat, qui comprend la balance générale des comptes, le compte de résultat, le bilan et ses annexes parmi lesquelles la présentation du traitement comptable des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 8, ainsi qu'une évaluation des engagements hors bilan de l'Etat. » -

Adopté.

L'article 58 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. » -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Paul Girod, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Girod

Le groupe UMP se réjouit que la navette parlementaire ait permis d'atteindre un bon équilibre entre les préoccupations du Sénat et celles de l'Assemblée nationale.

L'encadrement des partenariats public-privé, introduit par le Sénat en première lecture, n'a pas été remis en cause, dans son principe, par les députés. Nous nous en réjouissons. Beaucoup d'élus locaux, selon moi, suivront cet engagement.

Le Parlement disposera, par ailleurs, d'une information détaillée sur l'incidence des partenariats public-privé, sur la capacité ou le besoin de financement public et sur la dette publique, conformément au souhait du Sénat. En tant que rapporteur spécial pour les charges communes, je m'en réjouis particulièrement!

Les nouveaux articles introduits par l'Assemblée nationale en deuxième lecture nous paraissent également aller dans le bon sens.

Ils introduisent un peu de souplesse dans les modalités d'utilisation des surplus de recettes fiscales et renforcent la transparence sur la « clé de passage » entre le déficit budgétaire et le besoin de financement de l'Etat, ainsi que sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la régulation est « aveugle, injuste, déresponsabilisante », les décisions budgétaires prises par le Parlement en décembre étant remises en cause par des gels ou des mises en réserve de crédits dès le mois de janvier suivant.

Le dispositif que vous avez élaboré en accord avec les deux parlementaires en mission, le sénateur Alain Lambert et le député Didier Migaud, permettra de rendre cette procédure à la fois plus efficace, plus transparente à l'égard de la représentation nationale et plus responsable à l'égard des gestionnaires.

A chacun, maintenant, de tenir sa place et de jouer son rôle : au Gouvernement d'assurer l'exécution budgétaire, dans la transparence, et au Parlement de contrôler cette exécution et la réalisation des objectifs.

Cette réforme est en chantier depuis deux ans, et je me réjouis d'avoir entendu M. Arthuis, président de la commission des finances, parler de la loi de règlement en des termes que j'attendais depuis longtemps ! Je pense, pour ma part, que cette discussion du projet de loi de règlement sera probablement le pivot le de cette réforme.

Toutes ces dispositions vont dans le sens de l'efficacité et de la transparence. Elles traduisent la bonne coopération des deux assemblées.

Dans ces conditions, le groupe UMP ne peut que se réjouir de l'aboutissement de ce travail parlementaire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 193 :

Le Sénat a adopté définitivement.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je remercie la Haute Assemblée d'avoir adopté ce texte d'importance, qui ouvre les voies de l'application de la loi organique relative aux lois de finances. C'était donc un rendez-vous capital, et je veux féliciter le Sénat pour sa contribution majeure à l'élaboration de ce grand texte.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie (n°s 433, 438, 436, 437).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je vous présente aujourd'hui est, je ne l'ai jamais caché, en partie l'héritage de travaux lancés par mes prédécesseurs. Cependant, dès mon entrée au Gouvernement, j'ai pris ce projet à bras le corps pour en faire un facteur d'accélération d'un certain nombre de réformes dont notre économie a un besoin urgent pour se moderniser.

Le présent projet de loi a été sensiblement renforcé lors de son examen par l'Assemblée nationale. J'aborde la discussion au Sénat en étant pareillement ouvert aux propositions parlementaires qui visent le même objectif que ce projet, à savoir encourager la croissance de nos entreprises, en particulier de celles qui, malgré leur potentiel, hésitent à franchir le pas dans l'environnement réglementaire actuel. Je sais d'ores et déjà que je ne serai pas déçu par votre goût de l'initiative et, au premier chef, par celui de votre rapporteur général, Philippe Marini, qui a beaucoup travaillé sur le texte et avec lequel nous avons eu des entretiens constructifs.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Les propositions contenues dans ce texte sont à la fois ambitieuses et réalistes : ambitieuses, car il s'agit de remédier aux faiblesses de notre économie ; réalistes, car on sait bien que rien ne remplacera jamais la mobilisation des hommes et des femmes qui sont les acteurs de notre économie : entrepreneurs, investisseurs, salariés.

C'est pourquoi ce projet de loi vise simplement à fournir un certain nombre d'outils aux acteurs de l'économie, à lever des blocages pour rendre l'action plus fluide et à tracer des pistes et définir des opportunités qu'il appartiendra aux Français de saisir.

Les faiblesses structurelles de notre pays auxquelles je souhaite m'attaquer au moyen de ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie sont au nombre de trois : les entreprises françaises sont sous-capitalisées ; elles ne sont pas assez dynamiques dans leur effort de recherche et d'innovation ; elles n'associent pas suffisamment les salariés à la direction stratégique de l'entreprise, ce qui crée une rupture, parfois inquiétante, alors que la pédagogie doit être incessante dans une économie mondialisée.

La sous-capitalisation des entreprises constitue donc notre première faiblesse

Nous savons, en France, créer des entreprises, et nous en avons beaucoup, le plus souvent petites, voire très petites, mais nous avons une réelle difficulté à les faire grandir. C'est un enjeu stratégique pour notre pays. Pour ma part, j'y vois la source de nos difficultés à exporter. L'Allemagne a le même euro, la même banque centrale que nous et doit respecter les mêmes règles environnementales européennes. Cela ne l'empêche pas d'être le premier exportateur mondial. Elle tire ses atouts d'une spécialisation réussie, mais aussi d'une base de petites et moyennes entreprises exportatrices plus solide et d'une taille supérieure aux nôtres.

Pour faire grandir nos PME, nous avons plusieurs signaux à lancer. Le Premier ministre a ouvert un chantier salutaire en s'attaquant au blocage que constitue le franchissement du seuil de dix salariés, dont l'effet en termes financiers est très violent. Le projet de loi que défend Renaud Dutreil - et que vous avez adopté - facilite la transmission et le développement des TPE. Pour ma part, je souhaite, grâce à ce projet de loi, « connecter » très vite les entreprises avec les marchés financiers et la Bourse. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est un mode de financement profond et régulier, auquel une entreprise de croissance devra se confronter tôt ou tard au cours de son existence. Plus vite elle se sera organisée pour répondre aux attentes que ce type de financement suscite, plus vite elle se placera dans une logique de croissance.

Le texte vise à créer cette dynamique autour de trois axes.

Le premier axe est celui de la simplification du premier accès au marché.

Le projet de loi prévoit une stratégie ordonnée pour que les PME en croissance aient accès aux marchés financiers. Là où les obligations croissantes qui pèsent sur les entreprises pour protéger les investisseurs - et c'est un objectif légitime - avaient conduit à créer un effet de seuil très difficile à franchir, le projet de loi vise à organiser une progressivité des obligations d'information des entreprises selon la maturité du marché sur lequel elles s'introduisent, et donc selon le type d'investisseurs auxquels elles s'adressent.

L'appel public à l'épargne pourra être ainsi gradué, avec un niveau minimum - ce qui ne veut pas dire vide - pour la cotation libre et le « meilleur niveau » pour l'Euroliste de la Bourse de Paris. A mi-chemin, un marché organisé, tel Alternext, qui cible le premier accès à la Bourse tout en visant une base solide et profonde d'investisseurs, et qui est donc à la recherche d'un double label de souplesse et de qualité, pourra discuter avec l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, un niveau intermédiaire taillé, sur mesure, d'obligations en matière d'informations financières.

La création de ce marché offre une vraie chance à nos PME, et je salue ses premiers succès : en quelques semaines à peine, en effet, huit introductions ont été réalisées, qui ont permis de « lever » 42 millions d'euros. Ce montant doit être comparé aux 140 millions d'euros « levés » au cours de l'ensemble de l'année 2004 sur les marchés parisiens destinés aux petites entreprises - le second marché, le nouveau marché et le marché libre. La comparaison avec le concurrent londonien place cependant la barre très haut : trois cents introductions ont été réalisées l'en dernier sur l'Alternative Investment Market, l'AIM, qui ont permis de « lever » 6, 7 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros d'actions nouvelles. Il est temps d'agir pour redonner au marché parisien toute sa place auprès des petites et moyennes entreprises.

Le deuxième axe de ma stratégie vise précisément à consolider une base d'investisseurs solide, profonde et durable. Pour ce faire, j'ai tenu à renforcer sensiblement le projet de loi et ai proposé à l'Assemblée nationale d'ajouter un nouveau titre, le titre Ier A, intitulé « Encourager la détention durable d'actions ». Ses articles mettent en place un régime fiscal propre à assurer le décollage de ce marché, en le faisant démarrer sous les meilleurs auspices, non seulement réglementaires, mais aussi fiscaux. Un volet « incitation des investisseurs » est ainsi venu équilibrer le volet « simplification pour l'entreprise » que je viens de présenter, avec une très forte cohérence. Ainsi, Alternext est rendu éligible à l'avantage fiscal dit « Madelin », qui prévoit une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % à la souscription pour les participations dans les PME, grâce à un aménagement des conditions de détention adapté à la situation des entreprises qui viennent s'y faire coter.

Ensuite, j'ai proposé, pour créer un effet de signal, d'anticiper la réforme des plus-values de cessions à long terme, réforme adoptée sur votre initiative dans le cadre de la discussion de la loi de finances - pour les entreprises mises sur un marché organisé destiné aux PME, tel que Alternext.

A ces propositions est venue s'ajouter une initiative parlementaire dont je me réjouis, parce qu'elle orientera l'assurance vie vers l'investissement en actions.

En effet, dans le respect de la neutralité fiscale, les épargnants pourront désormais, sur une base contractuelle, transformer leurs contrats obligataires dits « en euros » en contrats « multi-supports » pouvant comporter des actions. Compte tenu du montant très important des placements en assurance vie - environ 400 milliards d'euros -, même une réorientation progressive et modeste aura un effet important sur l'investissement des ménages en actions.

Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale en réponse aux questions des députés, le Gouvernement travaille sur la réforme du régime des plus-values à l'impôt sur le revenu pour les détentions durables, conformément aux voeux du Président de la République. Il est en effet souhaitable que la détention durable d'actions bénéficie d'un avantage comparatif par rapport à une démarche de court terme. Soyons neutres pour le court terme, mais soyons avantageux pour le long terme : tel est le principe qui doit nous guider.

Le Gouvernement envisage donc d'aligner, dans le projet de loi de finances, la fiscalité des plus-values des participations de plus de 25 %, qui ne sont pas éligibles au PEA sur le régime de l'immobilier, en réfléchissant à une durée pertinente pour des actions.

Ce serait toutefois une erreur de considérer que, pour consolider une base stable et profonde d'investisseurs en actions dans notre pays, la seule fiscalité suffit. En revanche, il est indispensable de renforcer la confiance des investisseurs.

Cela fait l'objet du troisième axe de ma stratégie pour orienter l'épargne des Français vers les entreprises.

Les Français retournent progressivement vers la Bourse, après avoir subi les déconvenues liées au dégonflement de la bulle spéculative, dite « internet ». Des leçons ont été tirées, qu'il ne faut pas oublier. Les informations données aux épargnants ont sensiblement progressé grâce avec la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Mais si la France veut être une place financière de premier plan, nous devons faire en sorte qu'elle assure toujours aux investisseurs une protection du meilleur niveau qui soit. Or il y a urgence. En effet, il n'il y a plus seulement une directive dont la transposition a pris du retard, mais deux. Grâce à ce texte, nos marchés réglementés rejoindront le club fermé des bourses se situant aux meilleurs standards internationaux.

Ainsi, les règles relatives aux prospectus diffusés lors de l'émission des titres sont revues, notamment pour prévoir un résumé plus accessible pour les investisseurs et une mise à jour destinée à tenir compte de faits significatifs ayant touché l'émetteur.

Parmi les mesures permettant de renforcer la confiance des investisseurs, je relève plus particulièrement l'extension du champ de compétence de l'AMF en matière d'injonctions et de sanctions, un meilleur encadrement des recommandations d'investissement portant sur des titres cotés - y compris lorsqu'elles émanent de journalistes financiers -, le renforcement des règles relatives à l'information périodique des investisseurs et une coopération accrue entre l'AMF et ses homologues européennes.

Cela complète les dispositions détaillées dans le projet de loi portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers - que vous avez adopté en première lecture et que vous réexaminerez le 11 juillet prochain -, texte qui prévoit deux nouvelles procédures sur les marchés réglementés : la tenue par les entreprises et leurs correspondants de listes d'initiés qui ont accès à des informations privilégiées ; l'obligation de déclaration de soupçon des opérations d'initiés mise à la charge des intermédiaires financiers qui reçoivent un ordre suspect.

Je voudrais m'attarder un peu plus longuement sur le renforcement du pouvoir de sanction de l'AMF, essentiel au bon fonctionnement des marchés financiers. Notre droit actuel prévoit que l'AMF doit faire la preuve, avant de sanctionner une manipulation de marché, que cette manipulation a eu un impact effectif sur le cours d'un titre ou sur le bon fonctionnement du marché. Or un comportement condamnable peut ne pas aboutir. Le droit européen nous demande donc de considérer que, lorsque les comportements fautifs sont avérés, le manquement peut être sanctionné. Cela est de nature à accroître l'efficacité de l'AMF, qui a aujourd'hui du mal à sanctionner les manipulations de cours. Dans la même veine, elle pourra désormais sanctionner les tentatives de délits d'initiés. Enfin, le projet de loi réorganise le champ d'application des délits et manquements boursiers sur les marchés : les abus de marché seront désormais tous sanctionnés sur les marchés non réglementés par des sanctions administratives prononcées par l'AMF.

Pour compléter cet arsenal élargi, le Gouvernement pourrait également envisager de confier à l'AMF un pouvoir de transaction en matière de manquements et de délits d'initiés. Une concertation approfondie serait nécessaire pour qu'une telle procédure - pour laquelle les différentes parties prenantes ont d'ores et déjà marqué leur intérêt - conjugue attractivité, sécurité juridique et respect des prérogatives de la justice.

Confier à l'AMF un pouvoir de transaction serait très « structurant » pour cet organisme et constituerait un bouleversement assez profond de ses pratiques et de ses responsabilités. Le cas échéant, le législateur devra donc sans doute accompagner également la réforme sur ce plan. En revanche - je tiens à le dire dès maintenant -, il me semblerait inopportun de faire évoluer aujourd'hui, sans vision stratégique claire, les structures de l'AMF, ainsi qu'y visent un certain nombre d'amendements émanant de l'opposition.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Après les problèmes de capitalisation des entreprises, la deuxième faiblesse structurelle de notre économie est l'insuffisance de dynamisme de nos entreprises pour investir dans la recherche et l'innovation. Ce dynamisme dépend peut-être encore plus de l'initiative des acteurs économiques. Je propose au législateur non pas d'être passif, mais de s'attacher à « stimuler » les comportements dans cette direction, en utilisant tous les leviers disponibles.

Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie vise à donner une impulsion nouvelle aux sociétés de revitalisation économique, qui aident les territoires à se remettre en cause et à aller de l'avant. Il autorise la création de l'Agence industrielle de l'innovation, qui aura pour objectif, en finançant un nombre restreint de programmes ciblés sur ce que l'on appelle des « technologies de rupture » que le marché peine à financer seul, d'ouvrir les marchés de l'avenir pour nos entreprises.

A cette base, j'ai souhaité un complément, en proposant une mesure destinée à encourager les entreprises à consacrer une partie des résultats qu'elles ont réalisés en 2004 à des efforts de recherche. L'Assemblée nationale a bien voulu adopter cette mesure, en l'assortissant du projet, à mes yeux très complémentaire, d'aligner le régime du capital-investissement sur celui des participations en matière d'exonération de plus-values voté dans la loi de finances pour 2005 sous votre impulsion.

Je vous proposerai, enfin, d'inciter les PME à déposer davantage de brevets en en réduisant le coût : le principe de tarifs réduits pour les dépôts à l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, dont la mise en oeuvre est aujourd'hui complexe et mal ciblée, sera généralisé à toutes les personnes physiques, aux PME-PMI et aux organismes à but non lucratif des secteurs de l'enseignement et de la recherche.

La troisième faiblesse structurelle à laquelle ce texte ambitionne de remédier, c'est le manque de confiance des salariés, et parfois des actionnaires, dans la direction de l'entreprise. Pour y répondre, je vois deux chantiers principaux à engager : le développement de la transparence et l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise.

Le projet de loi comporte plusieurs mesures pour améliorer la fluidité de la prise de décision collégiale dans l'entreprise.

Ainsi, la disposition facilitant le recours aux nouvelles technologies pour la tenue des conseils d'administration permettra qu'ils soient réunis plus fréquemment et plus facilement en cas d'urgence. La participation plus aisée d'administrateurs géographiquement éloignés, en France ou à l'étranger, aidera à diversifier les conseils.

M. le rapporteur et M. Robert Del Picchia approuvent.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

De même, l'abaissement des quorums sur première convocation des diverses assemblées générales devrait développer la démocratie actionnariale, ces quorums devenant plus faciles à atteindre, alors qu'aujourd'hui la première convocation est une formalité coûteuse qui n'a d'autre objet que de permettre une deuxième convocation, cette fois sans aucun quorum.

A cet égard, il serait sans doute opportun de réfléchir à l'intégration des nouvelles technologies. Aujourd'hui, les assemblées générales sont pratiquement toutes diffusées sur Internet en temps réel. Lorsque ces nouveaux outils technologiques seront accessibles à l'ensemble de nos concitoyens, en particulier des actionnaires, de façon sécurisée, il faudra les intégrer dans notre démarche de façon à accroître la démocratie actionnariale.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

J'ai souhaité développer ce volet du projet de loi en renforçant la transparence sur les rémunérations dites « différées » des dirigeants vis-à-vis de l'assemblée générale.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. En effet, certaines pratiques sont aujourd'hui choquantes faute d'avoir été portées à la connaissance des actionnaires. C'est pourquoi je propose que ces éléments de rémunération soient désormais inclus dans les conventions réglementées soumises à l'assemblée générale.

M. le président de la commission des finances s'en félicite.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Cette proposition a été très utilement complétée par un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale qui vise à renforcer l'information sur les rémunérations des dirigeants portée à la connaissance des actionnaires dans le rapport annuel. Une fois qu'ils auront été saisis, ce sera aux actionnaires de se déterminer en toute connaissance de cause. Nous avons, avec les articles issus de la discussion au Sénat, atteint, me semble-t-il, un bon équilibre.

Vous souhaitez pour votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, compléter le texte par la transposition du règlement européen et de la directive sur la société européenne. Permettez-moi de vous dire combien j'apprécie cette initiative, issue des réflexions de MM. Hyest, Saugey, Branger et Marini, et qui vient, à point nommé, rattraper un retard très préjudiciable à notre pays.

Depuis octobre 2004, des sociétés européennes peuvent se créer, mais elles ne peuvent pas le faire en France ni sous droit français. Il n'y a donc aucun avantage à rester dans cette situation. Il me semble particulièrement opportun de choisir le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie pour combler cette lacune : donner à nos entreprises les moyens de se développer harmonieusement au sein de l'Union européenne, dans le respect d'une forme sociale associant les salariés et protectrice des droits des actionnaires, et assurer en même temps la compétitivité de notre droit, voilà qui est décidément dans l'esprit de ce texte.

Le chantier par lequel je voudrais clore cette présentation du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, c'est le développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Le Premier ministre a repris très clairement cet objectif dans son discours de politique générale. Je m'en réjouis, car je suis convaincu qu'il s'agit d'un axe de progrès déterminant de notre économie et de notre consensus social. Ayant eu l'occasion, comme chef d'entreprise, de jouer à fond la carte de l'intéressement et de l'actionnariat salarié, je ne l'ai jamais regretté.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi contient d'ores et déjà une série de mesures très concrètes visant à développer l'intéressement en dehors de la base habituelle des grandes entreprises.

La « prime exceptionnelle d'intéressement » que j'ai proposée concourt au même objectif, en ouvrant la possibilité d'offrir en 2005 un intéressement supplémentaire de 15 %, ou 200 euros, et ce même dans les entreprises qui n'ont pas d'accord.

Ouvrir cette possibilité aux entreprises qui n'ont pas encore d'accord d'intéressement - elles sont trop nombreuses à mon goût - c'est favoriser les discussions en leur sein et leur permettre de se familiariser avec ce système, et donc se donner un chance supplémentaire de le pérenniser.

Comme l'a annoncé le Premier ministre, il vous est proposé de rendre possible le déblocage de la participation 2004, après conclusion d'un accord collectif, pour ne pas perturber la gestion des fonds d'actionnariat salarié. Cette mesure ponctuelle favorisera le pouvoir d'achat des salariés, ce dont notre économie a besoin. Elle aura un impact positif sur l'adhésion des salariés aux mécanismes d'épargne salariale, puisque leur capacité de choix sera accrue.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Mais je ne souhaite pas anticiper les conclusions de la mission de réflexion et de concertation sur la réforme de la participation que le Gouvernement a confiée à vos collègues de l'Assemblée nationale MM. Godfrain et Cornut-Gentille. Vos messages seront, dans ce contexte, particulièrement écoutés.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la présentation, par grands axes stratégiques, que je souhaitais faire du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Je serai attentif à vos réactions et examinerai de manière constructive vos propositions.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, fort intéressant et quelque peu complexe, dont M. le ministre vient de présenter les nombreuses dispositions en les regroupant par grands axes, a, me semble-t-il, pour objectif principal d'accroître la compétitivité de notre droit financier et de renforcer l'attractivité du territoire national.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'ensemble de ses dispositions s'inscrivent dans une évolution qui se poursuit, et qui s'est récemment traduite par l'adoption d'une série de textes législatifs de droit interne et de normes communautaires, notamment des directives.

Les orientations dont nous avons à débattre sont très proches de celles de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Elles rejoignent une série de transpositions en cours, notamment celles qui sont contenues dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, que nous avons adopté en première lecture au Sénat, le 2 mai dernier, ou le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, que nous avons examiné en commission des finances le 7 juin dernier. Nous espérons d'ailleurs, monsieur le ministre, que ce texte sera prochainement inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

Le projet de loi dont nous avons à traiter s'apparente donc à une catégorie de textes que la commission des finances affectionne : les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En effet, à défaut de tels rendez-vous, on prend le risque, qui trop souvent se concrétise, de dispositions parcellaires, d'amendements très substantiels qui interviennent en extrême fin d'année, au moment où doit être élaborée, le plus souvent dans la hâte, une loi de finances rectificative.

Ce texte, qui sera bientôt, monsieur le ministre, la « loi Breton », poursuit donc la modernisation des marchés financiers, un enjeu majeur de compétitivité.

Vous nous conviez aussi à adopter des mesures de nature à améliorer la gouvernance des entreprises. Nous vous suivrons bien entendu sur ce terrain, qu'il s'agisse d'améliorer les conditions concrètes de fonctionnement des organes sociaux, de clarifier le statut des dirigeants, de faire prévaloir, dans une mesure raisonnable, la transparence des rémunérations des mandataires sociaux ou d'autres dispositions de même nature.

J'ai bien entendu la réflexion que vous avez formulée tout à l'heure, monsieur le ministre, concernant l'exercice des droits des actionnaires en assemblée générale. Réduire les conditions de quorum ne peut, même si l'on comprend les nécessités immédiates, susciter l'enthousiasme. Peut-être faut-il, dans un monde de plus en plus internationalisé, avec des investisseurs de plus en plus divers, réfléchir très concrètement aux modalités que vous évoquiez, à savoir l'utilisation des moyens modernes d'identification et de vote électronique.

L'intégration de ces outils permettra sans doute un jour - que j'espère proche - de revenir à des taux de présence et à une expression de vote sensiblement plus élevés en termes de représentativité de l'actionnariat. Je crois que c'est une bonne voie, même s'il n'est pas encore temps de l'emprunter. Espérons que des travaux, auxquels le Parlement sera associé, pourront aboutir, d'ici quelques mois, à une concrétisation.

A cet égard, je ferai un rapprochement avec le succès que représentent, dans un tout autre domaine, mais qui a été évoqué tout à l'heure à propos du précédent texte, les nouvelles modalités d'élection des délégués à l'Assemblée des Français de l'étranger. §

Cette proposition de loi, présentée par Robert Del Picchia, en permettant à des Français dispersés sur l'ensemble du globe de voter par Internet, a sensiblement accru l'intérêt pour de telles élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut manifestement aller dans ce sens pour faire vivre de façon plus intense, quel que soit le lieu où se trouvent les investisseurs, la démocratie actionnariale.

Monsieur le ministre, vous nous invitez ensuite à assouplir, conformément à nos engagements européens et à l'intérêt des entreprises en croissance, les conditions de l'appel public à l'épargne.

Dans le droit-fil des directives en la matière, nous adaptons notre définition de l'appel public à l'épargne, nous favorisons la mise en place d'un niveau intermédiaire de marché entre le marché libre et la cotation sur un marché réglementé.

Nous pouvons espérer, à partir de ces mesures, que des plateformes comme Alternext permettront à des entreprises moyennes de s'acclimater aux disciplines du marché, notamment aux disciplines d'information, et de progresser dans leurs investissements par appel à l'épargne.

Dans ce cadre du développement de nos entreprises et du respect de nos engagements européens, je voudrais faire mention ici de la société européenne.

La création de cette société européenne résulte d'un accord politique qui est intervenu au sommet de Nice, il y a déjà quelques années. Le règlement et la directive communautaires en la matière prévoyaient, comme date limite de transposition en droit interne, le 1er octobre 2004.

J'ai, pour ma part, déposé une proposition de loi au début du mois d'octobre 2003, et j'ai la faiblesse de penser qu'on aurait pu aller plus vite.

Mais l'essentiel est d'arriver à bon port, et je me réjouis que les initiatives successives prises par moi-même puis, grâce à Jean-Jacques Hyest, Jean-Guy Branger et Bernard Saugey, par la commission des lois, aient permis d'aboutir à un texte consensuel avec M. le garde des sceaux.

L'insertion du statut de la société européenne dans notre droit commercial n'est pas un exercice si facile que cela, car il faut organiser les conditions conceptuelles d'accueil en droit français de cette société européenne. Il faut donc, sur certains points, modifier notre droit commercial pour que les sociétés européennes qui seront inscrites sur notre territoire bénéficient d'un régime juridique compétitif et attractif.

Nous nous sommes efforcés de le faire, et je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre satisfaisant.

Pour que l'économie de marché puisse fonctionner dans de bonnes conditions, la régulation doit s'exercer de manière exigeante et la transparence doit prévaloir sur les marchés. En d'autres termes, mes chers collègues, nous devons toujours rechercher l'équilibre - le meilleur possible du moment - entre la protection de l'épargnant et la préservation de la souplesse de gestion des entreprises.

Il est important que les règles du jeu soient claires. C'est là un facteur de confiance essentiel pour les investisseurs et, pour que cette confiance existe, le rôle de la régulation est tout à fait primordial. La surveillance des transactions, qui est un facteur essentiel de la confiance, doit se faire, autant qu'il est possible, dans le cadre de règles aisément compréhensibles.

Dans ce contexte, nous avons voulu, monsieur le ministre, nourrir encore un peu plus le présent projet de loi, en particulier en reprenant des réflexions que nous avions échangées ensemble au début du mois de mai sur les rachats d'actions par les émetteurs, sur les rachats de leurs propres titres par des entreprises.

Cette pratique est courante, elle est nécessaire à la respiration économique, elle doit se faire en toute clarté et elle doit permettre aux actionnaires de bien savoir en toute circonstance où ils en sont. Les autorisations doivent être clairement données afin que les actionnaires puissent en tirer les conséquences quant à leurs comportements en termes d'achat ou de vente.

C'est tout ce que l'on peut souhaiter, et ce sont d'ailleurs les objectifs que la commission des finances s'est fixés en prenant ces initiatives.

Notre droit est perfectible dans ce domaine des rachats d'actions. Nous espérons qu'il sera possible, monsieur le ministre, de trouver, là encore, un point d'équilibre raisonnable.

Dans le souci de renforcer la transparence du marché, nous sommes conduits à poser la question de la langue du libellé des prospectus financiers. A cet égard, nous souhaitons que le français demeure, en France, langue de référence, tout au moins pour les émissions sur le marché français de titres de capital.

La directive « prospectus » du 4 novembre 2003 semble comporter des choix implicites susceptibles de poser à beaucoup d'entre nous de réels problèmes. Nous comptons en débattre lors de la présentation d'un amendement déposé par la commission des finances.

En effet, en cas d'émission d'actions, bien comprendre les perspectives de l'entreprise émettrice suppose d'être en mesure de décrypter toutes les subtilités d'une note d'information, et rien ne vaut pour cela l'usage de la langue maternelle. Voilà pourquoi il faut la promouvoir en tous domaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, le projet de loi que nous propose M. Thierry Breton comporte des dispositions extrêmement utiles, dont certaines sont mêmes structurelles, dans un domaine de technique juridique peu connu, mais qui conditionne l'efficacité de bien des opérations économiques : la réforme du droit des sûretés.

La réflexion qui a été conduite par la Chancellerie en la matière est tout à fait remarquable. Un groupe de travail, présidé par le professeur Michel Grimaldi, spécialiste unanimement respecté, a conduit à une réécriture de notre droit en la matière. Simplement, pour que cette réécriture soit effective, vous nous proposez une méthode, certes nécessaire, mais qui suscite parfois de la part de certains d'entre nous un peu de méfiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je veux parler de la méthode de l'habilitation et de la rédaction des textes par ordonnances, sous la responsabilité de l'exécutif.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont modifié la rédaction de l'article d'habilitation ; je crois que leur travail est fort utile pour mieux cadrer et mieux exprimer les objectifs. Nous avons donc approuvé le texte qui résulte des délibérations de l'Assemblée nationale et nous voudrions insister sur le caractère novateur de deux dispositifs qui nous paraissent aller dans le sens d'une indispensable modernisation.

Il s'agit, d'une part, de l'hypothèque rechargeable et, d'autre part, du viager hypothécaire.

Sur ces deux concepts, nous sommes en plein accord avec le Gouvernement.

J'ajoute que cette modernisation du droit des sûretés permettra, par exemple, de nantir un stock, alors que c'est actuellement impossible puisque seul un bien identifié peut juridiquement faire l'objet d'un nantissement.

Dès lors que l'ordonnance aura permis cet assouplissement, il sera possible à une entreprise de lever de l'argent, par le moyen d'un crédit hypothécaire, sur l'ensemble d'un stock, c'est-à-dire un flux économique qui se renouvelle sans cesse.

Il faut saluer cette réforme, qui va dans le sens du réalisme et de la souplesse et dont les effets ne seront pas négligeables sur le financement des entreprises.

Je voudrais aussi rappeler après vous, monsieur le ministre, que l'épargne salariale et l'intéressement n'ont pas été oubliés par les rédacteurs de ce projet de loi. Nous aurons à examiner une série d'amendements, notamment ceux qui ont été déposés par notre excellente collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Nous aurons aussi à débattre de l'opportunité d'émettre certains signaux, parfois contradictoires, en la matière.

L'épargne longue et très longue est indispensable au financement des entreprises et pour la prévention de risques sociaux essentiels comme la dépendance ou la retraite. Pourtant, nous sommes périodiquement encouragés à adopter ou à approuver des mesures de déblocage de cette épargne. Nous l'avons fait l'année dernière, et cela nous est à nouveau proposé cette année. Sur la conciliation des objectifs, sur le cap stratégique à suivre en la matière, nous aurons certainement, monsieur le ministre, un débat utile au sein de la Haute Assemblée.

La commission des finances a donc examiné, dans un esprit positif, les différentes mesures que vous préconisez, monsieur le ministre. Elle a formulé des propositions pour les nourrir encore davantage et les diversifier, dans le respect de l'esprit qui les inspire.

J'en terminerai en soulignant que la modernisation de notre législation financière ne va pas s'arrêter à ce texte. C'est un processus continu. Nous avons d'autres rendez-vous, que j'ai cités au début de mon propos et, chaque année, mes chers collègues, nous serons sans doute incités à faire progresser la transparence, la confiance, la bonne gouvernance. Ce sont des objectifs qu'il faut s'attacher à atteindre, avec assiduité et persévérance.

En ce qui nous concerne, nous avons préconisé que ces principes s'appliquent notamment à la Caisse des dépôts et consignations et au réseau des Caisses d'épargne. En adaptant leur mode de gouvernance sur un point très particulier, nous souhaitons que le droit puisse évoluer, sur ces sujets comme sur d'autres.

En conclusion, j'évoquerai, toujours dans le même esprit, deux réformes qui me semblent importantes.

La première concerne les conditions concrètes dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers pourrait se voir reconnaître un pouvoir de transaction en vue d'accélérer les procédures, de les rendre plus efficaces, de les rendre plus incontestables.

La seconde, monsieur le ministre, consisterait à introduire en droit français un régime de fiducie, car c'est un élément d'attractivité qui manque à notre panoplie juridique.

Nous avons ici bien des exemples de l'interaction entre modernisation et confiance. La confiance ne se décrète pas, mais elle peut se construire, patiemment, à partir de mesures d'apparence parfois techniques, à condition que ces dernières reflètent une volonté, une continuité et une persévérance.

Vous êtes animé de ces qualités, monsieur le ministre. La commission des finances les salue et s'efforcera, pour sa part, de contribuer à ce que ce texte soit pleinement efficace.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir, pour avis, d'une dizaine d'articles du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, articles qui sont, pour la plupart, relatifs à la participation et à l'intéressement, à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié.

Ces articles procèdent à une série d'ajustements techniques et pragmatiques, destinés, notamment, à favoriser le développement de la participation dans les petites et moyennes entreprises et à encourager l'actionnariat salarié dans les sociétés non cotées. Si ces mesures restent d'ampleur limitée, c'est parce que le Gouvernement n'a pas souhaité procéder à une réforme plus vaste avant de disposer du rapport commandé sur ces thèmes à deux députés, Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille, qui devraient rendre leurs conclusions très prochainement.

Pendant de longues années, c'est notre collègue et ami Jean Chérioux qui a rapporté les textes sur ces sujets et qui a représenté notre commission au sein du Conseil supérieur de la participation. Sa compétence et sa hauteur de vues étaient unanimement reconnues, et je tenais donc à le saluer publiquement ; je mesure cependant pleinement la lourde responsabilité que constitue sa succession.

Comme je l'indiquais en introduction, le Gouvernement entend favoriser le développement de l'intéressement dans les PME et encourager l'actionnariat salarié dans les sociétés non cotées. Deux mesures phares sont à cette fin envisagées dans le projet de loi.

La première consiste à autoriser le chef d'entreprise et son conjoint, dans les entreprises employant moins de cent personnes, à bénéficier de l'accord d'intéressement, actuellement réservé aux seuls salariés. Le chef d'entreprise serait ainsi fortement incité à négocier un accord d'intéressement avec les représentants du personnel.

Les auditions auxquelles j'ai procédé ont montré que cette mesure était accueillie favorablement par les partenaires sociaux. Même si certains syndicats déplorent la confusion qu'elle est susceptible d'entraîner entre les modalités de rémunération des salariés et celles du chef d'entreprise, ils ont choisi, pour la plupart d'entre eux, de faire preuve de pragmatisme et de soutenir cette proposition, plutôt que de s'arrêter à des positions de principe.

Cette mesure s'inspire d'ailleurs d'une disposition analogue, adoptée en 2001 pour favoriser la diffusion des plans d'épargne d'entreprise, les PEE, dont les résultats furent immédiatement positifs, puisque le nombre de PEE mis en place a doublé en l'espace d'une année.

La seconde innovation proposée consiste à autoriser les entreprises non cotées en bourse à céder leurs titres à leurs salariés avec une décote, c'est-à-dire avec un rabais par rapport à leur valeur réelle.

Aujourd'hui, seules les sociétés cotées disposent de cette faculté de céder leurs titres avec une décote, qui peut atteindre, selon les cas, de 20 % à 30 %. Dès 1999, dans le rapport d'information qu'il consacrait à l'actionnariat salarié, Jean Chérioux recommandait de mettre fin à cette différence de traitement peu justifiée entre sociétés cotées et sociétés non cotées. C'est précisément ce que prévoit le présent projet de loi.

Cette mesure rendra l'actionnariat salarié financièrement plus intéressant dans les sociétés non cotées, alors qu'il y est aujourd'hui assez peu développé en raison des risques attachés à ces placements et du manque de liquidité des titres, sans compter les problèmes posés par l'évaluation de la valeur de ces sociétés. Sans doute faudrait-il réfléchir, à plus long terme, à des formes de mutualisation de ces titres dans des fonds qui permettraient de diversifier les risques et de faciliter la revente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Les autres mesures contenues dans le projet de loi sont plus techniques et ponctuelles. Elles ont pour but de faciliter les transferts entre plans d'épargne, de sanctionner les sociétés non cotées qui ne respecteraient pas les règles relatives à l'évaluation de leurs titres et, enfin, de mieux garantir l'information des salariés au moment de la création d'un plan d'épargne d'entreprise.

Le texte a bien sûr évolué au cours de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Il a été complété par de nouvelles mesures techniques et, surtout, par un volet supplémentaire destiné à favoriser la consommation des ménages et à permettre un partage plus équitable des fruits de la croissance.

Au titre des mesures techniques, je mentionnerai celle qui consiste à rendre la participation aux résultats de l'entreprise plus intéressante pour les salariés les plus modestes. Actuellement, étant donné que la somme que peut recevoir chaque salarié est plafonnée, il arrive que la totalité de la réserve de participation ne soit pas distribuée après une première répartition. L'Assemblée nationale propose que, dans ce cas, le reliquat fasse l'objet d'une seconde distribution, au bénéfice des salariés ayant perçu une somme inférieure au plafond.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La commission des affaires sociales approuve pleinement cette innovation.

Outre ces dispositions ponctuelles, l'Assemblée nationale a, je le disais, adopté des mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat et la consommation des ménages.

En ce qui concerne la participation, il faut rappeler que les droits acquis à ce titre sont normalement bloqués pendant une durée de cinq ans, afin d'aider les salariés à se constituer une épargne. Toutefois, il est toujours loisible au législateur de prendre, à titre temporaire, des mesures de déblocage anticipé.

Ainsi, la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement avait déjà prévu, entre autres mesures de relance, le déblocage anticipé de l'épargne salariale : 10 % des encours, soit 7 milliards d'euros, ont été libérés, ce qui a eu un effet positif sur la consommation des ménages.

La mesure de déblocage proposée cette année est de portée plus restreinte, puisqu'elle concerne seulement la participation versée en 2005, et non l'épargne totale accumulée par les salariés. Elle ne concerne pas non plus la participation affectée à un plan d'épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, afin d'éviter de porter préjudice à l'épargne retraite. L'effet de cette mesure sur la consommation sera donc modéré mais pas inutile dans le contexte de ralentissement de la croissance que nous connaissons.

La prime exceptionnelle d'intéressement, quant à elle, pourra être versée par les entreprises soit sur décision unilatérale de l'employeur, soit après la conclusion d'un accord collectif. Elle sera plafonnée à 200 euros par bénéficiaire ou à 15 % de l'intéressement versé en 2004. Elle permettra de faire profiter davantage les salariés des bons résultats financiers enregistrés par plusieurs grands groupes au cours de l'exercice 2004. Je tiens cependant à souligner que ces bons résultats ne reflètent pas nécessairement la situation financière de l'ensemble des entreprises, notamment des plus petites, ce qui explique que le versement de la prime reste facultatif.

Les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires sociales auront deux objectifs

D'abord, ils viseront à améliorer la qualité du texte, qui, parfois, présente encore quelques ambiguïtés ou imprécisions.

Ensuite, ils contribueront à la réflexion en cours en ouvrant des pistes de réforme.

Ainsi, la substitution du bénéfice comptable au bénéfice fiscal pour le calcul de la réserve de participation me paraît être une idée intéressante, que je souhaite défendre, même si je me doute que le Gouvernement ne pourra pas, à ce stade, y donner un avis favorable.

Je suis également favorable à une remise à jour des cas de déblocage anticipé de la participation. Comme cette question relève du domaine réglementaire, je n'ai pas déposé d'amendements en ce sens, mais je l'évoque dans mon rapport. Il pourrait être justifié, par exemple, d'autoriser le déblocage de la participation à la naissance du premier ou du deuxième enfant, au lieu de réserver cette possibilité, comme c'est le cas aujourd'hui, à l'arrivée du troisième enfant, ou lorsque les familles sont confrontées à un accident de la vie entraînant un handicap lourd ou le décès du titulaire de la participation, de son conjoint ou de l'un de ses descendants.

Dans le même esprit, les conditions de déblocage de la participation pour financer un projet de création ou de reprise d'entreprise pourraient aussi être rendues moins contraignantes.

Avant de terminer mon propos, il me reste à évoquer l'article 21, qui est un peu à part, puisqu'il traite de la lutte contre le tabagisme. Il reprend une mesure que le Sénat avait approuvée lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, mais qui avait ensuite été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un « cavalier social ».

Afin de lutter contre des pratiques commerciales contestables, cet article fixe à vingt, contre dix-neuf actuellement, le nombre minimum de cigarettes par paquet. Au-delà, le nombre de cigarettes devra obligatoirement être un multiple de cinq.

Nous soutenons bien sûr cette disposition, qui préserve la santé publique et la déontologie commerciale.

En conclusion, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie pour avis. Elle estime que ces mesures sont de nature à donner une nouvelle impulsion à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié. Elle comprend les motifs qui ont amené le Gouvernement à proposer une mesure de déblocage anticipé de la participation, même si elle demande que cette mesure à visée conjoncturelle demeure ponctuelle et exceptionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie constitue le deuxième volet de la démarche du Gouvernement visant, tout comme le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, à favoriser le développement des PME en particulier et de l'économie en général. Il concentre son objet, pour l'essentiel, sur les grandes entreprises en favorisant l'action et la participation des investisseurs.

Les raisons d'être et les motivations de ce projet de loi sont claires : la confiance est l'élément déterminant de la croissance économique, mais elle est souvent ébranlée, voire mise à mal, par certaines pratiques ; il faut donc conforter la confiance en encadrant ces pratiques, en assurant la transparence de l'action économique ainsi qu'en édictant des dispositifs juridiques clairs et, si possible, simples.

La transparence de l'entreprise est, depuis quelques années, au coeur de la politique du Gouvernement. Sur ce plan, la loi du 1er août 2003 de sécurité financière a constitué une étape importante. Toutefois, cette loi n'a pas réglé toutes les difficultés, et de nouvelles réflexions ont été engagées depuis son entrée en vigueur.

Ainsi, dans la compétition économique entre les Etats, les dispositifs juridiques tendent à devenir des facteurs de l'attractivité - ou, au contraire, de la non-attractivité ! - d'un territoire pour les acteurs économiques, raison pour laquelle certains de nos dispositifs doivent être modernisés et simplifiés.

Tel est le cas, en particulier, de notre droit des sûretés, lequel n'a connu aucune réforme globale depuis la rédaction du code civil, en 1804 !

Les mesures figurant dans le présent projet de loi ont donc pour objet d'apporter les réformes nécessaires à la reprise de l'investissement et de la croissance.

La commission des lois s'est d'abord saisie des dispositions relatives au droit des sociétés.

Ces dispositions visent à assouplir les conditions de participation au conseil d'administration et au conseil de surveillance de sociétés anonymes, ce qui facilitera la prise de décision, et à abaisser les seuils de quorum tant pour les assemblées générales ordinaires que pour les assemblées générales extraordinaires, ce qui devrait faciliter le fonctionnement de ces assemblées.

Elles tendent ensuite à imposer une plus grande transparence dans les rémunérations et compléments de rémunérations de toute nature offerts aux dirigeants sociaux. Ainsi, elles soumettent à la procédure des conventions réglementées l'octroi d'éléments de rémunération ou d'avantages liés à la cessation de fonction des dirigeants sociaux et obligent à informer l'assemblée générale sur tous les éléments de rémunération ou avantages consentis par la société aux dirigeants sociaux, y compris les indemnités de retraites et les indemnités de fin de mandat.

Les dispositions améliorent également l'information des actionnaires et des investisseurs en cas de franchissement de seuils de participations.

Le projet de loi comporte aussi des dispositions intéressant directement le droit public, et tout d'abord le droit public économique.

Ainsi, un alignement partiel des limites d'âges des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'Etat sur celles qui sont applicables aux sociétés commerciales est prévu.

Dans le domaine du droit de la domanialité publique ensuite, une nouvelle habilitation de six mois est accordée au Gouvernement pour adopter le code des propriétés publiques. Une première habilitation, donnée dans la première loi de simplification du droit, avait déjà précédé une deuxième habilitation à cet effet dans la deuxième loi de simplification, mais l'ampleur de la tâche et la multiplicité des intervenants n'ont pas permis l'adoption de ce code dans les délais initiaux. Espérons donc que cette dernière habilitation sera la bonne !

De manière ponctuelle, une disposition a pour objet de permettre la vente de locaux - occupés - de l'ENA, rue de l'Université, à Paris.

Enfin, le projet de loi vise à réformer en profondeur le droit des sûretés.

A cette fin, l'article 6 prévoit une large habilitation à intervenir par ordonnances, procédure rendue nécessaire, selon le Gouvernement, du fait de la complexité de cette réforme, qui a déjà donné lieu à la réunion d'un groupe préparatoire à la Chancellerie.

Le projet de loi initial prévoyait une habilitation extrêmement large puisqu'elle concernait toutes les sûretés visées par le code civil, qu'elles soient personnelles, comme le cautionnement, ou réelles, comme le nantissement, le gage, l'antichrèse ou l'hypothèque.

Par ailleurs, on y proposait également de réformer la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré, tout en prévoyant la réception de certaines pratiques des affaires reconnues par la jurisprudence, comme la garantie autonome, la lettre d'intention ou le droit de rétention.

Le texte tendait en outre à insérer dans le code civil les dispositions relatives à la clause de réserve de propriété et à réformer les règles relatives à l'expropriation forcée, afin de rétablir l'efficacité des sûretés et à apporter les coordinations nécessaires dans divers codes.

L'Assemblée nationale a considérablement restreint et précisé le champ de cette habilitation, en considérant que l'absence de précision quant aux finalités poursuivies ne respectait pas les exigences de l'article 38 de la Constitution.

Elle a supprimé les habilitations concernant le cautionnement - sûreté personnelle très utilisée par les particuliers -, le nantissement des meubles incorporels - controversé - et les privilèges, ainsi que celles ne concernant pas directement le droit des sûretés : délégation et cession de créance, subrogation personnelle, novation, contrat de rente viagère et vente à réméré.

Elle a, par ailleurs, précisé les finalités de l'habilitation concernant les sûretés réelles mobilières, en prévoyant d'introduire dans le code de commerce des dispositions permettant le nantissement de stocks des entreprises, de modifier les dispositions du code civil pour simplifier la constitution des sûretés réelles mobilières et leurs effets, d'étendre leur assiette sur un ensemble de biens, présents ou futurs, et d'autoriser le gage sans dépossession, le gage avec dépossession perdurant.

S'agissant des sûretés réelles immobilières, l'Assemblée nationale a expressément prévu la consécration de l'antichrèse-bail, qui autorise le créancier à donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre de garantie. En outre, elle a autorisé l'introduction de deux nouveaux instruments d'origine anglo-saxonne : d'une part, le crédit hypothécaire rechargeable, qui permet d'utiliser une même hypothèque pour garantir plusieurs prêts souscrits au fur et à mesure du remboursement du premier auprès de plusieurs créanciers, dans la limite d'un plafond initialement fixé ; d'autre part, le prêt viager hypothécaire, qui permet à des personnes âgées de mobiliser leur actif résidentiel pour obtenir du crédit, et qui n'est remboursable - capital et intérêts - que lors de leur décès ou de la vente de l'immeuble. Enfin, l'Assemblée nationale a préconisé la simplification et la baisse du coût de la mainlevée de l'inscription hypothécaire.

La commission des lois vous propose, mes chers collègues, onze amendements destinés à apporter certaines modifications ponctuelles aux dispositions dont elle a été saisie.

Il s'agit, d'abord, d'améliorer la cohérence juridique et la lisibilité des dispositions relatives au droit des sociétés et au droit public économique.

La commission vous propose ainsi de définir un régime plus souple pour l'utilisation de moyens de télétransmission au cours des séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes et de préciser la nature des engagements devant faire l'objet d'un contrôle au titre des conventions réglementées et de mesures de publicité auprès de l'assemblée générale.

Il s'agit, ensuite, d'accepter la réforme par ordonnances du droit des sûretés, sous réserve de la suppression du prêt viager hypothécaire.

Pour la seconde fois en moins d'un an, le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à réformer par ordonnances le code civil, arguant de la grande technicité de la réforme et de l'encombrement de l'ordre du jour des deux assemblées.

La loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit prévoyait une habilitation à réformer le droit de la filiation par ordonnances. Mais cette réforme consistait principalement en un ensemble de mesures de coordination.

Cette fois, le dessaisissement du Parlement est plus préoccupant puisqu'il concerne un livre entier du code civil, et que les mesures proposées comportent des innovations importantes en matière de droit des sûretés, comme l'assouplissement du principe de spécialité des hypothèques ou l'introduction de deux nouveaux instruments : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.

Or, de l'aveu même de la Chancellerie, la concertation est encore en cours, l'insertion de cette réforme dans le présent projet de loi n'ayant initialement pas été envisagée. Dès lors, il apparaît inopportun de prévoir des réformes d'une telle importance.

La commission des lois vous propose donc de supprimer l'introduction du prêt viager hypothécaire, tous les rapports ayant souligné les risques qu'il comportait, tant pour les emprunteurs potentiels que pour les établissements financiers. Dès lors, en raison de l'importance des règles protectrices à mettre en place, il ne paraît pas possible de décider d'une telle introduction en droit français par ordonnance. L'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi de réforme du droit des successions pourrait permettre à la représentation nationale d'examiner l'opportunité et les modalités possibles d'une telle réception.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vital et urgent de redonner à notre économie les moyens de créer des richesses et des emplois. Tel est notre objectif, votre objectif, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, le retour d'une croissance fructueuse se fait trop attendre. Si 76 % des investisseurs ne croient pas à une amélioration à court terme de la situation économique, cela peut déjà s'expliquer par les constantes et incertaines réévaluations des chiffres de la croissance.

Pourquoi ne pas s'astreindre à une véritable obligation de sincérité budgétaire dans le projet de loi de finances ?

En identifiant et dénouant les blocages structurels en matière d'accès au crédit bancaire, l'Etat est ici pleinement dans son rôle de stabilisateur macroéconomique. Le montant des crédits accordés aux PME est passé de 322 milliards d'euros au 31 décembre dernier à 333 milliards d'euros au 30 avril 2005.

La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite loi Dutreil, a enfin accéléré le processus des créations d'entreprises avec un surcroît de 18 % pour 2004. Les premiers effets positifs se font donc sentir, mais les PME françaises restent structurellement sous-capitalisées. Ce handicap est évident !

En matière d'outils de financement des entreprises, la France se distingue très négativement au sein de l'Union européenne. Avec un taux d'épargne des ménages pour 2003 de 15, 8 %, notre pays dépasse de 6 points la moyenne de la zone euro.

Le problème ne réside pas tant dans ce chiffre, anormalement élevé, que dans l'orientation de cette épargne : seule une épargne affectée à l'investissement peut permettre à l'appareil de production de se renforcer efficacement. Nous en sommes loin !

Il faut allier politique de relance de la consommation et politique d'amélioration des conditions de vie des entreprises, pour parvenir à optimiser la performance économique. On constate que ce niveau élevé de l'épargne, et son vraisemblable corollaire, l'ampleur abyssale des déficits publics, font peser sur les ménages et les entreprises une incertitude chronique et insoutenable.

Plusieurs facteurs viennent alimenter cette situation : l'absence de croissance du pouvoir d'achat, le goût peu prononcé pour la prise de risques en matière d'investissement, ou encore le manque de lisibilité pour les ménages de l'accès aux placements financiers. Néanmoins, l'augmentation du taux d'épargne financière des Français, passé de 2 % en 1988 à près de 8 % du revenu disponible brut en 2002, est positive.

L'optimisation de l'orientation de l'épargne, attribut de la puissance publique, doit permettre une véritable adéquation entre l'offre de revenus disponible et le besoin de financement des entreprises. Pour réorienter une épargne trop liquide et insuffisamment investie en actions, il faut absolument que nous réussissions à développer la culture du risque et de la diversification des placements chez les épargnants.

L'amélioration du financement des entreprises nécessite également que soit facilité l'accès des entreprises aux sources de financement répondant à leurs besoins. Le taux d'autofinancement des entreprises se situe depuis 2002 à des niveaux trop bas, de l'ordre de 88 %, alors qu'il atteignait 115 % en 1996. La situation financière des entreprises, si elle demeure trop dégradée, n'entraînera qu'une faible reprise de l'investissement et donc de la croissance.

Il faut dénoncer l'insuffisance de l'intermédiation bancaire. Les banques jouent, nous le savons, un rôle stratégique dans la transformation de l'épargne courte en crédit long, spécialement à l'endroit des PME. Mais les marchés financiers sont encore largement hors de leur portée. Incitons donc les banques à tenir leur rôle d'appui et de soutien au financement des PME. De même, l'Etat doit accélérer la création des fonds d'investissement de proximité. Ils ne sont que quinze à ce jour...

Il apparaît aujourd'hui indispensable de réfléchir à la nécessaire responsabilisation des hauts fonctionnaires occupant des postes de direction dans de grandes entreprises liées aux secteurs les plus capitalistiques de l'économie. A l'image des trésoriers-payeurs généraux, il paraît juste que soit mis en place un dispositif engageant la responsabilité personnelle de ces hauts fonctionnaires.

Une autre problématique récurrente doit continuer à nous interpeller : le renforcement de l'attractivité du territoire, impératif catégorique de l'action de l'Etat. En 2004, le flux d'entrée des investissements directs étrangers a chuté de 21 %. L'image de la France se dégrade auprès des investisseurs étrangers. Les conséquences sont criantes sur l'emploi : notre pays vient ainsi de se faire doubler par la Pologne, en termes d'emplois créés directement du fait d'implantations internationales. De plus, les investisseurs se gardent d'implanter leur siège dans notre pays pour des raisons fiscales évidentes. Alors qu'il était ministre des finances, M. Fabius avait même autorisé la holding de Renault - l'Etat était alors l'actionnaire majoritaire -à s'implanter aux Pays-Bas !

Les maux sont bien connus. Nous attendons toujours les remèdes. Selon le tableau de bord pour juin 2005 de l'Agence française des investissements internationaux, les indices synthétiques de compétitivité globale des agences de notation pointent systématiquement la pression fiscale, la rigidité, la conflictualité et la judiciarisation des relations de travail. La France doit attirer les investisseurs, tout en se prémunissant des effets d'aubaine, ou des hit and run entries, très destructeurs d'emplois.

Ces problèmes d'attractivité se doublent de ceux qui sont liés aux délocalisations, et qui sont légitimement au coeur des préoccupations de nos compatriotes. Le Président de la République a appelé de ses voeux le lancement d'une nouvelle grande politique industrielle, architecture d'une politique d'ancrage de l'emploi. Les pôles de compétitivité, ou bien encore les Small Business Acts, qui permettraient d'attribuer directement à des PME l'exécution de commandes publiques, constituent deux solutions possibles.

Monsieur le ministre, dans ce projet de loi vous prenez acte de ces maux. Vous vous proposez de donner à notre économie de nouveaux dispositifs à la hauteur de nos attentes. Mais le seul critère d'appréciation de ces mesures sera leur efficacité, jugée à l'aune des créations d'emplois et de la valeur ajoutée produite.

Votre projet de loi se nourrit d'un volontarisme que la majorité des membres du groupe du RDSE approuve. C'est pourquoi elle votera ce texte.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie répond-il aux enjeux du moment et aux attentes des acteurs de l'économie, ou n'est-il qu'une sorte de marché de dupes ? Le rapprochement de son titre et de son contenu réel nous conduit à pencher pour la seconde interprétation. En effet, la confiance ne se décrète pas, mais se mérite, et nos compatriotes sont aujourd'hui peu enclins à donner du crédit aux nombreuses promesses du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Quant à la modernisation des règles de fonctionnement des entreprises, ce projet n'apporte que peu de nouveautés aux règles effectives de la direction des sociétés, dans une période où la gouvernance d'entreprise reste, à nos yeux, profondément en crise.

Depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques, et eu égard aux diverses conséquences de la crise de l'été 2002, les modes de fonctionnement des sociétés nous semblent devoir faire l'objet d'une réelle remise à plat.

La modeste loi pour la sécurité financière n'a que très peu modifié les choses. Les dirigeants d'entreprise continuent à bénéficier d'un régime de responsabilité, à nos yeux insuffisant, qui ne les conduit pas à privilégier l'intérêt social de toute l'organisation qu'ils ont la charge d'administrer.

Force est de constater que les conseils d'administration sont toujours aussi éloignés des préoccupations des salariés, des attentes de la plupart des actionnaires et, parfois, des réalités du marché.

Je ne suis pas le seul à tenir ces propos. Ainsi, monsieur le ministre, pour faire face à la désinformation dont vous auriez été victime au temps où vous étiez administrateur de Rhodia, vous avez vous-même déclaré au quotidien Le Monde, la semaine dernière, que : « les administrateurs, ce ne sont pas des dirigeants opérationnels ».

En d'autres termes, les administrateurs, qui sont mandatés pour contrôler la direction opérationnelle, n'ont pas les moyens de remplir leur mission : c'est bien ce que cela veut dire. Le manque d'information porte atteinte à leur esprit critique. Bref, ils ne sont jamais responsables des actes commis par la direction.

Ce point de vue corrobore nos affirmations. Mais vous n'avez pas pu, ou pas su, tirer les enseignements de ce constat avec le présent projet de loi. Vous n'avez pas cherché à corriger ce dysfonctionnement. Pour l'un des ministres du gouvernement de la « nouvelle impulsion », c'est une forme d'aveu d'impuissance.

Notre constat est le même s'agissant de l'action en responsabilité des administrateurs. Voilà quelques semaines, vous aviez pourtant annoncé ici même que vous alliez réformer les conditions de l'action en responsabilité des dirigeants sociaux. Depuis, rien n'a été fait.

Pour renforcer l'efficacité de la gouvernance d'entreprise, il faut modifier ce mécanisme juridique. Vous le savez. Tant que les administrateurs et les dirigeants bénéficieront de cette impunité scandaleuse, les entreprises ne seront pas bien gérées. Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit pas de sanctionner les dirigeants pour leur faire payer la crise économique et le chômage. Mais pour rendre la confiance, il importe de montrer aux salariés et aux actionnaires que la boussole de l'entreprise, c'est l'intérêt social. C'est lui qui doit orienter les décisions, y compris lorsqu'elles sont contraires à l'intérêt particulier des dirigeants.

Rien n'a changé pourtant. Dès lors, je me pose la question suivante : à quoi servent les administrateurs ? Je m'interroge et, avec mes concitoyens, je doute.

Je doute de la sincérité de certains dirigeants et conseils d'administration ; je doute de la capacité des administrateurs à contrôler la direction des entreprises qui sont tournées, souvent vers la satisfaction des intérêts de quelques-uns, rarement vers l'intérêt social, jamais vers celui des salariés.

Pour ramener la confiance, encore eût-il fallu prendre ces problèmes à bras-le-corps. Mon collègue Richard Yung, membre de la commission des lois, examinera tout à l'heure dans le détail les raisons pour lesquelles votre projet de loi n'atteint pas les objectifs que vous vous êtes fixés.

Poursuivons l'analyse : votre texte de loi vise à faciliter l'accès aux financements bancaires et boursiers des entreprises. En réalité, il ne fait qu'affaiblir, à nos yeux, l'efficacité de la réglementation en matière de transparence boursière, et ce au profit de quelques-uns, et toujours les mêmes : les établissements bancaires et financiers.

Vous prétendez qu'avec ce texte les petites et moyennes entreprises auront plus facilement accès aux marchés financiers et à la Bourse. En fait, pour faciliter l'accès aux marchés boursiers, le projet de loi prévoit différents niveaux d'obligations d'information selon le marché visé. La transparence sera donc, en définitive, moindre sur les marchés accessibles aux PME, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

...alors même que les règles de transparence auraient dû être renforcées pour ce nouveau type d'émetteur. Sans doute, les petites entreprises auront-elles plus facilement accès au marché boursier, mais dans quelles conditions !

Le risque pris sera plus important, au détriment de la sécurité financière que vous appeliez de vos voeux lors de l'examen de la loi du même nom !

La transparence est l'un des piliers de la confiance. Or, dans ce projet de loi, vous ne tenez pas compte de l'impératif de transparence. C'est pourtant un impératif d'ordre public en droit boursier !

Vous êtes allé jusqu'à restreindre la portée de l'obligation de transparence en matière de rachat d'actions. Cette opération, qui, on le sait, peut donner facilement lieu à des abus de marché, aurait dû, contrairement à ce que vous avez proposé, être encadrée davantage.

Or qu'avez-vous fait ? Vous avez supprimé le visa préalable de l'AMF. Alors même qu'une récente opération de rachat d'actions a défrayé la chronique - je veux parler de l'affaire Vivendi -, vous avez décidé, sur proposition du MEDEF, de supprimer le contrôle préalable de l'AMF.

Il ne fallait pas le supprimer ! Au contraire, il était nécessaire, selon nous, depuis la loi de sécurité financière, de modifier la législation pour garantir l'impartialité du visa. Vous auriez pu ainsi éviter au président de l'AMF de se rendre récemment boulevard des Italiens pour expliquer au juge les conditions dans lesquelles le visa au rachat d'actions des titres Vivendi avait été octroyé.

Cet article visant à la suppression du visa en cas de rachat d'actions est hautement significatif de votre démarche : vous avez cherché à rendre la confiance en supprimant les mécanismes de contrôle et de révélation des infractions. Ce faisant, vous n'avez rassuré personne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En outre, vos mesures de financement de l'économie en trompe-l'oeil ne dupent personne. Vous prétendez travailler à la revitalisation des bassins d'emplois, mais, en réalité, vous faites supporter la charge par l'entreprise en difficulté. Bel exemple de modernisation de l'économie : le plus faible offre sa garantie au plus puissant, en l'occurrence les banques. Ma collègue Nicole Bricq reviendra tout à l'heure sur ces aspects particulièrement importants.

Enfin, comment rendre la confiance quand, pour masquer la crise sociale et la baisse du pouvoir d'achat des salariés qui attendent toujours la revalorisation salariale, vous n'annoncez que des mesures incitatives en faveur de l'épargne salariale ? Vous n'avez pas pris la mesure du désarroi des salariés.

D'ailleurs, la lecture de l'exposé des motifs de votre projet de loi est édifiante. Alors que le chômage augmente et que la croissance est en panne, faute d'investissement productif des entreprises, vous commencez, dans cet exposé des motifs, par le constat suivant : « La situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi saine et les liquidités aussi abondantes ». Le pouvoir d'achat n'est pourtant pas au rendez-vous et les renégociations de salaires non plus.

Aussi, vous proposez de « lever les blocages pour les chefs d'entreprise » et sans prendre en considération les réalités sociales.

Les plans d'épargne salariale ou l'actionnariat salarié ne peuvent constituer une mesure suffisante pour pallier l'affaissement de la demande. Les mécanismes d'incitation et de stimulation des plans d'intéressement des salariés ne suffisent pas à rendre la confiance.

Bien sûr, la loi Fabius avait, en 2001, ouvert la voie au plan d'épargne entreprise, mais le contexte était différent. Il s'agissait de partager les fruits de la croissance entre toutes les catégories de salariés. Le pouvoir d'achat n'était pas ce qu'il est aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'intéressement salarial a servi de complément de salaire ; il ne s'y est pas substitué !

Votre projet de loi, et là est le problème, introduit une confusion entre intéressement et salaires. Il prévoit de développer des accords d'intéressement avec les cadres dans les entreprises de moins cent salariés. Cependant, il n'envisage aucune disposition pour répondre aux inquiétudes des salariés sur la question salariale qui ne saurait être confondue avec les plans d'intéressement, de participation ou d'épargne salariale.

Nous pensons que la participation ne peut pas être une voie alternative aux augmentations de salaires, et ce pour plusieurs raisons.

Non soumise aux cotisations vieillesse, une telle substitution reviendrait à minorer les pensions de retraite ; perdant les cotisations correspondantes, les régimes sociaux s'en trouveraient encore affaiblis ; enfin, il en résulterait des risques importants pour la croissance.

Le déblocage que vous proposez pourrait servir de variable d'ajustement de la politique salariale de l'entreprise. Nous n'en voulons pas. Il importe, en effet, de dissocier intéressement et salaires. Ce que vous mettez en place est un marché de dupes pour les salariés : la participation ne doit pas devenir une machine à salaires variables.

Enfin, s'agissant des plans d'épargne retraite, vous avez omis d'envisager la question du risque pour les salariés. Les systèmes d'intéressement et d'actionnariat salarié font dépendre, tous deux, une partie des revenus des salariés des performances globales de l'entreprise. Or les bénéfices ne dépendent pas seulement des efforts des salariés, ils sont également liés aux décisions des dirigeants. On ne peut donc, d'un côté, exclure les salariés des processus décisionnels et, de l'autre, encourager les plans d'épargne salariale.

L'information des salariés et la protection de leurs droits sont fondamentales, si l'on souhaite éviter les catastrophes du type Enron. En tant qu'actionnaires ou détenteurs d'un plan d'épargne salariale, les salariés doivent pouvoir être consultés dans les temps et se voir communiquer toute l'information disponible, sous peine de sanction. A cet égard, aucune mesure n'est envisagée pour permettre au comité d'entreprise de participer au conseil d'administration avec voie délibérative. Ce point nous a conduits à déposer plusieurs amendements afin d'améliorer la situation et de renforcer les droits des salariés en la matière.

Monsieur le ministre, nous avons la conviction que ce projet de loi a minima ne renforcera pas la confiance dans l'économie. Telle est la raison pour laquelle nous ne vous donnerons pas la confiance et nous voterons contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans un double contexte européen d'harmonisation législative et de compétitivité économique.

Il prend tout d'abord place dans le processus d'adaptation du droit français aux exigences communautaires dans le domaine financier et procède à la transposition de plusieurs directives comportant des dispositions techniques très diverses.

D'ailleurs, par certains aspects, il pourrait s'apparenter à un projet de loi portant « diverses dispositions d'ordre économique et financier ». Mais résumer ce texte à un simple DDOEF serait passer à côté de son enjeu essentiel : la compétitivité de nos entreprises et l'attractivité de notre territoire national.

On l'a beaucoup dit, la France souffre d'un certain nombre de handicaps structurels, qui freinent sa croissance et pénalisent l'emploi. Dans ce domaine, comme dans d'autres, nous ne devons pas dissimuler nos responsabilités derrière nos obligations européennes.

Si nous devons réformer notre législation et nos structures, c'est non pas parce que l'Europe nous l'impose, mais parce que les entreprises françaises, et en particulier les PME, en ont besoin pour assurer leur développement, parfois leur survie, face à une compétition internationale de plus en plus rude.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Notre première exigence n'est pas européenne, elle est économique. Notre premier engagement a lieu à l'égard de nos entrepreneurs et de nos salariés. Notre première obligation est une obligation de résultat en matière de croissance et de création d'emplois.

C'est le sens du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, que nous avons adopté le 16 juin dernier, et celui du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi, que nous examinerons jeudi prochain.

C'est aussi le sens, l'objectif premier, l'enjeu majeur du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.

Cette priorité donnée à la croissance et à l'emploi est accentuée par les amendements qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale. Ils répondent à la volonté de nouvelle impulsion exprimée par le Premier ministre.

Ils contribuent à faire de ce texte « un vecteur d'accélération d'un certain nombre de réformes dont notre économie a un besoin urgent pour se moderniser ».

Monsieur le ministre, vous avez identifié, à juste titre, trois blocages structurels de notre économie, qu'il convient de lever en urgence : la sous-capitalisation des entreprises et en particulier celle des PME, le manque de dynamisme de leur effort de recherche et d'innovation et l'insuffisante association des salariés à la direction et aux résultats de l'entreprise.

Le groupe de l'UMP du Sénat partage pleinement votre analyse, soutient votre ambition et approuve globalement les mesures concrètes que vous proposez.

Pour favoriser le financement des entreprises françaises, ce projet de loi vise à simplifier le premier accès des PME aux marchés financiers, à consolider une base d'investisseurs solide et durable, et à renforcer la confiance des investisseurs grâce à un meilleur niveau de protection.

La progressivité des obligations d'information des entreprises permettra de supprimer les effets de seuils qui dissuadent certaines entreprises de s'introduire en Bourse.

La transposition de la directive « prospectus » facilitera et harmonisera les modalités de gestion des opérations d'appel public à l'épargne dans l'ensemble de l'Europe.

Le nouveau marché Alternext bénéficiera d'un environnement réglementaire et fiscal qui encouragera et facilitera l'accès des PME aux marchés financiers. L'orientation de l'assurance vie vers l'investissement en actions sera également favorisée.

La transposition de plusieurs directives européennes renforcera l'information et la protection des investisseurs, et donc leur confiance. Les moyens de contrôle et de sanction de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, seront étendus à cet effet.

Tout cela permettra d'orienter durablement l'épargne des Français vers les entreprises.

Pour soutenir la recherche et l'innovation, le présent projet de loi donne une impulsion nouvelle et autorise la création de l'Agence de l'innovation industrielle.

L'engagement du Gouvernement d'attribuer l milliard d'euros à cette agence dès la première année est un acte fort en faveur des nouvelles technologies, des marchés d'avenir, et donc des emplois de demain.

A cette initiative, il faut ajouter la réduction d'impôt exceptionnelle dont bénéficieront les entreprises qui consacreront une partie de leurs résultats de 2004 à des efforts de recherche.

La réforme du droit des sûretés, dont a excellemment parlé M. le rapporteur général, va également dans le bon sens, sous réserve que l'habilitation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnances soit bien encadrée, ce que souhaitent la commission des finances et la commission des lois ainsi que leurs deux excellents rapporteurs, nos collègues Philippe Marini et François-Noël Buffet.

La confiance passe également par une plus grande transparence dont notre commission des finances, et son président Jean Arthuis, fait, à juste raison, une « question de principe ».

Pour restaurer la confiance des salariés et des actionnaires dans la direction de l'entreprise, le projet de loi simplifie la prise de décision collégiale et renforce la transparence sur les rémunérations des dirigeants.

En la matière, la difficulté est de trouver le bon équilibre - et c'est très difficile ! - entre la protection de l'épargnant et la préservation de la souplesse de gestion des entreprises, comme l'a très bien souligné Philippe Marini.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le dispositif qui nous est soumis semble avoir atteint ce bon équilibre.

Le dernier levier actionné par ce projet de loi est celui de l'intéressement et de la participation, que le Gouvernement souhaite à la fois développer et mettre au service de la croissance, cher collègue Jean-Guy Branger.

Le projet de loi comporte une série de mesures concrètes pour développer l'intéressement et l'actionnariat salarié au-delà des grandes entreprises.

Le Gouvernement souhaite aussi mobiliser l'épargne pour soutenir le pouvoir d'achat et la croissance. C'était déjà l'objet du prolongement et de l'amplification de la mesure exceptionnelle en matière d'exonération des droits d'enregistrement sur les dons d'argent. C'est également l'objet de la « prime exceptionnelle d'intéressement » et de la possibilité de débloquer les sommes attribuées cette année au titre de la participation aux résultats de l'entreprise en 2004.

Ces deux mesures ponctuelles, insérées dans le projet de loi sur l'initiative du Gouvernement, visent à favoriser le pouvoir d'achat des salariés, « ce dont notre économie a besoin », comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre.

La commission des finances souhaite que les mesures exceptionnelles de déblocage de la participation soient strictement encadrées, afin de ne pas bouleverser la gestion de l'épargne à long terme.

Il s'agit, là encore, de trouver le bon équilibre entre le soutien de la croissance à court terme et le financement à long terme de l'économie et des retraites. Le groupe de l'UMP considère, là aussi, que ce bon équilibre a été trouvé, le caractère ponctuel des mesures proposées ne remettant pas en cause le développement de l'épargne à long terme des salariés.

A cet égard, il faut saluer les propositions formulées par la commission des affaires sociales, sur l'initiative de son rapporteur pour avis, notre collègue Isabelle Debré.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Elles alimenteront utilement le débat sur une réforme plus profonde et à plus long terme de l'intéressement et de la participation.

Plus globalement, je tiens à souligner la qualité du travail effectué par les trois commissions saisies de ce texte, dans un délai peut-être trop court.

Les amendements adoptés par les trois commissions visent à garantir le bon fonctionnement des marchés financiers, à renforcer la compétitivité des entreprises françaises, à améliorer la transparence et à développer la participation.

Certains de ces amendements constituent des innovations importantes. Je pense en particulier à l'insertion du statut de la société européenne dans notre droit commercial, sujet sur lequel notre rapporteur s'est beaucoup investi, de même que nos collègues Jean-Jacques Hyest, Jean-Guy Branger et Bernard Saugey.

Le rapporteur nous soumettra d'autres mesures intéressantes relatives à la gouvernance des entreprises et au fonctionnement des marchés. Nous aurons bien sûr l'occasion d'en débattre avec le Gouvernement.

Dans cette attente, et au-delà des points particuliers, je tiens à rappeler l'importance que le groupe de l'UMP du Sénat attache à ce projet de loi.

La démarche du Gouvernement nous apparaît à la fois ambitieuse et pragmatique.

L'amélioration du financement des entreprises, notamment des PME, l'attribution de nouveaux moyens à la recherche et à l'innovation et le renforcement du pouvoir d'achat répondent pleinement à l'objectif de relance de la croissance et de l'emploi.

C'est dans cet esprit de volontarisme et de pragmatisme que le groupe de l'UMP aborde l'examen de ce projet de loi, qui semble aller pleinement dans le sens de la confiance et de la modernisation de notre économie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qui vient aujourd'hui en examen devant la Haute Assemblée vise, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, à contribuer à la « nouvelle impulsion » que souhaite donner le nouveau Gouvernement à l'économie de notre pays.

L'objectif est louable et les mesures que ce texte prévoit nous semblent nécessaires. Mais elles paraissent très insuffisantes, compte tenu du contexte économique actuel, qui nécessiterait une réforme de plus grande envergure.

Plus clairement, les mesures qui nous sont ici présentées sont attendues depuis très longtemps par les acteurs économiques du pays, mais elles n'offrent pas à ces derniers un cadre suffisamment dynamique, une stratégie plus globale.

Plus concrètement, plusieurs des mesures que comporte ce texte nous semblent bonnes, en ce qu'elles simplifient les règles de fonctionnement des entreprises et facilite l'accès de celles-ci à des sources de financement diversifiées.

Ce texte prévoit, par exemple, de faciliter la tenue des conseils d'administration et des assemblées générales en recourant à des moyens modernes de communication ou en abaissant les règles relatives à la prise de décisions. De la même manière, il facilite de façon appréciable l'accès au marché boursier pour les entreprises et en particulier pour les plus petites.

En ce qui concerne le financement des entreprises, il offre des outils modernisés en étendant, par exemple, la gamme des financements disponibles.

La création de l'Agence de l'innovation industrielle est de ce point de vue très appréciable. Elle va permettre de soutenir de grands projets industriels, très favorables à la création d'emplois et porteurs d'avenir. Car c'est bien vers l'avenir que nous devons nous tourner aujourd'hui. L'industrie, secteur aujourd'hui en crise, alors qu'il était une force vitale pour notre économie il y a quelques dizaines d'années, a besoin d'un signal fort, qui permettra d'enclencher une nouvelle dynamique.

Il faut remarquer que le projet de loi favorise le développement de nouveaux marchés d'accès à la Bourse tel qu'Alternext et qu'il étend le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers. Ces mesures sont encourageantes et rassurantes pour les entreprises qui souhaitent se développer.

Monsieur le ministre, vous avez dit qu'un grand nombre d'entreprises ne se développent pas, que peu de PME ont la capacité de se développer. En fait, nous pouvons nous interroger sur le nombre insuffisant des entreprises dans notre pays. A cet égard, je prendrai des exemples concernant les investissements que tous les élus locaux connaissent.

En effet, de nombreuses collectivités locales rencontrent des difficultés pour leurs appels d'offres. Nous avons mis en chantier une école élémentaire avec cinq classes : quinze dossiers ont été retirés, deux entreprises ont répondu. Cela se passe ainsi tout au long de l'année. Nous obtenons des réponses dilatoires : les bureaux d'études étant encombrés, les entreprises ne peuvent répondre à nos sollicitations. Or, vous le savez, monsieur le ministre, les collectivités locales restent dans notre pays les boosters de l'investissement.

Je tiens enfin à relever deux améliorations majeures qui ont été apportées par l'Assemblée nationale.

Il s'agit, d'une part, du titre Ier A intitulé « Encourager la détention durable d'actions », et, d'autre part, des articles 2 bis et 2 ter concernant la transparence des différentes composantes de la rémunération des dirigeants d'entreprises.

En ce qui concerne la détention durable d'actions, le texte proposé instaure un nouveau régime de transformation des contrats d'assurance vie, ce qui permettra de mobiliser de nouveaux fonds pour les entreprises en réorientant l'épargne des Français vers les fonds propres des entreprises et en particulier des PME.

Cependant, il aurait été de bon ton de profiter de ce texte pour réformer le régime de taxation des plus-values professionnelles en le rapprochant de celui des plus-values immobilières, afin de favoriser la stabilité de l'actionnariat au sein d'entreprises familiales par exemple.

Enfin, il serait préférable de s'assurer que le bénéfice des mesures prévues à l'article 1er A ne concerne pas uniquement les entreprises régies par le seul code des assurances.

Pour ce qui est de l'épineuse question de la rémunération des dirigeants en vue de procéder à une certaine moralisation des affaires, réclamée par l'opinion publique, un début de réponse a été apporté par le Gouvernement, en visant à soumettre certains éléments de la rémunération des dirigeants au régime des conventions réglementées. En revanche, afin d'améliorer l'image du monde de l'entreprise et des dirigeants, il serait souhaitable que l'ensemble de la rémunération des dirigeants soit soumis à l'approbation de l'assemblée générale.

Malgré tous ces éléments positifs, et sans revenir sur le manque flagrant d'ambition du texte, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un double problème.

Il s'agit non seulement d'une question de principe, mais également d'une question de fond. Je pense à l'article 6 du présent projet de loi, visant, en vertu de l'article 38 de la Constitution, à habiliter le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnances la partie du code civil relative au régime des sûretés.

Monsieur le ministre, telle n'est certainement pas votre volonté, mais ce procédé très utilisé aujourd'hui, qui n'est certes pas l'apanage de ce seul gouvernement, devient une habitude. En effet, comment peut-on faire l'économie d'un vrai débat et mépriser à ce point les prérogatives des parlementaires, même si beaucoup d'entre eux auraient été absents lors d'un débat estival ? Je vois que M le rapporteur m'écoute attentivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Mais pourquoi attendre le 15 août ?

Ce nouveau Gouvernement, depuis qu'il est formé, aurait pu se pencher sur le problème. Or, pendant les sacro-saints congés, il va réformer le code civil, le régime des sûretés qui affecte la situation financière personnelle de nos concitoyens.

En effet, sur le fond, favoriser à ce point le crédit hypothécaire, de surcroît rechargeable, peut avoir des conséquences désastreuses en matière de surendettement. Je pense que nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de nous saisir de cette question, d'exiger un débat, afin de prévoir les garde-fous nécessaires contre les risques de dérive d'un tel système. C'est pourquoi le groupe Union Centriste-UDF refusera d'accorder au Gouvernement l'habilitation à procéder par ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Enfin, en ce qui concerne la réforme de la participation et de l'intéressement salarial dans l'entreprise, je regrette que celle-ci n'aille pas plus avant.

Dans ce domaine, l'aboutissement des travaux de la mission d'étude Godfrain et Cornut-Gentille devrait nous apporter un certain nombre de réponses. La participation et l'intéressement doivent, en effet, être développés...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

...au nom de la vertu pédagogique de l'appropriation par le salarié de son outil de travail.

Au-delà, cette mesure va à l'encontre du double principe de base d'orientation de l'épargne vers les entreprises et de l'épargne longue vers les retraites. Il existe une contradiction, monsieur le ministre, car, nous le savons, l'avenir est dans la recherche et dans l'innovation. Nous avons le devoir d'inciter les entreprises à y investir massivement. Pour ce faire, notre message doit être clair et lisible. Nous ne pouvons plus tout miser sur la consommation. La croissance mérite l'innovation des entreprises, et les annonces « exceptionnelles » et « systématiques » du déblocage des participations, auxquelles nous nous opposerons par le biais d'un amendement, sont déstabilisatrices pour les entreprises et pour les investisseurs. En effet, quelle visibilité et quelle assurance leur accordons-nous, si ce n'est une mesure artificielle qui vise seulement à favoriser le pouvoir d'achat ?

Malgré ces réserves, le groupe de l'Union centriste-UDF, espérant des assurances et une oreille attentive de votre part, monsieur le ministre, participera à la discussion, comme à son habitude, dans un esprit constructif.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées de l'UMP. - Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de noter que, en dépit de son intitulé, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui n'est pas véritablement de nature à restaurer la confiance des Français - ils ont d'ailleurs manifesté leur manque de confiance lors du dernier référendum -, et il n'est pas non plus à la hauteur de l'ambition dont le Gouvernement se réclame.

Cette modernisation de l'économie, on ne la voit guère, hormis quelques mesures inspirées du modèle anglo-saxon. Monsieur le ministre, votre projet de loi est un texte sans véritable cohérence et, surtout, sans vision économique globale. En d'autres termes, il s'agit plus d'un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, comme l'a souligné M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Tout à fait !

Alors même que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il est nécessaire de mettre en place des instruments de régulation de l'économie et des marchés financiers, vous prévoyez des mesures d'assouplissement de la législation existante, qui sont très loin de pouvoir redonner confiance aux acteurs économiques.

Monsieur le ministre, si vous souhaitez véritablement moderniser notre système économique, vous devez, avant toute autre réforme, améliorer le fonctionnement des organes dirigeants de nos entreprises, leur donner les moyens de mieux contrôler leurs activités et renforcer la démocratie au sein des entreprises.

A ce sujet, je formulerai trois observations.

Premièrement, il faut réformer la gouvernance.

Dans un premier temps, nos efforts devraient porter sur la réforme de la gouvernance d'entreprise, qui a déjà été engagée en 2001, avec l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques.

En effet, la « bonne gouvernance » devrait régir le fonctionnement de toute entreprise française, car les salariés, les consommateurs et les fournisseurs sont particulièrement sensibles à cette nouvelle dimension.

Le Parlement devrait lui aussi continuer d'accompagner cette évolution vers un meilleur système de prise de décision, plus démocratique. Certes, le gouvernement d'entreprise est d'abord l'affaire des entreprises elles-mêmes, mais le rôle du pouvoir législatif est de prévoir des règles communes destinées à faciliter l'émergence de codes de gouvernance. En effet, le capitalisme français doit, à présent, s'approprier et intégrer ces principes.

Je déplore le mutisme de ce projet de loi sur ces questions, en particulier sur la dissociation des fonctions de contrôle et de gestion dans les organes de direction des entreprises, sur la place des salariés dans les organes de gestion et sur le fonctionnement des conseils d'administration.

Vous le savez, nous avons en France deux grands systèmes d'organisation des sociétés : celui où, pour l'essentiel, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d'une seule personne, le président-directeur général, d'une part ; le système à conseil de surveillance et à directoire, où les fonctions de contrôle sont séparées des fonctions de gestion, d'autre part.

Bien sûr, le choix dépend de chaque société, mais il nous semblait que le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie était une bonne occasion pour dresser le bilan de la situation et pour voir dans quelle mesure il était possible d'avancer.

A titre personnel, il m'a toujours semblé qu'il était malsain, car contraire au principe de séparation des pouvoirs que nous appliquons dans le domaine politique, que, dans la vie des entreprises, le contrôle soit exercé par le contrôlé.

Voilà une véritable modernisation que nous aurions pu entreprendre, mais que vous avez soigneusement évitée, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce projet de loi était aussi l'occasion de se pencher sur la participation des salariés à la gestion des entreprises.

Permettez-moi de vous dire, moi qui ai travaillé quatorze ans en Allemagne, que j'ai toujours été impressionné par le système de la Mitbestimmung, que l'on traduit de façon plus ou moins heureuse par la cogestion. Il n'est pas absurde que les salariés, qui ont une connaissance approfondie, réelle, large de l'entreprise et de ses problèmes, souvent supérieure à celle de la plupart des administrateurs dont la vision des choses n'est généralement que financière, soient représentés dans les organes de direction des entreprises et puissent non seulement y être justement informés, mais aussi y faire connaître leur opinion.

Quant à une implication plus forte dans la gestion même de l'entreprise, pour prendre encore une fois exemple sur le modèle allemand que je viens d'évoquer, c'est évidemment une question difficile. Je ne méconnais pas l'histoire des relations du travail dans notre pays et de ses traditions syndicales, mais il me semble que, en 2005, il serait bon que la société française commence à y réfléchir et à se moderniser.

Encore une opportunité qui, selon moi, n'a pas été saisie.

Enfin, le projet de loi aurait été l'occasion de prendre une série de mesures destinées à améliorer et à moderniser le fonctionnement des conseils d'administration et des conseils de surveillance. Il n'y a là rien de révolutionnaire ! Il aurait seulement fallu appliquer une partie des mesures préconisées par les rapports Viénot et Bouton, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Non, seulement pour une petite part, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Parmi les mesures préconisées figurent la composition mieux équilibrée des conseils, les conditions de nomination des administrateurs, information et formation de ceux-ci, l'évaluation de la qualité du travail des conseils.

Bien au contraire, monsieur le ministre, vous remettez gravement en cause les mesures énoncées dans la loi relative aux nouvelles régulations économiques, qui prévoyait déjà des dispositions relatives au gouvernement d'entreprise.

A nos yeux, il est urgent de renforcer les contrôles exercés par les actionnaires sur les dirigeants d'entreprise. Plus précisément, parmi les membres de l'assemblée générale, les actionnaires minoritaires devraient pouvoir bénéficier d'un véritable contre-pouvoir.

Sur ce point, nous redoutons sérieusement les effets de l'article 2 du projet de loi, qui prévoit de réduire les seuils requis pour les quorums des assemblées générales des actionnaires. En effet, si le texte est adopté, 10 % seulement des actionnaires plus un suffiront à définir une majorité. Il ne nous semble pas que nous allions dans le sens d'une meilleure clarté et d'une plus grande transparence !

Nous sommes donc fermement opposés à ces prétendus assouplissements qui, loin de faciliter la tenue de véritables assemblées générales, lieu de la démocratie, vont en fait affaiblir les petits actionnaires, donc la « démocratie actionnariale » dans les entreprises. Sur ce point - et sur ce point seulement -, nous vous recommandons de vous inspirer des entreprises américaines, qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, fonctionnent, en ce domaine-là, de manière plus démocratique que les sociétés françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. J'ai dit : « sur ce point seulement », monsieur le rapporteur ! Nous sommes prudents !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Deuxièmement, il faut mettre en oeuvre la responsabilité civile des dirigeants d'entreprise et assouplir leurs conditions de recrutement.

En effet, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, vous nous avez annoncé la création d'un groupe d'étude chargé de cette question. Or, dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis, aucune mesure n'aborde la problématique du renforcement de la responsabilité individuelle des administrateurs ou du directeur général.

Sur ce point aussi - pardonnez-moi de citer encore une fois le modèle américain -, nous pourrions utilement nous inspirer des rapports établis outre-Atlantique : la loi Sarbanes-Oxley, adoptée en 2002, a prévu des sanctions très lourdes, notamment pénales, pour les dirigeants en cas d'infraction.

En France, les actionnaires devraient ainsi pouvoir déclencher la mise en cause de la responsabilité civile des dirigeants de l'entreprise.

Ce projet de loi touche également aux conditions de recrutement des présidents de conseil et des P-DG. Ainsi, l'article 3 prévoit qu'il peut être dérogé à la limite d'âge de soixante-cinq ans, prévue par la loi du 13 septembre 1984, par une disposition réglementaire ou législative. Il reprend une disposition, annulée par le Conseil constitutionnel, qui visait à permettre la nomination de l'un de vos prédécesseurs.

A nos yeux, il s'agit d'une mesure de circonstance, qui permettra de placer les amis, les « copains », quand on voudra en débarrasser le gouvernement. (

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons d'un projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui devrait plutôt viser à faciliter la nomination de responsables plus jeunes et plus talentueux.

Troisièmement, enfin, il faut garantir un meilleur contrôle de la rémunération des dirigeants d'entreprise.

Afin de mettre un terme à un certain nombre d'excès observés ces dernières années dans certaines sociétés, telles qu'Alcatel, le Crédit lyonnais et, plus récemment, Carrefour, il est impératif de renforcer et de faire appliquer les mesures relatives à la transparence et au contrôle des rémunérations et des avantages liés des dirigeants d'entreprise.

Il faut inciter les entreprises à appliquer les recommandations du rapport Viénot en matière de transparence des salaires et prolonger la loi NRE, qui prévoyait d'améliorer et de renforcer l'information à destination des actionnaires. Nous sommes dans une période où, à la suite de nombreux excès - ceux de MM. Messier et Bernard, pour ne citer que les deux exemples les plus récents -, l'exigence de transparence et de clarté est à la fois forte et légitime.

Il devrait en être de même pour les jetons de présence, que les administrateurs sont amenés à se voter à eux-mêmes - le rapport Bouton me semble avoir abordé cette question.

J'aurais souhaité formuler d'autres remarques, notamment en ce qui concerne les assemblées générales, mais le temps de parole qui m'était imparti est épuisé. J'y reviendrai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, et de vous apporter mon soutien sur ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Je vous ferai cependant remarquer que ces mesures d'ordre administratif et financier devraient être complétées par des mesures d'un ordre différent, mais tout aussi important, qui touche aux relations humaines et sociales dans l'entreprise.

Il s'agit là de mettre en oeuvre dans l'entreprise tout ce qui peut contribuer à instaurer un bon climat social, à générer le consensus et à accroître la motivation de tous les salariés.

Ces mesures, d'ordre psychologique plus que réglementaire, n'en sont pas moins fondamentales pour favoriser le développement des entreprises et de l'emploi. Elles complètent les dispositions relatives à la participation financière et sur lesquelles je présenterai quelques amendements.

En effet, une entreprise ne peut être prospère que dans un climat social apaisé, permettant à chacun de faire le maximum pour fabriquer de bons produits dans des conditions minimales de coût. Il faut l'adhésion de tous les salariés, qui ne pourra être recueillie que si ceux-ci sont motivés et si sont évités les conflits sociaux qui désagrègent et condamnent l'entreprise.

Il faut donc changer d'état d'esprit.

Cet état d'esprit, que j'appelle « gestion participative », doit impérativement compléter la participation financière, qu'il faut développer mais qui n'est pas suffisante pour motiver les salariés.

Cette opération est d'autant plus difficile à réaliser qu'elle suppose un changement de mentalité et ne peut se faire par le biais d'une loi. Elle est toutefois indispensable pour l'avenir de l'économie, le développement de l'emploi et la satisfaction des salariés, sans conflit.

C'est pourquoi je propose un véritable accompagnement psychologique de la participation financière, sans lequel elle ne produit pas son plein effet.

Il faut d'abord proposer une véritable formation économique à l'ensemble du personnel, afin qu'il comprenne le fonctionnement réel d'une entreprise, dont l'image est trop souvent faussée par une présentation idéologique totalement inadaptée. En particulier, il faut rappeler que le véritable patron d'une entreprise, ce n'est ni les actionnaires, ni le président, ni les salariés, encore moins les syndicats, mais c'est tout simplement les clients, qui sont totalement ignorés de la stratégie économique et sociale.

Car sans client, pas de commande, donc pas d'emplois. Et sans produits de bonne qualité et sans prix compétitifs, pas de client.

Une entreprise n'est pas une machine à embaucher des salariés pour les payer le plus possible tout en les faisant travailler le moins possible. Ce serait le plus sûr moyen de perdre des marchés et d'envoyer tous les salariés au chômage. Chacun dans l'entreprise doit bien comprendre de quoi il s'agit. Il faut tenir compte de la concurrence internationale, et non de ce qui fait plaisir ou d'acquis sociaux qu'il n'est plus possible de satisfaire.

L'entreprise n'est pas non plus une machine à réaliser des profits coûte que coûte. Ce serait le meilleur moyen de ne pas investir, de ne pas moderniser l'outil de travail, de ne pas concevoir de nouveaux produits et de condamner l'entreprise à la faillite.

L'entreprise est donc une machine fragile où chacun doit trouver sa place sans oublier l'essentiel : trouver des clients.

La formation économique permet d'en mieux comprendre le fonctionnement. C'est pourquoi elle devrait être rendue obligatoire dans toutes les entreprises.

Cependant, pour que les salariés soient motivés, encore faut-il satisfaire leurs besoins fondamentaux qui sont le besoin de savoir, de pouvoir, d'être et d'avoir.

Le besoin de savoir sera satisfait par la communication, sous toutes ses formes, sur tout ce qui se passe dans l'entreprise, bon ou mauvais, qu'il s'agisse de la situation financière, commerciale, technique, industrielle, ou des clients. Les salariés doivent tout savoir de ce qui se passe dans l'entreprise, y compris le pourquoi des décisions prises. Des réunions d'information à tous les niveaux seraient très utiles, notamment avec l'ensemble du personnel et devraient donc, elles aussi, être rendues obligatoires.

Le besoin de pouvoir est satisfait par la délégation de responsabilités, par la décentralisation, par la fixation précise des missions. Les entreprises à structure pyramidale n'obtiennent jamais de bons résultats.

Le besoin d'être est satisfait par la considération portée à chacun, la reconnaissance des compétences, l'analyse des problèmes personnels et l'aide apportée face à ceux-ci. Chacun a besoin de considération, quel que soit le niveau où il est employé. Tout élu le vérifie dans la vie locale. Il en va de même dans les entreprises. Dire bonjour, féliciter, c'est un élément fondamental des relations sociales, dans tous les domaines.

Le besoin d'avoir est satisfait par le salaire et par la participation, qui est traitée dans ce projet de loi mais qui vient en complément de tout ce que je viens de dire. C'est pourquoi tout ce qui pourra être fait pour développer la participation est fondamental mais restera insuffisant, si elle n'est pas accompagnée de la gestion participative, qui devrait être généralisée à toutes les entreprises.

Ce sont les entreprises qui appliquent cette méthode qui ont les meilleurs résultats, dans l'intérêt de tous, salariés et actionnaires, et je l'applique moi-même dans les entreprises depuis plus de trente ans avec succès.

Une large publicité devrait en être faite à l'occasion de ce texte, et c'est pourquoi je suis intervenu en ce sens. Il pourrait être très utile d'en faire état dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. Cette question pourrait faire l'objet d'une proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage avec M. le rapporteur deux formulations qu'il a employées dans son rapport écrit, selon lesquelles l'intitulé de ce projet de loi « peut sembler très général », tandis que le moment pour présenter le texte est « sans doute en décalage ».

En effet, préparé avant le changement de gouvernement, ce texte disparate provient pour partie d'un découpage de l'action gouvernementale quelque peu hasardeux et ne donne pas de lisibilité à une politique économique au demeurant toujours introuvable après plus trois ans de législature.

Nous avons noté les intentions du nouveau gouvernement de concentrer son action sur l'emploi. Mais quelle est la nouveauté de cette politique ? Les questions non résolues depuis trois ans sont toujours les mêmes : comment créer des emplois avec une croissance en berne ? Comment redonner du tonus à la croissance sans la confiance ? Comment donner de la confiance aux acteurs économiques, ménages et entreprises, sans leur donner un signal fort ?

Sur ce point, notre divergence est totale, monsieur le ministre : lorsque nous disons « pouvoir d'achat et coup de pouce à la demande », vous dites, encore et toujours, « exonérations fiscales et sociales ».

Du côté de l'offre, votre diagnostic n'est pas meilleur. Nous venons d'achever l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises et vous vous apprêtez à légiférer par ordonnances. Dans les deux cas, vous axez toute votre politique, par ailleurs contestable, sur les petites entreprises, voire sur les très petites, et, en sandwich entre ces deux textes, si je puis m'exprimer ainsi, vous nous proposez, dans le titre II du présent projet de loi, de légiférer sur la future agence de l'innovation industrielle, destinée à aider à l'émergence de « champions nationaux » ! De surcroît, dans les jours qui viennent, le Gouvernement va statuer sur l'appel à projets qu'il a lancé voilà quelques mois visant à sélectionner des pôles de compétitivité dans les territoires.

Cette méthode, très curieuse, nous amène à nous interroger sur la cohérence de ces dispositifs élaborés au coup par coup alors que nous perdons des parts de marché à la fois par manque d'innovation dans nos produits et nos services et par mauvais positionnement sur les marchés exportateurs.

Il importe de faire le bon diagnostic. Or, selon moi, vous avez tout faux en ce domaine - excusez-moi de vous le dire ! - et, par conséquent, également quant aux mesures que vous proposez.

Notre tissu industriel est, en effet, très déséquilibré : nous avons beaucoup d'entreprises de petite taille qui ont une faible productivité et une faible capacité d'innovation et, par ailleurs, de très grandes entreprises, mais peu d'entreprises de taille moyenne et à forte capacité technologique.

Par conséquent, pour créer des emplois, il conviendrait de donner à ces entreprises intermédiaires les moyens de se développer et d'accompagner leur croissance.

Vous avez longtemps - et vous le faites encore - sous-estimé le problème de l'accélération de la désindustrialisation. Vous n'avez pas vu l'incapacité de la France à se positionner dans la nouvelle division internationale du travail.

Certes, les difficultés ne datent pas de 2002, mais vous les avez exacerbées en sabordant les instruments de la politique industrielle : suppression de fonds pour la technologie, sacrifice de la recherche, gel de la réforme des universités. Vous persévérez dans l'erreur en voulant concurrencer les pays émergents, alors que la concurrence se situe avec les pays du Nord.

Encore une fois, vous ne faites pas le bon diagnostic.

La commission des finances a entrepris, sous l'égide de son président, un important travail d'expertise sur le phénomène des délocalisations, et je ne partage pas du tout le diagnostic qu'elle a rendu.

Loin de moi, cependant, l'idée de nier les délocalisations, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

...dont les conséquences sociales et territoriales sont redoutables. L'intervention de l'Etat et de la puissance publique est nécessaire, et pour les hommes et pour les territoires. On ne peut s'en remettre au bon vouloir des entreprises et des financeurs, comme on s'apprête, une fois encore, à le faire, à l'article 4 du projet de loi.

En effet, trois ans après sa mise en oeuvre, le dispositif instauré par la loi de modernisation sociale, en faveur duquel je me suis prononcée, alors que je siégeais à l'Assemblée nationale, montre ses limites. Ce sont les collectivités territoriales - je suis bien placée pour en parler, compte tenu des graves difficultés que rencontre le sud de la Seine-et-Marne, où un bassin d'emploi est en train de mourir à petit feu - qui essaient de faire face aux difficultés, et non les entreprises, qui partent s'implanter ailleurs.

Au demeurant, la France est, de par ses spécialisations, sensible à la concurrence des pays à bas coût. Elle est une zone attractive pour les capitaux étrangers.

Je rappelle que 22 % de nos entreprises industrielles dépendent de firmes étrangères. Nous sommes beaucoup plus dépendants que nos voisins européens. Le Royaume-Uni lui-même n'est dépendant qu'à hauteur de 13 %.

Dès lors, la tentation est grande, pour ces firmes étrangères, d'aller vers des pays à encore plus bas coût. Il faut donc « réarmer » la France.

Tel était l'objectif louable du rapport Beffa. En matière d'innovation industrielle, il suggère de concentrer les moyens sur les grandes entreprises à travers des programmes technologiques financés par elles et par l'Etat. C'est une bonne piste, mais ce n'est pas la seule. L'innovation est portée au moins autant par les nouveaux entrants, qui butent vite sur des problèmes de croissance.

Alors qu'il faudrait une entreprise publique de capital-investissement pour les aider à affronter leur croissance, le Gouvernement souhaite créer un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial, pour piloter les PMII, les programmes mobilisateurs pour l'innovation industrielle.

Si ma lecture du texte est bonne, l'ambition de départ s'est rétrécie comme une peau de chagrin : il ne s'agit plus que d'exonérer l'agence des dispositions du titre III de la loi du 26 juillet 1983. Là encore, la méthode est curieuse, car l'agence n'est pas encore créée, et devrait l'être par décret ! C'est un net recul par rapport à l'avant-projet de loi, dans lequel cinq articles étaient consacrés à cette agence.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions pas donner un blanc-seing au Gouvernement sans connaître l'articulation de cette agence avec les réseaux existants, ni ses modalités d'intervention, non plus que son financement, notamment le montant des concours financiers de l'Etat.

Si mes calculs sont bons, par cohérence avec la stratégie européenne de croissance de Lisbonne, l'effort global serait, en moyenne, de 2 milliards d'euros par an, soit un milliard d'euros à la charge de l'Etat, selon l'ambition initiale de M. Beffa.

Toutefois, le mode de financement n'est toujours pas clair : s'agit-il de réaffecter une part des montants alloués aux dispositifs existants, ce qui serait inacceptable ? S'agit-il de faire bénéficier l'agence, comme cela a pu être écrit et dit, de ressources dégagées par les privatisations ?

M. Gérard Longuet doit le savoir mieux que moi : le sort réservé aux promesses de financement des infrastructures de transport à partir des privatisations d'autoroutes fait l'effet d'une douche froide, car, après avoir laissé espérer à l'agence 12 milliards d'euros, l'Etat ne devrait plus lui laisser qu'un milliard d'euros !

Le mode financement de cette agence est, au départ, contestable ; de plus, ce qui vient de se passer cette semaine nous dissuade de faire confiance au Gouvernement pour l'abonder à partir des recettes de privatisations.

Enfin, les articulations, tant avec l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qu'avec les pôles de compétitivité, qui devraient être choisis ces jours-ci, ne sont toujours pas démontrées.

Privés de débat et de moyens d'action sur une nouvelle structure qui complexifie encore la lisibilité de l'action publique, nous ne pourrons pas vous donner de chèque en blanc sur ce point.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la société européenne.

Il n'est pas dans mes habitudes ni dans ma culture de me livrer à des critiques, mais si je le fais aujourd'hui, c'est que je souhaite vous faire part de quelques réflexions liminaires avant de vous livrer mes observations sur les amendements visant à intégrer la société européenne dans notre édifice législatif.

Tout d'abord, je souhaite assurer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de ma confiance la plus totale, et lui rappeler que je ne le tiens absolument pas pour responsable d'un texte qui est curieusement inséré dans son projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Lorsque j'ai commencé, voilà près de deux ans, des travaux de réflexion sur la société européenne, entouré d'un groupe de travail réunissant des entrepreneurs, des universitaires et des juristes éminents, je n'imaginais pas la hauteur de la montagne à franchir, de la part d'un simple parlementaire, pour aboutir au dépôt d'une proposition de loi avec mon collègue et ami M. Jean-Jacques Hyest, ni pour, ensuite, nouer des contacts avec les services de différents ministères sur le sujet. Et tout cela pour aboutir à un texte qui, certes, témoigne de certains efforts pour fédérer les participants, mais demeure très imparfait et qui nous est présenté dans l'urgence, au sein d'une immense loi pour la confiance et la modernisation de l'économie !

Tout au long de ces deux années, nous avons organisé des colloques, des conférences de presse ; des numéros spéciaux de revues juridiques de grande renommée ont été publiés sur nos travaux. M. Jean-Jacques Hyest et moi-même avons déposé une proposition de loi sur le sujet, en janvier 2004. Nous en avons déposé une seconde en juillet 2004, visant à adapter légèrement notre droit des sociétés en vue de la mise en place de la société européenne.

Le 13 avril 2004, à l'occasion d'une question orale au gouvernement sur ce sujet, je m'étais inquiété de l'absence de réaction et d'action du gouvernement alors qu'approchait la date butoir, fixée au 8 octobre 2004, pour l'application dans notre droit du règlement et pour la transposition de la directive sur la société européenne.

Je suis aujourd'hui au regret de constater que mes craintes étaient fondées puisque j'avais dit à cette occasion : « nous prenons du retard ! Il ne faudrait pas qu'une directive et un règlement de cette importance ne viennent devant nous dans une ordonnance, au milieu de dizaines d'autres, comme cela se fait trop souvent ! Quand cela arrive, on ne peut pas en discuter...».

Nous y voilà ! Je crains aujourd'hui, mes chers collègues, que l'on ne nous demande de nous prononcer dans l'urgence sur une question particulièrement complexe de notre droit des sociétés, qui met en jeu notre compétitivité et l'attractivité de notre système juridique au sein de l'Union européenne. Pour autant, on ne nous fournit ni un texte irréprochable, ni les éléments d'information et de réflexion, ni le temps nous permettant de prendre une décision totalement éclairée.

Quand il en est ainsi, ne vaudrait-il pas mieux considérer qu'il serait plus sage, pour la sécurité juridique ultérieure des montages qui engageront les entreprises qui choisiront ce statut commercial, de reporter l'examen d'une telle question à une autre date, fût-t-elle proche, afin de nous permettre d'y consacrer toute l'attention qu'elle mérite ? On ne doit pas faire n'importe quoi pour rattraper un retard, au Parlement comme sur la route !

Je ne puis que regretter infiniment, pour notre démocratie, et pour ce que ce mot représente à nos yeux, mes chers collègues, quelles que soient nos opinions et nos appartenances, que si, conformément à la Constitution, le Parlement vote bien la loi, il en soit malheureusement bien peu souvent à l'origine.

Si le parlementaire a également vocation à être à l'initiative de la loi, ce n'est pas uniquement parce que l'article 39 de la Constitution l'y autorise. Il faut savoir accorder de la valeur et donner du sens aux vieux principes qui régissent notre démocratie ! Le parlementaire peut et doit aussi être à l'initiative de la loi parce que le temps ne lui est pas compté et qu'il peut ne pas travailler dans l'urgence.

Le parlementaire peut en effet s'accorder le temps d'étudier un sujet à fond. Il peut s'entourer des meilleurs spécialistes d'une question, organiser des colloques, confronter les opinions des universitaires, voire des chercheurs ou des entrepreneurs étrangers travaillant dans leur propre pays sur le même sujet. C'est ce que j'ai fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Bref, le parlementaire voit les choses de plus haut que l'administration dans les cabinets ministériels, à qui on demande bien souvent de travailler à partir d'éléments parcellaires qui leur sont distribués comme les pièces d'un puzzle, sans l'image à laquelle ils doivent parvenir. Or, quand on n'a pas cette image sous les yeux, le résultat du puzzle est bien souvent boiteux, quels que soient les efforts fournis.

Le parlementaire peut et doit apporter sa pierre à l'édifice législatif autrement qu'en se comportant en chambre d'enregistrement de décisions prises sans lui, quand on lui octroie charitablement la possibilité d'effectuer quelques aménagements, qui, souvent, ne feront qu'alourdir un plat déjà particulièrement indigeste.

Mes chers collègues, si nous voyons si souvent revenir vers nous des questions que nous avions pourtant l'impression d'avoir déjà traitées, ce n'est pas toujours parce que la situation a évolué et qu'il nous faut adapter notre législation. C'est très souvent parce que nous devons combler une lacune, rectifier une erreur, la pratique ne se satisfaisant pas des édifices que nous avons votés.

Nous ne cessons de dire que nous légiférons trop. Mes chers collègues, si nous légiférions mieux, nous ne serions peut-être pas si souvent obligés de remettre notre ouvrage sur le métier ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

C'est vrai ! Il faut faire de bonnes lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à vous dire ceci : les parlementaires, élus du peuple, siègent au sein des deux assemblées pour porter la voix de celui-ci et pour ne pas le laisser dans l'ignorance. Si nous-mêmes, nous ne savons pas nous engager et être à la hauteur du mandat que nous a confié le peuple, il ne faut pas nous étonner ensuite que celui-ci nous sanctionne régulièrement lors des élections, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

... tous partis et tous gouvernements confondus. Le peuple ne doit pas être ignoré. Le peuple apprend, comprend, pour autant qu'on lui en donne les moyens. Il en est de même s'agissant des élus.

Limiter la vocation du Parlement à être, à parité avec le Gouvernement, à l'initiative de la loi, c'est ne pas honorer la voix du peuple qui nous a confié nos mandats. Et l'on voit, depuis désormais de trop nombreuses années, à quels errements électoraux cela conduit notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Voilà ! Il faut en tirer les leçons absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

La crise économique n'explique pas tout. Elle a bon dos, comme Bruxelles quand il s'agissait de faire passer une pilule un peu amère !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Les conséquences d'une telle vision finissent par se payer cher. Nos institutions aussi peuvent être en crise, quand on ne met pas en oeuvre tous les principes qui les régissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Je suis parlementaire depuis bientôt trente ans : combien de fois ai-je vu des directives européennes être soumises à nos deux assemblées, en vue de leur transposition, par séries de cinq, de dix, de vingt, parfois plus, au motif que Bruxelles allait sanctionner la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Voilà pourquoi je tiens à m'exprimer d'une manière claire.

J'en viens à la société européenne, qui arrive à vous, mes chers collègues, après des méandres et des sentiers qu'elle ne méritait pas.

Lors du Conseil européen de Nice, en décembre 2000, les Etats membres de l'Union ont enfin décidé, après quelque trente années d'atermoiements, le principe de la création d'un statut de société européenne afin de renforcer l'efficacité et l'attractivité économique et juridique du marché intérieur.

Par cette nouvelle forme de société commerciale, il s'agit de créer un instrument juridique unique, quasi identique dans chaque Etat membre, destiné à permettre aux entreprises d'étendre facilement leurs activités économiques à l'échelon communautaire.

La société européenne est régie, sur le plan communautaire, par un règlement et une directive, qui doivent s'appliquer de façon concomitante. Le règlement traite plus particulièrement des aspects statutaires, alors que la directive complète ces statuts en ce qui concerne l'implication des travailleurs.

C'est en effet là que réside l'une des particularités essentielles de ce nouvel instrument juridique : la société européenne ne peut être constituée que si les modalités d'implication des travailleurs au sein de cette nouvelle entité juridique ont été préalablement déterminées. C'est également là qu'a résidé le principal point d'achoppement de ce projet durant ses longues années de gestation : les modes de participation étaient si diversifiés au sein des différents Etats membres et les habitudes si solidement ancrées qu'il a été particulièrement difficile de parvenir à un point d'équilibre. Lorsque ce point d'équilibre a été trouvé à l'échelon communautaire, le problème s'est posé de la même manière à l'échelon national, et c'est ainsi que la société européenne a longtemps pâti de l'incapacité des différentes organisations à envisager une réforme des systèmes nationaux. Ces organisations ont exercé de très fortes pressions - c'est toujours le cas - afin que l'implication des travailleurs soit minimisée. Cela n'est pas acceptable. C'est pourquoi M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et moi-même nous sommes battus pour qu'il soit définitivement établi, ainsi que cela vous est présenté dans les amendements que nous vous soumettrons, que le règlement et la directive ne peuvent être dissociés.

Pour autant, la tâche n'était pas simple. Vous ne l'ignorez pas, si la directive se transpose, c'est-à-dire qu'elle laisse au législateur une certaine latitude pour aménager son droit national, le règlement, lui, ne se transpose pas, il a primauté et effet direct, ainsi que cela est reconnu par une jurisprudence constante de l'ensemble de nos juridictions. Pourtant, ce règlement présentait la particularité d'offrir des options aux différents Etats membres : la possibilité de faire telle ou telle chose, ou encore telle autre chose. Les rédacteurs du règlement avaient bien compris qu'un consensus strict serait difficile à obtenir, ils avaient laissé une marge de manoeuvre étroite aux législateurs nationaux.

Les amendements qui vous seront soumis au cours du débat ne sont pas parfaits. Ils ont le mérite de susciter votre réflexion. Toutefois, je le répète, il me paraîtrait plus sage de reporter notre décision à une date où toutes les lacunes auront été comblées et où chacun pourra prendre une décision en connaissance de cause.

Pour quelle raison des textes nous sont-ils soumis alors qu'ils sont imparfaits et pourquoi les amendements sur ces textes ne sont-ils pas de nature à régler tous les problèmes ? Compte tenu de la déclaration d'urgence, ce projet de société européenne a été introduit dans cette loi pour la confiance et la modernisation de l'économie le mercredi 29 juin dernier. Le texte a ensuite été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée lors de la conférence des présidents du jeudi 30 juin et la date de son examen a été rendue publique le vendredi 1er juillet au matin. Sachant que nous sommes aujourd'hui le 4 juillet, je vous laisse imaginer les efforts qui ont été nécessaires pour rassembler des énergies et des compétences en ce premier week-end du mois de juillet !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur. Cela prouve que le train de sénateur n'est plus ce qu'il était !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Vous conviendrez qu'il est difficile, dans de telles conditions, de préparer un travail législatif de qualité.

Toutefois, si M. le ministre, M. le rapporteur de la commission des finances et M. le président de la commission des lois maintenaient leur décision d'examiner les amendements sur la société européenne, ce dont je ne doute pas, il serait nécessaire de modifier ces amendements sur certains points.

Les amendement sur les statuts de la société européenne, le premier ayant été déposé par M. Marini - à qui je tiens d'ailleurs à dire que j'apprécie son travail et que j'ai pour lui beaucoup de considération -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

...le second l'ayant été par Jean-Jacques Hyest et Bernard Saugey, témoignent d'un louable effort de rapprochement entre deux visions qui, au départ, étaient éloignées s'agissant du règlement et de la directive. L'indispensable amendement sur la transposition de la directive complète l'édifice. Je vous soumettrai toutefois un certain nombre de sous-amendements visant à tenter d'en corriger les imperfections les plus manifestes, qui mettraient notre loi en contravention avec la législation communautaire, ce qui obligerait nos propres juridictions, ou les juridictions européennes, par le biais de questions préjudicielles, à nous sanctionner.

Mon intervention, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, se veut plus pédagogique qu'agressive. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Comme le savent M. le ministre et M. le rapporteur, le règlement est déjà entré en application dans d'autres pays de l'Union européenne, qui ont également déjà transposé la directive dans leur droit national. Certaines de leurs entreprises se sont déjà implantées dans d'autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Nous avons donc du retard.

Je considère que ce texte relatif à la transposition aurait dû faire l'objet d'un débat spécifique. Tel est mon opinion à l'issue de deux années de travail.

Je veux aussi, mes chers collègues, faire part en cet instant de ma reconnaissance à l'égard de l'équipe d'éminents juristes, de spécialistes du domaine social, d'économistes, d'entrepreneurs qui m'a entouré. Je rends hommage au travail qu'ils ont effectué à mes côtés, ainsi qu'à celui de M. Jean-Jacques Hyest.

Je tenais à formuler ces remarques sans agressivité, je le répète, et plutôt sous un angle pédagogique. Je souhaite que la voix que j'essaie de faire entendre soit dorénavant partagée afin que notre travail parlementaire soit plus efficient.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Après cette riche discussion générale, je serai bref.

Je veux tout d'abord remercier la Haute Assemblée pour la richesse et la qualité des travaux liminaires. Mes remerciements vont à la commission des finances, à son président et à M. le rapporteur général, ainsi qu'à la commission des lois et à la commission des affaires sociales, dont j'ai particulièrement apprécié la contribution en ce qui concerne tant la qualité juridique des interventions que la mise en perspective nécessaire des réformes ultérieures de la participation et de l'intéressement.

Je remarque avec intérêt que ce projet de loi cumule tout à la fois la critique de ne pas être ambitieux et des remarques, venant de toutes parts, relatives à son contenu.

Ayant écouté très attentivement les interventions des différents orateurs, je me sens rassuré sur le contenu de ce texte. Il est certes divers mais il est également riche, concret et précis.

Je voudrais répondre à trois critiques qui ont été formulées.

En premier lieu, s'agissant du prétendu manque d'ambition du projet de loi, j'avoue mon étonnement. M. le rapporteur général l'a très bien dit : ce texte est technique mais le cumul de ses mesures techniques, leur cohérence, leur mise en perspective dans une action non seulement normative mais aussi budgétaire et administrative continue du Gouvernement traduisent une ambition et une politique publique en faveur du développement et de la croissance des entreprises.

Réformer les conditions d'appel public à l'épargne, créer l'Agence de l'innovation industrielle et la doter, dès sa première année d'un milliard d'euros, comme cela a été rappelé, créer dans le même temps l'établissement public OSEO, qui réunit l'ANVAR et la BDPME afin de doubler leurs moyens d'intervention en faveur de l'innovation d'ici à 2007, est-ce manquer d'ambition pour le financement du développement de nos entreprises ?

En deuxième lieu, un manque d'équilibre entre les responsabilités respectives des mandataires sociaux, des administrateurs, des organismes sociaux des entreprises serait la marque infamante de ce texte. Là encore, passons de la polémique aux faits : mesdames, messieurs les sénateurs, je suis le premier ministre de l'économie et des finances qui vous propose de légiférer sur les conditions de fixation des rémunérations des hauts dirigeants des entreprises, avec le souci de la transparence, de la sécurité juridique mais aussi de l'équilibre. Je suis fier, en tant que ministre, de porter devant vous cette première réforme relative à la manière dont sont fixées, sous le contrôle des actionnaires, les rémunérations différées des dirigeants.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Ce souci de transparence et de responsabilité est du reste une constante de ce texte, notamment s'agissant du fonctionnement des conseils d'administration et des règles relatives à la publication par toutes les personnes concernées d'informations financières.

En troisième lieu, d'aucuns ont soutenu que le message économique de ce texte n'est pas suffisamment clair. Je ne partage pas du tout ce point de vue. Les mesures relatives à la mobilisation de l'intéressement et à son déblocage constituent une invitation au soutien de la consommation et - il faut être sérieux ! - certainement pas un découragement à l'investissement en fonds propres des entreprises §

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est ainsi que j'ai introduit dans ce projet de loi un titre Ier qui comporte des mesures fiscales novatrices pour améliorer les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent lever des fonds propres. Ces derniers doivent aider à l'effort d'innovation des entreprises, que les mesures que j'ai présentées peu après mon arrivée à Bercy ont pour objet de stimuler.

En conclusion, je voudrais que l'on voie dans ce projet de loi un texte de mobilisation. Soyons confiants et optimistes. Au demeurant, les chiffres récents sur l'attractivité du territoire ne sont pas aussi pessimistes qu'on veut bien le dire, y compris sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs. Les investissements étrangers ont permis la création de 33 000 emplois en 2004 et représentent 3 % du PIB en France, contre à peine plus de 2 % au Royaume-Uni et 1 % en Allemagne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis intimement convaincu que les entreprises françaises ont beaucoup de dynamisme. Nous avons la chance d'avoir un nombre important d'entrepreneurs, mais, comme je l'ai dit, il est urgent de leur donner les moyens d'augmenter leurs fonds propres. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, un chiffre m'a beaucoup choqué : la levée de capitaux pour les petites entreprises a représenté plus de 6 milliards d'euros sur le marché britannique, contre 140 millions d'euros en France. Quand on a dit cela, on a tout dit !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Pouvons-nous attendre ? Devons-nous rester les bras croisés ?

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

En France, 110 000 PME exportent. C'est formidable mais c'est insuffisant. En Allemagne, on en dénombre 350 000. Savez-vous pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs ? Parce que 90 % de nos PME ont moins de neuf salariés. Il faut donc les aider à grandir.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est l'une des vocations de ce texte. Il s'agit, comme l'ont fort bien dit nombre d'entre vous, et je les en remercie, de permettre à nos entreprises d'avoir accès aux marchés financiers parce que ces derniers servent à augmenter les fonds propres des entreprises pour leur donner les moyens de se développer. C'est fondamentalement ce à quoi ce texte va s'attacher. Favoriser une plus grande fluidité des marchés financiers, notamment vers les petites et moyennes entreprises, une plus grande transparence dans la gouvernance des entreprises et des capacités plus importantes pour permettre à la recherche et à l'innovation de se développer, conformément aux objectifs de Lisbonne : tels sont les trois objectifs qu'il faut rappeler.

Je voudrais remercier M. Karoutchi pour son soutien. Il a parfaitement dressé les objectifs du projet de loi qui vous est soumis.

J'ai bien entendu l'appel de M de Montesquiou, en ce qui concerne l'attention continue qui doit être portée à l'attractivité.

MM. Jégou et Buffet ont évoqué l'hypothèque. Je souhaite les convaincre que l'intérêt de cette réforme justifie la méthode que je souhaite participative, j'insiste sur ce point. Le viager hypothécaire revêt un véritable intérêt pour nos concitoyens les plus âgés. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Mme Bricq et MM Marc et Yung ont souhaité une réglementation plus importante. Je leur rappelle simplement que la loi NRE a constitué un progrès. Et si ma mémoire est bonne, ils ont participé activement à son élaboration. Or les mesures qu'ils préconisent aujourd'hui n'ont pas alors été retenues. En matière de sécurité juridique, cette loi existe, il faut l'appliquer et ne pas légiférer tous les deux ans.

Je veux remercier Mme Debré et M. Dassault pour les pistes qu'ils ont tracées et pour leurs remarques sur la participation. Il ne s'agissait pas ici d'avoir un grand débat sur ce thème. Il s'agissait, pour le Gouvernement, de réfléchir à l'opportunité d'un débat. Celui-ci viendra en son temps, comme l'a rappelé le Premier ministre. C'est un point important, car la participation doit être repensée à l'aune d'un actionnariat salarié de plus en plus important. Cette réflexion de base doit effectivement être menée, mais, vous l'avez compris, tel n'est pas l'objet du présent projet de loi.

Enfin, monsieur Branger, soyez-en sûr, je saurai mettre à profit votre intervention et vos trente ans d'expérience parlementaire. L'intérêt que vous manifestez à l'égard de la société européenne servira à nourrir un débat de qualité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis du travail en commun que nous allons effectuer au cours des prochaines heures. Je souhaite que nous arrivions à améliorer le texte et à mobiliser ensemble les forces vives de la nation dans l'intérêt de notre économie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Arthuis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 134, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie (433, 2004-2005).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

« La France vit au dessus de ses moyens », c'est ainsi que vous avez résumé, monsieur le ministre, la situation économique que nous connaissons et qui se traduit notamment par une aggravation du déficit budgétaire, une croissance en panne, un alourdissement de la dette publique et par la persistance d'un taux de chômage particulièrement élevé, touchant de manière sensible les jeunes, les femmes et les salariés les plus âgés.

La situation est donc bien différente du constat que vous dressez. Nous sommes plutôt confrontés à une dégradation sensible du pouvoir d'achat des salariés, sous les effets tant de la hausse continue du niveau des loyers que de la progression de la facture énergétique.

Emploi, pouvoir d'achat, hausse des prix sont aujourd'hui au coeur des préoccupations des salariés et de l'immense majorité des Françaises et des Français.

Quelles réponses apporte ce gouvernement à ces interrogations, à ces aspirations ? Un ensemble de textes qui, pris dans leur cohérence, prévoient un vaste remodelage de la société, au moment même où la population de notre pays a pourtant clairement manifesté son rejet profond et croissant des politiques libérales, en France et en Europe.

Le projet de loi que nous examinons complète la désastreuse proposition de loi sur l'organisation du temps de travail, qui a conduit à la remise en cause de la réduction du temps de travail, le projet de loi de sauvegarde des entreprises, le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises et le projet de loi relatif au développement des services à la personne.

En fait, ce faisceau de textes, adoptés ou en voie d'adoption, favorise le développement de l'emploi précaire, l'aggravation des conditions de travail des salariés, alors que, dans le même temps, se développe le plus grand laxisme s'agissant de la défense des intérêts financiers des entreprises.

Ce projet de loi n'échappe pas à la règle. Quelles solutions prévoit-il en termes de pouvoir d'achat ? Il prévoit deux types de solution : soit le déblocage anticipé de la réserve spéciale de participation, dont la plupart des salariés n'ont que faire puisqu'ils sont employés dans des entreprises sans système d'intéressement constitué ; soit la transparence sur les éléments de rémunération consentis aux cadres dirigeants d'entreprises plus importantes, transparence consistant en fait à valider par la voie législative des pratiques qui choquent légitimement la grande majorité des salariés.

Ce sont les plans de stock-options, les avantages en nature, les retraites dorées prévues par avance, les remises consenties sur l'acquisition des titres de l'entreprise, sans oublier la distribution des jetons de présence.

Ce sont en fait tous ces éléments de rémunération accessoires que vous allez, sous le prétexte de la transparence, mettre encore mieux en évidence et qui provoquent aujourd'hui le rejet par nos compatriotes de cette économie libérale au sein de laquelle le travailleur est devenu objet et instrument, au même titre que les marchandises.

Comment ne pas rappeler ici la colère des salariés de Carrefour apprenant que leur P-DG, pourtant remercié pour insuffisance de résultats, allait percevoir une retraite de près de 30 millions d'euros, alors qu'ils se mobilisaient pour que leurs tickets restaurant soient portés à 8 euros par jour ?

Comment ne pas souligner encore que le salaire des P-DG des grandes entreprises du CAC 40 a connu, ces dernières années, une majoration exceptionnelle, due notamment à la généralisation et à l'inflation des éléments accessoires de rémunération, et ce parfois sans commune mesure avec la réalité de la situation économique des entreprises concernées ?

Tel groupe, qui connaissait des difficultés comptables ou qui était en déficit, ne s'est pourtant pas privé de majorer la rémunération de son P-DG, alors qu'un plan d'économies draconiennes affectait les autres dépenses de personnel.

Concernant la vie des entreprises, qu'il s'agisse de leur situation juridique ou de leur accession aux circuits de financement, là encore, la logique libérale prévaut. En réduisant le quorum nécessaire à la validité de la tenue d'un conseil d'administration ou d'une assemblée générale ordinaire d'actionnaires, en autorisant le recours généralisé à la visioconférence, vous rompez l'égalité entre les actionnaires. En effet, quels membres du conseil d'administration, quels actionnaires seront en mesure de faire appel aux technologies nouvelles de transmission des données pour faire acte de présence au sein des instances dirigeantes ou des assemblées statutaires des entreprises ?

Ces dispositions risquent de renforcer le pouvoir du noyau dur des actionnaires, d'ouvrir un contre-feu à toute tentative menée par une association de défense d'actionnaires minoritaires, ou encore d'entraîner la captation des choix de gestion de l'entreprise par les plus « initiés », au détriment de l'information et des pouvoirs des autres.

S'agissant du financement des entreprises, outre la collection désormais traditionnelle de mesures à caractère fiscal visant à faire supporter le risque du créancier par la collectivité publique - exonération des plus-values de cession des fonds communs de placement à risques ou prolongation de la franchise de droits de mutation sur les donations en numéraire -, la grande affaire est le développement d'une sorte de marché boursier du financement des PME.

Les entreprises françaises, malgré quelques mythes tenaces, ne sont pourtant pas dépourvues de capitaux.

Les services de la Banque de France, qui sont parfaitement en mesure de nous fournir des indications à cet égard, grâce à leur connaissance des flux financiers des entreprises, ont montré, dans leurs études, que les entreprises françaises disposent d'une structure de passif où les fonds propres sont sensiblement plus importants que ceux des entreprises de notre principal partenaire économique, l'Allemagne.

De fait, l'amélioration très sensible des marges brutes d'autofinancement des entreprises, du fait des gains de productivité et de l'incitation à la modération salariale, participe de l'approfondissement de ce processus de renforcement des fonds propres. Selon les services de la Banque de France, les entreprises françaises disposent, à définition équivalente, de deux fois plus de fonds propres que leurs homologues germaniques.

Ce qui est en question dans ce débat, monsieur le ministre, c'est bel et bien le partage de la valeur ajoutée créée par le travail et l'utilisation du produit du travail salarié. Devons-nous persévérer dans la confiscation pure et simple du travail salarié au profit des opérations financières les plus scandaleuses ?

Vous ne manquerez sans doute pas de nous parler, cette semaine, de l'aggravation du déficit de l'Etat, de la croissance exponentielle de la dette publique et du coût du service de la dette, mais vous serez sans doute plus discret, monsieur le ministre, sur ces opérations de rachat d'actions, véritable aubaine pour les initiés, et qui représentent le « fin du fin » du gaspillage du travail humain.

Quand le groupe Total-Fina-Elf dépense en quelques années 19 milliards d'euros pour racheter et détruire des titres de son capital, faut-il encore le favoriser ? Ces 19 milliards, issus de la flambée des prix du pétrole - il est probable que ce groupe tirera encore pleinement profit de l'actuelle poussée du prix du baril -, n'auraient-ils pas trouvé meilleur usage en servant à indemniser véritablement les victimes de la marée noire de l'Erika, celles de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, ou encore à maintenir l'activité de l'usine Arkema de Saint-Auban ?

En effet, la confiance dans l'économie, dans ce cas, ce n'est ni plus ni moins que l'amélioration du ratio de rentabilité de l'investissement par l'accroissement potentiel de la valeur du dividende attaché à chaque action.

L'ensemble des dispositions du présent projet de loi pourrait appeler des commentaires analogues. Tout semble en effet prévu dans ce texte pour placer les entreprises sous le contrôle des marchés financiers et pour intégrer encore un peu plus les PME aux stratégies des grands groupes.

Prenons l'exemple des dépenses de recherche.

L'article 5 bis, ajouté lors du débat à l'Assemblée nationale, prévoit ainsi de créer une réduction d'impôt pour les entreprises souscrivant au capital de petites entreprises dites innovantes, c'est-à-dire investies de missions de production de recherche-développement.

Vous favorisez l'externalisation des dépenses de recherche des grands groupes puisqu'il suffira de masquer derrière l'identité de quelques personnes physiques l'implication d'un groupe pour que ce dernier bénéficie au maximum des dispositions concernées. Il s'agit concrètement, dans le cas qui nous préoccupe, de lier recherche-développement et rentabilité immédiate, et de faire supporter le risque du développement technologique par les PME innovantes, à qui l'on aura confié cette mission.

Ce qui est à craindre dans cette opération, c'est que la plupart de nos grands groupes n'organisent le démantèlement de leurs centres de recherche et de leurs bureaux d'études, quand ceux-ci existent encore.

En matière de recherche technologique comme de compétitivité, comment ne pas regretter également que ce texte fasse la part belle à une conception étroitement économique et comptable de la recherche-développement, à visée strictement utilitariste, comme l'illustre le flou entretenu autour de la création de l'Agence pour l'innovation industrielle ?

Là encore, ce qui semble guider la démarche du Gouvernement n'est rien d'autre qu'une socialisation des dépenses de recherche au profit de la privatisation des bénéfices tirés de l'exploitation ultérieure des brevets déposés.

Rien, dans ce texte, ne semble donc devoir répondre réellement aux attentes de nos concitoyens en matière d'emploi, de pouvoir d'achat et de développement économique et social.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous invitions le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question préalable sur ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Richard Yung applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission estime que ce texte comporte un grand nombre de dispositions extrêmement utiles et intéressantes, qui doivent permettre aux entreprises d'accéder au financement dont elles ont besoin et qui nous font progresser dans le sens de la confiance et de la transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

. Bien entendu, nous ne pouvons accepter de nous arrêter à ce stade du débat, avant même d'avoir abordé la discussion des articles. Si nous votions cette motion, le débat n'aurait pas lieu et nous serions frustrés des échanges passionnants qui vont avoir lieu dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur. Au demeurant, cher collègue Bernard Vera, j'ai vu que votre groupe avait déposé un grand nombre d'amendements. Il serait dommage que vous ne puissiez pas les défendre, car cela vous manquerait et empêcherait la bonne explicitation de vos idées.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Vera, je me rends compte, après vous avoir écouté avec beaucoup d'attention, que j'ai déjà, dans mon intervention, répondu à vos interrogations, en particulier à la première d'entre elles, sur la nécessité d'aller vite, parce que la situation de nos petites entreprises le demande C'est la raison principale, mais il y en a beaucoup d'autres, pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissementssur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 134, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°°194 :

Nombre de votants326Nombre de suffrages exprimés229Majorité absolue des suffrages exprimés115Pour l'adoption22Contre 207Le Sénat n'a pas adopté.

MM. Roger Karoutchi et Jean Bizet applaudissent .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq.