Intervention de Robert Bret

Réunion du 24 juin 2008 à 10h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 23

Photo de Robert BretRobert Bret :

Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa de l’article 49.

Il me semble d’ailleurs que le Président de la République lui-même s’était déclaré favorable à cette suppression.

En effet, quelle est la raison d’être de cet alinéa, sinon de permettre au gouvernement, en plus de voir encadrés les pouvoirs du Parlement, de disposer d’une arme qui représente l’absolu du passage en force, puisqu’elle met fin au débat parlementaire par le seul jeu de la discipline majoritaire ?

D’une certaine manière, il s’agit d’une arme de destruction massive du travail parlementaire ainsi qu’ont pu le révéler les quelques circonstances dans lesquelles cet instrument constitutionnel a été utilisé.

Dans les quelques cas où l’article 49-3 a été appliqué, il s’agissait, de manière conjoncturelle, autant d’abréger singulièrement les travaux parlementaires en vue de faire taire les dissensions éventuelles existant dans la majorité que de restreindre le droit de parole de l’opposition.

Pour faire bonne mesure, comme l’article 49-3 ne s’applique qu’à l’Assemblée nationale, d’autres outils de procédure étaient mis en œuvre au Sénat pour parvenir aux mêmes fins. Nous en savons quelque chose !

Certes, monsieur le secrétaire d’État, votre réforme semble tirer les conséquences de l’existence du fait majoritaire en proposant de limiter le recours à l’article 49-3 : il ne pourrait plus être utilisé que pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Ce peut être considéré comme significatif !

Cependant, et c’est là que le bât blesse, le texte précise que le Premier ministre pourra néanmoins user d’un « joker » et recourir à cette procédure pour un autre texte par session.

Voilà qui pose un sérieux problème de cohérence ! De deux choses l’une, en effet : soit on considère que l’article 49-3 demeure pertinent en cas de majorité relative ou instable, et il ne faut alors absolument pas en restreindre l’utilisation – ce que d’aucuns semblent souhaiter ; soit on considère, et c’est notre point de vue, que cet article porte atteinte aux droits du Parlement, et il faut alors le supprimer.

Peu importe de savoir si l’article 49-3 s’adresse à une majorité ou à une opposition. Il est une atteinte au libre choix de l’Assemblée nationale, voire du Parlement dans son ensemble.

La voie médiane que vous proposez n’a aucun sens, parce qu’elle ne limite rien. Depuis dix ans, ce dispositif n’a été utilisé que trois fois, et par des gouvernements assurés d’une majorité totalement hégémonique à l’Assemblée nationale.

En d’autres termes, telle qu’elle est rédigée, la réforme ne change rien. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que nous avons, avec cette mesure, un témoignage particulièrement flagrant de son caractère cosmétique, monsieur le secrétaire d’État.

Cette limitation factice de l’usage de l’article 49-3 ne concernera pas les textes fondamentaux. Son utilisation restera dans la moyenne habituelle. Rien ne change : soyez rassuré, monsieur de Rohan !

De plus, et nous en avons débattu par ailleurs, non seulement l’article 49-3 continuera d’exister mais il sera renforcé par une sorte de nouvel article 49-3 fixé par la conférence des présidents pour limiter l’examen d’un texte en vertu du fameux article 18.

Mes chers collègues, nous vous invitons à faire réellement progresser la démocratie en supprimant l’article 49-3.

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