La séance est ouverte à dix heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 48. - Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé, dans chaque assemblée, par sa Conférence des Présidents.
« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.
« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité, et dans l'ordre que la Conférence des Présidents a fixé, au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, sous réserve de l'examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
« En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.
« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par la Conférence des Présidents à l'initiative des groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité au sein de cette dernière.
« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 123 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 48.- Sans préjudice des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé par chaque assemblée.
« Un jour de séance par mois est réservé par chaque assemblée aux initiatives des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celles des groupes minoritaires.
« Au cours de la session ordinaire, deux semaines sur trois, selon un programme établi par le Gouvernement après consultation de chaque assemblée, sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.
« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais insister sur cet amendement, car l’article 22 du présent projet de loi constitutionnelle est très important. Je souhaite analyser la position de l’Assemblée nationale et expliquer avec précision les propositions de la commission des lois.
Nous avons examiné avec beaucoup d’attention la rédaction proposée pour l’article 48, en tenant compte des observations formulées par les présidents des groupes et les présidents des commissions permanentes lors de leurs échanges avec votre rapporteur.
Ce dispositif appelle trois séries de réserves.
D’abord, il est complexe. Les nombreuses exceptions dont est assortie la compétence reconnue à la conférence des présidents en matière de fixation de l’ordre du jour interdisent de mesurer la portée réelle des nouvelles prérogatives qui seraient reconnues au Parlement.
Ensuite, il est excessivement rigide, car il réserve une semaine sur deux de l’ordre du jour qui est théoriquement dévolu au Parlement pour les travaux de contrôle.
Enfin, et surtout, en pratique, il offre des garanties très insuffisantes, ouvrant à l’exécutif de nombreuses possibilités d’empiètement sur l’ordre du jour réservé au Parlement. Les prérogatives reconnues au Gouvernement par le quatrième alinéa du nouveau texte proposé pour l’article 48 auraient non seulement pour effet de réduire le nombre de textes ou de débats que les assemblées pourraient inscrire à l’ordre du jour sur leur propre initiative, mais également de limiter leur capacité de planifier à l’avance leur ordre du jour respectif.
À un système qui laisse planer de nombreuses incertitudes sur la part de l’ordre du jour qui reviendrait finalement au Parlement, il serait préférable de mettre en place un dispositif lui garantissant un nombre certain de semaines de séance, en l’occurrence une semaine sur trois.
Selon l’amendement proposé par votre commission, les assemblées se verraient reconnaître une compétence de principe pour déterminer leur ordre du jour.
Au cours de la session ordinaire, selon un programme déterminé par le Gouvernement, et après consultation des deux assemblées, deux semaines sur trois seraient réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.
Par ailleurs, comme le prévoit le projet de loi constitutionnelle, un jour de séance par mois serait réservé à un ordre du jour arrêté par la conférence des présidents, à l’initiative des « groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires ». Le choix de cette rédaction est le fruit d’une concertation qui, je l’espère, recueillera l’assentiment de tous les groupes politiques.
En outre, une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29 de la Constitution – c’est une nouveauté –, serait réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.
Le dispositif présenté par votre commission présenterait trois avantages en termes de sécurité, de lisibilité et de souplesse dans l’organisation de l’ordre du jour.
D’abord, la sécurité : un nombre de semaines de séance serait garanti au Parlement sans risque d’empiètement de la part du Gouvernement.
Ensuite, la lisibilité : le nombre de semaines revenant aux assemblées et au Gouvernement serait connu par avance et la notion de « programme établi par le Gouvernement », qui diffère de la seule mention des « textes législatifs », serait introduite dans la Constitution.
Enfin, la souplesse : le nombre respectif de semaines du Parlement et du Gouvernement pourrait être globalisé sur toute la durée de la session.
Il appartiendrait au Parlement, au sein de l’ordre du jour qui lui est réservé, de déterminer les parts respectives des travaux législatifs et des activités de contrôle.
Telle est l’économie générale de l’amendement que la commission vous propose.
Le sous-amendement n° 517, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 123 pour l'article 48 de la Constitution :
Trois jours de séance par mois sont réservés par...
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Ce sous-amendement vise à renforcer l’initiative parlementaire des groupes d’opposition dans une assemblée, ce qui est, nous dit-on, l’objectif du projet de révision constitutionnelle.
Dans sa grande générosité, le projet de loi concède quelques heures de plus par mois à l’initiative parlementaire. Actuellement, il existe une séance mensuelle réservée à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée ; elle est aujourd'hui répartie à la proportionnelle des groupes.
Alors que le projet de loi accroît de manière importante l’initiative législative de la majorité parlementaire, l’amélioration des droits des groupes de l’opposition paraît dérisoire, et l’adoption de l’amendement de M. le rapporteur n’infléchirait, me semble-t-il, que faiblement cet état de fait. Au fond, à quelques heures de séance près, nous serions quasiment dans la même situation qu’aujourd'hui.
Comme M. le rapporteur l’indique, la nouvelle organisation de l’ordre du jour prévu par les auteurs du projet est complexe, irréaliste et rigide. J’ajoute qu’elle offre au Parlement des garanties très insuffisantes.
Nous l’avons déjà souligné, le manque de clarté traduit un objectif assez clair : limiter le débat législatif et les droits de l’opposition.
Combien de jours seront vraiment consacrés au travail législatif en séance publique ? Mystère ! Ne prépare-t-on pas une organisation mensuelle favorisant à l’extrême le travail de la commission pour limiter le débat en séance sur les projets ou propositions de loi ?
Monsieur le rapporteur, rien dans votre amendement n’indique que le Sénat effectuera plus de deux semaines de travail législatif. Une première lecture indique plutôt que vous limitez d’emblée ce travail à trois semaines par mois, dont une facultative, à la disposition des assemblées. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
En tout état de cause, par ce sous-amendement, nous estimons nécessaire de porter à trois le nombre de jours par mois consacrés à l’initiative parlementaire.
Le sous-amendement n° 297 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Zocchetto, Pozzo di Borgo, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste -UDF, est ainsi libellé :
Après les mots :
chaque assemblée
rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 123 pour l'article 48 de la Constitution :
à l'initiative de chacun des groupes parlementaires qui la composent.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, comme vous le comprendrez aisément, puisque vous nous connaissez bien, cet amendement traduit une préoccupation importante de notre groupe. Nous voulons préserver les droits particuliers des groupes parlementaires qui ne déclarent appartenir ni à la majorité ni à l’opposition.
Dans un premier temps, nous avions proposé un dispositif différent de celui que M. le rapporteur suggérait alors. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’amendement de la commission nous satisfait davantage. Pour être honnête, j’avoue que sa rédaction initiale ne me gênait pas à titre personnel. Mais j’étais minoritaire au sein de mon groupe minoritaire
Sourires
Pour autant, tenez-vous sur vos gardes ; nous ne serons pas éternellement minoritaires !
Nouveaux sourires.
Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
J’espère bien que nous finirons un jour par devenir majoritaires, même si je ne suis pas sûr d’atteindre cette « terre promise ».
Le sous-amendement n° 515, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 123 pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé,
II. - En conséquence, dans le même alinéa, remplacer le mot :
il
par les mots :
le Gouvernement
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Depuis des semaines, voire des mois, on nous annonce une véritable révolution de l’ordre du jour parlementaire.
D’ailleurs, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, affirmait que nous étions, avec le présent article 22, au cœur de la révolution annoncée en faveur des droits du Parlement.
Pourtant, monsieur le rapporteur, vous écrivez dans votre rapport que le projet de loi constitutionnelle offre « des garanties très insuffisantes ».
Selon vous, ce texte ouvre « à l’exécutif de nombreuses possibilités d’empiétement sur l’ordre du jour réservé au Parlement ». Vous précisez également que certaines dispositions auront pour effet de « limiter la capacité » des assemblées « de planifier à l’avance leur ordre du jour respectif ».
De notre point de vue, le Parlement a un droit de regard sur l’organisation des débats et sur les projets de loi dont le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour. Il doit pouvoir s’opposer à telle ou telle priorité demandée.
Or, que ce soit dans le projet de loi ou dans la proposition de M. Hyest, les seules précisions concernant l’ordre du jour gouvernemental sont celles que je viens d’évoquer.
Nous devons, me semble-t-il, apporter plus de souplesse au système prévu.
Le sous-amendement n° 516, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 123 pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
et aux débats
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Ce sous-amendement tend à revenir sur une disposition ajoutée à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi constitutionnelle prévoit deux semaines d’ordre du jour gouvernemental, c’est-à-dire de travail législatif en séance publique sur les projets de loi, mais il inclut dans ce dispositif les « débats ». Cela nous semble inquiétant compte tenu de l’évolution globale qui se dessine : moins de séance publique, plus de travail en commission. J’ai eu l’occasion de m’expliquer sur ce point.
Le Gouvernement a annoncé son intention, et fait adopter un amendement en ce sens à l’Assemblée nationale, de multiplier les débats non législatifs, éventuellement avec des votes sur les sujets les plus divers. C’est tout de même assez curieux !
Qui peut prévoir à l’avance quelle sera la portée de cette nouvelle pratique, qui occupera peut-être tout le champ de nos travaux ? Ne sommes-nous pas confrontés à une transformation programmée du Parlement avec une chambre de débats aux compétences limitées ?
Il ne faut jamais perdre de vue cette dérive antidémocratique dans le contexte européen que nous connaissons.
Aussi proposons-nous, par ce sous-amendement, que les deux semaines de séance évoquées à cet alinéa ne comprennent pas les débats « fourre-tout » dépourvus de portée politique réelle.
Le sous-amendement n° 507, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n° 123 par un alinéa ainsi rédigé :
« Une assemblée saisie d'une proposition de loi adoptée par l'autre assemblée dont le gouvernement n'a pas demandé l'inscription à l'ordre du jour prioritaire délibère sur ce texte dans les six mois. Ce délai est suspendu pendant l'interruption des travaux parlementaires. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Cet amendement touche directement et concrètement aux pouvoirs du Parlement. Le premier alinéa de l’article 39 de la Constitution énonce clairement : « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement ». Le terme « concurremment » illustre un principe fort et signifie « en même temps », « conjointement ». C’est un concept d’égalité.
Or, mes chers collègues, si l’examen des projets de loi suit un cours normal, ce qui est tout à fait naturel, il n’en est pas de même pour les propositions de loi, qui ont tendance à « dormir » dans l’assemblée dont elles sont issues.
Cela montre bien que le grand principe édicté par la Constitution n’est pas appliqué concrètement. Or, au cours de ces débats, j’ai cru comprendre que la Constitution devait être le catalogue des grands principes. J’ose espérer que tous ici nous considérons qu’ils ont vocation à être appliqués concrètement !
Il faut donc remédier à cette situation. Sinon, à quoi sert la Constitution ? Le bicamérisme nécessite l’unité du Parlement pour être efficace. Certes, les deux chambres sont autonomes l’une et l’autre, mais il n’y a qu’un seul Parlement, ce qui signifie une coordination obligatoire entre les deux et une cohérence dans l’action parlementaire.
Cette réforme qui nous est soumise par le Gouvernement vise à augmenter les pouvoirs du Parlement. Encore faut-il que ce qui existe déjà dans la Constitution soit appliqué ! Or la modification des dispositions relatives à l’ordre du jour, qui donnera plus de moyens au Parlement, réduira d’autant les disponibilités du Gouvernement, qui avait déjà beaucoup de difficultés à inscrire des propositions de loi à l’ordre du jour d’une autre assemblée et qui n’aura certainement plus le moyen de le faire, étant trop préoccupé par ses propres textes. Il sera encore plus difficile de faire passer des propositions de loi. Il convient donc d’y remédier d’une manière claire dans la Constitution.
« Les plus beaux poèmes sont ceux que l’on n’a pas encore écrits. », dit le poète. Faisons en sorte que les plus belles lois ne soient pas celles que nous n’avons pas encore pu adopter, mais soient bien celles que nous allons voter !
MM. Charles Revet et Jean-René Lecerf applaudissent.
L'amendement n° 218, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les règlements des assemblées garantissent une juste représentation de l'ensemble des groupes parlementaires au sein de la conférence des présidents, dont les travaux sont publics.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement n° 218 est important, car il concerne la définition de la conférence des présidents.
Le projet de loi entend accorder à cet organisme un statut constitutionnel qu’il n’avait pas jusqu’alors. Si tel devait être le cas, nous estimons qu’il faudrait changer de manière très significative sa composition et son mode de fonctionnement.
S’agissant de sa composition, tout d’abord, est-il possible de conserver une telle amplification du fait majoritaire ? J’ai déjà eu l’occasion d’en parler hier et de vous dire combien le rapport de force entre la majorité et l’opposition était déformé à la conférence des présidents. Je ne suis certainement pas la seule à le penser.
La moindre des choses serait d’imposer une représentation proportionnelle de la majorité et de l’opposition.
Ne faudrait-il pas limiter une représentation des groupes pour que le débat soit clairement politique et que des rivalités entre telle ou telle commission n’entrent pas en ligne de compte dans l’organisation du travail du Sénat ? Cela me paraîtrait plus judicieux.
Faire référence à la conférence des présidents sans la démocratiser en profondeur n’est pas acceptable. En effet, dans la nouvelle architecture institutionnelle, la conférence des présidents aura un rôle essentiel. C’est avec elle que le président du parti majoritaire traitera, nonobstant le Premier ministre, de ce qu’il y a lieu de faire au Parlement.
Le Président de la République sera le nouveau chef de la majorité – je n’en ai pas douté un instant – qui pilotera de fait la conférence des présidents. Vous me direz que le Sénat pourra un jour lui être hostile. Pour l’instant, le Président de la République est en accord avec les deux assemblées et tout est fait pour que le Sénat conserve la même couleur politique.
Ensuite, nous estimons que le fonctionnement de la conférence des présidents doit changer. Les débats doivent y être organisés et, surtout, la transparence doit être instaurée. À l’heure actuelle, ce qui se dit au sein de la conférence des présidents n’a aucune importance, puisque personne ne le sait. Pour une instance qui devra prendre un certain nombre de décisions, ce n’est pas acceptable !
Tel est le sens de cet amendement.
L'amendement n° 412, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé,
et remplacer le mot :
il
par les mots :
le Gouvernement
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
J’ai déjà défendu cet amendement, en présentant le sous-amendement n° 517 à l’amendement n° 123 rectifié.
L'amendement n° 219, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
et aux débats
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement a déjà été défendu. Je vous fais gagner du temps, mes chers collègues ! J’espère que cela ne nuit pas à votre réflexion.
L'amendement n° 221, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Deux semaines de séance sont réservées à l'initiative parlementaire.
II. - Dans le cinquième alinéa du même texte, remplacer le mot :
un
par le mot :
trois
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
À l’occasion de l’examen de l’amendement n° 123 rectifié, nous avons expliqué la disposition augmentant de un à trois jours l’initiative accordée aux groupes de l’opposition des assemblées. Les petits groupes devraient me soutenir, et je sais que M. Mercier tient beaucoup à la représentation des groupes.
La première partie de notre amendement mérite en revanche une précision.
Le projet de loi constitutionnelle, comme l’a dit M. le rapporteur, prévoit que deux semaines de séance publique seront consacrées aux projets gouvernementaux, une semaine sera réservée à des tâches diverses. Nous estimons a priori que le Parlement doit pouvoir siéger quatre semaines sur quatre en séance publique. Nous refusons la tentation du travail en commission, de la procédure d’examen simplifiée généralisée, de la multiplication des votes sans débat.
Si deux semaines sont consacrées à l’initiative gouvernementale, en toute clarté, deux semaines doivent également être consacrées à l’initiative parlementaire. C’est ce que vous avez annoncé partout : le partage de l’ordre du jour.
Or, à l’heure actuelle, il n’y a aucun partage de l’ordre du jour. C’est un cheval, une alouette.
Il y a des gens élus pour gouverner. Quand on a perdu, on ne gouverne plus !
L'amendement n° 220, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Le troisième alinéa du nouvel article 48 de la Constitution dispose qu’une semaine par mois est réservée au contrôle de l’action gouvernementale et à l’évaluation des politiques publiques.
Cet ajout de l’Assemblée nationale, que le président du groupe de l’UMP à l’Assemblée nationale, M. Copé, avait présenté comme un grand acquis, fondamental pour le Parlement, ne renforce pas le pouvoir des assemblées. La force du Parlement, c’est le pouvoir législatif, le pouvoir de faire la loi. La conception républicaine de l’institution parlementaire réside en ce pouvoir.
Cela a été dit à plusieurs reprises, l’objectif essentiel du projet de loi constitutionnelle est de détourner le Parlement de sa mission première, la mission législative. Nous considérons que cet alinéa masque mal la réalité : le dépérissement accéléré de la fonction législative du Parlement.
L'amendement n° 482, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
, des projets relatifs aux états de crise
La parole est à M. Bernard Frimat.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le constater – nos collègues maintiendront sans doute leur position –, l’expression « état de crise » n’a pas de valeur juridique. Nous présentons donc un amendement de coordination avec les positions que nous défendons. Mais si, dans la nuit, une définition juridique précise vous était venue, je serais heureux que vous puissiez nous en faire profiter !
L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une assemblée saisie d'une proposition de loi adoptée par l'autre assemblée dont le Gouvernement n'a pas demandé l'inscription à l'ordre du jour prioritaire délibère sur ce texte dans les six mois. Ce délai est suspendu dans l'intervalle des sessions et pendant leurs interruptions.
La parole est à M. Christian Cointat.
L’amendement n° 51 rectifié est retiré.
L'amendement n° 481, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution :
« Une semaine de séance sur quatre, est réservée à l'initiative des groupes parlementaires et répartie conformément à la règle de la proportionnalité.
La parole est à M. Bernard Frimat.
Cet amendement reprend très directement le problème que nous a posé M. le rapporteur sur l’ordre du jour, puisque nous nous trouvons, paraît-il, devant une grande innovation.
Aujourd’hui, la situation est presque idyllique dans la mesure où nous n’avons que des marges d’optimisation. S’agissant des droits du Parlement, il serait difficile de reculer par rapport à la situation actuelle, car ceux-ci sont réduits à leur plus simple expression sur une séance d’initiative parlementaire dont nous avons pu mesurer toutes les limites au Sénat depuis longtemps.
Dans cette séance dite « d’initiative parlementaire », les groupes d’opposition n’avaient même pas le pouvoir de choisir eux-mêmes les textes qui étaient mis en discussion. Nous avons conquis de haute lutte cette grande liberté en vertu de laquelle ces groupes, dont le nôtre, ont l’occasion quatre fois par an de déposer un texte et de le défendre, au moins pendant la discussion générale, car, d’une façon générale, ce stade n’est jamais dépassé.
L’article 22 prévoit que deux semaines seront réservées à l’examen des textes dont le Gouvernement aura demandé l’inscription à l’ordre du jour, qu’une semaine sera consacrée au contrôle de l’action du Gouvernement et qu’une semaine sera dédiée au Parlement.
M. le rapporteur a formulé un certain nombre de remarques qui sont exactes, car, à peine envisage-t-il de concéder une partie de la maîtrise de l’ordre du jour au Parlement que le Gouvernement s’invente toute une série de dérogations qui lui permettront de miter le temps qui est censé être celui du Parlement : les empiètements du Gouvernement auront toujours lieu sur les quinze jours réservés au Parlement.
La proposition de M. le rapporteur me gêne dans le sens où la semaine de contrôle disparaît en tant que telle. Même si cette pratique n’est pas la plus courante, le fait de consacrer une semaine au contrôle était un acquis qui me semblait important.
En réalité, avec les empiètements du Gouvernement, le Parlement ne disposera plus que d’une semaine, puisque la seconde servira au contrôle. Nous souhaitons – il s’agit, là encore, d’un bon test pour mesurer la réelle volonté de permettre à l’ensemble des groupes parlementaires de conquérir des droits – que cette ultime semaine soit répartie entre les groupes à la proportionnelle, et qu’elle n’appartienne pas exclusivement à la majorité, avec une journée concédée à l’opposition.
Les deux semaines réservées au Gouvernement peuvent se transformer en trois semaines. Dans ce cas, la majorité ne disposera plus que d’une semaine, dont un jour sera accordé à l’opposition.
Face à ce bouleversement et à ce risque très important que prend le Gouvernement, il doit nous indiquer les droits nouveaux qu’il entend véritablement accorder au Parlement. En réalité, nous sommes confrontés à une fausse maîtrise de l’ordre du jour. Cette réforme a tellement peu de chances d’être votée que nous disposons d’une totale liberté de parole !
Par notre amendement, nous souhaitons que la semaine qui n’est pas réservée à l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour par le Gouvernement ou au contrôle de son action soit répartie à la proportionnelle entre les groupes parlementaires. Il faut leur reconnaître des droits.
L'amendement n° 222 rectifié bis, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, remplacer les mots :
ne disposent pas de la majorité au sein de cette dernière
par les mots :
n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée intéressée.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Nous tenons, par cet amendement, à modifier la rédaction proposée par l’Assemblée nationale pour évoquer les groupes parlementaires pouvant accéder à la journée d’initiative parlementaire.
Le texte proposé – peut-être s’agit-il d’une erreur – évoquait tout groupe ne disposant pas de la majorité à lui seul, qu’il soutienne ou non le Gouvernement.
Nous précisons, comme le fait également M. le rapporteur, que sont concernés les groupes n’ayant pas affirmé appartenir à la majorité de l’assemblée concernée.
L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Gélard et Portelli et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par la Conférence des Présidents à l'initiative des groupes parlementaires qui soutiennent la majorité.
La parole est à M. Hugues Portelli.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
L’amendement n° 88 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission n’a pas eu connaissance du sous-amendement n° 517, mais il ne lui semble pas conforme aux équilibres souhaités dans l’amendement n° 123 rectifié. Elle émet donc un avis défavorable.
Sur le sous-amendement n° 297 rectifié, la rectification à laquelle la commission a procédé pour modifier la rédaction de l’alinéa de son amendement n° 123 concernant l’initiative des groupes d’opposition ou de la minorité devrait être en mesure de satisfaire les auteurs de ce sous-amendement. La commission sollicite donc le retrait de ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 297 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 515, la commission souhaite que, dans son ordre du jour réservé, le Gouvernement puisse déterminer l’ordre d’examen des textes. Elle émet donc un avis défavorable.
Les débats souhaités par le Gouvernement doivent pouvoir s’imputer sur l’ordre du jour qui lui est réservé. C’est pourquoi la commission est également défavorable au sous-amendement n° 516.
Sur le sous-amendement n° 507, votre commission a souscrit aux arguments développés par M. Cointat. J’avais évoqué cette question depuis longtemps. Si l’initiative parlementaire s’arrête à une assemblée, c’est comme si nous ne faisions rien. Il faut trouver un moyen pour que la deuxième assemblée examine les propositions de loi votées par l’autre chambre. Autrement, l’initiative parlementaire ne perdurera pas, sauf si le Gouvernement le souhaite, ce qui n’est pas suffisant. Par conséquent, la commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
S'agissant de l’amendement n° 218, l’organisation de la conférence des présidents ne relève pas du niveau constitutionnel. Conformément au principe de l’autonomie des assemblées, c’est aux règlements du Sénat et de l’Assemblée nationale de fixer les règles dans ce domaine. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 412 ayant le même objet que le sous-amendement n° 515, la commission y est défavorable pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 219, semblable au sous-amendement n° 516, a également reçu un avis défavorable de la commission.
Quant à l’amendement n° 221, il est contraire aux équilibres souhaités par la commission des lois dans son amendement n° 123 rectifié. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 220, bien que pour des raisons différentes de celles qui sont exposées par l’objet de cet amendement, la commission des lois a supprimé la disposition de l’article 48 de la Constitution concernant la semaine réservée au contrôle. Cet amendement est donc satisfait.
L’amendement n° 482 est satisfait par la rédaction proposée par l’amendement n° 123 rectifié pour l’article 48 de la Constitution.
Au sujet de l’amendement n° 481, je comprends les arguments de M. Frimat et des membres du groupe socialiste. Mais vaut-il mieux une semaine de contrôle incertaine ou une semaine garantie d’initiative et de contrôle ?
C’est toute la question ! Je propose le choix d’une semaine garantie.
Cet amendement aurait pour effet, dans le cadre du texte voté par l’Assemblée nationale, de répartir l’ordre du jour réservé au Parlement selon l’importance numérique des groupes. Quelle place pourrait alors être consacrée aux initiatives des commissions qui, souvent, transcendent les clivages partisans ?
Je pourrais vous citer l’exemple de la proposition de loi relative à la législation funéraire, dont on attend toujours l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! Il ne s’agit pourtant pas d’un sujet mineur, contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser. Je pourrais également citer l’exemple d’une réforme qui a abouti, madame la garde des sceaux, telle la loi portant réforme de la prescription en matière civile. Il existe heureusement des sujets qui transcendent les purs clivages politiques.
En tout état de cause, le système proposé par cet amendement ne s’intègre pas dans le dispositif retenu par la commission, une semaine sur trois.
Enfin, la reconnaissance d’une journée de séance mensuelle réservée aux initiatives des groupes de la minorité marque un progrès certain par rapport au dispositif actuel, à savoir une journée par mois réservée à l’ensemble des groupes.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Quant à l’amendement n° 222 rectifié il est contraire à la position de la commission des lois, exprimée à l’amendement n° 123 rectifié. La commission émet donc un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, dans l’amendement n° 123 rectifié de la commission, vous proposez une réécriture de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle. Comme vous, nous pensons que le partage de l’ordre du jour parlementaire est une grande innovation par rapport à la pratique actuelle.
Au mécanisme proposé, qui porte sur des séquences de quatre semaines, vous estimez qu’il est préférable de substituer un système prévoyant, à l’échelle de la session ordinaire en son entier, deux semaines sur trois pour le Gouvernement, le reste étant à la disposition du Parlement.
Votre proposition paraît intéressante, en particulier parce que la rédaction qui en découle gagne en simplicité. Toutefois, elle peut susciter des interrogations, notamment compte tenu de l’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui constituent l’essentiel de l’ordre du jour de l’automne. Pendant cette période, l’ordre du jour réservé par priorité au Gouvernement serait bien supérieur à deux semaines sur trois. En conséquence, au printemps, une partie importante de l’ordre du jour serait réservée au Parlement, le Gouvernement ayant déjà utilisé son crédit d’ordre du jour.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce serait le printemps du Parlement !
Sourires
Le Gouvernement ne serait donc plus forcément en mesure, pendant cette période, d’inscrire à l’ordre du jour les textes qu’il jugerait indispensable d’examiner rapidement.
En outre, programmer neuf mois à l’avance des séquences d’ordre du jour parlementaires et gouvernementales risque d’être compliqué, voire impossible. Comment serions-nous en mesure de prévoir aujourd’hui quelle partie du mois de juin 2009 devra être consacrée à l’ordre du jour parlementaire et quelle autre partie à l’ordre du jour gouvernemental ?
Monsieur le président de la commission, dans l’absolu, vous avez raison, il serait préférable de programmer ainsi largement à l’avance le travail parlementaire. Je crains que, dans la pratique, ce ne soit plus difficile.
Enfin, votre amendement ne prévoit pas que le Gouvernement puisse reconnaître une priorité aux projets de loi dont la navette n’a pu progresser correctement. Cette disposition me paraît pourtant utile dans certains cas.
Pour toutes ces raisons pratiques, difficilement mesurables, j’en conviens, il me paraît préférable d’en rester à la rédaction initiale, quitte à lui apporter des améliorations d’ici à la fin de la navette parlementaire.
J’observe cependant que vous avez introduit à l’amendement n° 123 rectifié une mention relative aux journées d’initiatives parlementaires réservées aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires. Le Gouvernement est favorable à cette mention, que nous retrouverons à l’article 24 consacré aux droits des groupes.
Néanmoins, pour les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 123 rectifié.
Le sous-amendement n° 517 tend à réserver trois jours de séance par mois à l’ordre du jour de l’opposition, ce qui triplerait le nombre de ce type de séance, alors que le projet de loi prévoit déjà une forte augmentation des droits de l’opposition. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur le sous-amendement n° 515, ainsi que sur le sous-amendement n° 516 prévoyant la suppression de la mention des débats dans l’ordre du jour du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 507, monsieur Cointat, votre souci est tout à fait partagé par le Gouvernement. Vous souhaitez que les textes adoptés par une assemblée, quel que soit le stade du processus, soient discutés par l’autre assemblée dans les six mois de leur transmission pour éviter qu’ils ne tombent dans l’oubli. Toutefois, il n’est pas certain que l’inscription d’un tel délai dans la Constitution permette d’aboutir au résultat que vous souhaitez puisque ce délai n’est assorti d’aucune sanction.
Dans ces conditions, il me paraît plus sage de s’en tenir au projet de loi, qui prévoit que ces textes, dès qu’ils datent de plus de six semaines, peuvent être inscrits à l’ordre du jour par priorité à la demande du Gouvernement. Il lui appartiendra d’être diligent à cet égard. Nous le sommes aujourd’hui : je vous rappelle ainsi que les propositions de loi relatives aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel, à la sécurité des manèges, aux personnels enseignants de médecine générale, ou à l’organisation des transports scolaires en Île-de-France, toutes d’origine sénatoriale, ont été transmises à l’Assemblée nationale, puis adoptées.
C’est pourquoi le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer ce sous-amendement ; à défaut, il émet un avis défavorable.
Par l’amendement n°218, vous proposez de préciser dans la Constitution que l’ensemble des groupes parlementaires sont équitablement représentés au sein de la conférence des présidents et que les travaux de celle-ci sont rendus publics. L’intérêt de rendre publiques les séances de la conférence des présidents me semble très limité, voire contreproductif. En tout état de cause, tous les groupes sont représentés au sein de la conférence puisque les présidents de groupe y siègent. Le Gouvernement est en conséquence défavorable à cet amendement. §
Les amendements n° 412, 219 et 221 identiques respectivement aux sous-amendements n° 515, 516 et 517, ainsi que l’amendement n° 220 ont reçu un avis défavorable du Gouvernement.
En ce qui concerne l’amendement n° 482, comme à l’article 16 du projet de loi, vous souhaitez supprimer la disposition qui prévoit l’inscription à l’ordre du jour prioritaire des projets relatifs aux états de crise, au motif que cette notion n’est pas définie.
Je vous rassure, cette définition est aisée, et les excellents rapports parlementaires qui ont été produits sur le projet de révision constitutionnelle, notamment celui du président Jean-Jacques Hyest, n’ont eu aucune difficulté à formuler cette définition : il s’agit des projets de textes relatifs à l’état d’urgence et à l’état de siège. La définition de la notion étant claire, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 481, ainsi que sur l’amendement n° 222 rectifié .
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 507.
Il m’aurait été agréable de suivre votre souhait, madame la garde des sceaux. Je comprends très bien votre approche, mais il faut également que vous compreniez la nôtre.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que les délais méritent d’être examinés, et la navette parlementaire devrait pouvoir y remédier. Quoi qu’il en soit, cette question touche véritablement au rôle du Parlement et à une compétence déjà reconnue par la Constitution, mais qui n’est pas appliquée.
Voilà pourquoi nous devons envoyer un signe fort à nos collègues de l’Assemblée nationale. Il est de l’intérêt des deux chambres du Parlement de se mettre d’accord sur ce point. C’est la raison pour laquelle je ne retirerai pas mon sous-amendement, et j’invite mes collègues à se prononcer sur ce qui les concerne.
Je souhaite apporter tout mon appui au sous-amendement n° 507 de mon collègue Christian Cointat.
Je prendrai l’exemple, évoqué par M. Hyest, de la proposition de loi relative à la législation funéraire présentée par M. Jean-Sueur et dont je suis le rapporteur. Ce texte a été adopté, sous votre présidence, monsieur du Luart, à l’unanimité au mois de juin 2006. Depuis, il est tombé très largement dans les oubliettes. Il a fallu que le président de la commission des lois se fâche pour que la commission des lois de l’Assemblée nationale accepte de s’en préoccuper. Un rapporteur a été nommé, un rapport a été rendu – qui est d’ailleurs tout à fait fidèle au rapport de la commission des lois du Sénat – et depuis, plus rien !
Ce texte est pourtant d’actualité. Depuis, la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment sur la mort périnatale, crée un véritable vide juridique, au point que les personnels des mairies ne savent pas aujourd’hui s’ils doivent déclarer les enfants nés sans vie.
La situation est telle que l’on en vient à se demander à quoi sert le droit d’initiative législative du Parlement et s’il ne convient pas purement et simplement de constater que les parlementaires ne disposent plus d’initiative législative !
En outre, on nous répond qu’aucune sanction n’est prévue, mais bien des dispositions de la Constitution ne sont assorties d’aucune sanction. Une révision constitutionnelle sur le fondement de l’article 11 ou la mise en œuvre de l’article16 alors que les conditions ne sont pas remplies ne font pas non plus l’objet de sanctions !
Pour ma part, je pense que le simple fait de l’inscrire dans la Constitution suffirait amplement à rendre aux parlementaires le droit d’initiative qui est le leur !
M. Christian Cointat applaudit.
Mon explication de vote sera largement convergente avec celle de M. Jean-René Lecerf.
Le droit de proposer des textes législatifs appartient concurremment au Parlement et au Gouvernement, en vertu des fondements de la Constitution. Or il est bien souvent difficile de faire inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour ; c’est comme si on nous faisait une sorte de faveur.
Quand de surcroît la proposition de loi évoquée par M. Lecerf est adoptée à l’unanimité, elle ne connaît pas de suite puisqu’elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée !
C’est pourquoi je considère que la proposition de M. Cointat est très salutaire pour l’initiative parlementaire, dans la mesure où elle instaure un droit de suite. Dès lors qu’un texte serait adopté par une assemblée, on aurait la certitude qu’il soit examiné par l’autre, et donc que le processus parlementaire suive son cours.
Le sous-amendement est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 123 rectifié.
Cet amendement doit être examiné de près, comme toujours. Si on le compare au texte tel qu’il nous vient de l’Assemblée nationale, on constate quelques différences. Ainsi, à l’alinéa 2, il est écrit qu’« un jour de séance par mois est réservé par chaque assemblée aux initiatives des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celles des groupes minoritaires ».
Comme l’a souligné tout à l’heure M. Frimat, on garde finalement un jour pour l’opposition. C’est peu, même si c’est deux fois plus de temps par rapport à la triste, médiocre et misérable réalité d’aujourd’hui.
Une fois de plus, nous ne sommes plus du tout à la hauteur des ambitions affichées.
Il en allait de même hier soir, il n’y a pas eu de réelle volonté de mettre fin au véritable fléau que représente pour le Parlement la quasi-généralisation du recours à la déclaration d’urgence. Pour s’y opposer, il faut l’accord conjoint des conférences des présidents des deux assemblées. Or, vous le savez bien, cela n’arrivera pas ou de manière rarissime. Le Gouvernement continuera donc comme avant à recourir à cette facilité.
De la même manière, les propositions parlementaires n’occuperont pas la place que l’on peut souhaiter, car l’amendement de la commission des lois du Sénat, contrairement à la position du Gouvernement et à celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale, ne réserve plus une semaine aux initiatives parlementaires.
Notre position est très claire : nous souhaitons qu’une semaine, c’est-à-dire trois ou quatre jours de séances, soit réservée à l’initiative parlementaire et que ce temps soit réparti entre les groupes de chaque assemblée en fonction de leur importance. C’est une solution équitable et de bon sens que nul ne peut contester. En effet, pourquoi restreindre le temps de l’opposition à un misérable jour ?
La rédaction de l’amendement de la commission des lois n’ajoute donc rien au triste statut de l’opposition, certes légèrement moins triste qu’aujourd’hui, et supprime la semaine d’initiative parlementaire qui figure dans le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Le reste du dispositif vise à consacrer deux semaines à l’initiative du Gouvernement et une séance par semaine au moins aux questions d’actualité au Gouvernement, ce qui est déjà le cas aujourd’hui. Nous sommes d’accord pour que les questions d’actualité au Gouvernement puissent également avoir lieu pendant les sessions extraordinaires. Cependant, nous regrettons que la semaine réservée au contrôle et à l’évaluation, ce qui était une bonne mesure dans le projet du Gouvernement, disparaisse.
Monsieur le rapporteur, votre amendement est minimaliste.
Je sais que cette remarque ne vous plaît pas, mais je vous livre quand même ma pensée. Vous trouvez sans doute votre amendement plus réaliste, mais il change peu de chose.
Madame la garde des sceaux, c’est cela qui ne nous convient pas. En dépit de discours parfois emphatiques …
… sur l’importance de cette révision constitutionnelle et institutionnelle, on voit presque à chaque article que la réalité est nettement en deçà. C’est pourquoi nous ne pouvons malheureusement pas souscrire à l’amendement n° 123 rectifié.
Je m’exprimerai sur l’amendement n° 123 rectifié de M. Hyest et sur plusieurs autres amendements pour ne pas avoir à intervenir à nouveau.
Premièrement, en ce qui concerne l’amendement n° 123 rectifié, l’analyse est assez compliquée – la commission des lois a essayé de trouver une autre rédaction, on ne peut pas le lui reprocher –, parce que l’article 22 mélange des semaines et des jours. Je voudrais d’abord savoir si une semaine cela peut être sept jours de séance.
Sourires
Pardonnez-moi, madame, mais une semaine, cela peut être sept jours. Si vous limitez trop les marges de manœuvre du Gouvernement, il peut être amené à nous faire siéger le lundi, le samedi et le dimanche. Pour moi, une semaine, ce sont sept jours ; et il n’y a aucune autre définition dans la Constitution de la semaine parlementaire, comme d’ailleurs dans le dictionnaire.
Je pose donc la question au président-rapporteur de la commission des lois, parce que c’est important. Je compte profiter du temps de la navette pour faire mon propre calcul à partir de cette donnée si l’amendement de M. Hyest venait à être adopté.
Deuxièmement, lorsque le nombre de semaines maximum prévu à l’article 28 de la Constitution est dépassé, que se passe-t-il ? Seul, en fait, le Premier ministre peut demander la tenue de séances supplémentaires, car la majorité le suit généralement Il va donc demander pour lui. Le fera-t-il pour le Parlement ? Encore faut-il que cela ne le gêne pas ?
D’après l’article 28, les séances supplémentaires sont demandées par le Premier ministre ou la majorité de chaque assemblée. En fait, c’est lui qui décide. Il va demander des semaines pour lui, mais je ne le vois pas demander des semaines pour le Parlement pour se faire embêter à longueur de semaines par des propositions de loi ici et là.
Donc, je pose la question : est-il obligé de satisfaire la demande du Parlement pour des questions qui intéressent les assemblées ? À mon avis, non !
Troisièmement, aux questions posées sur l’état de crise, il n’y a évidemment pas de définition juridique précise.
Non, il n’y a pas de définition dans la Constitution en tout cas. C’est une notion qui couvre des périodes exceptionnelles comme l’urgence, qui doit beaucoup à la pratique et qui au départ n’était pas définie, ou les circonstances exceptionnelles, qui sont nées dans la jurisprudence.
L’état de crise, c’est celui qui nécessite et justifie des mesures exceptionnelles. Mais c’est un peu court comme définition, car il faut prévoir qu’il pourrait y avoir de graves difficultés si l’on ne réagissait pas très vite pour aujourd’hui ou demain. Cela peut être la crise immédiate ou prévenir une crise qui arrive.
Donc, je souhaite, pour répondre à la question de M. Frimat et d’autres intervenants, qui n’est pas vaine, que nous profitions de la navette pour affiner cette notion, étant entendu que la crise est par nature toujours brutale, imprévisible et donc indéfinissable à l’avance.
Enfin, il peut y avoir un certain partage du temps et des initiatives. L’opposition a évidemment des droits, mais elle ne peut pas exiger un partage quasiment à cinquante-cinquante. Elle a perdu les élections, elle doit laisser gouverner ceux qui les ont gagnées …
M. Michel Charasse. … d’autant qu’elle est loin d’avoir quelque chose de nouveau à dire ou à proposer tous les jours.
Sourires.
Rires
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même si je ne vais pas à la messe, je suis occupée le dimanche matin. Je propose donc le dimanche après-midi. Ainsi, tout le monde sera satisfait.
Sourires.
Le Gouvernement a fait beaucoup de propagande pour faire croire que le Parlement allait gagner des pouvoirs. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, vous ne cessez de répéter que ces propositions sont révolutionnaires. Vous essayez ainsi par tous les moyens de vous faire entendre.
Cet article vise à mettre en place ce que vous appelez le « partage de l’ordre du jour » ! C’est une chose formidable. Il ne s’agit pas d’un partage entre la majorité et l’opposition, mais entre le Gouvernement et le Parlement. Or ce n’est pas du tout un partage, sinon ce serait cinquante-cinquante.
Un groupe d’opposition comme le mien dispose actuellement d’un jour par an d’initiative législative. Compte tenu des propositions tant du Gouvernement que de la commission, il aura peut-être un jour et un quart.
Non !
Sourires
En outre, comme l’ont dit tout à l’heure plusieurs intervenants, les propositions de loi de l’opposition sont très encadrées. Par parenthèse, on ne sait pas ce qu’il en sera désormais. Elles ne doivent pas être trop longues pour être examinées dans les temps et le débat s’arrête, en général, à la fin de la discussion générale.
Nos textes ne peuvent donc pas être analysés correctement, et l’on préfère s’en débarrasser vite fait. Je ne vois pas en quoi vos modifications changeraient cette façon de donner des droits à l’opposition.
En fait, la fixation de l’ordre du jour est loin d’être partagée entre le Gouvernement et le Parlement ; les droits de l’opposition, que vous clamez sur tous les toits et dans toute la presse, restent à peu près ce qu’ils étaient. Le comble, c’est que vous refusez absolument d’inscrire que la conférence des présidents sera représentative des groupes parlementaires !
Madame la garde des sceaux, vous m’avez mal comprise. Vous nous dites que les groupes sont représentés à la conférence des présidents. Certes ! Mais, au Sénat, l’opposition tout entière dispose de quatre représentants, soit 25 % de cette instance, alors qu’elle représente 40 % de l’assemblée, ce qui est par ailleurs bien inférieur à la réalité politique des collectivités territoriales.
Donc, à la conférence des présidents, qui aura des pouvoirs très importants en nous permettant le partage de l’ordre du jour et le respect des droits de l’opposition, nous passons de 40 % à 25 % de la représentation de l’assemblée.
J’étais encore trop généreuse.
Avouez-le, quel progrès pour les droits du Parlement, tout particulièrement ceux de l’opposition ! Franchement, vous y allez un peu fort. Vous devriez plutôt revoir votre propagande et dire qu’il ne s’agit pas de donner plus de pouvoirs au Parlement et surtout à l’opposition.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
J’interviens pour explication de vote maintenant, car si l’amendement n° 123 rectifié est adopté, tous les autres amendements deviendront sans objet. Cela satisfera ceux qui veulent accélérer notre débat, mais ne nous permettra pas de continuer à discuter.
Mme Borvo Cohen-Seat vient de relativiser la satisfaction de Mme la garde des sceaux, qui nous a annoncé que tous les groupes parlementaires étaient représentés à la conférence des présidents. Quelle chance !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Monsieur le sénateur, Mme la garde des sceaux a donné la définition de l’état de crise. Pour ma part, je l’en remercie, car je l’avais interpellée à plusieurs reprises pour la connaître. Elle nous répond, et je salue la qualité de l’interprétation de M. Hyest – c’est un point auquel je peux m’associer –, que l’état de crise, c’est l’état d’urgence plus l’état de siège. Soit !
Je regrette d’ailleurs que l’on n’ait pas profité de cette occasion pour adopter notre amendement sur l’état d’urgence.
Si nous nous attachons à cette définition, cela signifie clairement que les événements de mai 1968 ne constituaient pas une crise, ce que tout le monde sait. Il s’agit donc d’une définition excessivement restrictive. Peut-être aurait-il été plus simple d’écrire état de siège et état d’urgence, puisque tel était le cas.
Pour en revenir à l’amendement n° 123 rectifié, on voit bien qu’il y a une recherche pour essayer de trouver du temps certain par rapport à des pratiques incertaines. La démarche est intéressante. Néanmoins, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, elle fait disparaître le contrôle et réduit les droits nouveaux des groupes de l’opposition à la portion la plus congrue. Car si partage il y a, même inégal, entre le Gouvernement et le Parlement, il a lieu de fait entre le Gouvernement et la majorité du Parlement !
Nous en reparlerons lorsque nous examinerons l’article 24, mais dans l’article 1er les droits de l’opposition sont déjà diminués par rapport à ce que voulait initialement le Gouvernement. Et maintenant, en ce qui concerne l’ordre du jour, je le répète, c’est la portion congrue !
Cette réforme va échouer et le Gouvernement n’aura pas l’occasion de le faire mais, s’il lançait une campagne de publicité, je ne pense pas qu’elle lui coûterait 4, 3 millions d’euros !
Je souhaite simplement, à mon tour, apporter un petit témoignage au sujet de la conférence des présidents.
Je suis un nouveau président de groupe puisqu’il s’agit de mon premier mandat en tant que tel. J’ai donc appris à mieux connaître cet organe qui nous est présenté comme le haut lieu de la démocratie interne du Sénat.
Mes chers collègues, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir sa composition alors que je pensais trouver une instance de régulation et d’équilibre démocratique ! En sont membres les présidents des six commissions permanentes, le rapporteur général de la commission des finances – je trouve très bien de pouvoir l’y rencontrer –, le président de la délégation pour l’Union européenne, bien sûr, et les vice-présidents du Sénat. Finalement, l’opposition ne représente que 20 % environ des participants.
Vous le savez, il nous arrive souvent de ne pas être d’accord sur tous les sujets, notamment en ce qui concerne l’initiative parlementaire. Il y a encore un an, les propositions de loi que nous essayions d’inscrire à l’ordre du jour étaient quasi systématiquement balayées au motif qu’un premier travail devait être réalisé en commission pour juger de l’opportunité de les discuter en séance publique.
Soyons sérieux ! Si cette réforme consiste à donner le pouvoir absolu à la conférence des présidents, la démonstration est faite, puisque l’opposition n’y siège qu’à 20 %, qu’il s’agit, sans que vous le souhaitiez peut-être vous-même, d’un marché de dupes, d’une mesure en trompe-l’œil qui ne donnera pas plus de poids à l’opposition.
Il aurait fallu retenir dans ce texte les propositions du comité Balladur qui suggérait, car ce n’est pas d’ordre constitutionnel, d’accompagner cette réforme d’une charte de l’opposition. Dans cette charte, auraient été précisés les droits réels que l’opposition aurait pu avoir dans les assemblées.
Sur ce point, notre assemblée devrait accomplir un travail particulier sur elle-même car, à l’Assemblée nationale, l’opposition dispose de droits ou de prérogatives, même si c’est encore insuffisant, qui n’existent pas au Sénat. Et je ne parle pas de la présidence de la commission des finances dont il n’a jamais été question dans notre assemblée !
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez bien, la conférence des présidents ne peut pas être présentée comme le symbole de l’accroissement de la démocratie dans notre droit parlementaire !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Je me dois de répondre à un certain nombre de questions qui m’ont été posées.
Monsieur Charasse, je vous rappelle que mon amendement est applicable sans préjudice des dispositions de l’article 28 de la Constitution.
C’est donc clair : la session ordinaire compte, théoriquement, cent vingt jours de séance. Les semaines de séance sont fixées par chaque assemblée. On peut demander des séances supplémentaires. Les jours et les horaires des séances seront déterminés par le règlement.
Monsieur Charasse, une semaine, c’est une semaine. Elle peut compter trois jours de séance comme elle peut en compter plus. C’est tout à fait clair, de mon point de vue !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait ! Cela arrive pendant le budget, vous le savez fort bien !
M. Michel Charasse opine.
Je partage, bien entendu, votre préoccupation : permettre au Gouvernement de proposer au Parlement les textes nécessaires à l’application de son programme, surtout en début de législature.
C’est ce qui a eu lieu sous toutes les majorités, et heureusement, car ce serait un comble si le Parlement empêchait le Gouvernement de mettre en œuvre son programme !
On aurait pu en rester au système actuel ou adopter celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale.
Néanmoins, je crois vous avoir démontré qu’il ne serait pas réaliste de prévoir deux semaines sur quatre pour le Gouvernement. Je préfère que nous retenions deux semaines sur trois, quitte à envisager par la suite des aménagements, car moi aussi, je veux que le Parlement ait du temps pour le contrôle, l’évaluation et la législation.
On me parle des droits de l’opposition et de partage du temps. Mais, aujourd’hui, il n’y a qu’un jour de séance par mois réservé à l’initiative parlementaire, et ce pour l’ensemble des groupes. Demain, un jour de séance par mois devrait être consacré uniquement aux initiatives des groupes de l’opposition et des groupes minoritaires. C’est une amélioration !
M. Jean-Pierre Bel proteste.
Certes, cela ne doit pas être trop anecdotique !
Je rappelle, mes chers collègues, que le Sénat a souvent donné l’exemple en matière de réflexions et de missions d’information communes. Certains ont fait référence à la proposition de loi relative à la législation funéraire, mais on pourrait rappeler beaucoup d’autres propositions de loi qui sont l’émanation d’une commission ou d’un groupe de travail du Parlement, indépendamment de l’appartenance de chacun à l’opposition ou à la majorité.
Mon amendement n’est pas si restrictif que cela pour les droits des parlementaires, dans leur ensemble, et je ne parle pas uniquement des parlementaires de l’opposition. Le Gouvernement n’y est pas vraiment favorable, même s’il a proposé de discuter de ce point pendant la navette. En fait, il préfère le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, j’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues.
Je souhaite simplement dire à tous mes collègues qu’il ne faut jamais raisonner comme si nous avions une vocation éternelle à être majoritaires ou minoritaires !
Rires sur les travées du groupe CRC.
Je demande donc à chacun de réfléchir à l’application des textes en se mettant à la place de ceux qui ne sont pas majoritaires.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 223, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 48 de la Constitution, il est inséré un article 48-1 ainsi rédigé :
« Art. 48 -1. - Les électeurs inscrits sur les listes électorales au nombre d’un million peuvent déposer une proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Cette proposition de loi est inscrite prioritairement à l’ordre du jour de l’assemblée concernée après avoir été soumise à un avis public du Conseil d’État. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Avec cet amendement, nous voulons inscrire dans la Constitution un véritable droit d’initiative législative pour les citoyens.
J’ai eu l’occasion de dire que le référendum d’initiative populaire que vous nous avez proposé était, dans les faits, un référendum d’initiative parlementaire soutenu par un grand nombre de citoyens. Qui plus est, le nombre de parlementaires requis pour proposer un référendum est important. Vous le savez, un cinquième des parlementaires cela fait beaucoup plus que soixante sénateurs ou soixante députés.
Le vote de la loi appartient au peuple, droit qu’il exerce soit par référendum, soit par ses représentants au Parlement. On peut considérer qu’un nombre donné d’électeurs – un million, par exemple – doit pouvoir prendre l’initiative de proposer une loi, dans le cadre du respect des droits et principes politiques, économiques et sociaux fondamentaux inscrits dans la Constitution ou reconnus comme ayant valeur constitutionnelle.
Le dépôt d’une telle proposition de loi vaut obligation d’examen par l’Assemblée nationale : il vaut non pas vote – ce n’est pas la même chose qu’un référendum –, mais obligation d’examen !
Non seulement les citoyens doivent être mieux représentés – on a beaucoup épilogué sur ce sujet et on n’a pas fini de le faire –, mais leurs pouvoirs doivent également être permanents à tous les échelons.
Nous voulons, nous l’avons dit, donner un contenu à la souveraineté populaire, ce qui implique de développer toutes les formes directes de participation individuelle et collective des citoyens à la vie politique et institutionnelle. Cela leur permettrait de se réconcilier avec leurs institutions, j’en suis certaine !
Nous ne sous-estimons évidemment pas la puissance des verrous institutionnels et des pratiques qui contraignent aujourd’hui cette souveraineté populaire. Mais, précisément, il est temps que les législateurs que nous sommes fassent preuve d’innovation en matière d’expression populaire !
L’instauration d’un droit d’initiative législative est, pour nous, la concrétisation logique de l’instauration d’une démocratie plus participative.
Cet amendement tend à insérer dans la Constitution un droit d’initiative législative populaire.
la proposition de loi qui en découlerait serait inscrite par priorité à l’ordre du jour de l’assemblée concernée après avoir été soumise à un avis public du Conseil d’État. Il y a quelques jours, on ne souhaitait pas que les propositions de loi soient soumises au Conseil d’État, mais quand il s’agit d’une proposition d’initiative populaire, on le veut bien !
Cette initiative serait en grande partie redondante avec la procédure du référendum d’initiative parlementaire et populaire de l’article 3 bis, disposition qui a été adoptée par le Sénat.
Par ailleurs, je ne crois pas qu’il soit utile d’inscrire ce droit dans la Constitution alors que les règles relatives au droit de pétition sont déjà clairement définies tant devant les assemblées parlementaires que devant les assemblées délibérantes locales.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Chers collègues, cette proposition, appelée dans les forums sociaux « droit de pétition », a été retenue par le groupe de constituants européens, présidé par M. Giscard d’Estaing, et se trouvait dans le projet de Constitution européenne soumis à référendum au mois de mai 2005, auquel la majorité du Sénat était favorable.
À cette époque, nous n’étions pas tous favorables à cette disposition, mais elle figurait bien dans le texte.
Pourquoi ce droit de pétition que l’on voulait accorder aux citoyens à cette époque ne serait-il plus légitime aujourd’hui ?
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 224, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 49 de la Constitution est complétée par les mots : « ou par un groupe politique ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Aujourd’hui, pour qu’une motion de censure puisse être recevable, elle doit être signée par un dixième au moins des députés. De ce fait, des groupes parlementaires d’opposition sont évincés de cette procédure et n’ont d’autre solution que de se rallier, le cas échéant, à la motion déposée par un autre groupe.
Comme vous êtes tous favorables aux droits des groupes, cet amendement devrait vous agréer puisqu’il vise à donner à ces deniers la possibilité de déposer une motion de censure.
Dans son intervention liminaire, M. le Premier ministre a affirmé : « Parce que le succès du dialogue parlementaire dépend des garanties accordées à l’opposition, le Gouvernement se déclare prêt à lever les obstacles constitutionnels qui interdisaient jusqu’à présent l’octroi de droits particuliers aux partis non majoritaires. »
Nous sommes bien dans cette situation, à cela près que nous proposons non pas d’octroyer des droits particuliers, mais de généraliser à l’ensemble des groupes un droit existant, car cela fait plus démocratique.
Par conséquent, si, comme l’affirment M. le Premier ministre et M. le rapporteur, il faut donner des droits au Parlement et, au sein du Parlement, à l’opposition, il est nécessaire de reconnaître l’existence des groupes parlementaires pour l’ensemble des procédures prévues par la Constitution.
Respecter et faire vivre le pluralisme au Parlement suppose effectivement que tous les groupes politiques, sans exception, puissent exister réellement, au travers de droits nouveaux concrets.
Nous ferons ultérieurement des propositions pour les droits des groupes minoritaires. Mais, en ce qui concerne la possibilité de déposer une motion de censure, je dois dire que le système actuel – « un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale – est équilibré. Donc, l’avis de la commission est défavorable.
Un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit cinquante-huit députés, ce n’est pas une exigence excessive au regard de l’importance que revêt la possibilité de déposer une motion de censure.
Ce seuil quantitatif est à même de garantir le pluralisme politique. Le fait de se joindre au dépôt d’une motion de censure relève de la responsabilité personnelle de chaque député, représentant de la nation et non pas d’un groupe politique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
C’est pourquoi l’actuelle rédaction de la Constitution me paraît préférable. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
Je suis, à titre personnel, favorable à cet amendement.
Il me paraît en effet logique que la faculté de déposer une motion de censure appartienne aux groupes. En réalité, un pourcentage ne veut rien dire. Les députés sont organisés en groupe et, dès lors qu’un groupe a le droit d’exister, il paraît normal et même essentiel pour son existence qu’il ait la capacité de déposer une motion de censure. Cela ne me paraît pas de nature à mettre la République en péril, et c’est tout simplement logique.
J’ai bien entendu ce qu’a dit Pierre Fauchon. L’amendement n° 224, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, serait acceptable si nous avions des règles plus fermes ou plus logiques pour fixer les effectifs des groupes.
Or, vous savez très bien qu’à la suite de chaque élection, si jamais une formation politique a eu quelques faiblesses et ne peut pas constituer un groupe selon les règles applicables avant l’élection, on change très vite le règlement pour baisser le seuil.
Alors, on peut se retrouver un jour avec des groupes politiques de dix membres ou de cinq membres : cinq membres qui ont le droit de déclencher à eux seuls une motion de censure, cela ne va pas !
Et un groupe dont les effectifs siègent pour moitié d’un côté et pour moitié de l’autre, c’est bien ?
Cela voudrait dire, madame Borvo Cohen-Seat, mais je comprends votre démarche, qu’il faudrait qu’on fixe l’effectif des groupes dans la Constitution !
Si on le fixe dans la Constitution, vous savez très bien, en ce qui concerne tant le groupe communiste à l’Assemblée nationale et le groupe CRC au Sénat que celui auquel j’appartiens désormais, …
… que l’on risque de ne pas être très clair au lendemain des élections s’il nous arrive malheur.
Par conséquent, je pense que l’effectif des groupes ne relève pas de la Constitution, mais que, si l’on voulait vous suivre, il faudrait établir des règles plus strictes en ce qui concerne l’effectif minimum pour constituer un groupe.
Donc, je ne peux pas être favorable à cet amendement. Il faut quand même, comme l’a dit le ministre, que ce soit une minorité de l’Assemblée nationale significative. Et la règle des 10 % s’applique dans d’autres domaines : pour demander la motion référendaire, ou une priorité d’examen, par exemple.
Donc, je ne peux pas être favorable à ce que vous proposez, madame Borvo Cohen-Seat.
Au demeurant, j’ai connu pendant des années, comme secrétaire de groupe à l’Assemblée nationale, des groupes politiques qui, à la suite de certaines élections, étaient anéantis, remontaient, redescendaient. Permettez-moi de vous dire qu’après les élections de 1968 la gauche était complètement étrillée. Après les élections de 1993, c’était pareil, et la gauche n’a jamais été privée des moyens de déposer une motion de censure.
Le problème se pose dans la mesure où, au cours d’une session, les mêmes signataires ne peuvent pas proposer une autre motion de censure au titre de l’article 49-2, alors que, en ce qui concerne l’article 49-3, le nombre de signatures est libre. Évidemment, un petit groupe peut peiner à trouver un dixième de signatures pour déposer une motion de censure. On n’est pas sûr de trouver à nouveau ce dixième si on veut déposer une autre motion dans le courant de la session, surtout que la session est maintenant longue avec neuf mois. Mais, bon, à part cela, il n’y a jamais eu de véritables problèmes !
Plus une majorité est grande, plus le Gouvernement est embêté par elle, donc, plus il a tendance à recourir à l’article 49-3 et, là, on peut déposer toutes les motions qu’on veut.
L’amendement n’est pas adopté.
Le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;
1° bis Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Monsieur le président, je me suis inscrit sur l’article 23, mais ayant constaté que j’étais également le premier à défendre un amendement sur cet article, je m’exprimerai en même temps sur l’un et l’autre.
J’ai également noté que l’amendement suivant, qui n’a pas la même portée, avait été déposé par d’autres membres du RDSE, ce qui signifie que des sensibilités différentes coexistent au sein de notre groupe.
Pour ma part, je souhaite que le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution soit rétabli dans sa rédaction initiale.
Le Gouvernement a décidé d’en réduire les modalités d’exercice – trois fois par an - et il a tenté de vendre auprès de l’opinion cette disposition comme étant un rétablissement des droits du Parlement en ce qui concerne le vote de la loi.
Nous ne partageons pas ce sentiment. Cette impression de rééquilibrage nous paraît être un leurre. J’insiste sur le fait que la disposition prévue à l’article 49-3 n’est ni de droite ni de gauche. Dans l’esprit du constituant de 1958, elle avait simplement pour objet de lutter contre des majorités rétives, en tenant compte de l’expérience antérieure.
Je sais bien que M. Balladur, lors de son audition devant la commission des lois, nous a expliqué, à travers une vision selon moi quelque peu « notariale » et tout à fait comptable, qu’ayant fait le compte du nombre de fois où avait été mise en jeu la responsabilité du Gouvernement au titre de l’article 49-3 – plus de quatre-vingts fois en près de cinquante ans – il en avait conclu que cette modification ne poserait pas trop de problèmes.
Ces propos doivent être nuancés. En effet, à la lecture du rapport de la commission des lois, on constate, malgré tout, que le recours à l’article 49-3 a connu, d’une certaine façon, des variations en accordéon et que cette disposition a été fortement utilisée sous le gouvernement de Raymond Barre et plus encore sous celui de Michel Rocard.
On a le sentiment que, au fond, le Gouvernement prend le pari qu’avec l’inversion du calendrier il ne sera plus nécessaire d’utiliser l’article 49-3.
C’est à ce stade que mes réserves apparaissent dans la mesure où personne ne peut affirmer que, dans l’avenir, des majorités étriquées ne réapparaîtront pas à l’Assemblée nationale.
Imaginons – c’est de la politique-fiction - que le Président de la République - même s’il a dit qu’en 2012 il renoncerait peut-être au pouvoir pour vivre une autre vie - veuille briguer un autre mandat et qu’en 2012 il n’ait pas réalisé l’ensemble du programme actuel. Si une dose de proportionnelle était introduite dans le régime électoral de l’Assemblée nationale – cela peut paraître paradoxal, mais c’est justement parce que je suis favorable à la proportionnelle que je souhaite le maintien de l’article 49-3 – et si, encore une fois, des majorités étriquées se dégageaient, comment pourrait-il gouverner, engager l’ensemble des réformes qu’il n’aurait pas pu réaliser au cours de la mandature actuelle, sans recourir à l’article 49-3 ?
Voilà autant de raisons qui me conduisent à penser que cet article 49-3 doit être maintenu, que c’est un leurre de suggérer à l’opinion ou de lui laisser penser que, désormais, les pouvoirs du Parlement vont être accrus. Je le répète, l’article 49-3 n’est ni de droite ni de gauche, il permet au Gouvernement de gouverner. C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de l’article 23 de ce projet de loi.
Au demeurant, le président de la commission des lois - dont nous connaissons tous l’habileté – a déposé une proposition qui le « pulvérise ».
Nous sommes souvent en accord avec Nicolas Alfonsi, mais, en ce qui concerne l’article 49-3, nous sommes en désaccord absolu.
Le Gouvernement de Lionel Jospin a montré qu’il était possible de gouverner pendant cinq ans sans avoir une seule fois recours à l’article 49-3. La dernière fois que cet article a été utilisé, c’était sous le gouvernement de Dominique de Villepin à propos du contrat première embauche, le CPE. On a vu comment cette contrainte a amené le Parlement à voter une loi dont le Président de la République de l’époque a aussitôt constaté qu’elle était inapplicable, et comment mission a été donnée de trouver une solution différente.
L’article 49-3 est le symbole de ce que l’on appelle le « parlementarisme rationalisé », c’est-à-dire le parlementarisme diminué. Il a été créé au sortir d’une époque d’instabilité permanente et il est donc aisé de comprendre le contexte qui lui a donné naissance.
Mais, aujourd’hui, il ne se justifie plus. Vouloir le rétablir dans sa formulation initiale, c’est, en quelque sorte, affirmer qu’il n’y aura pas de droits nouveaux pour le Parlement, puisque, à tout moment, le Gouvernement pourra s’en servir pour mettre un terme à toute discussion à l’Assemblée nationale et trancher de cette manière.
Pour nous, au-delà de toutes les remarques de détail, des améliorations secondaires qui peuvent parsemer la révision constitutionnelle, il y a un problème de fond, celui de la prise en considération ou non du Parlement, en l’espèce de l’Assemblée nationale.
Je reconnais, bien sûr, toute l’habileté de Jean-Jacques Hyest, dont la proposition vise d’abord à limiter l’usage de l’article 49-3 au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est aussi la position du groupe socialiste, mais, ensuite, à en proposer une application plus élargie soumise à une légère contrainte, et c’est là que nous divergeons.
En effet, aux termes de l’amendement de la commission, le Gouvernement aurait la faculté d’utiliser l’article 49-3 sur n’importe quel projet après consultation de la conférence des présidents. C’est quand même la moindre des choses ! Il serait curieux, dans un texte qui vise à magnifier les pouvoirs du Parlement, que le Gouvernement puisse recourir à la procédure de l’article 49-3 de manière clandestine, sans en avertir, ne serait-ce que par courtoisie, les instances de l’Assemblée nationale.
Dans la rédaction qui nous est proposée, on voit bien comment s’exprime le talent du compromis : on limite en apparence l’exercice de l’article 49-3, mais, en réalité, on le laisse en l’état. Peut-être vaudrait-il mieux, pour la clarté, éviter ces faux-semblants. Si vous voulez laisser cette arme au Gouvernement, dites-le clairement - je vous serai reconnaissant de votre franchise - sans chercher de faux-semblant ni de faux compromis.
Notre position, même si elle est différente, est tout à fait claire : nous sommes pour le maintien de l’article 49-3 uniquement en ce qui concerne le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
La base du régime parlementaire, c’est la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement et le droit du Parlement de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Ces principes rappelés, je considère que le système ne peut fonctionner que si une loyauté absolue existe des deux côtés.
Le drame de la IVe République, c’est que des hommes et des femmes, qui avaient été courageux dans les maquis de la Résistance et les combats de la Libération et ont peuplé les assemblées qu’ils avaient créées, n’ont jamais eu le courage politique nécessaire pour renverser en bonne et due forme les gouvernements qui ne leur plaisaient pas.
C’est ainsi qu’on a vu, tout au long de la IVe République, des gouvernements tomber sur un ordre du jour refusé, sur un amendement ou un sous-amendement rejeté, sur un simple article de loi – et je ne parle pas des résolutions dont nous discutions hier.
Le gouvernement de Guy Mollet, issu de la majorité de Front républicain élue en 1956, est celui qui a duré le plus longtemps. Mais il a fini, lui aussi, par succomber, dans des conditions aussi irrégulières que précédemment.
En effet, je vous le rappelle, la seule fois où il a été possible de dissoudre l’Assemblée nationale sous la IVe République, c’est lorsqu’Edgar Faure s’est rendu compte que le Gouvernement avait été renversé deux fois de suite dans les conditions de majorité prévues par la Constitution – ce qui était la condition pour dissoudre. Dans les autres cas, les crises étaient intervenues dans des conditions contraires aux procédures, empêchant le recours à la dissolution.
C’est pourquoi Guy Mollet, secrétaire général du parti socialiste de l’époque, ministre d’État dans le gouvernement du général de Gaulle chargé de rédiger la Constitution, ayant vécu ce combat permanent pour sauver l’ordre du jour, un article, un crédit budgétaire, etc. a imaginé la procédure de l’article 49 – 3. C’est lui qui en est l’inventeur !
Comme jeune secrétaire du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, je l’ai entendu des dizaines de fois nous raconter dans quelles conditions il avait « vendu » l’article 49-3 à Michel Debré et au général de Gaulle. Il ne s’agit donc pas d’une mesure abominable inventée par des partis dictatoriaux et antiparlementaires !
En fait, l’article 49-3 est une mesure de dissuasion, plus qu’une mesure d’action, parce qu’il n’est pas appliqué tous les jours – un certain nombre d’entre vous l’ont d’ailleurs relevé.
Permettez-moi de rappeler que j’ai été membre de trois gouvernements, entre 1988 et 1993, qui n’avaient pas la majorité. Nous constituions une majorité en additionnant les voix des groupes socialiste, des radicaux de gauche et communistes, mais le groupe communiste n’apportait pas toujours son soutien au Gouvernement sans aller jusqu’à voter la censure.
Je ne les critique pas ! Nous étions donc obligés de recourir à l’article 49-3 ou de menacer d’y avoir recours.
Je dois vous dire que, pour les lois de finances – j’en parle bien qu’elles soient sauvées par l’amendement de M. Hyest, mais je les ai suivies particulièrement, compte tenu des responsabilités qui étaient les miennes –, nous avons été obligés de recourir à l’article 49-3 pour toutes les lectures puisque nous n’arrivions pas à un accord en commission mixte paritaire. J’ai réussi à faire voter mes lois de finances sans qu’aucune motion de censure soit jamais déposée, mais la procédure permettait de s’en tirer de cette manière. En effet, ce n’est pas parce que le Gouvernement annonce qu’il recourt à l’article 49-3 que les parlementaires déposent obligatoirement une motion de censure.
Cela a joué dans d’autres domaines !
Quand j’entends mon ami Bernard Frimat dire : « Lionel Jospin n’a jamais eu recours au 49-3 ! » – Ah, le grand moraliste ! Il avait la majorité ! Mais Michel Rocard doit être immoral, lui, puisqu’il a souvent employé le 49-3 ! Il faudra démêler ce drame entre socialistes, pour savoir quel est le plus moral des deux ! Aucun, à ce point de vue, mais c’est un autre problème !Il ne faut pas nous raconter d’histoires !
J’entends dire que l’article 49-3 ne se justifie plus. Mais qui peut lire dans le marc de café ? Comment pouvez-vous dire que, demain, surtout après le redécoupage des circonscriptions, vous ne vous trouverez pas dans une situation où ni la droite ni la gauche n’auront tout à fait la majorité, comme en 1988 ? Personne n’en sait rien !
Voulez-vous revenir aux pratiques, aux poisons et aux errements de la IVe République courageusement dénoncés par un socialiste Guy Mollet, dont certains ont peut-être honte aujourd’hui, mais pas moi ! – en tout cas, pas de tout ce qu’il a fait ! En plus, il était de votre région, monsieur Frimat !
Rires sur diverses travées.
Si vous voulez vraiment revenir à ces pratiques, c’est un mauvais coup porté à la France ! En ce qui me concerne, je ne marche pas !
Vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Si une chose apparaît certaine dans ce débat, c’est qu’il n’y a pas de demi-mesure possible. Soit on supprime l’article 49-3, soit on le maintient, mais le tronquer n’a aucun sens. Or le projet gouvernemental nous présente un 49-3 tronqué.
C’est pourquoi je ne voterai pas une telle mesure.
Nicolas Alfonsi et Michel Charasse ont très clairement expliqué les raisons pour lesquelles l’article 49-3 avait été introduit dans notre Constitution. Comme vous tous, mes chers collègues, j’ai particulièrement apprécié la manière dont Michel Charasse a expliqué la genèse de ces dispositions.
Une fois de plus, je note que quelqu’un qui a été très proche du président François Mitterrand défend la Constitution de la Ve République, que le défunt président avait lui-même fort bien défendue. Car jamais le président Mitterrand n’a demandé la suppression de l’article 49-3 durant les quatorze ans où il a été en fonction. Il était pourtant l’auteur du Coup d’État permanent…
Il n’est pas impossible qu’on le lui ait demandé mais, une fois à l’Élysée, il a résisté !
De toute façon, cette arme est demeurée !
Qu’est-ce que l’article 49-3 ? C’est une arme de dissuasion. Son abus est évidemment la marque de la faiblesse d’un gouvernement. Mais ceux d’entre nous qui ont dit tout à l’heure que nous pourrions avoir un jour un mode de scrutin à la proportionnelle n’ont fait qu’émettre une hypothèse parfaitement réaliste.
D’ailleurs, de 1986 à 1988, nous avons vécu avec une Assemblée nationale élue à la proportionnelle et, si nos amis communistes et socialistes arrivent un jour au pouvoir, vous savez très bien qu’ils la rétabliront ! Nous nous trouverons alors dans la situation décrite par Nicolas Alfonsi, c’est-à-dire l’absence de majorité, la formation de coalitions douteuses. Que fera le Gouvernement qui devra gouverner dans de telles conditions ? Il sera obligé, s’il présente des textes difficiles et réformateurs, de recourir à la motion de confiance parce qu’il aura affaire à une Assemblée nationale qui, par définition, sera non seulement rétive mais essentiellement craintive, en l’absence de majorité. En effet, elle aura peur de la dissolution et des conséquences de ses votes.
L’article 49-3 est donc un article de moralisation de la vie publique. Michel Charasse l’a bien expliqué : il oblige la majorité à se solidariser avec le Gouvernement lorsque celui-ci estime qu’un texte est essentiel à la poursuite de son action.
De la même manière, si l’opposition est contre le texte et considère qu’il est inacceptable, son devoir moral exige qu’elle dépose une motion de censure et là, chaque camp se compte ! Ceux qui sont pour se solidarisent avec le Gouvernement, ceux qui sont contre votent sa censure et appellent à sa démission et les choses sont claires !
Nous ne voulons pas voir revenir cette époque que Michel Charasse a dénoncée, où l’on pouvait renverser le Gouvernement sans en assumer la responsabilité, en s’abritant derrière la procédure pour miner l’autorité du Gouvernement ! On a même vu un gouvernement de la IVe République démissionner parce que le congrès du MRP n’était pas d’accord avec lui ! Voulez-vous revoir cette période-là ?
Je m’adresse au Gouvernement – parce qu’il doit penser à ses successeurs lorsqu’il présente des textes constitutionnels : avez-vous l’assurance que vous aurez toujours une majorité dans les assemblées, celle-ci ou une autre ?
C’est pourquoi il est extrêmement dangereux de toucher à l’article 49-3.
Si la Gouvernement ne l’utilise pas, c’est la meilleure solution car cela prouve qu’il a l’adhésion de sa majorité.
Mais, à un moment donné, il sera obligé de forcer cette adhésion car, pour ne pas gouverner dans la démagogie et la facilité, il sera obligé d’affronter sa propre majorité. Si vous le privez de cette arme, il ne pourra pas accomplir les réformes jugées nécessaires.
L’article 49-3, tel que vous nous le présentez, n’est plus qu’un fusil à un coup. Pendant le reste de la session, le Gouvernement ne pourra plus utiliser cette arme s’il l’a déjà utilisée une fois. Mais, s’il a affaire à une majorité très difficile, ce serait pourtant bien nécessaire qu’il y recoure une deuxième fois !
C’est pourquoi je voterai naturellement l’amendement de la commission. Je crois savoir que le Gouvernement n’y est pas favorable, mais je vous le dis honnêtement : mon vote sur le texte final dépendra des assurances que j’aurai pu recevoir sur le maintien de l’article 49-3.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Charasse applaudit également.
Je souhaite abonder dans le sens de M. de Rohan. Nous avons débattu longuement, au sein du comité Balladur, puis dans cet hémicycle, pour savoir si nous devrions passer, un jour, d’un régime parlementaire à un régime de type présidentiel.
Le problème n’est pas là. Nous sommes dans un régime majoritaire : la Ve République est le régime qui a introduit la majorité non seulement comme concept politique, mais aussi comme concept constitutionnel. La preuve en est que la cohabitation n’a rien changé au fonctionnement des institutions : la question est simplement de savoir si le chef de la majorité est à l’hôtel Matignon, dans certains cas, ou au palais de l’Élysée, dans la plupart des autres cas. Mais dans tous les cas, c’est la majorité parlementaire qui fonctionne !
Tout le système de la Ve République est conçu pour permettre à la majorité non seulement d’exister, mais d’être consolidée. Le système électoral est conçu dans ce sens, ainsi que toute une série de dispositions dont nous avons malheureusement « détricoté » une partie.
Par exemple, en 1958, interdiction a été faite aux ministres d’être en même temps parlementaires pour remédier aux abus de la IVe République, alors que les ministres pouvaient tranquillement laisser renverser le Gouvernement, puisqu’ils restaient de toute façon parlementaires – après tout, leur indemnité n’était pas en cause ! La seule façon de faire échec à la tentation de laisser renverser le Gouvernement consistait à interdire aux ministres de retourner automatiquement au Parlement.
L’article 49-3 va tout à fait dans le sens d’une consolidation de la majorité. Le cas de Michel Rocard a été évoqué tout à l’heure, mais Pierre Mauroy était dans la même position. Rappelez-vous, il avait dit : « Quand j’ai un problème avec les communistes, je sors mon 49-3 ! »
Michel Debré a eu la même attitude, comme d’autres Premiers ministres après lui.
Préjuger du fonctionnement de la Ve République dans cinq ou dix ans à partir de la conjoncture actuelle, c’est un crime impardonnable !
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
L’intérêt d’un débat est de laisser exprimer des opinions diverses, parfois dans les mêmes rangs.
Je pense, en ce qui me concerne, que l’article 49-3 est extrêmement marqué par l’histoire de la IVe République. Il a été écrit en réaction à la pratique de ce que l’on appelait alors le vote « calibré » : les majorités parlementaires s’arrangeaient pour désavouer le Gouvernement à la majorité simple et non pas à la majorité absolue. Ils pouvaient ainsi éviter la dissolution qui ne pouvait être prononcée que si deux crises consécutives s’étaient produites dans un intervalle de dix-huit mois, avec un vote à la majorité absolue.
Lorsque Edgar Faure a pu faire prononcer la dissolution par le Président de la République, la presse avait titré : « Une erreur de tir ». Effectivement, une majorité trop importante avait été constatée par deux fois.
Le régime actuel est fondamentalement différent. D’abord, la dissolution n’est plus soumise, que je sache, à aucune condition. Ensuite, le fait majoritaire est devenu une réalité de la Ve République. L’inversion du calendrier électoral, loin réduire l’importance du fait majoritaire, va le conforter très largement.
Je ne suis pas certain – mais je n’ai aucun don de voyance – que mes collègues socialistes, s’ils redevenaient majoritaires instaureraient immédiatement la représentation proportionnelle intégrale. Pour vous dire le fond de ma pensée, je ne le pense pas.
Je constate même que, pour les élections municipales, ils ont contribué, Pierre Mauroy étant Premier ministre, à mettre en place un mode de scrutin tout à fait pertinent, puisqu’il laisse une place à l’opposition tout en assurant une large majorité à la liste arrivée en tête. Il s’agit plutôt d’un scrutin majoritaire teinté de proportionnelle que l’inverse.
Les conditions me paraissent être radicalement différentes aujourd’hui : la dissolution sans conditions combinée au fait majoritaire et à un usage important de l’article 49-3 conduirait à une marginalisation totale du Parlement.
On nous oppose deux objections : la première, c’est qu’il faut bien lutter contre l’obstruction et donc contre la multiplication des amendements par l’opposition.
M. Josselin de Rohan fait un signe de dénégation.
Mais il existe des moyens beaucoup plus simples de régler ce problème, notamment par les règlements intérieurs des assemblées.
La seconde, c’est que l’article 49-3 doit être soit supprimé, soit conservé tel quel. L’amendement du président Hyest – malgré toute l’estime que j’ai pour lui – ne fait d’ailleurs que maintenir cet article pratiquement en l’état, en ne proposant qu’une rédaction légèrement différente.
Pour ma part, je ne pense pas que l’alternative soit absolue. À partir du moment où le 49-3 est gardé pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale et pour le projet la loi de finances, l’essentiel est maintenu. Je le rappelle, il a suffi d’utiliser l’article 49-3 lors de la discussion du projet de loi de finances, pour que la force de frappe soit installée sans débat et sans vote.
En outre, il serait possible d’utiliser cet article une troisième fois pendant la durée de la session, cette faculté pouvant très bien être conciliée avec le dispositif prévu à l’article 38 de la Constitution, pour le vote d’un autre texte. Dans les deux cas, cela aboutit à donner au Gouvernement des pouvoirs de législation déléguée. Tout cela me semble amplement suffisant.
Refuser de modifier l’article 49-3 conduit à supprimer purement et simplement l’essentiel de l’intérêt de la réforme constitutionnelle. Soyons francs : soit nous ne voulons pas de cette réforme constitutionnelle, soit nous y sommes favorables et, dans ce cas-là, nous ne devons pas laisser l’article 49-3 en l’état.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Pierre Fauchon applaudit également.
Dans cette discussion tout à fait intéressante sur cet article important, beaucoup de choses ont été dites. J’y ai particulièrement entendu un éloge très appuyé du fait majoritaire.
La Ve République fonctionne bien en raison du fait majoritaire. J’en mesure donc tous les bienfaits, mais je ne suis pas dupe de ses effets pervers. Je ne me fais guère d’illusions sur les droits que l’on envisage d’accorder, parcimonieusement, à l’opposition, en particulier concernant les propositions de loi.
L’exemple du Royaume-Uni, qui est le modèle de la démocratie à l’occidentale, est tout à fait éclairant sur ce point : si les propositions de loi émanant de l’opposition sont très nombreuses, leur vote effectif par le Parlement ne l’est pas. Personne, au reste, ne s’en plaint puisque l’opposition sait qu’elle deviendra majoritaire aux élections suivantes.
L’article 49-3 est certes un élément efficace à la disposition du Gouvernement, mais c’est aussi un moyen de brider – de brimer dans certains cas – l’opposition. J’ai bien entendu M. Josselin de Rohan affirmer que c’est un élément de moralisation de la vie publique et, d’une certaine manière, je suis d’accord avec lui. Mais nous pouvons tout aussi bien suivre l’argumentation de M. Lecerf et estimer que cet article fait violence à l’Assemblée nationale en la forçant à adopter un texte dont elle ne voulait pas.
Les arguments avancés reposent, en partie, sur un passé révolu. La référence à la IVe République n’est donc que partiellement pertinente, car il s’agissait d’un système à la proportionnelle, dont vous avez mentionné tous les dangers, qui n’a pas grand-chose à voir avec les réalités actuelles. Un orateur a souligné que le parti socialiste n’était certainement pas prêt à rétablir un système proportionnel intégral : c’est effectivement le sentiment de la majorité d’entre nous, me semble-t-il. L’article 49-3 est donc historiquement daté.
Par ailleurs, des événements institutionnels récents – le quinquennat et l’inversion du calendrier – ont permis de faire évoluer la situation dans le sens d’un renforcement probable du système majoritaire.
Aussi, pour toutes ces raisons, il ne me semble pas utile de maintenir l’article 49-3 en dehors des actes essentiels que constituent les projets de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mon intervention me permettra d’éviter de reprendre tout à l’heure la parole pour présenter mon amendement.
L’article 49-3 est un archaïsme profondément contraire à la réforme que nous menons actuellement. J’acquiesce bien volontiers aux propos de M. de Rohan : soit on supprime complètement cet article, soit on garde la possibilité d’y avoir recours à tout moment. N’autoriser son utilisation qu’une fois par session n’a pas de sens. En effet, si le Gouvernement connaît réellement les difficultés qui ont été évoquées par MM. de Rohan et Charasse, il risque d’en avoir besoin à répétition. Si ce n’est pas le cas, il n’en aura pas du tout besoin. Choisir la solution d’autoriser le recours à ce dispositif une fois par session ressemble à une demi-concession qui n’est vraiment pas satisfaisante.
Je le répète, l’article 49-3, est vraiment un archaïsme. Monsieur de Rohan, cet article correspond à une situation passée de l’opinion et de l’état des forces politiques et des institutions qui n’a plus cours. N’oublions pas que de nombreux dispositifs ont été inventés depuis le début de la Ve République pour « sécuriser » l’exécutif, comme l’élection du Président de la République au suffrage universel, le raccourcissement des mandats et le système de chronologie électorale que nous connaissons maintenant.
Monsieur Portelli, vous nous avez, quelque peu hardiment, mis en garde contre la suppression de l’article 49-3, en affirmant que ce serait, pour l’avenir, un « crime impardonnable ». Je vous invite, si vous me le permettez, à garder cette expression pour des cas plus caractérisés. Mon cher ami, si imaginer l’avenir peut peut-être nous amener à faire des erreurs, cela ne nous conduit certainement pas à commettre des crimes, encore moins impardonnables !
En réalité, personne ne sait ce qu’il en sera à l’avenir. L’état actuel des institutions et de l’opinion permet effectivement de renoncer à l’article 49-3, en dehors des deux hypothèses du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour le reste, ne l’oublions pas, nous maintenons à la disposition du Gouvernement des instruments qui lui garantissent une très grande sécurité, notamment l’article 44, que nous avons « revisité », et le droit de dissolution. L’article 49-3, que M. Lecerf a excellemment qualifié de « pierre de touche » de la réforme, présente un caractère véritablement inadapté par rapport à la démarche que nous menons pour revaloriser les pouvoirs du Parlement. Soyons donc cohérents : nous pouvons parfaitement limiter l’article 49-3 aux deux hypothèses susmentionnées.
Je partage l’avis de M. Fauchon pour une raison simple. La réforme telle qu’elle a été annoncée doit contribuer à restaurer ou à accroître les droits du Parlement.
Il faut se rappeler que l’article 49-3 est extraordinairement paradoxal : il permet l’adoption d’une loi sans que le Parlement l’ait votée.
M. Josselin de Rohan. M. Rocard l’avait bien compris, et M. Jospin aussi !
M. Jean-Pierre Bel fait un signe de dénégation.
C’est pourquoi l’article 49-3 frappe de stupéfaction ceux qui ne sont pas familiarisés avec nos spécificités nationales.
Nous pouvons éventuellement nous résoudre, par nécessité, à le conserver pour les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, mais il est impossible de conserver un élément de paradoxe aussi inouï dans un régime qu’on déclare toujours parlementaire. Permettez-moi de formuler une remarque malicieuse : où est-il fait usage de l’article 49-3 ? Ce n’est pas dans notre hémicycle, mais bien au Palais-Bourbon ! Ne légiférons pas pour les autres. Soyons plus modestes et laissons les députés, qui sont en l’espèce plus qualifiés que nous, en décider !
Je rappelle à M. de Rohan que M. Jospin n’a jamais utilisé l’article 49-3 !
En dépit de sa longueur, ce débat honore sincèrement le Sénat. Après tout, il est vrai que l’article 49-3 est l’un des éléments clés de la Constitution de 1958 en même temps que de notre volonté de réforme.
Ayant fait quelques études historiques, je connais bien les raisons pour lesquelles la Ve République, en réaction à la IVe République, à son instabilité – vingt-deux gouvernements – et à son incapacité à gérer, a naturellement fait le choix de la stabilité et de l’efficacité. Par conséquent, on peut comprendre qu’aient été mis en place l’article 49-3, le fait majoritaire et l’élection du Président de la République au suffrage universel. L’article 49-3 a été l’un des éléments majeurs de la stabilité que nous avons connue pendant des décennies.
Il est vrai que le gouvernement de Michel Rocard a utilisé vingt-huit fois l’article 49-3, mais six fois seulement sur des textes ne portant pas sur les questions budgétaires et sociales, qui sont les projets de loi exclus de la réforme proposée par le Gouvernement. Mais, entre 1997 et 2007 – période qui a vu se succéder des gouvernements de gauche et de droite –, l’article 49-3 a été, en tout et pour tout, utilisé trois fois.
Certes, je le sais bien, le passé ne garantit pas l’avenir, mais le dispositif mis en place par la Ve République, comme le fait majoritaire, a progressivement été conforté. Disons-le très clairement : le quinquennat et l’inversion du calendrier ont encore très récemment renforcé de manière évidente le fait majoritaire.
Je suis favorable au fait majoritaire, qui est évidemment une garantie de stabilité et d’efficacité de la République. Il ne viendrait à l’esprit de personne, j’espère, que le Gouvernement pourrait présenter une réforme dont l’objectif serait de fragiliser nos institutions. Une telle volonté serait insensée ! En tout cas, ce ne sera jamais l’option du Gouvernement.
C’est pourquoi je signale à M. de Rohan, malgré le respect et l’amitié que j’ai pour lui, que réserver l’article 49-3 aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à deux autres textes en moyenne par an, un pour la session ordinaire et un pour la session extraordinaire – je ne peux vous garantir qu’il y en aura une – permet au Gouvernement de conserver une maîtrise forte.
Je comprends les différentes analyses qui concluent à la suppression de l’article 49-3, …
… mais cette position est franchement excessive et va trop loin. Quel que soit le rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif que nous souhaitons instaurer avec cette réforme, nous restons sous la Ve République et, à ce titre, nous la défendons et la confortons. Il n’est pas question de revenir à la fragilité de la IVe République.
Au demeurant, il est possible de gouverner en restreignant l’usage de l’article 49-3 au projet de loi de finances, au projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à un texte en session ordinaire et, éventuellement, à un autre en session extraordinaire.
Je le répète à la majorité comme à l’opposition, laquelle sera peut-être un jour la majorité, nous sommes donc tous concernés : avec le fait majoritaire, avec le quinquennat, avec l’inversion du calendrier – nous ne sommes plus au temps du gouvernement de Michel Rocard ! –, …
Monsieur Charasse, je vous ai écouté avec attention, je vous remercie d’en faire autant !
…comment concevoir qu’un gouvernement puisse utiliser, en dehors du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, trois fois, quatre fois, cinq fois, l’article 49-3 sur des textes lourds et symboliques ? Imaginons la situation de crise que cela suppose entre la majorité et le Gouvernement ! Si, en dehors du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et en dehors d’un texte en session ordinaire et d’un autre en session extraordinaire, il doit encore faire marcher la majorité à coups de 49-3 une troisième ou une quatrième fois dans l’année, cela témoigne d’une crise politique qui dépasse amplement le problème parlementaire !
Je comprends que d’aucuns déplorent qu’il ne s’agisse que d’une réforme à mi-chemin. Oui, nous ne supprimons pas l’article 49-3. Oui, nous acceptons les évolutions liées au quinquennat et à l’inversion du calendrier et cherchons en quelque sorte une situation d’équilibre.
Pour autant, je comprends que les analyses diffèrent et je respecte les convictions de chacun sur cette question. Il n’en reste pas moins que le dispositif proposé par le Gouvernement semble garantir un équilibre entre efficacité, stabilité et droits du Parlement.
Cela signifie – et le rapporteur voudra bien me le pardonner – que le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 124, de même qu’il demandera le rejet des amendements de suppression comme de ceux qui visent à rétablir l’article 49 dans son application antérieure.
Ce débat, empreint d’une grande dignité, est très important : nous aurons l’occasion de le poursuivre.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 314, présenté par M. Alfonsi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
Cet amendement est dépourvu de toute idéologie.
Notre collègue Badinter estime que le pouvoir du Parlement se manifeste avec beaucoup plus de force quand les assemblées votent, certes. Il n’en reste pas moins que, pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire les deux textes les plus importants de chaque année parlementaire, il estime que le pouvoir du Parlement peut être réduit et que l’usage de l’article 49-3 peut être conservé.
Pour ma part, je le répète, c’est parce que je suis favorable à une dose de proportionnelle que je redoute l’avenir.
En d’autres termes, c’est parce que je considère qu’à l’avenir les majorités ne seront pas nécessairement acquises qu’il faut conserver l’instrument qu’est l’article 49-3. Il servira ou il ne servira pas. Peut-être sera-t-il caduc comme sont devenus obsolètes à un moment donné les textes sur la Communauté, mais il sera toujours là et il sera possible de l’utiliser. C’est pourquoi il faut le maintenir dans la Constitution.
Je résumerai ma pensée ainsi : ou bien l’article 49-3 ne sert plus à rien, devient caduc et on peut alors le conserver précisément parce qu’il est devenu inutile ; ou bien le gouvernement est susceptible d’y avoir recours si la majorité est particulièrement étriquée, auquel cas il faut le conserver.
Ce que je dénonce, c’est l’hypocrisie de la majorité qui consisterait à faire semblant, c’est-à-dire à adopter l’amendement de la commission des lois, qui vise simplement à prévoir que le Gouvernement ne pourra avoir recours à l’article 49-3 que pour le projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, mais aussi pour tout autre texte sous réserve de l’avis de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Mes chers collègues, cela reviendrait exactement à supprimer l’article 23. Il faut assumer ses convictions et faire fi de toute hypocrisie !
L’amendement n° 390 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L’article 49 de la Constitution est abrogé.
La parole est à M. Yvon Collin.
L’amendement n° 390 rectifié est retiré.
L’amendement n° 225, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est supprimé.
La parole est à M. Robert Bret.
Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa de l’article 49.
Il me semble d’ailleurs que le Président de la République lui-même s’était déclaré favorable à cette suppression.
En effet, quelle est la raison d’être de cet alinéa, sinon de permettre au gouvernement, en plus de voir encadrés les pouvoirs du Parlement, de disposer d’une arme qui représente l’absolu du passage en force, puisqu’elle met fin au débat parlementaire par le seul jeu de la discipline majoritaire ?
D’une certaine manière, il s’agit d’une arme de destruction massive du travail parlementaire ainsi qu’ont pu le révéler les quelques circonstances dans lesquelles cet instrument constitutionnel a été utilisé.
Dans les quelques cas où l’article 49-3 a été appliqué, il s’agissait, de manière conjoncturelle, autant d’abréger singulièrement les travaux parlementaires en vue de faire taire les dissensions éventuelles existant dans la majorité que de restreindre le droit de parole de l’opposition.
Pour faire bonne mesure, comme l’article 49-3 ne s’applique qu’à l’Assemblée nationale, d’autres outils de procédure étaient mis en œuvre au Sénat pour parvenir aux mêmes fins. Nous en savons quelque chose !
Certes, monsieur le secrétaire d’État, votre réforme semble tirer les conséquences de l’existence du fait majoritaire en proposant de limiter le recours à l’article 49-3 : il ne pourrait plus être utilisé que pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Ce peut être considéré comme significatif !
Cependant, et c’est là que le bât blesse, le texte précise que le Premier ministre pourra néanmoins user d’un « joker » et recourir à cette procédure pour un autre texte par session.
Voilà qui pose un sérieux problème de cohérence ! De deux choses l’une, en effet : soit on considère que l’article 49-3 demeure pertinent en cas de majorité relative ou instable, et il ne faut alors absolument pas en restreindre l’utilisation – ce que d’aucuns semblent souhaiter ; soit on considère, et c’est notre point de vue, que cet article porte atteinte aux droits du Parlement, et il faut alors le supprimer.
Peu importe de savoir si l’article 49-3 s’adresse à une majorité ou à une opposition. Il est une atteinte au libre choix de l’Assemblée nationale, voire du Parlement dans son ensemble.
La voie médiane que vous proposez n’a aucun sens, parce qu’elle ne limite rien. Depuis dix ans, ce dispositif n’a été utilisé que trois fois, et par des gouvernements assurés d’une majorité totalement hégémonique à l’Assemblée nationale.
En d’autres termes, telle qu’elle est rédigée, la réforme ne change rien. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que nous avons, avec cette mesure, un témoignage particulièrement flagrant de son caractère cosmétique, monsieur le secrétaire d’État.
Cette limitation factice de l’usage de l’article 49-3 ne concernera pas les textes fondamentaux. Son utilisation restera dans la moyenne habituelle. Rien ne change : soyez rassuré, monsieur de Rohan !
De plus, et nous en avons débattu par ailleurs, non seulement l’article 49-3 continuera d’exister mais il sera renforcé par une sorte de nouvel article 49-3 fixé par la conférence des présidents pour limiter l’examen d’un texte en vertu du fameux article 18.
Mes chers collègues, nous vous invitons à faire réellement progresser la démocratie en supprimant l’article 49-3.
L’amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres et consultation de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Cela a été répété maintes fois dans cet hémicycle : l’article 49-3 est une arme de dissuasion. Mais il est également un moyen de trancher d’éventuels blocages ou conflits.
Monsieur Bret, si aucun outil ne permet de résoudre une crise lorsque celle-ci survient, la démocratie ne peut pas s’exercer.
M. Michel Charasse opine.
Cet outil est donc indispensable. Encore faut-il y recourir à bon escient, tout le problème est là. Trop souvent, l’article 49-3 a été utilisé de manière brutale, et c’est la forme plus que le fond qui est critiquable. Sur le fond, sa nécessité ne fait aucun doute.
Dans une démocratie, il faut absolument que le Gouvernement dispose d’un tel instrument, au cas où il est confronté à une difficulté avec sa majorité. Certes, il a d’autres armes à sa disposition, mais celle-là est utile, parce qu’elle permet de discuter. En effet, le dialogue est nécessaire à la dissuasion.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas approuver la position du Gouvernement sur ce point.
Vous cherchez à faire plaisir à ceux qui sont contre l’article 49-3, mais votre solution ne les satisfait pas ! Dans le même temps, vous dénaturez l’outil…
… et ne pouvez pas contenter ceux qui, comme moi, sont favorables à l’article 49-3.
En revanche, et l’objet de cet amendement se rapproche de la position de la commission des lois, il faut assurer les conditions d’une consultation et d’un dialogue quand on dispose d’une arme de dissuasion, justement pour avoir les moyens de ne pas y avoir recours. La concertation permet alors de trouver les solutions au conflit naissant, donc de l’éviter.
Pourquoi ne pas étendre à l’ensemble du dispositif cette procédure de dialogue ? Cela n’enlèvera rien aux prérogatives du Gouvernement : celui-ci disposera de tous les outils nécessaires pour faire valoir son point de vue si besoin est, mais cela rendra plus humaine l’application de l’article 49-3.
C'est la raison pour laquelle les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale doivent faire l’objet de dialogue avant que l’article 49-3 ne soit appliqué en cas de conflit entre la majorité et le Gouvernement.
Tel est le sens de cet amendement.
L’amendement n° 124, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ou, après consultation de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, sur tout autre projet ou proposition de loi de son choix. »
La parole est à M. le rapporteur.
J’ai attentivement écouté les remarques des uns et des autres ; je le fais d’ailleurs depuis plusieurs semaines, puisque j’ai consulté à la fois les présidents des groupes, les présidents des commissions et un certain nombre de personnalités qui ont permis à la commission des lois de se prononcer sur cette question.
Je le rappelle, je ne suis que le porteur des amendements de la commission : les amendements sont ceux de la commission et non ceux du rapporteur !
Le raisonnement de Nicolas Alfonsi est très pertinent. C’est parce qu’il est favorable à une dose de proportionnelle qu’il demande le maintien de l’article 49-3. Pour ma part, je considère que, si l’on inscrit dans la Constitution que les membres de l’Assemblée nationale sont élus au scrutin majoritaire à deux tours, le recours à l’article 49-3 n’est plus nécessaire, ou l’est beaucoup moins.
C’est tout de même un peu plus sûr ! Vous l’avez-vous-même expliqué.
Mes chers collègues, on l’a répété à plusieurs reprises : il s’agit non pas de réformer la Constitution pour les cinq ans ou pour les dix ans à venir, mais de modifier nos institutions. La Ve République existe depuis cinquante ans, malgré les crises. On ne sait pas ce que réserve l’avenir. Nous n’avons qu’une vision à court terme : aujourd’hui, l’Assemblée nationale dispose d’une large majorité et il n’y a pas de raison que cela ne perdure pas.
Il est vrai que le quinquennat et l’inversion du calendrier ont certainement modifié les institutions. Pour autant, faut-il supprimer cette arme de dissuasion que constitue l’article 49-3 ? C’est la question ! D’ailleurs, chaque fois que cet outil a été utilisé à mauvais escient, cela s’est assez mal passé. C’est donc véritablement une arme de dissuasion !
Tout le monde reconnaît que les éléments importants de la politique gouvernementale sont le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, car ce sont essentiellement eux qui déterminent la politique du Gouvernement et de sa majorité. C’est pourquoi il faut que l’article 49-3 s’applique à ces textes.
Le Gouvernement propose d’autoriser le recours à cette procédure pour un texte supplémentaire par session. Pourquoi un ? Si une difficulté surgit en début de session, parce que, sur un sujet particulier, l’Assemblée nationale se révèle rétive alors qu’elle n’est pas défavorable à l’ensemble de la politique du gouvernement et que ce dernier a recours à l’article 49-3, il se trouve de ce fait désarmé : il a utilisé son fusil à un coup.
C’est pourquoi je considère que fixer un nombre de textes par session n’est pas une bonne solution.
Pour garder à cet instrument son caractère dissuasif, tout en souhaitant qu’il soit utilisé le moins souvent possible, il me semble que le dialogue avec les membres de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale serait utile. Il permettrait de trouver une solution qui éviterait d’y avoir recours. Telle est la proposition de la commission des lois.
Celle-ci comprend, toutefois, que ce sujet suscite des divergences d’appréciation. Tout en modernisant la Constitution, nos institutions et en revalorisant les pouvoirs du Parlement, nous devons veiller à ne pas démunir le Gouvernement d’outils qui peuvent être nécessaires en cas de crise.
Le sous-amendement n° 298 rectifié, présenté par MM. Mercier, J.L. Dupont, C. Gaudin, Zocchetto, Amoudry et Biwer, Mmes Férat et Gourault, M. Merceron, Mme Payet, M. Badré, Mme Dini, MM. Fauchon et Deneux, Mme Morin-Desailly et M. Nogrix, est ainsi libellé :
Après les mots :
sécurité sociale
supprimer la fin du dernier alinéa de l’amendement n° 124.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Ce sous-amendement, déjà défendu, consiste à limiter le recours à l’article 49-3 aux deux hypothèses des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale, pour les raisons qui ont été fort bien exposées, en particulier par M. Lecerf.
On dit que les chants désespérés sont les plus beaux. Je ferai donc une tentative désespérée pour concilier des opinions très partagées, voire contraires.
Par ce sous-amendement, je propose de maintenir les deux hypothèses de recours à l’article 49-3, prévues tant par le Gouvernement que par la commission des lois, c’est-à-dire le vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui concerne la troisième hypothèse, à savoir le vote de tout autre projet ou proposition de loi, je suggère que le Gouvernement puisse recourir à cette procédure sans limitation, mais sur autorisation de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale.
Dans ce cas de figure, de deux choses l’une : soit des circonstances très particulières apparaissent et la conférence des présidents de l’Assemblée nationale accepte le recours à l’article 49-3, soit un important différend existe entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement et deux moyens de sortie de crise sont déjà prévus par la Constitution, à savoir l’article 49-2, c’est-à-dire la motion de censure, ou l’article 12, autrement dit la dissolution.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 226 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 295 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin et Zocchetto.
L’amendement n° 355 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L’amendement n° 391 rectifié est présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi.
L’amendement n° 483 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l’amendement n° 226.
Comme nous l’avons souligné, l’article 49-3 établit, pour le moins, un sérieux déséquilibre entre le législatif et l’exécutif. Il transforme les parlementaires de la majorité en simples soldats de la politique gouvernementale et fait des élus de l’opposition les témoins impuissants de sa conception et de sa mise en œuvre.
Fait détestable, il présente aussi au pays un débat parlementaire tronqué, donc imparfait, au cours duquel l’ensemble des problèmes posés par telle ou telle question traitée par le texte examiné n’a pas été abordé.
Faut-il rappeler, comme de nombreux collègues députés, que l’article 49-3 est une façon, pour le Gouvernement, de faire adopter un texte en engageant sa responsabilité, alors même que sa majorité ne souhaite pas le voter ? L’usage répété de cet article a induit une dérive perverse dans l’opinion publique, laissant croire, depuis un demi-siècle, que, en cas de conflit entre le Gouvernement et sa majorité, c’est nécessairement cette dernière qui doit céder et rarement le Gouvernement. Tant et si bien qu’on en est arrivé, sous la dernière législature, à faire usage de l’article 49-3 lors de l’examen de projets de loi qui ne le méritaient pas, en tout cas, dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution. Ainsi, le recours à l’article 49-3 lors du vote d’un projet de loi relatif au téléchargement sur Internet était profondément ridicule ! Les députés en étaient d’ailleurs d’accord.
Désormais, le recours à l’article 49-3 revient, pour le Gouvernement, à demander à sa majorité réticente, soit d’accepter son projet de loi, soit de changer de gouvernement. Or, à moins de considérer que la politique gouvernementale c’est « tout ou rien » – position qui affaiblit considérablement le rôle du Parlement, vous en conviendrez, mes chers collègues –, on peut parfaitement vouloir modifier un projet de loi, voire le rejeter, sans pour autant souhaiter changer de gouvernement.
Oui, l’usage de l’article 49-3 à l’occasion de l’examen d’un projet de loi ordinaire peut s’avérer parfaitement excessif. Tel est le cas lorsque le texte législatif n’a qu’un impact relativement limité sur la vie économique et sociale du pays. Il en est de même quand les dispositions contenues dans le projet de loi sont largement combattues par l’opinion publique, par le peuple français lui-même, dont les législateurs sont les représentants. Nous avons pu le constater lors du vote de la loi pour l’égalité des chances.
Aucun projet de loi ordinaire ne peut, décemment, être considéré comme pouvant justifier l’usage de l’article 49-3.
Dans un pays démocratique moderne comme le nôtre, le Parlement doit pouvoir jouer pleinement son rôle et débattre de tout sujet législatif sans être sous la menace d’une accélération subite de la procédure d’adoption. Comme nous le savons, une telle accélération nuit souvent à la qualité du travail législatif.
Quels éléments permettront de déterminer que tel ou tel projet de loi, telle ou telle proposition de loi doit être impérieusement adopté dans les meilleurs délais et que ce fait justifie de recourir à l’article 49-3 ? Serait-ce l’opportunité politique, appréciée par le seul Président de la République ?
Le recours à l’article 49-3, dans la nouvelle configuration, deviendra un fait du prince. Or, le fait du prince ne fait pas bon ménage avec la démocratie parlementaire. Il en est même la parfaite antithèse.
Nous ne pouvons donc qu’inviter le Sénat à limiter strictement l’usage de l’article 49-3 au seul examen des textes financiers et budgétaires annuels et rituels.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L’amendement n° 295 rectifié a déjà été défendu.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 355.
Je souhaite, à mon tour, montrer l’hypocrisie de l’article 23. Sous prétexte de limiter le recours à la procédure de l’article 49-3, on ne fait, en réalité, que constitutionnaliser une pratique déjà éprouvée.
La rédaction du premier alinéa de cet article nous fait presque croire que l’on ne pourrait utiliser cette procédure que lors de l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Or, aux termes du deuxième alinéa de ce texte, « le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une autre proposition de loi par session. » Cet alinéa vide de son sens le précédent.
À peine un principe énoncé, on y appose une exception. Splendide hypocrisie !
Si cette réforme est adoptée, le Gouvernement va presque se sentir obligé de recourir à la procédure de l’article 49-3 une fois par session. Soit on tire toutes les conséquences du fait majoritaire, et la confiance légitime du Gouvernement en sa majorité devrait le pousser à renoncer à cette procédure, soit la confiance ne règne pas, et aucune raison ne justifie de limiter le recours à l’article 49-3.
Avec l’article 23, un compromis nous est, en quelque sorte, soumis : le Gouvernement se targuerait de limiter les pouvoirs de l’exécutif, ce qui, en réalité, est complètement faux. C’est la raison pour laquelle je propose, avec l’amendement n° 355, de limiter strictement le recours à l’article 49-3 au vote des projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale et, par conséquent, de supprimer le 2° de l’article 23.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 391 rectifié.
L’amendement n° 391 rectifié est retiré.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 483.
L’amendement n° 305 rectifié, présenté par MM. Béteille et de Richemont, est ainsi libellé :
Après les mots :
procédure pour
rédiger comme suit la fin du second alinéa du 2° de cet article :
cinq autres textes par législature
Cet amendement n’est pas défendu.
L’amendement n° 89, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 2° de cet article par les mots :
à chacun des textes concernant ce projet de loi ou cette proposition
La parole est à M. Patrice Gélard
C’est un amendement de caractère grammatical qui s’applique au texte de l’Assemblée nationale. Il a simplement pour objet de rappeler que si trois lectures ont lieu à l’Assemblée nationale, l’article 49-3 s’appliquera à chacune d’entre elles.
Quoi qu’il en soit, cet amendement n’aura plus d’objet si l’amendement n° 124 ou l’amendement n° 314 est adopté.
Monsieur Alfonsi, la commission souhaitant en rester à son amendement, elle vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 314, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 225 est contraire à la position de la commission. C’est pourquoi elle y est défavorable.
L’amendement n° 150 rectifié est très proche de celui que la commission a présenté. J’ai cependant un petit amour-propre d’auteur ; la rédaction de l’amendement n° 124 me paraît préférable, car elle ne soumet pas l’utilisation du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution à l’égard des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale à l’avis de la conférence des présidents. Par conséquent, monsieur Cointat, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Étant solidaire de la commission des lois, je ne peux que suivre la suggestion de M. le rapporteur. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
L’amendement n° 150 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
Le sous-amendement n° 298 rectifié est contraire à l’amendement n° 124 de la commission, puisqu’il tend à limiter le recours à l’article 49-3 aux seuls projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Le sous-amendement n° 317 tend à demander l’autorisation de la conférence des présidents pour pouvoir utiliser l’article 49-3 lors de l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi. Cette disposition donnerait un pouvoir au groupe majoritaire de l’Assemblée nationale sur le Gouvernement, ce qui me paraît contraire aux équilibres de la Ve République. Monsieur Lecerf, la commission vous demande de bien vouloir retirer ce sous-amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
La commission est défavorable aux amendements identiques n° 226, 295 rectifié, 355 et 483.
La précision que tend à introduire l’amendement n° 89, certes utile à consigner dans les travaux préparatoires, n’a pas lieu d’être dans la Constitution. Par conséquent, monsieur Gélard, je vous demande de bien vouloir le retirer.
Monsieur le président, nous avons examiné à fond le sujet. Les positions des uns et des autres sont claires. Je vous demande donc le vote par priorité de l’amendement n° 124 et des sous-amendements s’y rapportant.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?
La priorité est de droit.
Quel est maintenant l’avis du Gouvernement sur les différents amendements et sous-amendements ?
Je ne vais pas recommencer la démonstration que j’ai faite précédemment. Naturellement, le Gouvernement tient à l’équilibre de ce projet de loi constitutionnelle. J’ai déjà indiqué que l’article 23 est un gage de stabilité, d’efficacité et d’adaptation à la situation nouvelle, liée à la fois au fait majoritaire, au quinquennat et à l’inversion du calendrier, qui a conforté ce fait majoritaire. Ainsi, le Gouvernement est défavorable à tous les amendements portant sur cet article, y compris, et j’espère, monsieur le rapporteur, que vous ne m’en voudrez pas, à l’amendement de la commission.
Le sous-amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 317.
Monsieur le président, je retire ce sous-amendement. Je tiens cependant à préciser qu’il n’est pas contraire à l’esprit de la Ve République tel que je le conçois, puisqu’il tend à étendre le recours à l’article 49-3 au-delà des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale et à prévoir une sorte de codécision en situation de crise.
Si j’ai bien compris, M. Gélard a renoncé à son amendement. Il n’empêche que son interprétation conduit à penser que le recours à l’article 49-3 est valable pour le vote d’un projet ou d’une proposition de loi à toutes ses lectures.
Par ailleurs, à partir du moment où l’amendement de la commission ne vise plus un projet ou une proposition de loi par session, cela signifie que le Gouvernement peut recourir à l’article 49-3 autant de fois qu’il le veut.
La seule différence, c’est la consultation de la conférence des présidents.
Je voterai bien sûr cet amendement, mais je souhaite auparavant demander à M. le rapporteur de bien vouloir le rectifier en supprimant les mots « de son choix », qui n’apportent absolument rien au texte mais qui ont une connotation quelque peu provocatrice.
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 124 dans le sens proposé par M. Cointat ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 124 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ou, après consultation de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, sur tout autre projet ou proposition de loi. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
Nous sommes contraints d’expliquer, une fois encore, que cette disposition, que l’on nous présente comme une réforme, ne saurait être qualifiée de mesure de changement, de réforme, voire de modification.
L’article 49-3 fait l’objet de débats depuis très longtemps, et on ne peut pas dire qu’il ne constitue pas un sujet de discussion !
Le comité Balladur, puis le Gouvernement, ont donc proposé de modifier ce dispositif. Que l’on soit favorable ou non à votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, on ne peut que reconnaître qu’elle n’est pas dépourvue d’une certaine cohérence. Elle limite, en effet, l’utilisation de cette procédure aux projets de loi de finances, aux projets de lois de financement de la sécurité sociale et à un texte par session.
Nous proposons, pour notre part, de limiter l’utilisation de l’article 49-3 aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais voici qu’arrive l’amendement n° 124 rectifié, approuvé par la majorité de la commission des lois. Pour être tout à fait clair et explicite, cet amendement ne change rien à la situation antérieure !
La consultation de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale est, en effet, purement formelle. L’amendement de M. Hyest tend donc à maintenir dans la Constitution l’article 49-3 en son état actuel.
Et pourtant, tant de pages ont été écrites…
… sur les inconvénients – pour parler de façon modérée – du recours à l’article 49-3, notamment sur le poids excessif du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir législatif, qui est la conséquence directe de ce dispositif !
Nous considérons, monsieur de Rohan, que ce dispositif peut être utile dans certains cas puisque nous proposons de le maintenir dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
Il a longuement été question, au cours de ce débat, du passé et de l’action menée par les différents gouvernements. Vous ne pouvez pas nier que le gouvernement que vous soutenez a proposé une réforme, mais vous ne pouvez pas nier non plus que, sur ce point, vous ne le soutenez pas ! Cela mérite d’être souligné !
En suivant la majorité de la commission des lois ainsi que son rapporteur, la majorité du Sénat proposera, une fois encore, de ne rien changer. Que l’on cesse donc, monsieur le secrétaire d’État, de nous parler de réforme des institutions…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État.Vous êtes négatifs sur tout ! C’est un postulat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe
Je ne suis pas négatif sur tout monsieur Karoutchi, et vous le savez très bien puisque nous avons fait un grand nombre de propositions et voté certaines des dispositions que vous nous avez proposées.
Je comprends votre irritation, monsieur le secrétaire d’État. D’habitude, vous êtes toujours très calme et nous louons votre sérénité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne soyez pas grognon, monsieur le secrétaire d’État !
Sourires sur les travées du groupe CRC.
Cet assombrissement, que nous espérons temporaire, de votre belle humeur s’explique sans doute par le fait que la majorité de la commission des lois et peut-être celle du Sénat s’apprêtent à ne pas suivre le Gouvernement et à maintenir l’article 49-3 en l’état.
L’attitude de M. le rapporteur de la commission des lois est intéressante !
En défendant avec insistance le maintien en l’état, ou presque, de l’article 49-3, il oblige le Gouvernement à reconnaître que la prétendue avancée du projet de loi sur ce point est bien limitée.
Au demeurant, l’amendement n° 124 rectifié n’est pas acceptable. D’un côté, on limite le droit d’amendement et, de l’autre, on maintient l’article 49-3 quasiment en l’état. « Surtout, ne changez rien ! » : tel est le message que vous voulez faire passer, monsieur Hyest.
Le renvoi à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale est pour le moins caricatural, car la majorité sera inféodée de fait au Président de la République.
Quand bien même l’usage de la procédure de l’article 49-3 serait pour le moins limité, il faut se garder de se contenter d’une simple comptabilité des opportunités pour décider de la validité des dispositions que l’on nous invite à adopter à l’occasion de l’examen de cet article 23.
L’exercice parlementaire est, à vrai dire, assez nettement « rationalisé » par plusieurs procédures et outils permettant d’abréger, au seul bon vouloir du Gouvernement ou de la majorité le soutenant, la discussion de tel ou tel projet de loi, ou de telle ou telle proposition de loi.
Force est de constater que l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution, même si elle s’est raréfiée, est significative de certains choix politiques fondamentaux. Recourir au 49-3, c’est imposer par la force un texte ou une disposition particulièrement décriés.
Compte tenu du caractère exceptionnel de cette procédure, on peut se demander pourquoi il faudrait la mettre en œuvre à l’occasion de l’examen d’une loi ordinaire, comme semble nous y inviter le présent projet de loi. Cela laisse penser qu’il existe des lois ordinaires « moins ordinaires » que les autres, pouvant justifier, par leur contenu, leur consistance ou leurs implications, de dispositions spécifiques et exceptionnelles.
Nous ne sommes pas favorables à de telles conceptions. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à l’amendement n° 124 rectifié de la commission des lois, qui tend à défendre la plénitude d’application de l’article 49-3.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 23 est ainsi rédigé, et les amendements n° 226, 295 rectifié, 355, 391 rectifié, 483, 305 rectifié et 89 n’ont plus d’objet.
Après l’article 50 de la Constitution, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :
« Art. 50-1. - Devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire une déclaration à caractère thématique qui donne lieu à débat et peut faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. »
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 125 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° 227 rectifié est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 285 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Jégou, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste — UDF.
L’amendement n° 484 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 125.
Le Sénat ayant rétabli les résolutions, les déclarations à caractère thématique, qui constituent en quelque sorte une alternative aux résolutions, n’ont plus de raison d’être.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 227 rectifié.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 50-1 de la Constitution par les mots :
sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 49
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 125, 227 rectifié, 285 rectifié et 484.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l’article 23 bis est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.