Intervention de Robert Badinter

Réunion du 24 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 25

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

…mais cela doit être évité. Si un ancien Président de la République avait l’ambition de devenir sénateur, il ne lui serait pas très difficile de trouver une circonscription et d’obtenir un siège. Laissons donc ce point de côté !

En tout état de cause, l’origine de la règle en vertu de laquelle les anciens Présidents de la République siègent de droit au Conseil constitutionnel est purement circonstancielle.

On le sait, au moment où la Ve République a remplacé la IVe République, se posait la question de la situation du président Coty. Il faut savoir que la IVe République était très pingre et qu’elle octroyait aux anciens Présidents de la République en tout et pour tout une pension équivalente à celle des conseillers d’État. Elle n’était même pas équivalente à celle des présidents de section ou des vice-présidents du Conseil d’État !

On conçoit que cet état de fait ait paru préoccupant et que le général de Gaulle s’en soit soucié. À cet instant, l’idée est venue que l’on pourrait nommer membres de cette institution nouvellement créée les anciens Présidents de la République, René Coty et Vincent Auriol, qui n’y a d’ailleurs pour ainsi dire jamais siégé.

Depuis, les choses ont complètement changé. Fort heureusement, sans entrer dans le détail – M. Gélard a évoqué ce point –, la condition des anciens Présidents de la République est maintenant tout à fait satisfaisante, et si elle devait être améliorée, cela ne serait pas un problème.

La véritable difficulté est que Conseil constitutionnel compte maintenant deux types de membres : les uns, qui prêtent serments et sont soumis à des obligations, et les autres, qui ne prêtent pas serment et sont membres de droit à vie, qui peuvent venir, repartir, avoir un mandat, exercer une action politique, et qui considèrent qu’aucune des obligations des membres du Conseil constitutionnel ne pèse sur eux, pas même l’obligation de réserve par rapport à la vie politique dont on ne saurait assez souligner l’importance.

Une telle situation n’est pas concevable. Une institution juridictionnelle qui comprend normalement neuf membres ne peut compter un, deux, voire trois ou quatre membres supplémentaires.

Nous sommes aujourd'hui dans une perspective différente : la durée de vie s’allonge et les Présidents ou les éventuelles Présidentes de la République ne seront pas élus à un âge avancé.

Nous nous trouverons donc dans la situation où un certain nombre d’anciens Présidents de la République, peu à peu, influeront directement sur une majorité.

On m’a toujours dit : « Vous pensez ? Mais il en va de leur autorité en ce qui concerne les grandes décisions. » Or, s’agissant du Conseil constitutionnel et de la fonction juridictionnelle, je puis vous assurer que l’information de ses membres est considérable si se pose à eux une question très importante concernant le fonctionnement des institutions. Les rapporteurs ont à cœur d’auditionner tous ceux qui ont compétence dans ce domaine. J’ajoute que les Présidents de la République seront évidemment entendus au premier chef, le cas échéant. Leur avis sera reporté au Conseil constitutionnel et présenté par le président de cette institution.

Pourquoi transformer une institution en une sorte de bizarre annexe de l’Élysée, où l’on n’accepte pas les obligations, mais où l’on bénéficie des avantages, où l’on siège et où l’on ne siège pas, où l’on participe à la vie politique alors que le propre d’une juridiction constitutionnelle est précisément qu’aucun de ses membres ne doit participer sous aucune forme que ce soit à la vie politique ? Après cinquante ans, certains archaïsmes de la Constitution ressortent.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de souci à se faire en ce qui concerne l’avenir des anciens Présidents de la République, cela va de soi, ni quant aux avantages qu’on leur reconnaît ni quant aux activités auxquelles ils peuvent se livrer sans contrainte.

Ne mélangeons pas, à cet égard, celles ou ceux qui ont des obligations et une mission juridictionnelle avec celles ou ceux qui, lorsque leur mandat présidentiel sera achevé, pourront, comme les autres, soit retrouver une place assurément éminente dans la vie politique, soit se consacrer à une profession libérale ou à une activité, sans pour autant être membre à vie d’une institution juridictionnelle, ce qui, je le répète, n’existe nulle part ailleurs qu’en France.

Voilà ce que je tenais à dire, et c’est plus important qu’on ne le pense !

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