Si cette information est confirmée, je trouverai cela tout à fait regrettable, même si cela ne modifie pas le texte que nous avons adopté puisqu’il ne s’agit que du décret d'application. Cela modifierait en revanche le contrat moral sur lequel nous nous étions tous engagés auprès des victimes. Aussi, je demande que cet arbitrage soit revu et que la liste des maladies radio-induites et prévue à l'article 1er contienne bien les maladies des groupes 1, 2 et 3, retenues par l'UNSCEAR en 2006. Selon l’article 1er du projet de loi, j'attire votre attention à ce sujet, la liste est « fixée par décret en Conseil d'État, conformément aux travaux retenus par la communauté scientifique internationale ». Les critères de détermination de cette liste doivent être scientifiques et non financiers. Ces maladies ne sont pas issues de l'imagination de quelques responsables associatifs. Leur recensement résulte de travaux scientifiques reconnus par la communauté internationale. Je regrette qu'au moment où nous allons adopter définitivement cette loi, après plusieurs mois d'études et de discussions, on revienne sur ce qui était considéré depuis le début comme acquis.
Je tiens cependant à l’adoption du projet de loi, dans la version issue des travaux de la commission mixte paritaire. En effet, en cas de rejet, les victimes perdraient encore des mois précieux alors même que ne sont pas en cause les dispositions législatives, mais les dispositions réglementaires apparemment envisagées.
Je conserve, en outre, bon espoir d’un retour au projet de décret initialement prévu. Je me battrai pour qu'il en soit ainsi. C'est un problème de gouvernance, c’est un problème de conscience, un problème de respect de la parole donnée !
Ce texte va donc poursuivre son chemin. Il pourrait être promulgué d’ici à la fin de l’année. À partir de cette date, toutes les personnes, qu’elles aient déjà intenté un recours devant les tribunaux ou non, qu’elles aient déjà obtenu une indemnisation ou non, pourront, si elles s’estiment victimes des essais nucléaires, déposer une demande d’indemnisation : par ce texte, l’État s’engage à réexaminer l’ensemble des dossiers pour qu’une juste indemnisation soit apportée à toutes les victimes.
Je crois que cette loi peut faire date. Elle permettra de solder ce contentieux, de tourner la page des essais nucléaires « grandeur nature ».
Je voudrais achever mon intervention par une pensée pour les victimes. Si nous sommes ici ce soir, c’est qu’il y a cinquante ans des hommes et des femmes se sont engagés dans l’aventure nucléaire française. Ces hommes et ces femmes ont construit notre force de dissuasion nucléaire.
C’est grâce à eux que nous avons la garantie qu’en toutes circonstances la France, son territoire, son peuple, ses institutions républicaines sont à l’abri d’une agression ou d’un chantage les mettant directement en péril, comme ce fut le cas en 1940.
C’est grâce à eux que notre pays peut jouer le rôle qui est le sien parmi le cercle très restreint des puissances nucléaires.
Ce texte est de la part de notre République un texte de reconnaissance des souffrances que supportent aujourd’hui ceux qui l’ont servie hier, mais aussi du travail accompli par ces femmes et ces hommes qui ont contribué à assurer sa sécurité et sa grandeur.
Je n’oublie pas non plus la situation des habitants du Sahara, de Reggane ou de In Ecker, dans le Hoggar algérien, non plus que celle des habitants des atolls de Polynésie française, tel l’atoll de Tureia, ou des îles Gambier, qui ont été victimes, bien malgré elles, des retombées radioactives de nos essais.
Les cancers sont des maladies lourdes, leurs traitements souvent éprouvants et pas toujours couronnés de succès. Mes pensées vont à toutes ces victimes. Ce texte leur est dédié.