Séance en hémicycle du 24 juin 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • cassation
  • juridiction
  • langue
  • l’exception
  • l’exception d’inconstitutionnalité
  • l’opposition
  • minoritaire

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Photo de Christian Poncelet

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 24.

Après l'article 51 de la Constitution, il est inséré un article 51-1 ainsi rédigé :

« Art. 51-1. - Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît à ceux d'entre eux qui n'ont pas déclaré participer de la majorité de l'assemblée concernée, des droits spécifiques. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 485, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :

« - Le règlement de chaque assemblée est adopté à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Il détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

C’est à l’occasion de l’examen de cet article 24 que, si j’en crois les différentes réserves que vous avez émises au cours de nos débats, monsieur le secrétaire d’État, vous allez nous faire un certain nombre de propositions sur les droits de l’opposition.

Lors de l’examen de l’article 1er, abordant ce sujet, nous avons dit notre souhait de voir affirmer la reconnaissance de droits pour les groupes parlementaires. Hélas, nous n’avons pas été suivis.

On pourrait avoir tout un débat sur ce que peuvent être des « droits spécifiques ». Ce que nous voulons, nous, avant tout, c’est que des droits soient reconnus à tous les groupes et qu’on sorte de cette fausse démocratie où l’on se contente de faire des concessions, voire de bonnes manières à l’opposition en lui octroyant de vagues faveurs.

Nous prônons simplement le respect de l’égalité des parlementaires, et donc le respect de l’opposition.

Puisque vous désirez instaurer le principe de l’autonomie des assemblées – et ce serait vraiment une excellente chose si notre assemblée était plus représentative –, pourquoi ne pas prévoir que le règlement de chaque assemblée garantit qu’il ne peut y avoir, pour un groupe, abus de position dominante ?

Dans cet esprit, nous proposons que le règlement de chaque assemblée soit le résultat d’un accord pluraliste entre les différents groupes, et non l’oukase, comme trop souvent ici, de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Telles sont les raisons pour lesquelles notre amendement vise à ce que le règlement de chaque assemblée soit adopté à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Ainsi, le règlement de chaque assemblée sera rédigé de façon à garantir le respect de chacun. À la majorité des trois cinquièmes, nous pourrons déterminer les droits des groupes parlementaires, lesquels représentent, au sein des assemblées, les partis politiques dont la Constitution reconnaît le rôle dans la vie démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 90, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article 51 de la Constitution, il est inséré un article 51-1 ainsi rédigé :

« - Le règlement de chaque assemblée détermine les droits respectifs des groupes parlementaires selon qu'ils ont ou non déclaré soutenir le Gouvernement. »

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 90 est retiré.

L'amendement n° 228, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :

« - Les groupes parlementaires participent du fonctionnement pluraliste des assemblées. Leurs droits respectifs sont fixés par le règlement de chaque assemblée. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 24 tend à insérer dans la Constitution un nouvel article prévoyant la définition, dans le règlement de chaque assemblée, des droits des groupes politiques de la majorité et de l’opposition.

Nous proposons, quant à nous, que le respect de l’ensemble des groupes parlementaires soit assuré en dehors de toute logique fondée sur le bipartisme.

S’il est nécessaire de reconnaître à l’opposition une place plus importante, de lui permettre de jouer un rôle plus responsable – et les propos que j’ai tenus précédemment suffiraient, s’il en était besoin, à prouver que nous faisons tout pour qu’on aille dans ce sens –, la vie politique ne saurait se résumer à cette stricte alternative : d’un côté, ceux qui déclareraient participer de la majorité de l’assemblée concernée et, de l’autre, ceux qui déclareraient ne pas participer de cette majorité ; sauf, bien sûr, à vouloir imposer le bipartisme dans notre pays, où, hélas, il ne tend déjà qu’à trop s’installer.

C’est pourquoi nous proposons de ne pas faire mention, dans la Constitution, de ce concept monolithique d’opposition. En effet, ce vocable dissimule une réalité en fait très diverse : l’opposition peut être plurielle, composite, elle peut recouvrir différents courants. D’ailleurs, dans les deux chambres du Parlement, il y n’a pas un seul groupe parlementaire qui soit dans l’opposition, il y en a plusieurs. N’est-ce pas, après tout, ce qui fait la richesse de nos débats ? Je suis sûre que vous y être très attachés, chers collègues de la majorité. En tout état de cause, c’est bon pour la vitalité de notre République.

J’ajoute que la bonne santé d’une démocratie passe nécessairement par une opposition forte, qui peut exercer un vrai contrôle sur le Gouvernement. C’est d’autant plus vrai lorsque, dans la logique du « fait majoritaire », que cette réforme va encore accentuer, la majorité dispose de prérogatives particulièrement importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 230, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Dans la même optique que précédemment, nous proposons de supprimer la phrase aux termes de laquelle le règlement de chaque assemblée « reconnaît à ceux »des groupes « qui n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée concernée, des droits spécifiques ».

En effet, nous estimons que les droits des groupes ne doivent en aucun cas dépendre du fait qu’ils participent ou non de la majorité de l’assemblée concernée. Tous les groupes doivent avoir des droits, être reconnus et respectés. Se fonder sur l’appartenance ou non à la majorité pour déterminer des droits, c’est instaurer le bipartisme dans notre vie politique.

Vous ne pouvez donc pas, monsieur le secrétaire d'État, annoncer haut et fort que vous voulez renforcer les droits du Parlement et ceux de l’opposition parlementaire, et, dans le même temps, proposer de telles mesures, qui vont dans la direction inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 284, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :

Il reconnaît aux groupes minoritaires des droits spécifiques.

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il s’agit, pour nous, de défendre le pluralisme, que nous avons déjà défendu lors de l’examen de l’article 1er.

Tous les groupes parlementaires constitués dans le respect des règlements des assemblées doivent bénéficier de droits identiques, qui leur permettent de faire vivre ces assemblées.

Nous souhaitons vivement que la reconnaissance de droits spécifiques aux groupes parlementaires minoritaires soit inscrite dans la Constitution. Nos assemblées sont des assemblées politiques : ce ne sont pas des entreprises de production législative ! Les groupes politiques doivent donc bénéficier d’un droit d’expression reconnu, garanti par le règlement des assemblées et par le contrôle du juge constitutionnel.

Tel est le sens de cet amendement, que je retirerai néanmoins volontiers au profit de l’amendement n° 392 rectifié, qui est meilleur que le nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 519 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 392 rectifié bis est présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :

Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 519.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, et, bien sûr, si cela ne viole pas le règlement, je préférerais que M. Fortassin présente d’abord son amendement, qui est rigoureusement identique à celui de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est donc à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 392 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Je tiens d’abord à dire que j’ai été très sensible au compliment que nous a adressé M. Mercier en estimant que notre amendement était meilleur que le sien. J’y ai été d’autant plus sensible que, pour ma part, je dépose très peu d’amendements.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

À l’évidence, pour aller dans le sens d’une revalorisation du Parlement, il est important de permettre aux groupes parlementaires n’appartenant pas à la majorité de bénéficier de droits spécifiques. L’article 24, tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale, vise à ce que tous les groupes parlementaires bénéficient de droits reconnus et précisés dans les règlements des assemblées parlementaires. Nous n’avons rien à objecter à cela : il s’agit d’une avancée.

Toutefois, seulement deux catégories de groupes sont distinguées : les groupes déclarant participer de la majorité de l’assemblée concernée, d’une part, et tous les autres groupes, d’autre part. Or telle n’est pas la réalité de la vie parlementaire : il arrive très souvent que, au sein d’un même groupe parlementaire, sur tel ou tel amendement, article ou texte, des votes différents soient émis. La vision quelque peu manichéenne, pour ne pas dire simpliste, que traduit la rédaction qui nous est soumise ne nous paraît donc pas juste. Aussi convient-il, selon nous, de préciser que les groupes parlementaires disposeront de droits en fonction de leur choix de ressortir de l’une des trois catégories suivantes : ceux qui ont déclaré appartenir à la majorité de l’assemblée intéressée, ceux qui ont déclaré ne pas y appartenir et les groupes minoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il suffit de compter pour s’apercevoir qu’il y a des groupes minoritaires !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Bien entendu, les deux dernières catégories doivent disposer de droits spécifiques puisque les groupes de la majorité n’en font pas partie. Ces droits seront précisés dans le règlement de chacune des assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 519.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Notre collègue Michel Mercier l’a souligné, l’Assemblée nationale a prévu à juste titre – du reste, le projet initial le prévoyait déjà –que le règlement de chaque assemblée accorde un certain nombre de droits à l’ensemble des groupes parlementaires, désormais reconnus dans la Constitution.

Il nous a pourtant semblé nécessaire de compléter le dispositif voté par les députés dans la mesure où leur définition des groupes d’opposition se limite à ceux « qui n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée ». En effet, l’organisation du Parlement repose, pour l’essentiel, sur les groupes parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si cette réalité n’était pas clairement affirmée, il faudrait alors mentionner ceux qui ont déclaré participer de la majorité, ceux qui n’ont rien déclaré et ceux qui ont déclaré ne pas participer de la majorité. Ce serait tout de même un peu curieux !

Il convient donc de fixer un principe clair, en distinguant, d’un côté, l’ensemble des groupes parlementaires, qui verront leurs droits reconnus par le règlement, et, de l’autre, les groupes d’opposition et les groupes minoritaires, qui bénéficieront de droits spécifiques.

Cette distinction permettra de surmonter la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2006, qui avait censuré une résolution de l’Assemblée nationale.

Les droits spécifiques apporteront aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires une contrepartie aux conséquences du fait majoritaire sur leurs capacités à intervenir au sein de chaque assemblée. Bien entendu, il appartiendra au règlement d’établir les modalités de définition de ces deux catégories de groupes.

Les groupes d’opposition seront définis au sein de chaque assemblée. En effet, l’histoire l’a montré, l’opposition sénatoriale n’est pas nécessairement de la même tendance que celle de l’Assemblée nationale.

Les groupes minoritaires, même s’ils n’appartiennent pas à l’opposition au sein de l’assemblée intéressée, bénéficieront également de droits spécifiques.

Le dispositif ainsi modifié est donc de nature à renforcer le pluralisme dans la vie parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il permet d’aboutir à un équilibre triplement avantageux : il ne contredit pas du tout la position de l’Assemblée nationale, il apporte des précisions très utiles et il correspond très bien à la situation du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 229, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 51-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Les demandes de commission d’enquête, d’auditions de ministres, de responsables administratifs ou de dirigeants d’entreprise publique, effectuées par les groupes parlementaires, ainsi que les saisines de la Cour des comptes sont de droit pour tous les groupes parlementaires.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Lors de l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 9, nous avons déjà eu l’occasion d’aborder partiellement le droit, pour les parlementaires, non seulement de la majorité, mais aussi et surtout de l’opposition, d’obtenir la création d’une commission d’enquête.

L’article 24 tend à prévoir la définition, dans le règlement des deux assemblées, des droits des groupes politiques. Pour ma part, j’attache une grande importance aux droits des groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or les qualificatifs divers et variés qui ont été employés sont tout de même assez curieux. Il existe des groupes, et il faut leur reconnaître, en tant que tels, un certain nombre de droits.

Il nous semble donc tout à fait pertinent de revenir sur la question des demandes de commission d’enquête émanant de groupes de l’opposition.

Bien entendu, cette question a toute sa place dans un débat sur les droits de l’opposition puisque, en raison du fait majoritaire, la création d’une commission d’enquête ne peut jamais avoir pour origine une demande de l’opposition.

Le comité Balladur a d’ailleurs préconisé « que tous les groupes parlementaires puissent obtenir chacun la création d’une commission d’enquête par an ». Cela rappelle la proposition consistant à limiter à une fois par an l’utilisation du « 49-3 » !

Nous ne souscrivons pas à la limitation à un du nombre de commissions d’enquête qu’un groupe parlementaire serait en droit d’obtenir. Au cours d’une année, certains événements sont de nature à justifier la création de telles commissions : cela peut arriver plusieurs fois, ou bien pas une seule fois. L’action de contrôle du Parlement ne doit pas avoir de limites fixées aussi arbitrairement, sauf à considérer que vous ne souhaitez pas vraiment revaloriser les pouvoirs du Parlement et, en particulier, ceux de l’opposition.

De même, qui d’autre que l’opposition a intérêt à contrôler l’action du Gouvernement ?

Nous souhaitons donc que les groupes parlementaires puissent, de droit, auditionner les ministres, les responsables administratifs ou les dirigeants d’entreprise publique, mais également saisir la Cour des comptes.

Malheureusement, ce projet de loi n’emprunte pas le chemin d’un tel renforcement des droits et pouvoirs de l’opposition.

Je l’ai déjà souligné mais je tiens à le redire, à notre sens, dans cette révision constitutionnelle, ce que d’aucuns appellent « renforcement des droits du Parlement » n’est en fait que le renforcement du fait majoritaire. Et ce n’est pas le timide article 24, qui n’offre en réalité aucune garantie à l’opposition, qui peut venir contredire mes propos !

Je ferai une dernière observation : lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy a affirmé vouloir accompagner son exercice du pouvoir de réels contre-pouvoirs. Aussi, mes chers collègues, par cet amendement, nous vous donnons l’occasion de faire en sorte que soit respecté l’un des engagements du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements, à l’exception de celui qu’elle a présenté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale reconnaît tout d’abord les droits de tous les groupes parlementaires, qui seront définis par le règlement de chaque assemblée. Il prévoit, ensuite, que le règlement reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition et minoritaires. Ce dispositif est donc de nature à garantir, dans le règlement, les droits des groupes.

Si, comme le prévoit l’amendement n° 485, la procédure d’adoption de ce règlement requérait la majorité des trois cinquièmes, cela signifierait qu’une minorité pourrait systématiquement en bloquer l’adoption. Un tel pouvoir serait excessif. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 228, largement satisfait par le dispositif prévu à l’article 24. Le fonctionnement de nos assemblées est d’ailleurs fondé sur le pluralisme, comme le prouve la composition du bureau, de la conférence des présidents, des bureaux des commissions.

S’agissant des droits spécifiques des groupes qui ne déclarent pas participer de la majorité de l’assemblée, notre proposition favorise non pas le bipartisme, madame Borvo Cohen-Seat, mais, bien au contraire, le pluralisme. Vous devriez donc approuver la nouvelle rédaction proposée par la commission.

En ce qui concerne la distinction fondée sur la participation ou non de chaque groupe de la majorité de l’assemblée, c’est le critère déterminant non pas des droits des groupes, mais de leurs droits spécifiques. Là aussi, il me semble que nous avons su faire évoluer notre position. Le règlement de chaque assemblée garantira les droits de tous les groupes. Il attribuera des droits spécifiques aux groupes d’opposition et minoritaires. Il nous appartiendra bien entendu de définir ces droits.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 230.

S’agissant de l’amendement n° 284, j’ai cru comprendre que M. Mercier l’avait retiré…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 284 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Par définition, monsieur le président, la commission est très favorable à l’amendement n° 392 rectifié bis de M. Baylet et de ses collègues, dans la mesure où nous avons cheminé ensemble sur ce sujet.

Sur l’amendement n° 229, je dirai que la définition des droits des groupes parlementaires relève du règlement des assemblées et non de la Constitution.

Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la possibilité pour les groupes d’opposition ou minoritaires d’avoir un « droit de tirage » en matière de commissions d’enquête. Nous n’avons pas encore trouvé la formule adéquate, mais nous y réfléchissons. Il serait souhaitable de trouver, avant la fin de la navette, des modalités permettant effectivement à l’opposition d’accéder plus facilement aux commissions d’enquête, et le Gouvernement a affirmé partager ce point de vue.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

La rédaction de l’article 24 issue des travaux de l’Assemblée nationale apparaissait comme assurant un bon équilibre, auquel, d’ailleurs, plusieurs groupes parlementaires avaient adhéré. Elle reconnaît des droits spécifiques aux groupes n’ayant pas déclaré participer de la majorité des assemblées, les groupes majoritaires bénéficiant, quant à eux, des droits légitimes qui s’attachent à leur prédominance numérique.

Les deux amendements identiques n° 519 et 392 rectifié bis, présentés respectivement par M. le rapporteur et par M. Fortassin, démontrent toutefois que cet équilibre pouvait encore être amélioré, et je constate que M. Mercier en est ravi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Dès que vous êtes à l’équilibre, monsieur le secrétaire d’État, je m’en réjouis !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est un tel bonheur de le faire devant vous, monsieur Mercier !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

M. Fortassin et M. le rapporteur proposent en effet d’ouvrir ces droits spécifiques aux groupes d’opposition dans les assemblées, ainsi qu’aux groupes minoritaires. Cette rédaction est plus directe que celle du projet initial et que celle qui a été adoptée à l’Assemblée nationale. Elle permet tout autant, selon le Gouvernement, de surmonter le verrou constitutionnel posé par la décision du Conseil constitutionnel de juin 2006.

L’idée est bien de permettre l’introduction, dans le règlement de chaque assemblée, de plusieurs dispositions, comme le droit de tirage des commissions d’enquête, une répartition plus équilibrée des temps de parole ou l’attribution de certains postes dans les commissions d’enquête ou les missions d’information à des représentants des groupes d’opposition ou des groupes minoritaires.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques, dont la formulation est, lui semble-t-il, en mesure de satisfaire l’ensemble des groupes parlementaires.

En revanche, le Gouvernement est défavorable à tous les autres amendements restant en discussion.

S’agissant de l’amendement n° 485, présenté par M. Frimat, le Gouvernement est hostile à ce que la réforme du règlement des assemblées nécessite une majorité des trois cinquièmes. C’est l’assurance de tous les blocages ! Jamais cela n’a existé dans l’histoire parlementaire. Je le rappelle tout de même, ici comme à l’Assemblée nationale, en général, la réforme du règlement fait l’objet d’un consensus, et point n’est besoin d’une majorité qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

À qui ferez-vous croire cela ! Et le quorum ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Madame Borvo Cohen-Seat, la rédaction de l’amendement n° 228 ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé, à savoir surmonter la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2006 pour ouvrir des droits aux groupes d’opposition ou minoritaires.

L’amendement n° 230 tend à supprimer toute mention de droits spécifiques pour les groupes minoritaires ou d’opposition.

Nous avons exprimé notre volonté de voir les groupes d’opposition ou minoritaires disposer de droits spécifiques, notamment pour les commissions d’enquête. Or l’adoption de l’amendement n° 229 introduirait dans la Constitution des dispositions trop précises, qui ne sont pas d’ordre constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, je demande le vote par priorité des amendements identiques n° 392 rectifié bis et 519, dont la rédaction nous semble la plus complète.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La priorité est de droit.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 392 rectifié bis et 519.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous le savons tous, une démocratie moderne, c’est une démocratie dans laquelle le Gouvernement est soutenu par une majorité et dans laquelle la minorité, l’opposition, dispose d’un certain nombre de droits.

À cet égard, les conclusions du comité Balladur sont fort intéressantes. Il a ainsi préconisé la rédaction d’une « charte des droits de l’opposition », qui recenserait « l’ensemble des droits de l’opposition et pourrait, si elle était signée par le Gouvernement, la majorité et les groupes qui ne s’en réclament pas, garantir les bonnes pratiques d’une démocratie parlementaire plus respectueuse des opinions et des personnes ».

Cela a été dit, personne ici ne réclame un statut de l’opposition. Même si nous n’avons pas vocation à être éternellement dans l’opposition, nous tenons à faire comprendre que conférer des droits à l’opposition ne saurait se réduire à aménager des faveurs qui lui seraient octroyées au gré des volontés de la majorité. Au moins le système proposé par le comité Balladur avait-il l’intérêt de garantir des droits à l’opposition.

Au cours de la discussion, nos collègues ont présenté des amendements distinguant les « groupes d’opposition » et les « groupes minoritaires ». Ce qui m’importe, c’est le fond : les groupes d’opposition vont-ils ou non disposer de droits à la hauteur des exigences d’une démocratie moderne ? Cette question prend tout son sens dans cette assemblée.

J’ai écrit au Gouvernement en décembre 2007 pour savoir quelles suites il entendait donner aux propositions du comité Balladur visant à établir une charte des droits de l’opposition. Sur cette idée, plus prometteuse que ce qui nous est proposé aujourd’hui, je n’ai même pas eu de réponse ! Vous comprendrez donc nos sentiments sur les propositions qui nous sont soumises : je le répète, elles ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux d’une démocratie moderne !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

On nous propose des droits spécifiques. Reste à savoir ce qu’ils seront réellement : s’ils sont purement décoratifs, leur intérêt sera tout relatif !

Tout le monde sait bien que le diable est dans les détails ! Au-delà de magnifiques déclarations, on peut avoir des mécanismes – la Constitution en regorge ! – qui permettent de brider complètement l’opposition.

Le fond de cette réforme, si réforme il y a, consisterait à définir, à une majorité « suffisante », des règles du jeu communes. Or, pour nous, les règlements des assemblées s’apparentent un peu à la Constitution. Dès lors, en quoi serait-il scandaleux de prévoir que ces règlements doivent être adoptés à la majorité qualifiée que nous proposons ? C’est là qu’apparaît toute l’ambiguïté de la démarche du Gouvernement : peu avare en grandes annonces, il recule aussitôt qu’il s’agit de passer à ce qui coûte. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La seule numérotation de l’amendement n° 519 est révélatrice du temps de réflexion qui a été nécessaire pour arriver à cette position commune.

La rédaction du texte donne à s’interroger sur la signification d’un groupe d’opposition qui ne serait pas minoritaire. Ne nous a-t-on pas expliqué qu’un certain nombre de nos collègues ne voulaient surtout pas choisir entre l’appartenance et la non-appartenance ? Néanmoins, on parle dans ce texte de « groupes d’opposition » ; je suppose qu’ils sont aussi minoritaires, car, s’ils étaient majoritaires, ils ne seraient sans doute pas « d’opposition » ! C’est dire qu’on fait dans le pléonasme avec une joie non dissimulée ! Monsieur le secrétaire d'État, un groupe d’opposition n’est-il pas, par définition, un groupe minoritaire ?

On comprend bien que votre intention est de faire plaisir, mais en recourant à un faux-semblant.

Nous avions souhaité que les droits de l’opposition soient gravés dans la Constitution. Or la version qui nous est proposée est une version amoindrie, réduite à des droits spécifiques qui seront reconnus par le règlement de l’assemblée concernée. Vous remettez ainsi les droits censément accordés aux groupes minoritaires et à l’opposition dans les mains du groupe majoritaire ! Vous comprendrez que, sans qu’il y ait défiance, nous n’y voyions pas une garantie !

Je me référerai simplement à l’article de notre règlement qui est relatif au quorum : dans notre assemblée, le caractère divinatoire de la vérification du quorum constitue une sorte d’étiage de la démocratie ! Il est vérifié au sein d’une pièce fermée, et ceux qui y sont réunis prennent leur décision sans qu’on sache très bien ni où ni comment ils puisent les renseignements leur permettant d’assurer que le quorum est atteint. Il semble bien que les investigations géographiques varient en fonction de ceux qui sont présents dans la pièce ! Cela ne nous semble pas démocratique.

Voilà pourquoi il nous est difficile d’être confiants dans les garanties qui peuvent être données par cette assemblée. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Force m’est de constater que nous vous avons donné, avec nos amendements sur cet article, comme avec ceux qui portaient sur la conférence des présidents, l’occasion de nous montrer que vous souhaitiez véritablement donner plus de pouvoirs au Parlement et, en son sein, reconnaître les droits de l’opposition dans sa pluralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or, ces amendements, vous ne les avez pas acceptés. Sans me livrer à un marchandage, je trouve que ce n’est vraiment pas une preuve de respect du pluralisme dans cette assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je trouve intéressant l’amendement que vient de présenter M. Fortassin.

Si j’en crois MM. Frimat et Bel, dès qu’on n’est pas majoritaire, on est minoritaire. C’est vrai, à une différence près, que M. Bel a fort bien soulignée en disant que les socialistes n’ont pas vocation à rester très longtemps minoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. C’est exactement la même chose, et je parle en connaissance de cause : s’agissant d’éternité, je pense que je suis plus spécialiste que vous !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

C’est vrai, il y a, dans ce pays, deux formations qui sont prédominantes. Je le regrette et je ferai tout ce que je peux pour combattre cette situation. Mais c’est la réalité politique de notre pays !

Or les deux amendements sur lesquels nous avons maintenant à nous prononcer représentent tout de même un premier pas pour donner clairement à l’opposition des droits spécifiques et un statut. Que ce ne soit pas suffisant, je veux bien l’admettre, mais vous ne pouvez nier que la porte est ouverte. Je tiens à le dire à nos collègues socialistes : vous ne sauriez ignorer qu’on aurait pu se contenter de mon amendement sur les droits des groupes minoritaires. Si je l’ai retiré au profit de celui qu’a déposé M. Baylet et qu’a défendu M. Fortassin, c’est que celui-ci fait clairement et nettement un sort particulier à l’opposition.

Ces amendements ouvrent pour la première fois la porte à un statut de l’opposition au sein d’une assemblée parlementaire. Ils tiennent compte aussi de groupes qui appartiennent à l’opposition ou à la majorité sans avoir envie de le dire, simplement pour rester libres ; c’est ce que Mme Borvo Cohen-Seat et moi-même pensons. Ils offrent, à mon sens, une solution équilibrée, ouvrant la perspective d’un véritable statut de l’opposition. Vous avez le droit de refuser le statut de l’opposition, mais vous ne pouvez pas tout à la fois le demander et refuser de nous aider à le construire avec vous quand, convenant qu’il est nécessaire à notre démocratie, on vous l’offre, en un geste très fort.

Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF ainsi que sur quelques travées de l ’ UMP.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

En conséquence, les amendements n° 485, 228, 230 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 229.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 24 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 333, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 53 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque l'engagement international est susceptible d'être accompagné de réserves ou de déclarations, celles-ci doivent être également autorisées par la loi. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement a pour objet de soumettre à la ratification non seulement les traités internationaux, mais également toutes les annexes et réserves qui y sont apportées. La représentation nationale doit en effet pouvoir discuter de positions qui sont parfois extrêmement politiques. Cela s’entend, par exemple, des questions qui touchent à la défense nationale ou au champ militaire, pour lesquelles le Parlement doit pouvoir donner son avis en ayant entre les mains tous les outils nécessaires.

Mon amendement tend donc à élargir le champ du contrôle parlementaire aux réserves et aux déclarations émises dans le cadre d’un processus de négociation pour les traités internationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Lorsque le Parlement est appelé à se prononcer sur l’autorisation de ratifier un accord, il a, en principe, connaissance des annexes ainsi que, le cas échéant, des déclarations interprétatives. Il vote donc en connaissance de cause. Ces documents pourraient d’ailleurs être mentionnés explicitement dans la loi organique, prévue par le projet de loi constitutionnelle, qui déterminera les conditions de la présentation des projets de loi.

L’amendement ne me paraît donc pas indispensable, et j’en demande le retrait.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est sensible, madame, à vos préoccupations. D’ailleurs, il s’efforce, dans toute la mesure possible, d’informer le Parlement des réserves et des déclarations prévues au moment où il dépose un projet de loi autorisant une ratification.

Toutefois, nous n’estimons pas souhaitable de modifier les textes actuels. En effet, le Parlement donne au Gouvernement l’autorisation de ratifier le traité, lui laissant la possibilité de le faire, en limitant éventuellement la portée de son engagement par des réserves, ou de ne pas le faire.

Le Gouvernement peut aussi, à partir des négociations qu’il mène avec d’autres États, ajuster les réserves et les déclarations de la France. D’ailleurs, cela donne une vraie souplesse dans la négociation diplomatique.

C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Ce que nous propose notre collègue par cet amendement, c’est une exception à la règle selon laquelle – et c’était déjà le cas sous la IVe République et, me semble-t-il, sous la IIIe – seuls le Président de la République et le Gouvernement – disons l’exécutif – sont compétents pour négocier, conclure et signer des traités et des accords. C’est la raison pour laquelle le Parlement ne donne que l’autorisation d’approuver ou de ratifier. Et le Gouvernement fait ce qu’il veut : il peut ne jamais ratifier ni approuver – c’est arrivé – bien que l’autorisation ait été donnée ; il peut approuver ou ratifier en totalité ; il peut approuver ou ratifier avec des réserves.

Dans cette maison, nous avons eu autrefois un débat qui a beaucoup passionné sur la Convention européenne des droits de l’homme. Lorsque le Gouvernement a été autorisé à ratifier ce texte, il a formulé un certain nombre de réserves, dont la plus connue concerne le recours individuel, sans informer préalablement les assemblées de son intention, ce qui n’était pas très correct.

Si Mme Boumediene-Thiery nous proposait de préciser que le Gouvernement doit informer le Parlement de son intention éventuelle de formuler des réserves ou des déclarations explicatives, cela m’irait très bien. Mais j’avoue que je suis tout de même un peu gêné d’entrer dans un domaine qui n’est pas le nôtre, et de cette manière-là, car il s'agit d’un changement complet d’attribution et de répartition des compétences entre l’exécutif et le Parlement.

J'ajoute qu’aujourd'hui on informe généralement le Parlement, et cela, je le rappelle, depuis qu’Alain Poher, alors Président de la République par intérim, a décidé de lever la réserve de la France sur le droit de recours individuel.

Les réserves envisagées sont connues depuis cette date. Je rappelle à nos amis socialistes qu’à l’époque notre ancien collègue André Chandernagor avait fait à l’Assemblée nationale des déclarations très complètes et convaincantes sur ce sujet parce qu’il trouvait, comme Mme Alima Boumediene-Thiery aujourd'hui, qu’il n’était pas correct de cacher les réserves envisagées.

Tel qu’il est rédigé, cet amendement n’est pas acceptable parce qu’il conduirait, de mon point de vue, à remettre en cause l’équilibre indispensable qui prévaut sur ce sujet entre l’exécutif et le législatif.

Je conclurai en soulignant que, si le Gouvernement informe aujourd'hui généralement le Parlement de ses intentions, la matière internationale est parfois mouvante : entre le moment où le Parlement a voté l’autorisation et celui où la loi est promulguée, il peut arriver que la situation ait évolué de telle manière que le Gouvernement soit conduit à énoncer des réserves qu’il n’avait pas prévues initialement.

Mes chers collègues, j’en prendrai un exemple simple : imaginez que nous signons un accord avec un pays comme la Turquie, dont la Constitution prévoit que, dans certaines circonstances, l’armée prend le pouvoir pour rétablir ou garantir la laïcité. Il pourrait se produire des circonstances telles que le Gouvernement dirait qu’il ne veut rien signer pour le moment avec un gouvernement turc qui est présidé par le général-chef d’état-major des armées turques. Mais ce n’est qu’un exemple qui, soit dit en passant, nous en promet de belles pour le jour où la Turquie entrera dans l’Europe – mais c’est une autre histoire !

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 351, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 53-2 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans le respect du premier alinéa de l'article 2, et sous les réserves d'interprétation résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 99-412 du 15 juin 1999, la République française peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Puisque nous débattons des traités internationaux, je vais revenir sur la question des langues régionales.

Exclamations sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je vois que vous commencez déjà à bouillir, mes chers collègues !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

En effet, cet amendement vise à autoriser la ratification de la Charte des langues régionales et minoritaires du Conseil de l’Europe.

Permettez-moi, tout d'abord, de trancher la question de l’impossibilité de ratifier cette Charte en raison de son incompatibilité avec la Constitution.

Je vous le rappelle, mes chers collègues, dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a seulement émis des réserves et pointé l’incompatibilité de la Constitution avec plusieurs articles, et non avec la totalité de la Charte. Ce n’est donc pas ce texte dans son ensemble qui est contraire à notre loi fondamentale, mais seulement certaines de ses dispositions. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs détaillé de manière claire et précise le champ de ces incompatibilités ; nous en avons déjà longuement discuté.

Dans cette décision, nulle révision de la Constitution n’est mentionnée. Je vous rappelle que modifier notre loi fondamentale pour la rendre compatible avec la Charte aurait pour effet de toucher aux principes d’unité et d’indivisibilité de la République, pour lesquels aucune révision n’est possible. Le piège était là : impossible de réviser la Constitution en vue de ratifier la Charte et, en vertu de la Constitution, impossible de ratifier la Charte !

Pourtant, les réserves émises par le Conseil constitutionnel évoquent de manière extrêmement précise les dispositions de la Charte qui sont contraires à la Constitution. Il suffit donc de prévoir que la France peut ratifier cette convention dans le respect de l’article 2 de la Constitution et des réserves émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin 1999. Ainsi, l’obstacle juridique, au moins, pourrait être levé, et la Charte ratifiée. En découlerait la reconnaissance encadrée des langues régionales et minoritaires – que vous avez précédemment rejetée, mes chers collègues –, dans le respect de la Constitution.

Il est vrai que je n’étais pas entièrement d'accord avec une référence aux langues régionales à l’article 1er de la Constitution, car il existe une primauté du français. Je comprends également qu’elle pouvait gêner à l’article 2, car celui-ci concerne la souveraineté. Mais l’insérer dans le chapitre de la Constitution relatif aux traités internationaux, pourquoi pas ?

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons déjà évoqué cette question au début de l’examen du présent projet de loi constitutionnelle. Les auteurs de cet amendement enfoncent le clou, si j’ose dire, s'agissant d’un sujet complexe.

Je le rappelle, dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a établi les principes qui rendent impossible une ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Les auteurs de cet amendement soutiennent que l’on peut ratifier la Charte sous réserve de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais ce n’est pas vrai, car il y a contradiction entre les deux, ce qui est tout de même problématique !

En outre, comme Michel Charasse l’a souligné voilà un instant, cette disposition reviendrait à adresser une injonction au Gouvernement. Or, en ce qui concerne l’article 53 de la Constitution, on n’a jamais vu de proposition de loi autorisant la ratification d’un traité ; il s'agit toujours là, en théorie, d’une initiative du Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant des langues régionales, le Gouvernement vous avait proposé de suivre l’Assemblée nationale, mais vous en avez décidé autrement. Ce débat a donc déjà eu lieu.

Comme nous ne sommes pas favorables à la ratification de la Charte sur les langues régionales, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Une fois n’est pas coutume, je m’exprimerai à titre personnel.

Le refus du Sénat de reconnaître les langues régionales à l’article 1er de la Constitution a été particulièrement mal vécu et mal compris par tous ceux qui sont attachés au patrimoine de nos territoires, à nos langues et cultures régionales.

Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je suis d'accord avec Mme la garde des sceaux en ce qui concerne la référence aux langues régionales à l’article 1er de la Constitution, mais je ne crois pas que ce qui menace le plus aujourd'hui la République soit ce petit coup de pouce qui aurait été donné à nos cultures et à nos langues …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

…, pour leur permettre d’être mieux reconnues et donc de mieux s’épanouir dans cette République dont la langue est le français.

Mes chers collègues, de temps en temps, on a bien le droit de pousser un « coup de gueule » – passez-moi l’expression –, et le mien portera sur les dispositions qui devraient figurer à l’article 1er de la Constitution.

Malgré l’intervention de M. le rapporteur et les contradictions qui existent effectivement entre cette proposition et la Constitution, ne serait-ce que pour faire part de mon état d’esprit, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je voudrais dire amicalement à Mme Alima Boumediene-Thiery que son amendement est inutile, et je vais expliquer pourquoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Pas du tout, monsieur Bodin !

Mme Alima Boumediene-Thiery précise, fort honnêtement d'ailleurs, que la disposition qu’elle propose s’appliquera sous les réserves émises le 15 juin 1999 par le Conseil constitutionnel. Cela signifie que nous pourrions, à la limite, en vertu de cette décision, ratifier toute la Charte, sauf les dispositions déclarées non-conformes par le Conseil constitutionnel.

Or, mes chers collègues, nous pouvons déjà le faire ! Simplement, comme la Charte est un bloc – tout le monde ici connaît le droit applicable en matière de traités internationaux –, nous ne pouvons la ratifier par petits morceaux : c’est tout ou rien.

En revanche, nous pouvons transposer par la loi dans le droit français toutes les dispositions de la Charte qui ne tombent pas sous le coup de la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999, ce qui a d'ailleurs déjà été fait dans un grand nombre de domaines, notamment l’enseignement.

C'est pourquoi l’amendement n° 351, dont je reconnais qu’il est plus satisfaisant que la disposition qui nous venait de l’Assemblée nationale puisqu’il prévoit d’inscrire les réserves du Conseil constitutionnel dans la Constitution, est en fait inutile : nous nous trouvons déjà dans cette situation, sans avoir eu à surcharger le texte constitutionnel.

Bravo ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Nous nous sommes tous déjà longuement exprimés sur ce sujet, sur lequel je me prononcerai, moi aussi, à titre personnel.

Je comprends fort bien les sentiments de notre collègue Jean-Pierre Bel. Toutefois, il faut prendre la mesure de la situation : comme l’a souligné justement Michel Charasse tout à l'heure, la décision rendue par le Conseil constitutionnel ouvre des possibilités très importantes et qui ne sont pas utilisées.

Quant à constitutionnaliser une décision du Conseil constitutionnel, j’y serai toujours hostile. Cette instance ne doit pas disposer du pouvoir constituant qui, je le répète, ne relève que du peuple et de ses représentants.

Aussi, la situation est simple : nous sommes tous partisans de l’épanouissement des langues régionales. Pour autant, les inscrire dans la Constitution serait inutile, car la loi permet déjà d’atteindre cet objectif. Et encore faudrait-il savoir où, dans la Constitution, insérer ces dispositions ! Vous le savez, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour trouver un article susceptible de les accueillir, et nous n’y sommes pas parvenus.

Saluons la richesse des langues régionales, veillons à leur conservation, mais ne changeons pas l’ordre constitutionnel d’une République qui, je ne cesserai jamais de le rappeler, est une et indivisible.

À l’époque où je le présidais, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’examiner une disposition législative qui comportait l’expression « peuple corse, composante du peuple français », et il a pris une position très claire – j’y ai veillé –, dont il n'y a pas lieu de se départir : le peuple français est composé des citoyens français, sans aucune distinction. Telle est la conception républicaine que nous devons maintenir. Il est inutile d’aller plus loin : saluons l’éclat des langues régionales, veillons à leur conservation et à leur enseignement, mais laissons la Constitution en l’état.

Comme cela a été souligné avec raison, la décision du Conseil constitutionnel rend possible le recours à la loi. Explorons ce domaine, mais n’allons certainement pas au-delà.

Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Je ferai quelques remarques à propos de cet amendement émanant de nos collègues de sensibilité écologiste, qui tend à inviter la République française à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe.

Notre groupe a souvent exprimé, ici et ailleurs, ses doutes et ses désaccords vis-à-vis de l’application possible de ce texte dans nos régions, notamment au sein de nos administrations, au regard de l’emploi public et des relations des citoyens avec les collectivités. S'agissant de l’usage des langues régionales, le risque est grand de voir ce qui est possible et souhaitable devenir obligatoire et contraignant.

Je rappellerai quelques éléments constitutifs de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Le troisième considérant du préambule de cette convention stipule que « le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible ».

L’article 7, qui porte sur les « objectifs et principes » de ce texte, énonce un certain nombre de souhaits que nous partageons pour l’essentiel ; ainsi, son d. évoque « la facilitation et/ou l’encouragement de l’usage oral et écrit des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée ».

En revanche, à l’article 10, qui concerne les autorités administratives et les services publics, il est prévu :

« Dans les circonscriptions des autorités administratives de l’État dans lesquelles réside un nombre de locuteurs de langues régionales ou minoritaires qui justifie les mesures ci-après et selon la situation de chaque langue, les Parties s’engagent, dans la mesure où cela est raisonnablement possible :

« - à veiller à ce que ces autorités administratives utilisent les langues régionales ou minoritaires ; ou

« - à veiller à ce que ceux de leurs agents qui sont en contact avec le public emploient les langues régionales ou minoritaires dans leurs relations avec les personnes qui s’adressent à eux dans ces langues ; ou

« - à veiller à ce que les locuteurs de langues régionales ou minoritaires puissent présenter des demandes orales ou écrites et recevoir une réponse dans ces langues ; ou

« - à veiller à ce que les locuteurs de langues régionales ou minoritaires puissent présenter des demandes orales ou écrites dans ces langues ; ou

« - à veiller à ce que les locuteurs des langues régionales ou minoritaires puissent soumettre valablement un document rédigé dans ces langues ; »

Mes chers collègues, ces dispositions ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes !

Je reviens sur la formule : « dans la mesure où cela est raisonnablement possible ». Que signifie-t-elle au juste ? Allons-nous demain, à la poste, dans nos mairies, dans nos juridictions, être systématiquement appelés à utiliser des formulaires bilingues, à faire appel à un traducteur, à recruter en fonction du bilinguisme régional, ce qui serait une forme d’exclusion pour d’autres ? Personnellement, nous ne le souhaitons pas.

S’il y a de nombreuses personnes à pouvoir assumer ces fonctions bilingues, tant mieux ! S’il n’y en a pas assez, la loi que nous appelons de nos vœux devrait y remédier.

Il est certainement préférable, et de loin, d’agir concrètement en faisant adopter une loi relative aux langues régionales ou minoritaires, ainsi qu’aux langues importées au fil des mouvements migratoires de notre histoire, et surtout de militer en faveur de moyens suffisants pour répondre aux attentes justifiées de celles et ceux qui souhaitent s’exprimer, écrire…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Je n’ai pas utilisé les cinq minutes auxquelles j’ai droit, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

... dans la langue de leur choix, à côté de la langue française qui, elle aussi, je le rappelle, mérite toutes les attentions dans le contexte international des affaires, des échanges, des brevets, des textes officiels.

Le groupe communiste républicain et citoyen déposera donc prochainement une proposition de loi allant dans ce sens.

Enfin, nous pensons qu’il est possible d’introduire dans notre Constitution, à l’article 34, une mention relative à la conservation et au développement des langues régionales ou minoritaires. Nous avons l’intention d’y travailler dans le cadre de la navette parlementaire, afin d’aboutir à une solution qui pourrait être acceptable pour tous.

Tel est le sens de notre intervention en faveur des langues régionales ou minoritaires. Il faut trouver une issue. Nous y sommes disposés et nous souhaitons en être des acteurs volontaristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Ce débat a déjà eu lieu trois fois ! Par conséquent, je supplie chacun de faire un effort de concision !

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Au fond, de quoi parle-t-on ? Nous sommes pratiquement tous ici attachés aux langues régionales. Or on observe aujourd'hui qu’elles sont de moins en moins parlées. Dès lors, croyez-vous que le fait de les inscrire dans la Constitution soit de nature à en améliorer la pratique ? Certainement pas !

En revanche, cher collègue Le Cam, je suis, à titre personnel, prêt à soutenir une proposition de loi destinée à donner de la vigueur à ces langues régionales.

Mais, de grâce, n’affaiblissons pas la République dans quelque domaine que ce soit, car, ne vous y trompez pas, si cet amendement était adopté, il nous faudrait demain faire face à des demandes, sans doute très minoritaires, de personnes estimant que la Constitution doit aussi être écrite en gascon, en breton, etc. ! Ainsi, un petit nombre d’individus pourraient en définitive créer une forme de désordre dont notre République n’a nul besoin ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Monsieur le président, je voudrais simplement témoigner du fait qu’en Périgord, là où j’habite, on parle l’occitan, et je vous garantis que tout se passe à merveille sans qu’il soit besoin de légiférer ! Et je vous invite tous à venir le constater lors d’une belle fête annuelle qui s’appelle la Félibrée.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 231, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 52 de la Constitution, les mots :

« Le Président de la République »

sont remplacés par les mots :

« Le Premier ministre ».

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Nous souhaitons profiter de la présente réforme de notre Constitution pour en modifier l’article 52, qui confie au Président de la République la négociation et la ratification des traités. Nous estimons en effet nécessaire de confier cette compétence au Premier ministre, ce qui est plus conforme à l’esprit parlementaire que le régime présidentiel tel qu’il ressort de la pratique de nos institutions.

La présentation de cet amendement nous fournit également l’occasion de demander au Gouvernement quelle place sa réforme est censée réserver au Premier ministre. Cette question est bien sûr également au cœur de l’article 7 de la présente réforme, mais je tenais à y revenir à ce stade du débat.

Comment pourrait-on accepter que le Président de la République puisse devenir un « super-Premier ministre » qui serait irresponsable et qui reléguerait le Premier ministre, lui responsable devant le Parlement, au rang de simple exécutant ?

Si certains parmi vous veulent supprimer la fonction de Premier ministre, nous pensons, quant à nous, que ce serait une grave erreur. Mais, après tout, l’effacement du Premier ministre au profit d’un super-Président de la République doté des pouvoirs du Premier ministre n’a-t-il pas déjà commencé avec la présente réforme constitutionnelle ?

C’est donc pour redonner un sens « primoministériel » à notre régime, plus proche de l’esprit parlementaire que nous revendiquons, que nous avons déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement s’inscrit dans la lignée de toute une série d’autres propositions.

C’est ainsi qu’après avoir proposé de supprimer les pouvoirs du Gouvernement en matière de détermination de la politique de la nation, on veut maintenant bouleverser les rôles respectifs du Premier ministre et du Président de la République.

La commission est bien entendu défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il nous est ici proposé de retirer au Président de la République l’une des prérogatives de sa fonction, à savoir la négociation et la ratification des traités, pour confier celles-ci au Premier ministre. Cela reviendrait à remettre en cause le rôle du chef de l’État dans les relations internationales, qui est quand même son domaine réservé.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Peut-être, mais il s’agit tout de même du champ de compétences réservé au Président de la République.

Nous ne souhaitons pas une telle modification de la Constitution. L’ensemble du projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis préserve les équilibres fondamentaux de la Ve République. Il ne saurait modifier la répartition des compétences entre le chef de l’État et le Premier ministre.

L'amendement n'est pas adopté.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 232, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 53 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement dispose du droit d'amendement en la matière. »

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Comme chacun le sait, la Constitution rend obligatoire une intervention législative pour certains engagements internationaux. Selon le premier alinéa de l’article 53 de la Constitution, le Gouvernement doit soumettre au Parlement « les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire ».

II s’agit là d’une compétence d’attribution. L’association du Parlement à la conclusion des traités internationaux n’est donc obligatoire que pour la ratification de la catégorie de traités visée à l’article 53, laquelle fait l’objet d’une interprétation stricte de la part de l’exécutif.

En outre, nous regrettons que l’intervention du Parlement demeure purement formelle et strictement encadrée. En effet, l’article 53 de la Constitution ne détaille pas les modalités de l’intervention parlementaire en matière d’autorisation des traités internationaux. En réalité, la faible marge de manœuvre du Parlement tient à l’initiative gouvernementale, dont ces lois résultent, ainsi qu’aux limitations spécifiques du droit d’amendement parlementaire dont elles font l’objet.

L’intervention du Parlement, dans le cadre de l’article 53, consiste formellement en une simple autorisation. La loi se borne à autoriser le Président de la République à ratifier l’engagement en cause.

Le projet de loi d’autorisation ne saurait être confondu avec l’engagement lui-même. Quant à l’autorisation parlementaire de ratification ou d’approbation, elle ne concerne que l’engagement international proprement dit, et non pas les textes susceptibles de l’accompagner lors de l’approbation ou de la ratification, notamment les déclarations interprétatives.

Le Parlement, mes chers collègues, n’a donc pas le droit de se prononcer sur les termes de l’engagement. Le Parlement vote une loi d’autorisation qui n’édicte pas de norme. Sa nature est simplement « permissive ».

Nous considérons que le rôle limité du Parlement lors de la conclusion d’un traité ou accord international, symbolisée par l’exclusion de son droit d’amendement est tout simplement inacceptable. En effet, le droit d’amendement étant, sous la Ve République, l’une des prérogatives parlementaires les plus précieuses, nous souhaitons qu’il s’applique aussi dans le cadre de l’article 53 de la Constitution.

À l’heure actuelle, non seulement le droit d’initiative parlementaire n’existe pas, mais le Parlement ne dispose pas du droit d’amendement, tant en ce qui concerne des dispositions du traité soumis à autorisation de ratification qu’à l’égard des dispositions du projet de loi d’autorisation.

L’interdiction du droit d’amendement en la matière s’expliquerait par le souci de préserver les compétences de l’exécutif et d’éviter une modification unilatérale de l’engagement international, qui conduirait à devoir rouvrir la négociation. Autrement dit, mes chers collègues, le Parlement se trouve dans l’incapacité de modifier et d’améliorer tout texte signé par le Président de la République.

La justification contestable de l’irrecevabilité de principe des amendements parlementaires repose également sur la nature de la compétence : une compétence d’attribution, reconnue au Parlement par le premier alinéa de l’article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Pour notre part, nous considérons que ces arguments traditionnellement opposés au droit d’amendement du Parlement en la matière ne sont pas convaincants.

Aussi, pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement afin de renforcer les compétences de notre Parlement en matière d’autorisation de ratification d’un traité international, en supprimant les limitations spécifiques du droit d’amendement parlementaire à la catégorie de traités visée à l’article 53 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il n’est pas concevable que le Parlement puisse modifier par voie d’amendement les clauses d’un accord international signé par la France.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cet amendement vise à permettre l’exercice du droit d’amendement lors de la discussion d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité.

Je rappellerai qu’en la matière la loi a un seul objet : donner une autorisation à l’exécutif à un moment où le traité a déjà été négocié et signé. Par conséquent, le Parlement ne peut répondre que par oui ou par non.

Cet amendement tend à amender le traité, ce qui revient en fait à rouvrir la négociation d’un traité déjà signé ; or cela n’est pas possible.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Madame le garde des sceaux, les prérogatives gouvernementales ne sauraient empêcher l’exercice par le Parlement des compétences qui lui sont attribuées par la Constitution dans le domaine législatif.

Or une loi d’autorisation faisant partie du domaine législatif, son amendement ne peut subir d’autres restrictions que celles qui résultent de la délimitation du domaine législatif ou de dispositions restreignant expressément le droit d’amendement au sein même du domaine législatif.

Aussi, madame le garde des sceaux, comme toute loi ordinaire et conformément au principe posé par le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, la loi relative à la ratification des traités doit-elle, au départ, être constitutionnellement considérée comme susceptible, en principe, d’être amendée par les parlementaires dès lors que les deux conditions habituelles sont réunies.

Il s’agit là d’une question de fond et pas seulement d’une interprétation. D’ailleurs, de nombreux constitutionnalistes ont admis ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Je pense au professeur de droit international Luc Saïdj, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Vraiment, c’est incroyable ! Le Parlement ne participe pas à la négociation et le traité qui lui arrive est un traité signé, ayant obtenu l’accord de toutes les parties !

Si le Parlement décide de modifier le traité par voie d’amendement, automatiquement, nos partenaires risquent de se rebiffer ! Par conséquent, il n’y a plus de traité ; la négociation est relancée, et peut-être faudra-t-il envoyer le corps expéditionnaire pour les obliger à plier !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. Ma question s’adressait à Mme le garde des sceaux, pas à vous, monsieur Charasse. Vous pouvez, si vous le désirez, aller vous asseoir au banc du Gouvernement pour me répondre !

Sourires sur les travées du groupe CRC.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 233, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article 54 de la Constitution, après les mots : « soixante sénateurs », sont insérés les mots : « ou par un groupe parlementaire ».

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Le contrôle de constitutionnalité des engagements internationaux prévu à l’article 54 de la Constitution de 1958 est de nature facultative. Il ne constitue pas une obligation juridique préalable à toute ratification d’engagement international par le Président de la République. L’intervention du Conseil constitutionnel dépend d’une initiative discrétionnaire des autorités de saisine, donc, en pratique de leur volonté politique.

Si la reconnaissance aux parlementaires du droit de saisine du Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 54 de la Constitution était censée garantir l’intervention de cette instance dans la phase préalable à la ratification des engagements communautaires, force est de le constater que, en pratique, cette saisine relève pour l’essentiel de la volonté politique de l’exécutif.

Rappelons-nous : le droit de saisine directe du Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 54 par soixante députés ou soixante sénateurs a été institué à l’occasion de la révision constitutionnelle de 1992, rendue nécessaire par la déclaration d’inconstitutionnalité du traité de Maastricht. Il s’agissait d’une excellente réforme, car elle a permis à l’opposition de contester devant le Conseil constitutionnel la validité des conventions internationales au regard du droit constitutionnel interne.

Cependant, en pratique, l’extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires n’a pas remis en cause le primat de la volonté politique des autorités de l’exécutif. Celle-ci reste la donnée essentielle de la saisine de la haute juridiction.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons aujourd’hui à élargir à un groupe parlementaire la faculté de saisir le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 54, afin de permettre à l’opposition de réellement contester devant le Conseil constitutionnel la validité des conventions internationales.

À nos yeux, élever chaque groupe parlementaire au rang d’autorité de saisine du Conseil constitutionnel, dans le cadre de l’article 54 de la Constitution, contribuerait au renforcement effectif des prérogatives du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dans quelques instants, nous allons, je le pense, instituer l’exception d’inconstitutionnalité, qui permettra à un particulier d’invoquer l’inconstitutionnalité de la loi devant le juge.

Dès lors, puisqu’on évoque les droits spécifiques des groupes d’opposition ou minoritaires, la commission a estimé souhaitable d’ouvrir le droit de saisine, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori, non seulement à soixante députés ou soixante sénateurs, mais également à un groupe parlementaire.

C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Une telle proposition n’est pas dénuée d’intérêt. Nous en avons d’ailleurs déjà discuté. Ce dispositif s’inscrirait effectivement dans la perspective de la reconnaissance de nouveaux droits aux groupes parlementaires minoritaires.

Toutefois, cette idée peut difficilement être retenue dans la mesure où la notion de « groupe parlementaire » – je pense notamment au nombre minimal de membres requis – est définie par le règlement intérieur de chaque assemblée : elle n’est donc pas nécessairement identique dans les deux assemblées et peut, au demeurant, évoluer au fil du temps ; nous le voyons bien au Sénat.

Il n’est pas souhaitable qu’une prérogative aussi importante pour une relation avec les États tiers puisse ainsi fluctuer au gré de considérations totalement étrangères à son exercice.

En outre, le droit de saisir le Conseil constitutionnel est un droit personnel, exercé par chaque parlementaire, et non un droit collectif. Puisque ce droit est reconnu par la Constitution, il revient à celle-ci de fixer le nombre de parlementaires qui doivent se mettre d'accord pour l’exercer.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Pour ma part, je partage l’avis de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Effectivement, monsieur le rapporteur. Il s’agit bien de l’avis de l’ensemble de la commission des lois.

Madame le garde des sceaux, à mon sens, en matière de contrôle de constitutionnalité, la voie de l’action est toujours préférable à la voie de l’exception.

Dès lors que l’on va généraliser, et j’y suis favorable, l’exception d’inconstitutionnalité, ce qui risque de susciter une série de contentieux très longs, je ne comprendrais pas qu’on refuse à un groupe parlementaire le droit de saisir le Conseil constitutionnel. En effet, cette dernière procédure est plus courte, moins susceptible d’encombrer les tribunaux et elle permet d’obtenir un résultat plus rapidement.

La primauté des traités sur les lois internes étant déjà affirmée dans la Constitution, si l’on ajoute aujourd'hui la reconnaissance de l’exception d’inconstitutionnalité, plus rien ne justifie désormais de refuser la voie de l’action à un groupe parlementaire.

C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, même si je suis navré de ne pas suivre la commission, je voterai contre cet amendement.

Jadis, le gouvernement auquel je participais a fait adopter la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 portant révision de l’article 61 de la Constitution, qui a ouvert la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou à soixante sénateurs. Cela a été une très grande réforme et elle a été largement appliquée puisque la constitutionnalité d’un certain nombre de textes a ainsi pu, dans des circonstances variées, être vérifiée.

Le progrès qui est aujourd'hui envisagé consiste à admettre l’exception d’inconstitutionnalité pour les lois qui n’auraient pas fait l’objet de vérifications par le Conseil constitutionnel.

La notion de « groupe parlementaire » est, me semble-t-il, actuellement trop imprécise. Comme nous l’avons souligné tout à l’heure, il y a les groupes qui déclarent appartenir à la majorité, ceux qui déclarent appartenir à l’opposition et les autres, qui n’appartiennent ni à la majorité ni à l’opposition et qui se définissent comme minoritaires.

Je préfère m’en tenir au texte constitutionnel actuel, à savoir la saisine par soixante sénateurs ou par soixante députés. Saisir le Conseil constitutionnel est une démarche sérieuse, qui nécessite d’avoir de vrais motifs, de vrais griefs. Je ne pense pas qu’il faille ouvrir cette possibilité à l’ensemble des groupes politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Pour notre part, nous voterons cet amendement.

À nos yeux, il y a effectivement une incohérence. Alors que l’on évoque le pluralisme et la reconnaissance de droits spécifiques pour les groupes appartenant à l’opposition ou pour les groupes minoritaires, nous risquons de nous retrouver dans une situation curieuse si l’exception d’inconstitutionnalité est adoptée. En effet, dans cette hypothèse, certains parlementaires ne pourront pas saisir le Conseil constitutionnel par voie d’action en tant que membres d’un groupe d’une assemblée, mais ils pourront le saisir par voie d’exception en tant que citoyens, à condition que leur requête passe par un filtre, la Cour de cassation ou le Conseil d'État.

À partir du moment où l’on ouvre l’exception d’inconstitutionnalité, ce que nous souhaitons, il me semble normal que la totalité des groupes parlementaires puissent bénéficier du droit de saisine.

Qu’il faille des motifs sérieux pour saisir le Conseil constitutionnel, j’en suis convaincu. Mais je n’imagine pas que le seul fait d’avoir moins de soixante membres empêche des groupes parlementaires de motiver de manière rigoureuse leurs requêtes auprès des sages. Ceux qui pensent le contraire devraient aller au bout du raisonnement : un groupe parlementaire de moins de soixante membres ne devrait pas non plus intervenir en séance, car l’argumentation de ses membres n’a pas la moindre valeur…

En réalité, puisque nous voulons reconnaître des droits aux groupes minoritaires, nous avons là l’occasion de faire des travaux pratiques, non pas dans les règlements des assemblées, mais dans la Constitution.

Par conséquent, je suis très favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaite simplement apporter un élément d’information.

Je le rappelle, la révision constitutionnelle qui a introduit la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs pour vérifier la conformité des traités à la loi fondamentale a été adoptée en 1992, à l’occasion de la ratification du traité de Maastricht. D’ailleurs, c’est le Sénat qui avait imposé cette condition.

Cela étant, je trouve l’amendement de nos collègues excellent, et je le voterai.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je crois qu’il y a un argument, parmi tous ceux qui ont été développés, qui mérite la plus grande attention.

Le très gros avantage de cet amendement, que je voterai, et je remercie M. Bret et ses amis d’avoir émis cette suggestion, c’est non seulement de permettre à tous les groupes de saisir le Conseil constitutionnel, mais aussi d’avoir une réponse à une question posée, vraisemblablement soulevée au moment des débats de ratification ou d’autorisation, dans le mois qui suit, plutôt que d’attendre des années que toutes les juridictions de France et de Navarre se soient bien chamaillées dans tous les sens pour finalement aller, au titre de l’exception d’inconstitutionnalité, devant le Conseil constitutionnel. Donc, c’est un avantage formidable !

Quant à dire qu’un « petit groupe », parce qu’il a moins de soixante membres, n’est pas capable de faire un recours comme un groupe de soixante… Je ne veux pas solliciter Robert Badinter, parce que c’est un homme discret et délicat, contrairement à moi

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

, mais on lit souvent beaucoup de recours qui ne sont pas d’une qualité telle que nous puissions affirmer ici qu’il faut être au moins soixante pour ne pas écrire n’importe quoi !

Rires

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article 24.

Les sénateurs du groupe socialiste applaudissent ceux du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Béteille et de Richemont, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 55 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux engagements internationaux que la France a souscrits, la juridiction doit surseoir à statuer et soumettre au Conseil d'État ou à la Cour de cassation l'examen du moyen soulevé si celui-ci n'apparaît pas manifestement infondé.

« Si la conformité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France donne lieu à une divergence d'interprétation entre le Conseil d'État et la Cour de cassation, les parties au litige peuvent saisir le Conseil constitutionnel.

« Si le Conseil constitutionnel décide que la disposition législative est contraire aux engagements internationaux de la France, celle-ci est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.

« Une loi organique détermine les conditions et réserves d'application du présent article. »

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Au moment où le constituant se penche sur la modernisation du contrôle de constitutionnalité, en envisageant d’introduire le contrôle a priori sous la forme de l’exception d’inconstitutionnalité, soulevée à l’occasion d’un litige par l’une des parties au procès, une autre question apparaît, celle du contrôle de « conventionnalité », c'est-à-dire de la conformité de la loi française aux engagements internationaux souscrits par la France.

La supériorité des traités sur les lois enjoint à toutes les juridictions d’écarter une disposition législative contraire à un traité ou au droit dérivé de celui-ci, conformément à la jurisprudence issue de la décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse.

Depuis plus de trente ans, les juridictions françaises ont l’habitude d’écarter, à l’occasion de tout type de litige, l’application d’une loi qu’elles considèrent comme contraire à un traité ou à son droit dérivé.

En fait, le problème est réglé pour le droit de l’Union européenne puisque tout le contentieux est unifié sous l’autorité de la Cour de justice des Communautés européennes.

En revanche, le problème demeure pour le droit international, comme par exemple les conventions de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, ou pour le droit du Conseil de l’Europe – je pense notamment à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales –, avec un système diffus, qui manque de régulation, les juridictions suprêmes étant éventuellement saisies pour avis par le juge de base.

Du fait de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, le problème est aujourd'hui plus compliqué et risque de l’être davantage si la révision constitutionnelle introduit l’exception d’inconstitutionnalité.

Sous couvert du contrôle du respect de l’application de l’article 88-1 de la Constitution, c'est-à-dire de la transposition d’une directive communautaire, le Conseil constitutionnel opère une fusion du contrôle de conventionnalité, puisqu’il vérifie si la loi de transposition est conforme à la directive, et du contrôle de constitutionnalité, puisqu’il vérifie si la directive respecte le bloc de constitutionnalité de la République française.

Cette jurisprudence récente – elle date de 2006 –, rejointe l’an dernier par le Conseil d'État, ajoute à la confusion. N’importe quelle juridiction peut aujourd'hui exercer un contrôle de conventionnalité d’une loi ou d’un règlement, mettant le droit français dans une situation de précarité permanente.

Dans le système actuel, le contrôle de constitutionnalité n’est que la roue de secours du contrôle de conventionnalité et n’intervient qu’à la marge. Si l’exception d’inconstitutionnalité est introduite demain, elle restera marginale, car, dans un procès réel, les parties qui soulèveront concomitamment l’exception d’inconventionnalité et l’exception d’inconstitutionnalité préféreront jouer la première, qui est plus facile d’usage et de résultat. Mais qu’en sera-t-il si, un jour, une loi est écartée pour inconventionnalité, alors qu’elle est déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ? Quelle sera, alors, l’autorité des décisions de ce dernier ?

L’amendement qui vous est proposé répond à plusieurs objectifs.

Premièrement, il vise à instituer un mode de régulation globale du contrôle de conventionnalité, laissant le juge saisi trancher lorsque la question posée est sans ambiguïté, mais lui enjoignant de renvoyer à la juridiction suprême de son ordre, Cour de cassation ou Conseil d'État, lorsqu’un sérieux problème d’interprétation se pose.

Deuxièmement, il permet d’assurer une coordination entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité, en confiant au Conseil constitutionnel le soin de trancher en dernier ressort d’éventuels conflits de jurisprudence, tout en laissant le Conseil d'État et la Cour de cassation réguler la jurisprudence dans leur ordre de juridiction respectif.

Troisièmement, il renforce la sécurité juridique en imposant la même sanction dans les deux cas – l’abrogation de la loi –, en fondant constitutionnellement les deux procédures sur une base égalitaire – les articles 55 et 88-1 de la Constitution – et en tentant d’introduire un peu de cohérence dans la hiérarchie des normes juridiques.

Mes chers collègues, certains d’entre vous jugent cette introduction prématurée. Je crains malheureusement qu’en cas de report à des jours meilleurs, elle n’advienne trop tard. Les juridictions auront pris définitivement l’habitude, tout comme les justiciables, d’utiliser d’abord la procédure de l’exception d’inconventionnalité.

Dès lors, même si elle est introduite, l’exception d’inconstitutionnalité deviendra marginale, sauf à ce que le Conseil constitutionnel, pour survivre, la fusionne avec l’exception d’inconventionnalité, ce qu’il a déjà commencé à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le professeur Portelli nous conduit vers des sommets !

Sourires

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement vise à réserver le contrôle de conventionnalité aux juridictions suprêmes et, en cas de divergence d’interprétation entre elles, au Conseil constitutionnel.

Selon la commission des lois, ces dispositions appellent certaines réserves.

D’abord, le contrôle de conventionnalité s’est progressivement acclimaté en France et semble fonctionner correctement, le Conseil d’État et la Cour de cassation assurant, chacun de son côté, l’homogénéité des jurisprudences des juridictions du premier degré. La disposition n’ouvrirait pas de droit nouveau au justiciable et risquerait au contraire de ralentir le traitement du dossier.

Ensuite, et c’est sans doute le défaut majeur de l’amendement, il n’est pas précisé comment s’articulerait le rôle du Conseil constitutionnel avec les juridictions supranationales – Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice des Communautés européennes – qui peuvent, dans certains cas, être saisies directement par le justiciable ou par les juridictions. Comme le relevait d’ailleurs le rapport du comité présidé par Édouard Balladur, si le Conseil constitutionnel ne s’opposait pas à l’application d’une loi qu’il jugerait compatible avec un engagement international mais que cette interprétation devait être démentie par une juridiction internationale, les juges français se trouveraient dans une situation délicate dès lors qu’ils sont tenus par l’article 62 de la Constitution de se conformer à la chose jugée par le Conseil constitutionnel. Inversement, si le Conseil constitutionnel estimait cette loi incompatible avec un engagement international, le Gouvernement et le Parlement n’auraient aucun moyen de surmonter les effets de cette abrogation, à moins de réviser ou de dénoncer leur engagement international, ce qui paraît hautement improbable.

Notre commission juge plus prudent, en l’état, d’en rester aux termes du projet de loi constitutionnelle, quitte à faire ensuite évoluer le système à la lumière de l’expérience de la mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception.

La préoccupation de la commission concerne l’articulation de ce droit avec les recours directs, notamment devant la Cour européenne des droits l’homme. Imaginez que le Conseil constitutionnel décide que la disposition est conforme à la Convention européenne des droits de l’homme ; il serait toujours possible, une fois que toutes les voies de recours sont épuisées, de saisir directement la Cour européenne et, si celle-ci ne partageait pas l’opinion du Conseil constitutionnel, nous nous trouverions devant une impossibilité.

C’est pourquoi je recommande la plus extrême prudence dans ce domaine. Je reconnais que la question a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années. Le Conseil d’État et la Cour de cassation, qui étaient quelque peu réticents, l’ont maintenant parfaitement admis. De nombreux arrêts ont été étudiés…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Bref, la commission n’a pas souhaité donner un avis favorable et a demandé le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur Portelli, vous voulez en fait obliger les juges du fond à renvoyer à la Cour de cassation ou au Conseil d’État toute question de compatibilité entre une loi et un traité qui ne serait pas manifestement infondée.

Une telle disposition paraît difficilement praticable au niveau des juridictions, dans la mesure où il est très fréquent, en particulier en première instance, qu’une partie invoque la contrariété entre une loi et un traité. La possibilité pour un juge d’examiner la compatibilité d’une loi avec un traité international existe depuis trente-trois ans dans l’ordre judiciaire et depuis dix-neuf ans dans l’ordre administratif.

À tout moment, lorsque se présente une question sensible, le juge du fond peut demander un avis à la Cour de cassation ou au Conseil d’État, et les voies de recours peuvent être exercées.

La saisine quasi automatique du Conseil d’État ou de la Cour de cassation constituerait une lourdeur de procédure supplémentaire pour les avocats et les justiciables ; elle provoquerait par ailleurs l’engorgement de ces juridictions, compte tenu du nombre très important d’affaires. Ainsi, en particulier, dans le contentieux des reconduites à la frontière, la compatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est systématiquement invoquée.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Quant à l’abrogation d’une disposition législative qui serait contraire à un engagement international, elle ne s’impose pas toujours puisque l’engagement en cause peut être un traité bilatéral, par exemple en matière d’extradition. Dans un tel cas, la loi peut tout à fait continuer à s’appliquer avec d’autres États.

Il peut également s’agir d’une incompatibilité entre un traité et une loi. Mais, si la loi est abrogée et que le traité vient à être modifié, voire supprimé, on perd le bénéfice de la loi. L’avantage de ce type de procédure, notamment pour les justiciables, ne me paraît donc pas avéré.

Le Conseil constitutionnel n’est pas toujours le mieux placé pour trancher ce type de questions. Lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un problème de compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme, le dernier mot appartient logiquement à la Cour de Strasbourg et non au Conseil constitutionnel.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes totalement défavorables à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Rendons témoignage à notre excellent collègue Portelli : la question n’est pas simple ! Et je le remercie de l’avoir soulevée.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cela étant dit, nous allons enfin franchir le cap de l’exception d’inconstitutionnalité, instrument indispensable de protection des droits des citoyens que, depuis vingt ans, nous souhaitons voir créé. Alors, je vous le dis franchement, il me paraît prématuré d’aller vers une dimension nouvelle, celle de l’exception d’inconventionnalité, et d’assigner cette tâche au Conseil constitutionnel.

Nous sommes aujourd’hui, avec l’ensemble des États de l’Union européenne, dans une situation d’une complexité juridique extraordinaire, comme j’ai eu l’occasion de le constater en œuvrant, au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe, sur le projet de Constitution européenne.

En effet, nous avons non seulement des ordres nationaux, mais aussi des ordres européens. De surcroît, s’agissant des ordres européens – et j’utilise le pluriel à dessein –, nous avons l’ordre normatif, l’espace conventionnel, qui a pour régulateur la Cour de Strasbourg, et l’autre espace, qui a pour régulateur la Cour de Luxembourg.

Le fait que les mêmes droits fondamentaux soient définis dans des instruments différents, avec des juridictions suprêmes internationales pour en déterminer le contenu, ne préviendra pas l’inévitable problème de la divergence entre les solutions apportées par ces deux ordres juridictionnels et conventionnels.

À l’heure actuelle, il convient de poursuivre la réflexion sur un problème clé : comment parvenir, dans un monde juridique que je qualifierai de « multipolaire », à une unité d’interprétation ? Ce serait très facile si nous avions un système fédéral pour l’Union européenne ; ce serait beaucoup plus difficile en ce qui concerne l’ordre européen conventionnel de Strasbourg.

Je rappellerai simplement à notre ami Portelli la phrase qu’Edgar Faure se plaisait à dire : « On a toujours tort d’avoir raison trop tôt. » En cet instant, vous ouvrez les voies qui sont celles de l’avenir, mais je dois vous dire très franchement, et à regret, que voter un tel amendement dans le cadre du présent débat me paraît prématuré. C’est pourquoi je suivrai la position de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Non, je le retire, monsieur le président, puisque, visiblement, il ne sert à rien de le maintenir.

M. Badinter est tout à fait fondé à dire que nous sommes actuellement dans une situation d’incertitude juridique. Il n’en demeure pas moins que, l’Union européenne reconnaissant la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci va se trouver au sommet du système juridictionnel européen en matière de droits fondamentaux.

Nombreux sont ceux qui, au Conseil d’État ou dans les instances gouvernementales, estiment qu’il faut protéger le Conseil constitutionnel. À cet égard, je rappellerai simplement que le Conseil constitutionnel a déjà été « condamné » par la Cour européenne des droits de l’homme pour une validation législative. Et il y aura d’autres cas ! Ne croyez pas que nous préserverons les juridictions suprêmes françaises : elles seront, une fois pour toutes, sous l’autorité des juridictions européennes.

De même, personne n’a bougé, voilà quelques mois, quand un simple conseil de prud’hommes a annulé une loi votée par le Parlement en matière de droit du travail en la déclarant contraire à une convention de l’OIT. Je souhaite bien du plaisir au Gouvernement, à l’avenir !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

J’ai peut-être eu raison trop tôt, mais je crains que vous n’ayez tort trop tard !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 321 rectifié, présenté par M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la Constitution, les mots : « Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « Cour constitutionnelle ».

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement tend à mettre le droit en accord avec le fait.

Le Conseil constitutionnel, né voilà cinquante ans, a beaucoup changé depuis. En particulier depuis la réforme de 1974 prévoyant la saisine par les parlementaires, l’institution n’a plus rien à voir avec celle qui avait été conçue en 1958, qui n’avait guère rendu plus d’une dizaine de décisions en douze ans.

Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel est une institution juridictionnelle dont les décisions s’imposent à toutes les autorités de l’État, notamment aux autorités judiciaires. J’ai ici le recueil de ses grandes décisions, et encore celui-ci ne date-t-il que de 2000 ! §Il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel, une doctrine sur les arrêts du Conseil constitutionnel, des commentaires sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci est donc à l’origine de tout un corpus juridique.

Pourquoi, dès lors, conserver une dénomination « déceptive » ? C’est un paradoxe de notre pays, où, dit-on, la raison trouve volontiers son foyer – je n’en suis d'ailleurs pas toujours sûr. À cet égard, croyez-moi, il n’est guère raisonnable de dénommer « conseil » une institution qui rend des décisions juridictionnelles et qui, de surcroît, n’a le droit de donner des conseils ni au Gouvernement ni au Parlement ! C’est ce qui avait été répondu à M. Chaban-Delmas lorsqu’il avait sollicité, en son temps, le Conseil constitutionnel. Le rôle de conseil incombe au Conseil d’État.

Je comprends que le Conseil d’État, mi-conseil, mi-juge, conserve la dénomination de « conseil », mais celle-ci n’a véritablement pas lieu d’être pour le Conseil constitutionnel.

Au moment où nous allons mettre à la disposition des citoyens, via l’exception d’inconstitutionnalité, la possibilité de faire respecter les droits fondamentaux par le Conseil constitutionnel, cette dénomination n’a tout simplement pas de sens !

En tant que président du Conseil constitutionnel, j’ai eu l’occasion de me rendre dans de nombreux pays et de recevoir plusieurs délégations étrangères. J’ai en effet été conduit à donner des conseils à des pays accédant à la démocratie et qui voulaient créer une juridiction constitutionnelle. Mes interlocuteurs me demandaient régulièrement si notre juridiction délivrait des conseils. Je répondais invariablement : « Non, nous rendons des décisions juridictionnelles ». Dès lors, me demandait-on, pourquoi ne nommez-vous pas votre instance « cour constitutionnelle » ?

En effet, il n’y a pas une instance de contrôle de constitutionnalité en Europe – pas seulement au sein de l’Union européenne, mais parmi la totalité des États membres du Conseil de l’Europe – qui porte une autre dénomination que celle de Cour constitutionnelle ou de Tribunal constitutionnel.

Je demande simplement de reconnaître que, cinquante ans après sa création, il vaut mieux dire les choses telles qu’elles sont aujourd’hui. Par conséquent, notre haute juridiction doit porter sa véritable dénomination, celle de Cour constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission a été convaincue par l’argumentation de M. Badinter. En effet, la dénomination actuelle de « Conseil constitutionnel » ne rend pas vraiment compte du rôle de cette institution, dont la vocation est juridictionnelle.

En outre, la désignation de « cour constitutionnelle » a été retenue dans presque toutes les grandes démocraties occidentales.

La commission a donc émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Badinter, vous soulignez à juste titre le rôle juridictionnel du Conseil constitutionnel. Ce mouvement s’est d’ailleurs dessiné à partir de 1971. Mais le Conseil constitutionnel n’est pas qu’une juridiction. Il fait partie des pouvoirs publics et conserve un rôle de conseil auprès d’autres institutions.

M. Robert Badinter manifeste son étonnement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il remplit également ce rôle pour les votations. Il est ainsi consulté par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle, en vertu de la loi du 6 novembre 1962. C’est également le cas pour l’organisation des opérations référendaires. Certaines de ses compétences sont même de nature administrative puisqu’il désigne des délégués et établit la liste des candidats à l’élection présidentielle.

La révision constitutionnelle accroîtra les pouvoirs juridictionnels du Conseil constitutionnel, mais le Conseil constitutionnel n’est pas une juridiction comme une autre. C’est une institution originale qui joue un rôle capital dans l’équilibre des pouvoirs constitutionnels.

C’est pourquoi le Gouvernement préfère conserver la dénomination actuelle, qui marque mieux l’originalité de cette institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

On croit rêver ! Ne parlons pas, s’il vous plaît, du rôle du Conseil constitutionnel à propos de l’article 16 : personne ne pense aujourd’hui que cette disposition sera à nouveau utilisée.

Vous évoquez des fonctions de conseil, madame le garde des sceaux. La Cour de cassation, a fortiori le Conseil d’État, et beaucoup d’autres cours suprêmes remplissent des fonctions que l’on qualifie d’annexes. Autrement dit, au nom de ce qui est accessoire, vous refusez de tirer les conséquences du principe. Ce n’est pas possible !

La fonction du Conseil constitutionnel, telle que tout le monde la perçoit et au moment même où nous allons insérer dans notre droit l’exception d’inconstitutionnalité, est juridictionnelle. Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi on se cramponne à la dénomination actuelle !

Je demande instamment au Sénat d’appeler « cour » ce qui est une instance juridictionnelle et de laisser le terme « conseil » aux instances qui en font leur fonction principale ou en tout cas éminente, comme le Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si le Conseil constitutionnel est un organe qui donne des conseils à l’exécutif, alors c’est également le cas de la Cour de cassation puisque le premier président a été sollicité en matière de récidive. Que je sache, personne n’a argué à ce moment-là que la Cour de cassation était devenue une instance de conseil du Gouvernement ou du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je rejoins totalement la position exprimée par M. Badinter et par M. le président de la commission des lois.

N’oublions pas que la France n’est pas seule dans le monde. Elle se trouve au milieu de l’Europe et entretient des relations avec la plupart des pays du monde. Ce qui fait sa force, c’est que, malgré quelques difficultés, la langue française est encore celle du droit. L’organisation de nos institutions doit donc être claire, et une dénomination qui n’est pas comprise par nos partenaires ne favorise pas notre image.

Le Conseil constitutionnel est de fait, maintenant qu’il a évolué en ce sens, une cour constitutionnelle. Il est donc tout à fait normal que nous ayons le courage de changer sa dénomination, d’autant que celle que propose M. Badinter est très noble et a en même temps le mérite de la clarté ; je n’en dirai pas autant concernant le changement de dénomination du Conseil économique et social qui nous sera proposé tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

J’ai été séduit par la démonstration lumineuse, comme toujours, de M. Badinter. Je constate que la commission des lois l’a été, elle aussi.

Je serais prêt à voter cet amendement si j’avais une réponse à une question qui me tarabuste. À partir du moment où ce sera une Cour constitutionnelle et non plus un Conseil constitutionnel, la liberté de choix des hautes autorités de l’État qui nomment les membres du Conseil constitutionnel ne sera-t-elle pas limitée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Pourra-t-on continuer à nommer les copains ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne voterai pas le changement de dénomination, car le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ne me semble pas correspondre à l’idée que je me fais d’un organisme démocratique représentatif. En l’occurrence, cette instance s’apparente plus à un conseil.

J’aurais pourtant aimé voter cet amendement, car une cour constitutionnelle que les citoyens peuvent saisir pour demander ensuite au Parlement de s’exprimer sur un texte qui leur paraît inconstitutionnel aurait été une bonne chose. Mais, dans les circonstances présentes, ce n’est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je n’ai pas d’objection à ce changement de nom, puisque, comme l’a souligné Robert Badinter, cette appellation reste toujours bizarre aux yeux de l’étranger, d’autant plus que l’institution, le Conseil constitutionnel, jouit à l’étranger d’une réputation formidable construite pendant cinquante années de jurisprudence.

Mais je voudrais poser une question à Robert Badinter.

Actuellement, devant le Conseil constitutionnel, les procédures, qu’il connaît bien, font qu’il n’y a pas de plaidoiries d’avocats et que les séances ne sont pas publiques. En matière électorale, tout se passe par échanges de mémoires, par écrit ; le rapporteur peut éventuellement rencontrer les parties, notamment en matière de contentieux électoral, mais aussi pour les recours de l’article 61.

Est-ce que le fait que le Conseil constitutionnel passe du statut d’« institution » à celui de « cour », ce que soulignera ce nouveau nom, conduira à remettre en cause les procédures suivies depuis 1958 ? C’est une simple question que je pose, puisque je n’ai pas la réponse en cet instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Deux questions m’ont été posées, auxquelles je vais répondre bien volontiers.

Tout d’abord, le mode de désignation n’a rien à voir avec la dénomination. À travers le monde, les cours constitutionnelles voient leurs membres nommés. Je n’ai pas besoin de rappeler ce qu’est la Cour suprême des États-Unis ni comment il est procédé à la nomination de ses neuf membres par le Président, avec un contrôle qui dure des semaines et une audition des candidats devant la commission du Sénat. S’agissant de cette grande institution, qui existe maintenant depuis deux siècles, le problème n’est pas le mode de désignation, c’est la nature de l’activité.

Ensuite, je veux dire à Michel Charasse que nous sommes maintenant dans l’exception d’inconstitutionnalité. Dans ce cadre, la partie juridictionnelle sera conservée. L’originalité des procédures ne tient pas au nom. Prêtons-y attention !

Je le répète, je demande simplement le changement de dénomination, qui mettra cette instance sur le même plan que les autres juridictions pratiquant le contrôle de constitutionnalité en Europe. Parce qu’il y a eu ce lointain passé, il est difficile d’expliquer à ceux à qui l’on donne des conseils qu’il s’agit d’une instance juridictionnelle. Notre haute juridiction doit bénéficier du même crédit que tous les autres tribunaux ou cours constitutionnels en Europe. C’est aussi simple que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je suis de l’avis qui vient d’être exprimé par un bon nombre d’intervenants, en particulier par notre excellent collègue M. Badinter.

Sans sacraliser cette affaire de terminologie, il vaut mieux appeler les choses par le nom qui leur convient le mieux. Dès lors que cette instance a pour fonction de trancher des litiges – et quels litiges ! –, d’ailleurs sans possibilité d’appel, il s’agit d’une cour. C’est évident, même si, par ailleurs, il peut lui arriver de répondre à des interrogations et de donner des conseils.

Pour l’essentiel, le rôle que joue le Conseil constitutionnel, nous le savons très bien, est celui d’une cour. Appelons-le donc ainsi et nous rejoindrons la terminologie anglo-saxonnede court, laquelle trouve elle-même sa source dans la langue française.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Ne nous privons pas du plaisir d’adopter, nous aussi, le terme de « cour », qui nous met en harmonie avec les autres pays et qui correspond à la réalité de la fonction.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, avant l'article 25.

Le premier alinéa de l'article 56 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard et Béteille, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 72 rectifié est retiré.

L'amendement n° 234 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 56 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 56. - Le Conseil Constitutionnel est constitué dans le respect du pluralisme. Il comprend quinze membres. Trois sont désignés par le Président de la République et, à la majorité des trois cinquièmes, neuf par l'Assemblée nationale et trois par le Sénat.

« Il désigne en son sein son Président. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’article 25 vise à améliorer le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel – peut-être devrais-je plutôt parler maintenant de la Cour constitutionnelle – afin de tenir compte des modifications apportées par l’article 4 du projet de loi à l’article 13 de la Constitution. Mais cette procédure ne change pas le caractère essentiellement politique de cette institution.

Le fait que le président de l’Assemblée nationale ne puisse nommer que trois membres ne permet pas que soient représentées, au sein du Conseil constitutionnel, toutes les sensibilités politiques présentes à l’Assemblée nationale. Ainsi, le Conseil constitutionnel continuera de refléter, hélas ! le bipartisme que vous souhaitez tant institutionnaliser.

C’est donc par souci du respect du pluralisme, auquel nous sommes fortement attachés et que nous ne cesserons de revendiquer, que nous proposons de modifier le nombre de membres du Conseil constitutionnel. Celui-ci comprendrait désormais quinze membres, dont trois seraient désignés par le Président de la République, neuf par le président de l’Assemblée nationale et trois par le Sénat.

Par ailleurs, le président du Conseil serait désigné par ses membres, et non plus par le Président de la République comme le prévoit aujourd'hui l’article 61 de la Constitution.

Nous proposons que les membres désignés par le Parlement le soient à la majorité des trois cinquièmes.

Notre proposition permettrait ainsi de faire en sorte que le Conseil constitutionnel comprenne des personnalités désignées à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette nouvelle composition aurait aussi le mérite de supprimer les membres de droit que sont les anciens présidents de la République.

Enfin, pour répondre aux éventuelles critiques sur le nombre de membres du Conseil que nous proposons, je tiens à signaler que notre solution, outre qu’elle garantisse le pluralisme, se situe dans la norme européenne. En effet, selon une étude du service des études juridiques du Sénat de décembre 2007 sur les cours constitutionnelles, ces dernières comprennent en règle générale au moins douze membres.

L’effectif de certaines cours constitutionnelles est plus important : il s’établit à douze en Belgique et en Espagne, à treize au Portugal.

C’est donc une proposition mesurée et raisonnable que je vous invite à adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf et Mme Henneron, est ainsi libellé :

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 56 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel comprend douze membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale, trois par le Président du Sénat, trois par les juridictions suprêmes : Cour des comptes, Cour de cassation, Conseil d'État, selon des modalités déterminées par une loi organique. »

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 91 rectifié est retiré.

L'amendement n° 487 rectifié, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa de cet article :

« Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis public de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée, statuant à la majorité des trois cinquièmes. »

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement concerne la question des nominations effectuées par le président de chaque assemblée.

Il prévoit que ces nominations interviennent après avis public de la commission permanente de l’assemblée concernée, statuant – c’est le cœur du sujet – à la majorité des trois cinquièmes.

En effet, s’il est un domaine dans lequel le consensus nous paraît devoir régner, c’est celui de la désignation des membres du Conseil constitutionnel. Dès l’instant où il s’agit de nominations par les présidents des assemblées, il est légitime que la commission compétente, en l’occurrence la commission des lois, statue à la majorité des trois cinquièmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 366 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 393 rectifié est présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin, Vendasi et Alfonsi.

L'amendement n° 488 est présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Le deuxième alinéa du même article est supprimé.

II. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :

I. -

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 366.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les anciens Présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle si l’amendement Badinter qui a été adopté par notre assemblée va jusqu’au bout de son chemin.

Lors de la lecture devant l’Assemblée nationale, il a été convenu que les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises à l’avis de la commission compétente : le souci de mieux encadrer la procédure de nomination des membres du Conseil constitutionnel, ou de la Cour constitutionnelle, est donc l’objet de cet article 25, combiné avec l’article 4 que nous avons adopté.

Recueillir cet avis est une manière d’éviter des nominations de convenance ou de récompenser par un siège de membre du Conseil constitutionnel, ou de la Cour constitutionnelle, une allégeance politique de longue date.

Il s’agit de permettre une meilleure indépendance des membres du Conseil constitutionnel à l’égard du pouvoir en place ou des partis politiques.

Pourtant, un ancien Président de la République a forcément été au cœur de ces jeux de pouvoirs et d’allégeance, et il appartient souvent encore à son parti.

De ce mandat, il ne subsiste certainement pas que le titre. L’influence politique demeure, sans qu’elle puisse, elle, faire l’objet d’un contrôle, ni par le Parlement ni par une commission quelconque.

Avec tout le respect que nous devons aux anciens Présidents de la République, la possibilité qui leur est offerte de siéger au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle, est un cadeau contraire à l’esprit de la présente réforme des modes de nomination des membres de cette instance.

Nous vous proposons donc de supprimer la possibilité pour les anciens Présidents de la République de siéger comme membre de droit au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l'amendement n° 393 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Il s’agit, au travers de cet amendement, d’empêcher les Présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel.

Cette mesure s’inscrit dans le droit fil des arguments que Robert Badinter a développés voilà quelques instants lorsqu’il nous a demandé, pour tenir compte l’évolution du Conseil, de lui faire porter sa véritable dénomination, celle de Cour constitutionnelle.

Nous avons été impressionnés en commission par les propositions de l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, qui a constaté que l’évolution de la pyramide des âges et le raccourcissement du mandat présidentiel risquaient d’engendrer dans quelques années une augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel, surtout si le renouvellement des Président de la République devait s’accélérer.

Nous vivons toujours un peu dans l’idée que, désormais, le mandat du Président de la République sera de dix ans, comme au États-Unis. Mais, après tout, nous n’en savons rien. Il pourrait être de cinq ans et nous pourrions nous retrouver, dans une vingtaine d’années, avec trois ou quatre anciens Présidents de la République !

M. Jean Desessard s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

On connaît les raisons historiques qui ont conduit les constituants de 1958 à permettre aux anciens Présidents de la République de siéger au sein du Conseil constitutionnel. Ces raisons ont aujourd'hui disparu.

C'est pourquoi nous demandons la suppression d’une telle possibilité. Bien entendu, il conviendrait de prévoir des dispositions transitoires pour les Présidents de la République qui siègent actuellement au Conseil constitutionnel.

Quoi qu’il en soit, cette règle n’a plus de raison d’être. Il faut donc la supprimer.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 488.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Il s’agit d’une question importante.

Je souligne tout de suite que, en aucun cas, nous ne demandons – un certain nombre d’amendements vont dans le même sens – une sorte d’application rétroactive. Les anciens Présidents de la République continueront à demeurer leur vie durant membres du Conseil constitutionnel. Nous ne concevons d’ailleurs pas qu’il puisse en être autrement. Nous parlons donc, ici, de l’avenir.

Je ferai un bref retour en arrière.

Quelle est la raison d’être d’une disposition si extraordinaire puisque dans aucune autre démocratie, à ma connaissance, un Président de la République ne devient à vie juge constitutionnel au terme de ses fonctions ?

Certains ont envisagé de faire des anciens Présidents de la République des sénateurs à vie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

…mais cela doit être évité. Si un ancien Président de la République avait l’ambition de devenir sénateur, il ne lui serait pas très difficile de trouver une circonscription et d’obtenir un siège. Laissons donc ce point de côté !

En tout état de cause, l’origine de la règle en vertu de laquelle les anciens Présidents de la République siègent de droit au Conseil constitutionnel est purement circonstancielle.

On le sait, au moment où la Ve République a remplacé la IVe République, se posait la question de la situation du président Coty. Il faut savoir que la IVe République était très pingre et qu’elle octroyait aux anciens Présidents de la République en tout et pour tout une pension équivalente à celle des conseillers d’État. Elle n’était même pas équivalente à celle des présidents de section ou des vice-présidents du Conseil d’État !

On conçoit que cet état de fait ait paru préoccupant et que le général de Gaulle s’en soit soucié. À cet instant, l’idée est venue que l’on pourrait nommer membres de cette institution nouvellement créée les anciens Présidents de la République, René Coty et Vincent Auriol, qui n’y a d’ailleurs pour ainsi dire jamais siégé.

Depuis, les choses ont complètement changé. Fort heureusement, sans entrer dans le détail – M. Gélard a évoqué ce point –, la condition des anciens Présidents de la République est maintenant tout à fait satisfaisante, et si elle devait être améliorée, cela ne serait pas un problème.

La véritable difficulté est que Conseil constitutionnel compte maintenant deux types de membres : les uns, qui prêtent serments et sont soumis à des obligations, et les autres, qui ne prêtent pas serment et sont membres de droit à vie, qui peuvent venir, repartir, avoir un mandat, exercer une action politique, et qui considèrent qu’aucune des obligations des membres du Conseil constitutionnel ne pèse sur eux, pas même l’obligation de réserve par rapport à la vie politique dont on ne saurait assez souligner l’importance.

Une telle situation n’est pas concevable. Une institution juridictionnelle qui comprend normalement neuf membres ne peut compter un, deux, voire trois ou quatre membres supplémentaires.

Nous sommes aujourd'hui dans une perspective différente : la durée de vie s’allonge et les Présidents ou les éventuelles Présidentes de la République ne seront pas élus à un âge avancé.

Nous nous trouverons donc dans la situation où un certain nombre d’anciens Présidents de la République, peu à peu, influeront directement sur une majorité.

On m’a toujours dit : « Vous pensez ? Mais il en va de leur autorité en ce qui concerne les grandes décisions. » Or, s’agissant du Conseil constitutionnel et de la fonction juridictionnelle, je puis vous assurer que l’information de ses membres est considérable si se pose à eux une question très importante concernant le fonctionnement des institutions. Les rapporteurs ont à cœur d’auditionner tous ceux qui ont compétence dans ce domaine. J’ajoute que les Présidents de la République seront évidemment entendus au premier chef, le cas échéant. Leur avis sera reporté au Conseil constitutionnel et présenté par le président de cette institution.

Pourquoi transformer une institution en une sorte de bizarre annexe de l’Élysée, où l’on n’accepte pas les obligations, mais où l’on bénéficie des avantages, où l’on siège et où l’on ne siège pas, où l’on participe à la vie politique alors que le propre d’une juridiction constitutionnelle est précisément qu’aucun de ses membres ne doit participer sous aucune forme que ce soit à la vie politique ? Après cinquante ans, certains archaïsmes de la Constitution ressortent.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de souci à se faire en ce qui concerne l’avenir des anciens Présidents de la République, cela va de soi, ni quant aux avantages qu’on leur reconnaît ni quant aux activités auxquelles ils peuvent se livrer sans contrainte.

Ne mélangeons pas, à cet égard, celles ou ceux qui ont des obligations et une mission juridictionnelle avec celles ou ceux qui, lorsque leur mandat présidentiel sera achevé, pourront, comme les autres, soit retrouver une place assurément éminente dans la vie politique, soit se consacrer à une profession libérale ou à une activité, sans pour autant être membre à vie d’une institution juridictionnelle, ce qui, je le répète, n’existe nulle part ailleurs qu’en France.

Voilà ce que je tenais à dire, et c’est plus important qu’on ne le pense !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi, avant l’article 26, d’un amendement n° 73 rectifié que ses auteurs souhaitent déposer à l’article 25. Il s’agit donc de l'amendement n° 73 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Gélard et Lecerf, Mme Henneron et M. Pozzo di Borgo, et qui est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de ce même article est supprimé.

La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il s’agit d’un amendement qui a été adopté à l’unanimité par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je souhaite poursuivre sur la lancée des propos de M. Badinter et revenir sur le vote que nous avons émis tout à l’heure lorsque nous avons décidé de débaptiser le Conseil constitutionnel pour l’appeler Cour constitutionnelle.

Ce faisant, nous avons insisté encore davantage sur la nature juridictionnelle de cet organe. Cela signifie que, désormais, si le Conseil constitutionnel est une juridiction, ses membres sont des juges. Par conséquent, ils doivent respecter ce qui est demandé d’un point de vue éthique à tout juge, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme dont la France est signataire, à savoir l’indépendance et l’impartialité.

Voilà quelques instants, M. Badinter a fait allusion aux anciens présidents de la IVe République. Vincent Auriol a siégé une fois au Conseil constitutionnel et il a ensuite démissionné. Il faut rappeler qu’il a eu la délicatesse de demander qu’on ne lui verse pas ses indemnités, ce qui n’est pas si fréquent, y compris parmi les membres du Conseil constitutionnel !

Par ailleurs, rappelez-vous que nous ne cessons, depuis le début de la révision constitutionnelle, d’évoquer les incidences du quinquennat.

L’incidence évidente du quinquennat est que les futurs candidats à l’élection présidentielle seront jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ces jeunes candidats, après avoir été élus et éventuellement réélus, auront une vie après leur mandat de Président de la République. Ils auront une vie politique. Ils auront peut-être une vie professionnelle.

Or s’ils sont encore membres de droit à vie du Conseil constitutionnel se posera à eux le problème que le seul jeune président non réélu de la Ve République a connu avec le Conseil constitutionnel, qui lui a valu une très belle jurisprudence du Conseil constitutionnel, à la suite de son élection de député, et du Conseil d’État, après son élection comme conseiller régional. De plus, ils devront tenir compte des réflexions suscitées au sein du Conseil constitutionnel par l’obligation de réserve de tout membre du Conseil, y compris des anciens Présidents de la République.

Cela ne sera donc pas simple. Il sera même quasiment impossible, voire incompatible d’un point de vue éthique, d’être un ancien Président de la République et un membre du Conseil Constitutionnel, ou de la Cour constitutionnelle.

Ce serait rendre service aux anciens Présidents de la République que de leur épargner cette situation intenable, qui les conduira, de toute façon, tôt ou tard, à demander à ne pas bénéficier de cette prérogative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission est défavorable à l'amendement n° 234 rectifié, ainsi qu’à l'amendement n° 487 rectifié aux termes duquel la commission permanente concernée statue à la majorité des trois cinquièmes. La commission souhaite en effet conserver l’article 25 dans sa rédaction actuelle.

Enfin, la commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques n° 366, 393 rectifié, 488 et 73 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’amendement n° 487 rectifié concerne la procédure de nomination des membres du Conseil constitutionnel, qui est l’objet de l’article 25 de ce projet de loi constitutionnelle.

Monsieur Badinter, vous proposez de soumettre la nomination effectuée par le président de chaque assemblée à un avis favorable de la commission compétente. En fait, vous transférez le pouvoir de nomination du président de l’assemblée à la commission des lois. Le Gouvernement n’y est pas favorable.

Les autres amendements concernent plus largement la composition du Conseil constitutionnel.

Les auteurs des amendements identiques n° 366, 393 rectifié, 488 et 73 rectifié bis souhaitent supprimer la qualité de membre de droit des anciens Présidents de la République. Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.

En effet, les anciens Présidents de la République ont toute leur place au Conseil constitutionnel, puisque, pendant cinq ans au moins, ils auront été chargés de veiller au respect de la Constitution, en vertu de son article 5. Ils disposent d’une expérience incomparable à l’issue de leur mandat pour faire respecter la Constitution.

En outre, lorsque, dans une affaire particulière, un ancien Président pourrait ne pas paraître totalement impartial du fait de ses anciennes fonctions, il ne siégerait pas à la séance du Conseil constitutionnel. Si, par exemple, dans le cas de l’exception d’inconstitutionnalité, une loi qu’il a promulguée devait être examinée, il ne serait pas présent.

Mme Borvo Cohen-Seat, par votre amendement n° 234 rectifié, vous prévoyez d’ajouter six membres désignés par le président de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement ne voit rien qui puisse justifier que le président de l’Assemblée nationale nomme neuf membres tandis que le Président de la République et celui du Sénat en nommeraient trois.

Quant au président du Conseil constitutionnel, sa nomination est désormais encadrée comme membre du Conseil puisqu’elle sera soumise à l’avis préalable des commissions parlementaires. C’est l’une des premières garanties.

Une fois nommé par le Président de la République en qualité de président du Conseil constitutionnel, il n’est pas renouvelable. Il peut donc exercer ses fonctions de président en toute indépendance. Il me semble qu’une élection par les membres du Conseil risquerait de créer des courants au sein de cette haute instance qui seraient préjudiciables à la qualité et à la sérénité des travaux.

Enfin, je répète que le Président de la République a pour mission essentielle, en vertu de l’article 5 de la Constitution, de veiller au respect de la Constitution. Il n’est donc pas anormal, à ce titre, qu’il procède à la nomination du président du Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble des amendements proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 234 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comme je n’ai pas encore eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, je tiens à dire que je suis évidemment favorable à la suppression de la qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel reconnue aux anciens Présidents de la République.

Madame la ministre, nous avons entendu les explications que vous avez données pour justifier le rejet de ces amendements. Mais combien d’anciens Présidents de la République pourrait-il y avoir au sein Conseil constitutionnel ? Il faut s’interroger sur ce point, parce que cela pourrait bouleverser l’équilibre de la composition du Conseil.

M. Gélard, qui n’est pas là…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Où je ne peux pas siéger puisque je suis obligée d’être présente en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous non plus, monsieur Hyest, mais vous êtes bien représenté !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Gélard, disais-je, nous avait présenté une proposition de loi visant à permettre aux anciens Présidents de la République d’être sénateurs à vie. Autant vous dire que, si l’on soustrait les Présidents de la République du Conseil constitutionnel pour qu’ils deviennent sénateurs à vie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

…nous ne pourrons pas non plus y être favorables ! Il nous a également parlé du statut des Présidents de la République.

En tout cas, il faut vraiment réfléchir au nombre d’anciens Présidents de la République qui risquent de siéger au Conseil constitutionnel, sachant que nous avons des Présidents de plus en plus jeunes et que leur durée de vie ne va sans doute pas diminuer. Il y a donc, là, vraiment un problème assez grave.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 366, 393 rectifié, 488 et 73 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

La rédaction de ces amendements – à moins que je ne me trompe beaucoup – me conduit à penser qu’à partir du moment où les anciens Présidents ne sont plus membres de droit à vie du Conseil constitutionnel, l’article tel qu’il est rédigé est d’application immédiate.

C'est la raison pour laquelle je propose un sous-amendement visant à préciser que les dispositions prévues à cet article s’appliqueront aux Présidents de la République qui cesseront leurs fonctions après la promulgation de la présente loi constitutionnelle. Soyons quand même élégants jusqu’au bout !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 520, présenté par M. Michel Charasse, et ainsi libellé :

Compléter l’amendement n° 73 rectifié bis par un paragraphe ainsi rédigé :

Le présent article s’applique aux présidents de la République qui cessent leurs fonctions après la promulgation de la présente loi constitutionnelle.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je souligne que la commission a prévu des dispositions transitoires après l’article 34. En effet, voter ces amendements identiques en l’absence de dispositions transitoires n’aurait évidemment aucun sens. D’autres dispositions transitoires sont d'ailleurs prévues à d’autres endroits de ce projet de loi constitutionnelle, car nous avons veillé à la bonne coordination de ces nouvelles dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur Charasse, compte tenu de ces explications, le sous-amendement n° 520 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Non, si la disposition proposée n’est pas d’application rétroactive, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 520 est retiré.

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai déposé, voilà plus d’un an, trois propositions de loi visant le même problème, de manière que les membres du Conseil constitutionnel à vie que sont les anciens Présidents de la République ne le soient plus, et j’avais proposé, sur le modèle italien, qu’ils deviennent sénateurs à vie.

Il semble que le terme de « sénateur à vie » ne convienne pas dans l’actualité du moment. Pourtant, cela se passe fort bien en Italie et l’on aurait pu trouver des solutions tout à fait comparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous ne voulons pas d’un Berlusconi président à vie !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je rappelle que l’appartenance des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel est le résultat d’une anomalie historique. Le général de Gaulle voulait trouver une place pour le Président Coty, que j’ai bien connu. Il a donc été nommé président du Conseil constitutionnel. Comme l’a souligné M. Charasse, il fallait que les anciens Présidents de la République trouvent un statut digne et compatible avec leurs fonctions antérieures.

Le Conseil constitutionnel, à l’époque, n’était pas du tout ce qu’il est devenu. Il statuait peu et n’avait pas les responsabilités constitutionnelles qu’il a acquises par la suite et qui le transforment, petit à petit, en cour constitutionnelle.

C’est là qu’une double anomalie apparaît.

La première, c’est que les membres du Conseil constitutionnel sont astreints au devoir de réserve, dans leur expression écrite ou orale, s’agissant de ce qu’ils font au Conseil. En revanche, ce devoir de réserve ne s’appliquera pas aux anciens Présidents de la République qui vont être des membres à part du Conseil constitutionnel, qui auront le droit de parler, de critiquer les décisions du Conseil ; certains l’ont d'ailleurs fait.

La seconde anomalie, c’est que nous allons mettre en place le système de saisine par voie d’exception du Conseil constitutionnel, ce qui veut dire que les anciens Présidents de la République pourront être les auteurs des lois qui seront poursuivies. Ils seront donc juge et partie, ils auront une liberté totale et ne seront pas liés par l’ensemble du Conseil.

Mais le pire reste à venir. Nous avons maintenant des Présidents de la République jeunes et leurs mandats sont limités à dix ans. L’actuel Président de la République, qui n’aura que soixante-deux ans dans dix ans, siégera au Conseil constitutionnel et son successeur y siégera aussi. Nous aurons donc quatre, voire cinq anciens Présidents qui siégeront au Conseil, ce qui en dénaturera complètement, à terme, le fonctionnement par rapport aux neuf autres membres.

Il y a là un vrai problème. Il faut que nos anciens Présidents aient un statut décent, puissent exercer leur liberté d’expression et nous faire part de l’expérience qu’ils ont acquise, comme le font les anciens présidents des États-Unis ou les anciens premiers ministres britanniques. C’est normal, et, dans une certaine mesure, le décret Charasse sur le statut des anciens Présidents…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

…était très positif. Il faudrait d’ailleurs le rendre plus transparent. La rémunération d’un ancien Président est légitime, logique mais non l’appartenance au Conseil constitutionnel.

On évoque l’expérience des anciens Présidents ; rien n’interdit de les consulter. Les anciens Présidents peuvent parler librement, dire ce qu’ils pensent de tel ou tel texte ; ils ont une liberté totale, ce que n’a pas un membre du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle – j’insiste sur ce point - on ne peut pas continuer de permettre aux anciens Présidents de la République de siéger au sein du Conseil constitutionnel. Nous sommes d’ailleurs le seul pays au monde où existe un tel système.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Abondance de biens ne nuisant pas, je voudrais apporter un dernier argument en faveur de ces amendements.

Lorsque nous avons modifié le statut du Président de la République, un cas avait été évoqué, celui d’un Président de la République qui aurait été démis pour manquement à sa fonction et qui viendrait siéger au Conseil constitutionnel. Jugeant cette situation inacceptable, nous avions, à l’époque, déposé un amendement, qui avait d’ailleurs été repoussé. La disposition proposée permettrait donc de régler ce type de problème, théorique, j’en conviens, mais on n’est jamais assez prudent en matière constitutionnelle.

Quant à la retraite des Présidents de la République, je pense qu’ils auront de quoi s’occuper sans qu’on prévoie pour eux une rémunération spécifique !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 366, 393 rectifié, 488 et 73 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Les circonstances de la fin de la IVe République ont été suffisamment rappelées : elles ont conduit à la rédaction du deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution.

Depuis, une double évolution s’est produite : le Conseil constitutionnel a considérablement changé ainsi que les modalités de désignation du Président de la République, surtout depuis l’instauration du quinquennat. S’il est confirmé qu’une même personne ne pourra exercer que deux mandats consécutifs, à l’avenir, le profil des anciens présidents de la République ne ressemblera plus à ce que nous avons connu.

L’actuel Président de la République lui-même n’a pas fait mystère, publiquement et à plusieurs reprises, de son intention de mener une autre vie après l’exercice de ses fonctions présidentielles. Il a même indiqué qu’il ne s’interdirait pas d’exercer des activités de caractère économique, voire commercial ou financier, ce qui est bien son droit !

Mais, actuellement, l’article 56 de la Constitution le lui interdit puisqu’il prévoit que les anciens Présidents de la République « font de droit partie à vie » du Conseil constitutionnel. Bien évidemment, on comprend le conflit d’intérêt majeur auquel s’exposerait un membre du Conseil constitutionnel s’il exerçait des activités de type économique ou financier, sans parler des activités politiques.

Le moment est donc venu de procéder à cette modification. Cette question ne se pose pas au dernier moment, de façon incongrue : le débat a été longuement mûri au sein du Sénat, notamment sous la houlette de notre collègue Patrice Gélard. Il est vrai qu’adopter des dispositions de cette importance lors de la discussion d’une proposition de loi ou d’un texte que l’on pourrait qualifier de secondaire aurait pu paraître audacieux. Mais, aujourd’hui, alors que nous procédons à une révision d’ensemble de la Constitution de la Ve République, le moment est venu de procéder à cette modification, qui est indispensable pour le fonctionnement de nos institutions.

Enfin, il sera toujours possible à un Président de la République en exercice – ou à un président du Sénat ou de l’Assemblée nationale – de désigner un ancien Président de la République comme membre du Conseil constitutionnel, si cela lui paraît souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

L’essentiel a été dit et je vais essayer de ne pas le répéter.

Des raisons de fait assez évidentes, sur lesquelles Mme Borvo Cohen-Seat a insisté tout à l’heure, plaident en faveur de l’adoption de ces amendements. J’y vois également des raisons de droit : dans le système tel que nous le vivons, avec le quinquennat et le rôle accru du Président de la République, celui-ci ne peut plus bénéficier de la présomption d’impartialité dont doit bénéficier tout membre du Conseil constitutionnel.

Au contraire, il est éminemment soupçonné de partialité : toutes ses déclarations peuvent lui être opposées. Nous ne pouvons pas continuer dans une voie qui devient impraticable !

Je n’ajouterai rien, me souvenant de la vieille rengaine qui disait : « N’en jetez plus, la cour est pleine ! » C’est le cas de le dire puisque le Conseil constitutionnel devient une « Cour constitutionnelle » !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je ferai simplement deux remarques.

En premier lieu, lors de la discussion du projet de loi de révision constitutionnelle relatif au statut pénal du chef de l’État, nous avions été un peu gênés par la question d’une éventuelle destitution – hypothèse d’école, je le reconnais volontiers. En effet, un chef de l’État qui aurait été destitué par la Haute Cour resterait membre de droit à vie du Conseil constitutionnel !

En second lieu, je voulais signaler que nous nous orientons vers un système à l’américaine avec l’impossibilité d’exercer plus de deux mandats consécutifs et un mandat ramené à cinq ans. Aux États-Unis, avant le décès du président Reagan, il restait cinq présidents vivants : Ronald Reagan, Gerald Ford, Bill Clinton, George Bush père et Jimmy Carter. Bien évidemment, nous finirions par en arriver à la même situation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Quand la commission des lois a examiné cet amendement, je ne vous cache pas que j’étais plutôt réticent, au moins réservé. Tous les arguments qui viennent d’être présentés – la réduction du mandat, l’élection de présidents plus jeunes, la prolongation de la vie – ne m’ont pas fait changer d’avis.

Trois éléments m’ont décidé : le nombre inévitablement croissant des anciens Présidents de la République par rapport aux membres désignés ; le vieillissement inéluctable et naturel des membres de droit, qui créera un déséquilibre encore plus fort ; enfin, les anciens Présidents de la République qui seront encore relativement jeunes, comme l’a rappelé François Zocchetto, auront envie d’avoir des activités qui ne s’inscriront pas forcément dans la sphère publique. La présence du patron d’un cabinet d’avocats ou d’un grand industriel au sein du Conseil constitutionnel nuirait à la crédibilité de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il y a eu des avocats au Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Voilà pourquoi j’estime qu’il faut adopter cet amendement tendant à supprimer la disposition permettant aux anciens Présidents de la République d’être membre à vie du Conseil constitutionnel, ce qui n’enlève rien à leur autorité ni au respect qui leur est dû. Ils auront même plus de liberté, avec un statut qui, je l’espère, sera à l’avenir beaucoup plus étoffé parce que transparent.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mon explication de vote sera très brève et portera sur deux points.

Premièrement, le nombre des personnels et la nature des moyens mis aujourd’hui par la République à disposition des anciens Présidents de la République – à juste titre, d’ailleurs – sont tels que leur situation n’est en rien comparable à celle de René Coty en 1959.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Deuxièmement, la notion de nomination à vie me paraît contraire à l’essence même des principes républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je voterai en faveur de ces amendements identiques. Si, en revanche, – je le dis très sereinement et même avec amusement – au hasard d’un scrutin public, cet amendement n’est pas adopté, j’observe que ceux qui auront voté contre nous ont épargné leur explication de vote ! Faut-il y voir une forte conviction, qui ne s’exprime pas, ou un embarras certain, qui s’exprime clairement par le silence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur un point particulier. La révision de la Constitution trouve sa raison d’être dans la modernisation des institutions. C’est le mot essentiel qui nous réunit aujourd’hui. Madame le garde des sceaux, l’avis défavorable que vous avez émis sur cet amendement va-t-il dans le sens d’une modernisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. J’ai vu certains de nos collègues préparer leurs paquets de bulletins de vote. Pour reprendre la réflexion de l’orateur précédent, allons-nous dans le sens d’une modernisation lorsque des personnes qui n’ont pas participé au débat sont représentées majoritairement dans le vote ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Eh oui, c’est bien un problème qu’une seule personne puisse porter cent cinquante mandats et représenter des absents !

M. Jean-Pierre Bel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La démocratie, c’est d’être présent en séance et de ne représenter qu’une autre personne, comme à l’Assemblée nationale ! Ici, une personne peut en représenter cent cinquante, ce qui ne reflète pas le débat qui s’est déroulé. Les absents font la décision, ce n’est pas normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les amendements identiques n° 366, 393 rectifié, 488 et 73 rectifié bis.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, les scrutateurs m’informent qu’il y a lieu d’effectuer un pointage.

Il va donc y être procédé.

Voici, après pointage, le résultat du dépouillement du scrutin n° 115 :

Nombre de votants328Nombre de suffrages exprimés326Majorité absolue des suffrages exprimés164Pour l’adoption164Contre 162Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.

L'article 25 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 127, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Avant l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, après le mot : « promulgation, », sont insérés les mots : « les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement vise à permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la conformité à la Constitution d'une proposition de loi avant qu'elle ne soit soumise à référendum, dans les conditions prévues par l'article 3 bis du projet de loi constitutionnelle. C’est bien entendu indispensable puisque nous l’avions prévu par ailleurs.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Par cet amendement, vous proposez que les propositions de loi d’initiative populaire soient soumises systématiquement au contrôle du Conseil constitutionnel avant de faire l’objet d’un référendum. Le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation et, par conséquent, il émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, avant l'article 26.

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Avant l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, après les mots : « les lois », sont insérés les mots : «, y compris celles qui modifient la Constitution, ».

II. - Le même alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« En ce qui concerne les lois qui modifient la Constitution, le Conseil constitutionnel se prononce exclusivement au regard des deux derniers alinéas de l'article 89. Pour les lois adoptées conformément au troisième alinéa de l'article 89, il statue avant promulgation. Pour les lois soumises à référendum conformément aux articles 11 et 89, deuxième alinéa, il statue avant le scrutin. »

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Cet amendement est relatif à la compétence du Conseil constitutionnel en matière de loi constitutionnelle. Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi en 2003 de la révision constitutionnelle concernant la décentralisation – la « décentralisation Raffarin » –, il a indiqué qu’il n’était pas compétent pour les lois constitutionnelles même uniquement adoptées par le Parlement.

Il avait d’ailleurs précédemment précisé qu’il n’était pas compétent pour les lois référendaires, qui, étant l’émanation directe de la souveraineté populaire, ne pouvaient pas – mais là cela va de soi – être remises en cause après coup.

Je pense que cette situation est grave, parce que le général de Gaulle a tenu en 1958, avec les constituants de l’époque, à inscrire dans l'article 89 non seulement que l’on ne peut réviser la Constitution si le territoire de la République est occupé, mais aussi que la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.

À partir du moment où le Conseil constitutionnel considère qu’il n’est pas compétent, on peut parfaitement mettre à bas la forme républicaine du Gouvernement pour approuver, par exemple, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

L'amendement n° 28 rectifié vise à étendre la compétence du Conseil constitutionnel aux lois constitutionnelles et à préciser qu’il statue avant promulgation sur les lois constitutionnelles adoptées par le Parlement et avant le scrutin sur celles soumises à référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la conformité des lois constitutionnelles aux deux derniers alinéas de l’article 89 – impossibilité d’une procédure de révision lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire et impossibilité de mettre en cause la forme républicaine du Gouvernement – est certes ingénieux, mais répond à des conditions qui paraissent très théoriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Conseil constitutionnel, s’il avait existé, aurait pu dire tout ce qu’il voulait, cela n’aurait rien changé.

En revanche, la faculté donnée au Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des textes soumis à référendum est pour partie satisfaite par l’amendement n° 127 de la commission, qui ne concerne cependant que le contrôle de constitutionnalité des propositions de loi, alors que l’amendement n° 28 rectifié vise aussi les projets de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette extension va au-delà des souhaits de la commission des lois et, malgré les précautions prises par M. Charasse, rouvrirait le débat sur la possibilité pour le Conseil constitutionnel de contrôler les conditions d’utilisation de l’article 11 pour réviser la Constitution.

Je vous rappelle que cela nous mettrait dans des situations délicates, compte tenu de l’utilisation qui a pu en être faite dans le passé. Nous ne souhaitons pas relancer ce débat. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je demande au rapporteur et au Gouvernement de me dire comment on protège la forme républicaine du Gouvernement. C’est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

La France a tout de même une certaine expérience dans ce domaine.

Par conséquent, je pose la question. Comme on ne me répond pas, je maintiens mon amendement jusqu’au bout, même s’il doit être repoussé.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je partage le point de vue de M. Charasse sur le fait que, si la Constitution précise un certain nombre d’impossibilités, il faut malgré tout prévoir des mesures pour le constater. Sinon cela ne sert à rien : c’est un vœu pieux ! Jusqu’à présent d’ailleurs, c’est un peu le cas.

C’est pourquoi la révision actuellement en cours permettra de donner aux citoyens la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel. C’est heureux, car si la Constitution garantit des droits rien ne permet de constater qu’ils sont violés.

Chacun sait qu’en droit la faute n’existe que lorsqu’elle est constatée : le meilleur moyen de maintenir la faute, c’est d’empêcher le constat.

Voilà pourquoi je trouve l’initiative de notre collègue pertinente. Malgré tout, je lui demanderai de bien vouloir y réfléchir à deux fois et de retirer cet amendement, car il serait dommage qu’il soit repoussé. Il vaut mieux qu’il ne soit pas mis aux voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur Michel Charasse, l'amendement n° 28 rectifié est-il toujours maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si l’on veut gagner du temps, je retire cet amendement, mais je n’en pense pas moins !

La République, on s’en moque, jusqu’au jour où elle nous manque cruellement !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous sommes tous attachés à la République, monsieur Charasse !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

L'amendement n° 235, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution est complété par les mots : « ou par un groupe parlementaire ».

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l'amendement n° 233, qui a été adopté tout à l’heure, mon collègue Robert Bret vous ayant alors convaincu d’ouvrir la saisine du Conseil constitutionnel aux groupes parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dans la mesure où la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 233, elle émet le même avis sur cet amendement de conséquence.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 233. Par cohérence, il est également défavorable à l'amendement n° 235.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, avant l'article 26.

L'amendement n° 67, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :

Avant l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ordonnances prises en conseil des ministres en application de l'article 38 de la Constitution peuvent également être déférées au Conseil constitutionnel, dans le mois précédant leur publication, par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. »

II. - Dans le troisième alinéa du même article, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s’agit d’un amendement de coordination avec un amendement précédent qui a été rejeté. En conséquence, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 67 est retiré.

L'amendement n° 74 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Béteille et de Richemont, est ainsi libellé :

Avant l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les mots : « ce délai est ramené à huit jours » sont remplacés par les mots : « ce délai est ramené à quinze jours ».

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si la révision est adoptée, le Conseil constitutionnel sera appelé à avoir une activité accrue. Il semble donc nécessaire que le temps qui lui est imparti lorsqu’il est saisi par le Gouvernement en urgence soit prolongé, afin qu’il puisse exprimer son opinion et son jugement dans des délais raisonnables.

Un délai de huit jours est beaucoup trop court. Cet amendement vise donc à le porter à quinze jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les délais actuels ne semblent pas affecter la qualité des décisions du Conseil constitutionnel. En outre, l’allongement possible de durée séparant l’adoption d’une loi de son entrée en vigueur risque de nuire à la visibilité du travail parlementaire et gouvernemental, voire à son efficacité.

La priorité est plutôt que le Parlement puisse disposer des délais suffisants pour élaborer la loi dans les meilleures conditions. C’est d’ailleurs ce que vous avez voté et j’espère que cette disposition ne sera pas remise en cause par l'Assemblée nationale.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 74 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur Portelli, vous souhaitez multiplier par deux le délai imparti au Conseil constitutionnel pour lui permettre de statuer sur l’inconstitutionnalité d’une loi en cas d’urgence.

Il est vrai que le délai de huit jours est un peu court pour un exercice aussi délicat, mais il s’agit uniquement du délai applicable en cas d’urgence. En pratique, le Gouvernement ne fait pas usage de cette faculté. En effet, le Conseil constitutionnel rend sa décision avant l’expiration du délai d’un mois, lorsque des enjeux importants justifient une promulgation de la loi. Il peut donc être utile de maintenir le délai de huit jours pour des cas tout à fait exceptionnels.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ayant entendu les arguments avancés par Mme le garde des sceaux, je le retire, monsieur le président.

Après l'article 61 de la Constitution, il est inséré un article 61-1 ainsi rédigé :

« Art. 61-1. - Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

« Une loi organique détermine les conditions et réserves d'application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 236, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous n’avons pas d’opposition absolue à la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens pour exception d’inconstitutionnalité.

Nos réticences tiennent à l’objet des amendements que nous avons défendus tout à l’heure et à la nature même du Conseil constitutionnel. Nous considérons en effet que cette juridiction ne détient pas une légitimité démocratique suffisante du fait du mode de désignation de ses membres et, malgré la modification de l'article 13 de la Constitution, de sa nature politique.

Dans ces conditions, lui octroyer la possibilité d’être saisi par des justiciables en fait une Cour constitutionnelle, dont les décisions relèveront toujours du politique. J’ai expliqué pourquoi je regrettais de ne pouvoir voter en faveur de l'amendement n° 321 rectifié.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le risque de judiciarisation accrue de notre société. Quelles garanties avons-nous que des recours ne seront pas introduits devant les juridictions uniquement dans le but de soulever une exception d’inconstitutionnalité ?

Enfin, les réserves que j’émets tiennent à la conception que je me fais des suites d’un avis du Conseil constitutionnel, qui est loin d’être celle de la majorité. Quand le Conseil constitutionnel censure une disposition législative avant ou après promulgation de la loi, cela devrait aboutir non pas à la suppression de la loi ou d’une partie de la loi, mais à un examen par les deux chambres et à un vote du Parlement réuni en Congrès, lequel décide soit de maintenir la loi, soit de modifier la Constitution.

Vous le voyez, nous avons une conception assez différente de l’exception d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi nous ne pouvons l’accepter dans ces conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 61-1 de la Constitution, après les mots :

disposition législative

insérer les mots :

ne figurant pas dans un texte précédemment soumis au Conseil constitutionnel

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il s’agit d’un amendement de portée pratique et presque de bon sens logique.

Il vise à préciser que, lorsque le Conseil constitutionnel a déjà statué sur un texte ou sur une disposition législative, il ne peut pas être saisi une seconde fois sur le même sujet ni être obligé de se répéter.

Tel est l’objet de cet amendement : exclure la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel sur des textes qui lui ont été précédemment soumis ou, si vous préférez, qu’il a précédemment examinés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 352, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 61-1 de la Constitution, remplacer les mots :

ou de la Cour de cassation

par les mots :

, de la Cour de cassation ou de toute juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement tend à élargir l’exception d’inconstitutionnalité aux juridictions ne relevant ni de la Cour de cassation ni du Conseil d’État.

La présentation de cet amendement m’amène à poser à Mme le garde des sceaux la question suivante : pensez-vous que l’exception d’inconstitutionnalité, telle qu’elle découle de cet article, couvre tous les types de contentieux impliquant les individus ?

Dans une acception stricte, cet article ne concerne que les juridictions relevant soit de l’ordre judiciaire, soit de l’ordre administratif.

Or il existe des juridictions qui ne relèvent ni de l’un ni de l’autre : il en est ainsi...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Effectivement, mon cher collègue, mais également pour la Cour nationale du droit d’asile, dont je rappelle qu’elle est censée être une juridiction spéciale.

Créée en vertu de l’article 29 de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, cette juridiction est expressément reconnue comme indépendante.

Je me permets de vous faire part des vœux de M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, le 14 janvier 2008, devant cette même Cour : « Vous êtes en effet une juridiction et pas une administration, comme le suggérait le mot Commission. Vous êtes une juridiction souveraine : vous êtes donc une Cour et une Cour nationale. Et vous êtes les gardiens du droit d’asile. »

« Juridiction souveraine », affirme M. Sauvé : cela signifie bien que cette instance ne relève ni de la Cour de Cassation ni du Conseil d’État. Aussi est-elle exclue du dispositif d’exception d’inconstitutionnalité en raison de son indépendance.

Nous souhaitons donc que les demandeurs d’asile puissent également formuler une question préjudicielle d’inconstitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 75, présenté par MM. Portelli, Gélard et Lecerf, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 61-1 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel peut également être saisi par soixante députés ou soixante sénateurs s'ils considèrent qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

La parole est à M. Hugues Portelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il s’agit d’étendre le contrôle de constitutionnalité au recours parlementaire – soixante députés ou soixante sénateurs – a posteriori, sur le modèle des juridictions constitutionnelles d’un certain nombre de pays voisins.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 128, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 61-1 de la Constitution, supprimer les mots :

et réserves

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 63, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 61-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Elle précise les voies de recours ouvertes contre le rejet de la question préjudicielle de constitutionnalité par la juridiction saisie au principal.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Au regard des exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme, il importe que l'article 61-1 précise l'existence d'un recours effectif contre la décision de la juridiction saisie au principal de ne pas admettre la question préjudicielle de constitutionnalité et de ne pas renvoyer, selon le cas, au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, puisqu’un recours doit toujours être admis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Concernant l’amendement n° 236, l’exception d’inconstitutionnalité est un droit nouveau pour les citoyens, qui permettra de conforter la protection des libertés fondamentales. Il est surprenant que les auteurs de cet amendement veuillent le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais vous ne m’avez pas convaincu !

L’amendement n° 33 rectifié prévoit que si le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi dans le cadre du contrôle a priori avant sa promulgation, il ne pourra pas être saisi des mêmes dispositions dans le cadre du contrôle a posteriori par voie d’exception.

Cette disposition peut être utile mais a sa place dans la loi organique à laquelle renvoie la Constitution pour la définition des conditions de mise en œuvre de l’article 61-1. Ainsi, le projet de loi organique qui devait intervenir en application du projet de loi constitutionnelle de 1990, et que vous avez dû bien connaître, monsieur Charasse

M. Michel Charasse fait un signe d’approbation

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Par conséquent, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer l’amendement n° 33 rectifié, puisqu’il reviendra à la loi organique de préciser ces points.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si on peut mettre cela dans la loi organique, j’ai satisfaction. On ne peut tout de même pas accepter que le Conseil constitutionnel examine deux fois la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 33 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois, lors de l’audition de Mme le garde des sceaux, l’avait interrogée sur l’opportunité de compléter les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution par la précision proposée par les auteurs de l’amendement n° 352. Mme la ministre nous avait indiqué que ce complément n’était pas nécessaire.

Ainsi, le tribunal des conflits ne statuant pas au fond, il n’est pas concerné par la procédure d’exception d’inconstitutionnalité. Quant à la Cour de justice de la République, elle pourrait poser une question préjudicielle à la Cour de cassation.

Par conséquent, la commission vous demande, monsieur Desessard, de bien vouloir retirer l’amendement n° 352, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 75, apparemment séduisant, appelle deux observations.

Tout d’abord, la disposition proposée n’est pas indispensable dès lors que soixante parlementaires peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour exercer un contrôle de la loi, contrairement à ce qui se passe en Allemagne, par exemple. Nous avons même suggéré d’étendre cette saisine à un groupe parlementaire.

De plus, elle pourrait donner lieu à une instrumentalisation politique : si la loi n’a pas fait l’objet d’un contrôle a priori ou, à plus forte raison, si elle a déjà fait l’objet d’un tel contrôle, cette mesure permettrait une contestation d’une loi promulguée, au risque d’entretenir une réelle insécurité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais c’est déjà possible, au moyen de l’exception d’inconstitutionnalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n’est pas du tout pareil car la voie préjudicielle et la voie d’action sont deux choses différentes. Par conséquent, je vous demande, monsieur Portelli, de bien vouloir retirer l’amendement n° 75.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 75 est retiré.

Poursuivez, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quant à l’amendement n° 63, la précision visée devra plutôt figurer dans la loi organique, monsieur Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 63 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’amendement n° 236 tend à supprimer l’article 26, mesure importante du projet de révision constitutionnelle qui renforce le droit des citoyens. Certes, il ne faut pas affaiblir l’autorité de la loi, mais une loi qui méconnaîtrait les droits des citoyens serait contraire à la Constitution.

L’autorité de la Constitution par rapport aux traités internationaux est également en jeu, puisque, aujourd'hui, tout justiciable peut, au cours de son procès, invoquer un traité international afin qu’une loi ne lui soit pas appliquée.

Il n’est pas à craindre que l’exception d’inconstitutionnalité fragilise la législation en vigueur puisque la plupart des grandes démocraties étrangères appliquent une telle exception, sans difficulté.

De surcroît, le mécanisme proposé est encadré de plusieurs façons. Seule est visée la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution. Il ne s’agit pas, par exemple, de pouvoir contester la loi pour des questions tenant à la procédure qui a conduit à son adoption, notamment si on a méconnu à un moment donné de consulter un organisme avant l’adoption de la loi.

Un système de filtres est prévu puisque les juridictions devant lesquelles l’inconstitutionnalité de la loi sera invoquée devront examiner si la question est sérieuse puis la transmettre à la Cour de cassation ou au Conseil d'État qui vérifiera si elle mérite d’être renvoyée au Conseil constitutionnel. C’est donc vraiment la garantie que ce dernier ne sera saisi qu’à bon escient.

Monsieur Desessard, par l’amendement n° 352, vous proposez d’élargir la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel aux juridictions qui ne relèvent ni de la Cour de cassation, ni du Conseil d'État. Pour ce qui concerne le tribunal des conflits, je vous ai déjà répondu lors de mon audition par la commission des lois. M. le rapporteur vient de développer les mêmes arguments. Le tribunal des conflits ne tranche pas de questions au fond. Il se prononce sur la répartition des contentieux. La question de savoir si une loi porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne se pose jamais devant le tribunal des conflits.

Quant à la Cour nationale du droit d’asile et à la Cour des comptes, elles relèvent du contrôle de la Cour de cassation ou du Conseil d'État. La question ne se pose donc pas.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il n’y a pas de juridiction d’exception. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 352.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'article 26.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je veux souligner à quel point l’article qui va être adopté est important. Pour moi, c’est le fruit d’une très longue lutte. Cela fait vingt ans que j’ai proposé d’instituer l’exception d’inconstitutionnalité. On ne pouvait pas vivre, de façon pérenne, avec un système dans lequel les juridictions françaises pouvaient devenir les censeurs de lois en invoquant la Convention européenne des droits de l’homme – l’exception d’inconventionnalité –, mais ne pouvaient les censurer en arguant de la protection des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. Ce paradoxe ne pouvait pas demeurer.

On ne pouvait pas non plus accepter que le citoyen français soit traité en mineur constitutionnel. L’accès au Conseil constitutionnel était réservé aux plus hautes autorités de l’État ainsi qu’à soixante députés ou soixante sénateurs, mais lui était refusé.

Le citoyen, au motif qu’une décision rendue par n’importe quelle instance violait ses droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, pouvait saisir la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Mais il ne pouvait pas saisir le Conseil constitutionnel en arguant de la violation de ses droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, ce qui est pourtant l’essentiel.

Un tel archaïsme, une telle survivance, une telle contradiction ne pouvait pas demeurer.

Il a cependant fallu parcourir un très long chemin. Je marque que le dispositif qui va être aujourd'hui adopté a été inscrit dans des projets de loi constitutionnelle successifs, sans, toutefois, réussir à voir le jour. Il avait été mis au point de concert, après de très longues séances de travail, entre M. Drai, alors Premier président de la Cour de cassation, auquel je rends hommage, Marceau Long, qui présidait le Conseil d'État, et celui qui est aujourd'hui l’un de vos collègues. Nous avons tout pesé, tout mesuré. Nous avons considéré qu’il s’agissait du meilleur système possible pour éviter un engorgement du Conseil constitutionnel et pour que la culture du respect des droits fondamentaux pénètre à tous les échelons le corps judiciaire. Je suis persuadé de ce dernier point.

À mes yeux, la justice doit être en permanence le gardien des libertés fondamentales. Grâce au système de l’exception d’inconstitutionnalité, c’est le citoyen, lorsque le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé auparavant, qui se voit reconnaître le droit de saisir cette instance, pour que ses droits ne soient pas méconnus.

C’est un très grand progrès de l’État de droit que je suis heureux de voir adopter par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. Dans quelques années, le dispositif proposé par l’article 26 sera considéré comme une réforme essentielle de la révision de la Constitution à laquelle nous procédons.

M. Robert Badinter opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Comme vient de le dire excellemment mon collègue des Hauts-de-Seine Robert Badinter, cela fait très longtemps que nous essayons de mettre sur pied une telle procédure. Nous avons rencontré énormément de difficultés. De nombreuses réunions de travail se sont déroulées afin d’adapter notre droit à celui des autres pays européens.

Pour ma part, malgré les quelques différends qui ont pu nous opposer précédemment, je considère que la mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité permettra de modifier un certain nombre de textes antérieurs à 1958, qui, à l’heure actuelle, causent un certain nombre de préjudices à nos citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il était un peu arrogant, de la part de la France, de donner des leçons au monde entier en matière de droit de l’homme et de ne pas avoir institué une telle procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il s’agit d’une grande réforme. En ce jour, je dédie l’article 26 à tous ceux qui ont soutenu depuis le début de l’examen du projet de loi constitutionnelle, la semaine dernière, que cette révision constitutionnelle ne porte que sur des points de détail, qu’elle ne concerne que le Président de la République. Cet article essentiel, dont nous devons être fiers, fait enfin entrer les citoyens de notre pays dans un véritable État de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je veux rendre hommage à M. Badinter. Cette réforme est due à une suggestion qu’il a faite dans les années 1990 au Président Mitterrand. En sa qualité de président du Conseil constitutionnel, il a fait, en quelque sorte, le siège du Président de la République qui a été très vite convaincu tout en lui recommandant de s’entourer de tous les avis. M. Badinter vient de rappeler lui-même qu’il a multiplié les réunions de travail à ce sujet pour mettre au point un texte qui ne crée pas de problèmes à la République. Puis le projet de loi constitutionnelle a été approuvé par le Président de la République, déposé, défendu par M. Arpaillange et finalement rejeté au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Quand j’entends certains collègues aujourd'hui encenser l’article 26, je mesure la distance parcourue…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

…et combien le vote de 1990 a été politique, voire politicien, et finalement pas très digne.

François Mitterrand, en conclusion de cette affaire, a dit à Robert Badinter : « de toute façon, ne vous en faites pas, on y reviendra un jour ». Nous y voici !

J’espère seulement que les textes organiques qui préciseront la procédure ne copieront pas les bonnes habitudes des juridictions et que les pauvres gens qui utiliseront ce droit nouveau n’attendront pas dix ans pour avoir la réponse.

Je souhaite véritablement que, pour trancher, le Conseil constitutionnel soit enfermé dans un délai strict, pas forcément d’un mois mais sûrement pas de six mois et encore moins d’un an. Je me permets de demander aux autorités gouvernementales qui prépareront le projet de loi organique de veiller à ce que cela soit un plus pour les citoyens et d’éviter qu’ils n’apprennent l’éventuelle bonne nouvelle dix ans après, s’ils ne meurent pas avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

En cet instant, je m’exprimerai en tant que président par intérim de la commission des lois.

Si nous adoptons l’article 26, nous serons à l’origine d’une véritable révolution juridique. La France fera désormais partie des démocraties de l’Union européenne qui ont une Cour constitutionnelle pouvant être saisie par voie d’exception. Nous étions l’exception. Nous rentrons dans le rang, en quelque sorte. Nous allons même plus loin, puisque nous aurons le contrôle, comme l’Allemagne, l’Espagne, notamment, mais nous conserverons le contrôle a priori, qu’un certain nombre de pays nous envient.

Nous sommes maintenant totalement un État de droit puisque aucun texte ne pourra échapper au contrôle du Conseil constitutionnel. Nous devons tous nous en féliciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le groupe communiste républicain et citoyen s’abstient.

L'article 26 est adopté.

Le premier alinéa de l'article 62 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je voulais demander à M. le rapporteur si, au troisième alinéa de l’article 27, la mention « ou d’une date ultérieure » était bien un bon choix. Ne vaudrait-il pas mieux mettre : « une date fixée par cette décision » ? Je pose la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je crois que cette disposition est suffisamment claire, même si on peut toujours en améliorer la rédaction.

Je me suis efforcé, quand il n’y avait pas de nécessité absolue, de garder un article conforme. Il faut tout de même qu’il y ait des articles conformes ! Ne dirait-on pas, dans le cas contraire, que l’on a démoli le travail éminent du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale ?

Sourires.

L’article 27 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article 62 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le Conseil constitutionnel assure le respect de ses décisions dans les conditions prévues par une loi organique. »

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, nous avons évoqué tout à l’heure les deux derniers alinéas de l’article 89 de la Constitution, que le Conseil constitutionnel ne peut pas protéger puisqu’il a décidé qu’il était incompétent. Or il y a une disposition, à l’article 62 de la Constitution, qui précise que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à l’ensemble des pouvoirs publics et à l’ensemble des juridictions.

Je pose donc la question : qui fait respecter les décisions du Conseil constitutionnel ? En effet, nous savons très bien que certaines décisions non seulement non pas été respectées dans un passé récent, mais ont même été violées sciemment.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Des exemples ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Les exemples, c’est très simple : lorsque le Conseil constitutionnel a décidé que seule la Haute Cour était compétente pour juger le Président de la République et que la Cour de cassation a décidé, quelque temps après, qu’elle le mettait « au frais » jusqu’à ce qu’il quitte l’Élysée et que la justice pourrait l’attraper à la sortie, c’est une violation de la décision du Conseil et c’est la création d’une suspension de prescription qui n’a jamais été votée ni voulue par le législateur.

Lorsque le Conseil a décidé qu’il ne pouvait pas exister de peines automatiques en France puisque toutes les peines doivent être prononcées expressément par une juridiction, toutes les peines automatiques ont été supprimées sauf une, celle prévue à l’article 7 du code électoral, si bien que lorsqu’un élu est condamné, il subit une peine automatique de cinq à dix ans d’inéligibilité, en violation de la Constitution et du principe selon lequel il ne peut pas y avoir de peine sans décision expresse d’une juridiction.

Par conséquent, je propose tout simplement que le Conseil constitutionnel soit chargé d’assurer le respect de ses propres décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

S’agissant du deuxième exemple cité par M. Charasse, j’ai envie de dire : vive la question préjudicielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela résoudrait le problème !

Voilà déjà une partie de réponse à votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les intéressés pourront le demander. Et si la juridiction dit qu’il n’y a pas de problème, ils pourront toujours aller en appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si ! C’est ainsi que cela se passera !

On connaît bien ce système. Si un juge refuse de saisir, invoquant le fait qu’il n’y a pas de question préjudicielle, les justiciables pourront faire appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela ne concerne pas uniquement les juridictions de première instance ! Et si la Cour d’appel considère à son tour qu’il n’y a pas de question préjudicielle, c’est la Cour de cassation qui tranchera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette procédure des questions préjudicielles est tout à fait naturelle !

Le cas que vous citiez, monsieur Charasse, constituerait un bon exemple à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La question qui se pose est celle de l’exécution des décisions de justice. En l’occurrence, on ne peut pas recourir à la force publique.

Vous proposez dans votre amendement, monsieur Charasse, que le Conseil constitutionnel « assure le respect de ses décisions ».

Il existait un ancien délit, que l’on a fait disparaître du code pénal, et qui qualifiait le non respect de la décision d’une juridiction comme le Conseil constitutionnel. Cela s’appelait la forfaiture !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Oui, mais on a supprimé les peines liées à la forfaiture pour protéger les gens du ministère de la justice qui s’assoient sur la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Exactement, on a supprimé ce délit !

La violation d’une décision du Conseil constitutionnel ou d’une autorité publique aurait donc constitué, naguère, une forfaiture.

Votre amendement est sympathique et témoigne d’une réflexion intéressante, mon cher collègue, mais on ne peut pas inscrire une telle disposition dans la Constitution.

Aussi, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Une telle disposition ne paraît pas nécessaire puisque, aux termes de l’article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être ni promulguée ni mise en application.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, mais elles s’imposent aux pouvoirs publics ainsi qu’à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Et quand la Cour de cassation s’assoit dessus ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Ce n’est pas possible, monsieur Charasse, puisque de telles décisions ne sont pas applicables et ne sont pas censées exister !

La principale conséquence d’une décision du Conseil constitutionnel, c’est l’impossibilité de promulguer une loi ou une disposition déclarée inconstitutionnelle. Il n’y a donc, sur ce point, aucune difficulté.

Il arrive aussi que certaines décisions ne sanctionnent pas une disposition mais comportent des réserves, ce qui est arrivé pour de nombreuses lois. Mais, s’agissant des réserves, on considère que ce n’est pas inconstitutionnel.

Je ne crois donc pas qu’il faille modifier la Constitution sur ce point. D’ailleurs, les juridictions des deux ordres jouent bien le jeu, comme l’a rappelé M. le rapporteur : la décision est à chaque fois susceptible de recours, jusqu’à la Cour de cassation si c’est nécessaire.

Cet amendement ne nous paraît pas utile. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Cet amendement ne pourra probablement pas connaître de suite dans l’immédiat, mais il nous invite tout de même à réfléchir sur cette question extrêmement grave du respect des décisions de certaines autorités judiciaires et cours de justice.

Il manque, dans notre droit, un dispositif équivalent à ce qui existe et est pratiqué couramment dans le droit anglo-saxon, sous la dénomination attempt of court, qui qualifie une faute extrêmement grave. Les décisions des cours bénéficient donc, dans les pays anglo-saxons, d’un respect inimaginable dans notre système.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je signale qu’au sein de la République démocratique de l’Inde, qui est la plus grande démocratie du monde, il existe une Cour suprême qui statue dans des quantités de domaines, non seulement comme une cour de cassation, mais également comme une cour de régulation, et tranche de nombreux litiges, concernant le partage des eaux, la pollution, etc.

Lorsqu’on demande aux magistrats indiens comment les décisions de la Cour suprême de l’Inde peuvent être respectées, dans la mesure où ils ne disposent pas de bras séculier à proprement parler, ils répondent qu’ils appliquent la procédure de l’attempt of court, qui leur confère une efficacité remarquable.

L’amendement de notre collègue Michel Charasse pose donc un vrai problème, sur lequel nous devons réfléchir, même si ne nous pouvons pas y apporter une solution dans l’immédiat. Je crois qu’il faut garder ce problème présent à l’esprit, afin d’étudier par quels moyens nous pourrions introduire dans notre système juridique un dispositif équivalant à l’attempt of court, ce qui serait bien utile dans certains cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je sens bien qu’il sera difficile d’aller plus loin sur cette question ce soir. Mais je voudrais quand même rappeler qu’en ce qui concerne la situation du Président de la République, la Cour de cassation a sciemment décidé d’ignorer la décision du Conseil constitutionnel concernant l’immunité présidentielle. Dans cette affaire, le Premier président de la Cour de cassation s’est même dérangé lui-même pour présider... passons !

Et c’est à la suite de ça qu’il a fallu adopter à Versailles ce texte complètement tordu qui concerne la mise en cause du Président de la République devant une Haute Cour qui d’ailleurs ne le juge pas et se contente de le destituer. Voilà le résultat, avec le concours de professeurs de droit qui en ont rajouté une louche !

Quant au deuxième point, la forfaiture, M. Hyest a raison. Je vais vous expliquer comment les choses se sont passées car il se trouve que j’ai suivi l’affaire en 1993, à l’Élysée, lorsque a été arrêté dans des conditions scandaleuses notre ancien collègue Pierre Merli, alors député-maire d’Antibes, sans les autorisations requises par la Constitution, c’est-à-dire sans l’autorisation de son assemblée. C’était avant la réforme de 1995.

Transporté d’urgence au petit matin alors qu’il était en traitement d’un cancer en phase terminale de son domicile d’Antibes jusqu’à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, personne, ni la police, ni le parquet, ni le juge d’instruction, n’a demandé les autorisations requises par la Constitution. Il s’agissait d’une forfaiture au sens du code pénal de l’époque.

À six heures du soir, alerté par l’avocat Paul Lombard, après plusieurs interventions, dont la mienne à la demande du président Mitterrand, qui m’a demandé de faire appeler l’attention du parquet sur cette situation en rappelant que ce parlementaire bénéficiait – à l’époque, c’était comme ça et nous étions en session ! – d’une immunité, on a benoîtement expliqué à M. Merli qu’on allait naturellement le libérer et que s’il ne déposait pas plainte pour forfaiture contre les policiers et les magistrats, tout s’arrangerait comme par enchantement.

Et à la suite de ce grave incident, la Chancellerie a profité de la réforme du code pénal qui était en cours non pas pour supprimer la forfaiture, mais pour lui enlever sa qualification – on ne sait plus si c’est un crime ou un délit ! – et, bien entendu, les peines qui allaient avec, c’est-à-dire le bannissement. Tant est si bien qu’aujourd’hui la forfaiture reste toujours dans le décret révolutionnaire d’août 1790, mais elle ne comporte aucune définition ni aucune peine dans le code pénal et on ne peut donc pas la poursuivre.

J’ai posé une question écrite à un garde des sceaux, il y a trois ou quatre ans, sur ce sujet : que fait-on si un tel cas se reproduit ? On m’a répondu : si un juge se met en situation de forfaiture, il sera poursuivi par la voie disciplinaire ! Autant dire une tape sur la joue.

Je retire mon amendement, pour ne pas prolonger les débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je ne peux pas accepter les propos que vient de tenir Michel Charasse sur la Cour de cassation et l’interprétation qu’elle a donnée de l’immunité présidentielle.

Il se trouve que les deux juridictions suprêmes ont donné des interprétations différentes d’un problème relevant essentiellement, au départ, de la procédure pénale.

On ne peut pas tenir de tels propos !

On ne pourra jamais me reprocher de n’être pas attentif aux décisions du Conseil constitutionnel, mais je ne peux pas laisser dire ici que la Cour de cassation, et son Premier président en particulier, aurait méconnu sciemment les décisions du Conseil. Cela n’a rien à voir ! Il s’agit simplement d’un conflit d’interprétation, d’une divergence.

L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège, une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet et une formation plénière.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un avocat, un professeur des universités ainsi que cinq personnalités qualifiées qui ne sont ni membres du Parlement ni magistrats de l'ordre judiciaire, désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Défenseur des droits des citoyens et le Président du Conseil économique et social. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège ainsi que le conseiller d'État, l'avocat, le professeur des universités et les cinq personnalités mentionnés à l'alinéa précédent.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations et les sanctions disciplinaires qui concernent les magistrats du parquet.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions intéressant la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le garde des sceaux. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa ainsi que le conseiller d'État, l'avocat, le professeur des universités et les cinq personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Le procureur général près ladite cour supplée le premier président de la Cour de cassation.

« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut assister aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. Elle définit également les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai souhaité m’exprimer sur cet article parce que j’étais le rapporteur de la commission des lois pour la partie concernant le Conseil supérieur de la magistrature lors de la révision constitutionnelle de 1993.

Je rappelle que c’est le Sénat qui a fondamentalement transformé le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, alors que l’Assemblée nationale se préoccupait davantage de la Cour de justice de la République. Nous avons rendu le CSM compétent pour les magistrats du parquet : c’est à cette occasion qu’ils ont été reconnus dans la Constitution !

La réforme dont nous débattons ne remet pas en cause cette avancée, contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire ici et là. Les parquetiers sont et resteront des magistrats !

En 1993, nous avons créé deux formations, l’une compétente pour le siège, l’autre pour le parquet. Nous avons également renforcé les compétences du CSM, dont le pouvoir de proposition a été étendu aux présidents des tribunaux de grande instance alors que, jusqu’à ce moment-là, il était limité aux Premiers présidents. À l’époque, les esprits n’étaient pas mûrs pour aller plus loin.

Aujourd’hui, deux changements fondamentaux sont prévus. D’une part, le Président de la République ne présidera plus le CSM et le garde des sceaux n’en sera plus le vice-président. D’autre part, la composition du CSM est revue pour mieux correspondre à son rôle à la fois très important et très spécifique. Je ne reprendrai pas ce que j’ai dit à ce propos dans la discussion générale.

Pourquoi un membre du CSM, nommé par l’autorité politique – le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat –, serait-il moins légitime et plus soupçonnable de partialité qu’un membre élu dans le cadre d’une élection de nature syndicale ?

La réforme proposée constitue donc, globalement, un progrès, mais des interrogations demeurent.

Tout d’abord, je ne suis pas convaincu par la solution retenue pour la présidence de la formation plénière, qui serait exercée par le Premier président, avec suppléance possible par le procureur général près la Cour de cassation. N’est-ce pas un décrochage du parquet par rapport au siège ?

Ensuite, comment sera fixé l’ordre du jour du Conseil supérieur de la magistrature, et, selon la formule consacrée, qui « gardera ces gardiens » ? Je rappelle qu’en 1993 nous avions, lors des débats parlementaires, exclu que le Conseil supérieur de la magistrature puisse s’autosaisir afin de prendre position, par exemple, sur un événement judiciaire ou sur un projet de réforme constitutionnelle ou législative. Or, le CSM n’en a pas tenu compte. Il est passé outre, et personne n’a fait de rappel à la règle. Qu’en sera-t-il à l’avenir, madame le garde des sceaux ?

Par ailleurs, la présence facultative du garde des sceaux risque, à mon avis, de poser problème en pratique. S’il est présent épisodiquement, sa présence sera interprétée et commentée. S’il n’a pas l’intention d’assister à une réunion et que le Conseil supérieur de la magistrature fait savoir, par voie de presse, qu’il souhaite l’entendre, on imagine le tintamarre médiatique.

Je souhaiterais, madame le garde des sceaux, avoir également des précisions sur quelques points.

Comment les procureurs généraux seront-ils nommés ? Seront-ils toujours nommés en conseil des ministres, mais après avis du Conseil supérieur de la magistrature, comme les autres membres du parquet ?

Quel sera le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature sur l’aptitude des auditeurs de justice à l’issue de leur scolarité, puisqu’il donne son avis sur toutes les nominations ?

Avant 1993, le Conseil supérieur de la magistrature examinait les nominations et promotions de magistrats dans l’ordre de la Légion d’honneur et dans l’ordre du Mérite. Est-il envisagé de revenir à cette procédure ?

Enfin, même si, je le sais, il ne faut surtout pas évoquer les questions de mode d’élection en ce moment, je tiens à rappeler que la manière dont les représentants des magistrats seront élus aura une grande importance. Je ne dis pas qu’il faut régler cette question dans la Constitution, mais j’estime qu’il serait utile, madame le garde des sceaux, de connaître vos intentions sur ce point, comme sur les quelques autres que je viens d’évoquer.

M. Christian Cointat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 489, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

« - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège, une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet et une formation plénière.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un professeur de droit et un avocat ainsi que trois personnalités qualifiées n'appartenant pas au Parlement, à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, désignés respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises à l'avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. Cette formation est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée de cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège et des six personnalités prévues à l'alinéa précédent. Elle est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle fait des propositions de nomination pour tous les magistrats du siège.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Les magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est composé des membres des deux formations. Il est présidé par l'un de ses membres élus en son sein pour deux ans.

« Le garde des sceaux, à sa demande ou à la demande du Conseil supérieur de la magistrature peut être entendu par la formation plénière.

« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par tout justiciable.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. Robert Badinter. Je me permets d’attirer votre attention, mon cher collègue, sur les contraintes horaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Sur ce problème essentiel, je serai non pas sibyllin, mais concis, monsieur le président.

La réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature doit s’effectuer dans le respect de principes simples, mais essentiels.

En premier lieu, il faut préserver l’unité du corps. La magistrature, en France, constituant un corps unique, cette unicité commande de concevoir, comme nous le faisons, une formation plénière, évidemment présidée par un président élu en son sein pour deux ans, ce qui permet une plus grande souplesse.

En second lieu, il faut tenir compte du fait que coexistent le siège et le parquet, à savoir deux formations différentes qui doivent répondre à un même principe essentiel : depuis des décennies, nous sommes à la recherche de formules permettant d’éviter deux écueils, le corporatisme et la politisation.

La réponse tient en un mot : parité. Il convient d’assurer, au sein de chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature, la parité entre magistrats et personnalités extérieures.

Ainsi, pour que soit respectée cette parité, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège est composée de cinq magistrats du siège et d’un magistrat du parquet – voilà pour les magistrats –, et de six personnalités, à savoir un conseiller d’État, un avocat, un professeur d’université, désigné par la conférence des présidents d’université, ainsi que de trois personnalités qualifiées, n’appartenant pas au Parlement, à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif, désignées par les plus hautes autorités de l’État, c’est-à-dire, respectivement, par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, sachant que la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées.

La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est, quant à elle, composée de cinq magistrats du parquet, d’un magistrat du siège et de six personnalités désignées selon les mêmes modalités que celles que je viens d’indiquer.

Je rappelle que la première garantie des justiciables, c’est l’impartialité du juge, et que les magistrats du siège jouissent d’une indépendance absolue. Les choses sont claires : la formation compétente à leur égard doit proposer leur nomination à tous les niveaux de la hiérarchie.

Les magistrats du parquet, dont la fonction est complexe, puisqu’ils sont chargés de mettre en œuvre la politique pénale du Gouvernement, doivent bénéficier, comme tout magistrat, de garanties statutaires pour leur nomination. Comme ils sont intégrés dans un corps hiérarchisé, il convient de leur réserver une approche différente : ils seraient nommés, du haut en bas de l’échelle également, sur avis conforme de la formation compétente à leur égard.

La magistrature bénéficie ainsi de toutes les garanties nécessaires, en même temps qu’est évité l’écueil du corporatisme.

Je tiens, au sujet de l’organe disciplinaire, à apporter une précision : le principe en vigueur dans toutes les institutions similaires en Europe est qu’il doit être composé majoritairement de magistrats, car c’est ainsi que se crée un corpus d’éthique de la magistrature. Les formations statuant comme conseil de discipline à l’égard des magistrats du siège et du parquet seraient alors présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près la Cour de cassation.

C’est aussi simple et clair que cela. J’ajoute que, bien évidemment, le Conseil supérieur de la magistrature s’ouvrira, comme le veut l’air du temps, aux justiciables.

Cet équilibre assurera enfin à la magistrature française les garanties d’indépendance nécessaires et, en même temps, la prémunira contre les deux écueils que j’évoquais, la politisation et le corporatisme.

Enfin, pour terminer, je salue l’initiative du Président de la République de ne plus présider le Conseil supérieur de la magistrature. Elle marque, de sa part, une volonté de donner plus d’indépendance au Conseil supérieur de la magistrature, ce qui a pour conséquence que le garde des sceaux n’a plus, dès lors, de raison d’y être, sauf à sa demande, pour une question d’intérêt général, ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature le lui demande. Cela montre que l’exécutif n’a plus sa place dans le Conseil supérieur de la magistrature.

Il est essentiel, madame le garde des sceaux, dans le climat actuel, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

…c’est-à-dire, plus précisément, depuis l’affaire d’Outreau, que la magistrature ait le sentiment…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

…non pas d’être honnie ou suspectée, mais d’être l’un des grands piliers de l’État de droit.

Cet amendement satisfait à toutes les exigences que l’on peut souhaiter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’aurais pu présenter mon amendement, cela aurait été aussi efficace !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 25 juin 2008 :

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et le soir :

1°) Éventuellement, suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République (365, 2007-2008) ;

2°) Projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi (Urgence déclarée) (n° 390, 2007-2008) ;

La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Jeudi 26 juin 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

1°) Suite éventuelle du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ;

2°) Projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (Urgence déclarée) (n° 389, 2007-2008) ;

La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour prioritaire :

4°) Suite de l’ordre du jour du matin ;

À 21 heures 30 :

5°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Livre Blanc sur la défense ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Vendredi 27 juin 2008 :

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (276, 2007 2008) ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d’Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d’un espace aérien commun européen (278, 2007 2008) ;

3°) Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.

Lundi 30 juin 2008 :

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et le soir :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie (398, 2007-2008) ;

2°) Clôture de la session ordinaire 2007-2008.

Mardi 1er juillet 2008

À 16 heures et le soir

Mercredi 2 juillet 2008

À 15 heures et le soir

Jeudi 3 juillet 2008

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir

Vendredi 4 juillet 2008

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir

Et, éventuellement, lundi 7 juillet 2008

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.

Mardi 8 juillet 2008 :

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 214 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de la défense ;

- n° 243 de M. Alain Vasselle à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

- n° 244 de M. Claude Biwer à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

- n° 250 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

- n° 254 de M. Adrien Gouteyron à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

- n° 261 de M. Gérard Delfau à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 262 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

- n° 263 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l’éducation nationale ;

- n° 269 de M. Louis Souvet à M. le ministre de l’éducation nationale ;

- n° 271 de M. Georges Mouly à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

- n° 272 de Mme Muguette Dini à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

- n° 273 de M. Michel Sergent à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables ;

- n° 275 de M. Jean-Patrick Courtois à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

- n° 276 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

- n° 277 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;

- n° 278 de Mme Michelle Demessine à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ;

- n° 279 de M. Roland Ries à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

- n° 281 de M. Jean-Paul Alduy à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

À 16 heures et, éventuellement, le soir :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 (Urgence déclarée) (A.N., n° 917) ;

La conférence des présidents a fixé :

3°) Projet de loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes (375, 2007-2008) ;

4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (395, 2007-2008) ;

5°) Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel (protocole III) (n° 177, 2007-2008) ;

6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (394, 2007-2008) ;

7°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part (227, 2007-2008) ;

8°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération dans le domaine de l’étude et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (205, 2007 2008) ;

9°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l’adhésion des nouveaux États membres de l’Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu’aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes (204, 2007 2008) ;

10°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux transports aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie (333, 2007-2008) ;

11°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (332, 2007-2008) ;

12°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine (334, 2007-2008) ;

13°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Comité international des poids et mesures portant amendement de l’accord du 25 avril 1969 relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (466, 2005-2006).

Mercredi 9 juillet 2008 :

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux contrats de partenariat (A.N., n° 779) ;

La conférence des présidents a fixé :

Jeudi 10 juillet 2008

À 9 heures 30 :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement ;

2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation (399, 2007-2008) ;

Mardi 15 juillet 2008 :

À 10 heures :

1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat d’orientation budgétaire ;

La conférence des présidents a fixé :

À 16 heures et le soir :

2°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République ;

Mercredi 16 juillet 2008 :

À 15 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Jeudi 17 juillet 2008 :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (Urgence déclarée) (A.N., n° 969) ;

Vendredi 18 juillet 2008

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir

Mardi 22 juillet 2008

À 10 heures, à 16 heures et le soir

Mercredi 23 juillet 2008

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Jeudi 24 juillet 2008 :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

1°) Suite du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

2°) Navettes diverses.

Vendredi 25 juillet 2008 :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Navettes diverses.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Il ne fait pas partie des conclusions de la conférence des présidents !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président. Il est, comme vous le savez, convoqué sur l’initiative du Président de la République, et non – du moins pas encore !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Michèle André.