Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 22 décembre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

En cette fin de session, le vote des conclusions de la commission mixte paritaire relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est un moment solennel.

Vous le savez, la France a procédé à 210 essais nucléaires, dans le Sahara algérien et en Polynésie française. Au cours de ces essais, des retombées radioactives ont exposé les personnels militaires et civils, ainsi que les populations autochtones, aux rayons ionisants. Certains d’entre eux ont pu développer des maladies dites « radio-induites ».

Depuis plusieurs années, les associations de vétérans atteints par ce type de pathologies se battent pour que notre République les reconnaisse en tant que victimes et leur octroie un droit légitime à l’indemnisation. Leur pugnacité est, ce soir, récompensée, et je tiens à saluer leur patience, leur volonté, leur engagement.

Pas moins de dix-huit propositions de loi ont été déposées sur ce sujet, sur l’initiative de députés ou de sénateurs, mais jusqu’à ce jour aucune n’avait abouti.

Je souhaite témoigner du remarquable travail que vous avez accompli, monsieur le rapporteur. Vous avez œuvré, afin d’instaurer un cadre juridique le plus rigoureux et juste possible. Introduire le principe de présomption de causalité pour les demandeurs, sans pour autant ouvrir la porte à une indemnisation massive – cela reviendrait en effet à nier la spécificité même des victimes –, n’était pas facile. Je veux vous en donner acte.

Je salue aussi l’apport de nos collègues de l'Assemblée nationale, ainsi que des services du Médiateur de la République.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je me félicite du travail accompli et de la méthode. Au mois de novembre 2008, le ministre de la défense s’est personnellement engagé à rendre justice aux vétérans, dont certains ne sont malheureusement plus là aujourd’hui.

Je souhaite rappeler que ce sont les volontés de justice, d’impartialité et de coproduction qui nous ont guidés tout au long de l’élaboration de ce projet de loi. Monsieur le secrétaire d'État, depuis le mois de décembre 2008, un grand nombre de réunions de travail ont été organisées avec des députés et des sénateurs de chaque groupe politique, ainsi qu’avec des représentants des associations et les élus de Polynésie française.

Ce soir, la France et notre défense nationale ont rendez- vous avec elles-mêmes. Il était temps de mettre fin à un tabou qui frappe certaines archives du ministère de la défense !

Je me réjouis de soutenir un gouvernement qui a eu le courage d’assumer les conséquences d’un choix stratégique remontant à plus de cinquante ans : celui de la dissuasion nucléaire. Ce choix gaullien permet aujourd’hui à notre pays de jouer un véritable rôle sur la scène internationale, de peser dans le concert des nations, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, et de garantir la sécurité tant de nos concitoyens que de nos intérêts vitaux. Le présent projet de loi constitue une preuve de courage politique. Si d’autres, dans le passé, se sont avant tout souciés d’appliquer le moratoire international sur les essais nucléaires, ils ont moins manifesté leurs préoccupations quant aux conséquences des essais sur les populations.

Le courage politique, c’est assumer le passé, et vous le faites, monsieur le secrétaire d'État, c’est résoudre, enfin, le problème du vide juridique auquel se trouvaient confrontées les victimes. Trop de demandes d’indemnisation se sont transformées en d’interminables procédures devant un tribunal administratif qui, dans la majorité des cas, ne pouvait bénéficier ni d’éléments officiels relatifs aux contaminations radioactives ni d’expertises médicales spécifiques. Les cancers sont des maladies terribles, sans signature, dont il est encore très difficile d’identifier l’origine. La poursuite de recherches sur une potentielle prédestination génétique en témoigne.

Affirmer que les essais nucléaires n’ont eu aucune conséquence serait déraisonnable. C’est pour cette raison que je me félicite que le présent projet de loi s’appuie sur les travaux les plus avancés : ceux de l’UNSCAER. Il ne se limite pas, vous le savez, mes chers collègues, aux seuls personnels ayant travaillé sur les sites d’expérimentation. Il vise aussi les populations ayant vécu autour des sites. Dès lors, les victimes militaires ou civiles pourront déposer une demande d’indemnisation auprès d’un comité créé spécialement par la loi. Cela atteste un autre point fort du texte : la rigueur. Ce comité, composé d’experts médicaux, nommés conjointement par les ministères de la défense et de la santé et des sports, traduit, avant tout, la volonté d’une parfaite transparence vis-à-vis des victimes.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous avez souhaité qu’un délai de six mois maximum soit imposé au comité d’indemnisation pour statuer. En effet, les victimes souffrant de cancers n’ont plus le temps d’attendre !

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles aucun fonds d’indemnisation ne sera créé. Le présent projet de loi repose sur le pragmatisme : ces structures administratives se caractérisent en effet par des lourdeurs intolérables pour les victimes pour qui le temps est des plus précieux. La création d’un fonds spécifiquement dédié à l’indemnisation des victimes de l’amiante doit nous servir d’exemple… à ne pas suivre ! Sur ce point, je suis en désaccord avec vous, monsieur Vantomme. Deux années auront été nécessaires à la mise en place de ce fonds ! En l’espèce, nous voulons aller plus vite. Ainsi, les indemnisations seront prélevées directement sur les budgets des pensions de la défense, ce qui permettra d’éviter les problèmes liés au plafonnement financier inhérent à tout fonds.

Enfin, à la volonté de justice, de transparence et de rigueur s’ajoute celle de l’évaluation. La création d’une commission consultative du suivi des conséquences des essais nucléaires, au sein de laquelle pourront siéger les représentants d’associations des victimes, démontre, monsieur le secrétaire d'État, votre volonté d’impliquer les associations de victimes. Ces dernières, qui sont à l’origine du texte, auront un rôle à jouer jusqu’au terme de la procédure. Ce point est important, en tout premier lieu pour les victimes, qui, au travers de l’évaluation de l’action du comité, trouveront un soutien dans leur démarche. Enfin, la création de cette commission est révélatrice de l’esprit du projet de loi. Ce texte fixe les conditions d’une procédure d’indemnisation aussi juste qu’efficace, dont nous nous félicitons.

Cependant, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi, au nom du groupe UMP, de vous demander, comme les précédents orateurs, de vous engager quant au décret qui fixera la liste des pathologies. Cette dernière devra être conforme au décret initial communiqué aux parlementaires et aux associations.

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