...dont les conséquences sociales et territoriales sont redoutables. L'intervention de l'Etat et de la puissance publique est nécessaire, et pour les hommes et pour les territoires. On ne peut s'en remettre au bon vouloir des entreprises et des financeurs, comme on s'apprête, une fois encore, à le faire, à l'article 4 du projet de loi.
En effet, trois ans après sa mise en oeuvre, le dispositif instauré par la loi de modernisation sociale, en faveur duquel je me suis prononcée, alors que je siégeais à l'Assemblée nationale, montre ses limites. Ce sont les collectivités territoriales - je suis bien placée pour en parler, compte tenu des graves difficultés que rencontre le sud de la Seine-et-Marne, où un bassin d'emploi est en train de mourir à petit feu - qui essaient de faire face aux difficultés, et non les entreprises, qui partent s'implanter ailleurs.
Au demeurant, la France est, de par ses spécialisations, sensible à la concurrence des pays à bas coût. Elle est une zone attractive pour les capitaux étrangers.
Je rappelle que 22 % de nos entreprises industrielles dépendent de firmes étrangères. Nous sommes beaucoup plus dépendants que nos voisins européens. Le Royaume-Uni lui-même n'est dépendant qu'à hauteur de 13 %.
Dès lors, la tentation est grande, pour ces firmes étrangères, d'aller vers des pays à encore plus bas coût. Il faut donc « réarmer » la France.
Tel était l'objectif louable du rapport Beffa. En matière d'innovation industrielle, il suggère de concentrer les moyens sur les grandes entreprises à travers des programmes technologiques financés par elles et par l'Etat. C'est une bonne piste, mais ce n'est pas la seule. L'innovation est portée au moins autant par les nouveaux entrants, qui butent vite sur des problèmes de croissance.
Alors qu'il faudrait une entreprise publique de capital-investissement pour les aider à affronter leur croissance, le Gouvernement souhaite créer un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial, pour piloter les PMII, les programmes mobilisateurs pour l'innovation industrielle.
Si ma lecture du texte est bonne, l'ambition de départ s'est rétrécie comme une peau de chagrin : il ne s'agit plus que d'exonérer l'agence des dispositions du titre III de la loi du 26 juillet 1983. Là encore, la méthode est curieuse, car l'agence n'est pas encore créée, et devrait l'être par décret ! C'est un net recul par rapport à l'avant-projet de loi, dans lequel cinq articles étaient consacrés à cette agence.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions pas donner un blanc-seing au Gouvernement sans connaître l'articulation de cette agence avec les réseaux existants, ni ses modalités d'intervention, non plus que son financement, notamment le montant des concours financiers de l'Etat.
Si mes calculs sont bons, par cohérence avec la stratégie européenne de croissance de Lisbonne, l'effort global serait, en moyenne, de 2 milliards d'euros par an, soit un milliard d'euros à la charge de l'Etat, selon l'ambition initiale de M. Beffa.
Toutefois, le mode de financement n'est toujours pas clair : s'agit-il de réaffecter une part des montants alloués aux dispositifs existants, ce qui serait inacceptable ? S'agit-il de faire bénéficier l'agence, comme cela a pu être écrit et dit, de ressources dégagées par les privatisations ?
M. Gérard Longuet doit le savoir mieux que moi : le sort réservé aux promesses de financement des infrastructures de transport à partir des privatisations d'autoroutes fait l'effet d'une douche froide, car, après avoir laissé espérer à l'agence 12 milliards d'euros, l'Etat ne devrait plus lui laisser qu'un milliard d'euros !
Le mode financement de cette agence est, au départ, contestable ; de plus, ce qui vient de se passer cette semaine nous dissuade de faire confiance au Gouvernement pour l'abonder à partir des recettes de privatisations.
Enfin, les articulations, tant avec l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qu'avec les pôles de compétitivité, qui devraient être choisis ces jours-ci, ne sont toujours pas démontrées.
Privés de débat et de moyens d'action sur une nouvelle structure qui complexifie encore la lisibilité de l'action publique, nous ne pourrons pas vous donner de chèque en blanc sur ce point.