Intervention de Robert Badinter

Réunion du 24 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 26

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je veux souligner à quel point l’article qui va être adopté est important. Pour moi, c’est le fruit d’une très longue lutte. Cela fait vingt ans que j’ai proposé d’instituer l’exception d’inconstitutionnalité. On ne pouvait pas vivre, de façon pérenne, avec un système dans lequel les juridictions françaises pouvaient devenir les censeurs de lois en invoquant la Convention européenne des droits de l’homme – l’exception d’inconventionnalité –, mais ne pouvaient les censurer en arguant de la protection des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. Ce paradoxe ne pouvait pas demeurer.

On ne pouvait pas non plus accepter que le citoyen français soit traité en mineur constitutionnel. L’accès au Conseil constitutionnel était réservé aux plus hautes autorités de l’État ainsi qu’à soixante députés ou soixante sénateurs, mais lui était refusé.

Le citoyen, au motif qu’une décision rendue par n’importe quelle instance violait ses droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, pouvait saisir la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Mais il ne pouvait pas saisir le Conseil constitutionnel en arguant de la violation de ses droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, ce qui est pourtant l’essentiel.

Un tel archaïsme, une telle survivance, une telle contradiction ne pouvait pas demeurer.

Il a cependant fallu parcourir un très long chemin. Je marque que le dispositif qui va être aujourd'hui adopté a été inscrit dans des projets de loi constitutionnelle successifs, sans, toutefois, réussir à voir le jour. Il avait été mis au point de concert, après de très longues séances de travail, entre M. Drai, alors Premier président de la Cour de cassation, auquel je rends hommage, Marceau Long, qui présidait le Conseil d'État, et celui qui est aujourd'hui l’un de vos collègues. Nous avons tout pesé, tout mesuré. Nous avons considéré qu’il s’agissait du meilleur système possible pour éviter un engorgement du Conseil constitutionnel et pour que la culture du respect des droits fondamentaux pénètre à tous les échelons le corps judiciaire. Je suis persuadé de ce dernier point.

À mes yeux, la justice doit être en permanence le gardien des libertés fondamentales. Grâce au système de l’exception d’inconstitutionnalité, c’est le citoyen, lorsque le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé auparavant, qui se voit reconnaître le droit de saisir cette instance, pour que ses droits ne soient pas méconnus.

C’est un très grand progrès de l’État de droit que je suis heureux de voir adopter par le Sénat.

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