Je sens bien qu’il sera difficile d’aller plus loin sur cette question ce soir. Mais je voudrais quand même rappeler qu’en ce qui concerne la situation du Président de la République, la Cour de cassation a sciemment décidé d’ignorer la décision du Conseil constitutionnel concernant l’immunité présidentielle. Dans cette affaire, le Premier président de la Cour de cassation s’est même dérangé lui-même pour présider... passons !
Et c’est à la suite de ça qu’il a fallu adopter à Versailles ce texte complètement tordu qui concerne la mise en cause du Président de la République devant une Haute Cour qui d’ailleurs ne le juge pas et se contente de le destituer. Voilà le résultat, avec le concours de professeurs de droit qui en ont rajouté une louche !
Quant au deuxième point, la forfaiture, M. Hyest a raison. Je vais vous expliquer comment les choses se sont passées car il se trouve que j’ai suivi l’affaire en 1993, à l’Élysée, lorsque a été arrêté dans des conditions scandaleuses notre ancien collègue Pierre Merli, alors député-maire d’Antibes, sans les autorisations requises par la Constitution, c’est-à-dire sans l’autorisation de son assemblée. C’était avant la réforme de 1995.
Transporté d’urgence au petit matin alors qu’il était en traitement d’un cancer en phase terminale de son domicile d’Antibes jusqu’à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, personne, ni la police, ni le parquet, ni le juge d’instruction, n’a demandé les autorisations requises par la Constitution. Il s’agissait d’une forfaiture au sens du code pénal de l’époque.
À six heures du soir, alerté par l’avocat Paul Lombard, après plusieurs interventions, dont la mienne à la demande du président Mitterrand, qui m’a demandé de faire appeler l’attention du parquet sur cette situation en rappelant que ce parlementaire bénéficiait – à l’époque, c’était comme ça et nous étions en session ! – d’une immunité, on a benoîtement expliqué à M. Merli qu’on allait naturellement le libérer et que s’il ne déposait pas plainte pour forfaiture contre les policiers et les magistrats, tout s’arrangerait comme par enchantement.
Et à la suite de ce grave incident, la Chancellerie a profité de la réforme du code pénal qui était en cours non pas pour supprimer la forfaiture, mais pour lui enlever sa qualification – on ne sait plus si c’est un crime ou un délit ! – et, bien entendu, les peines qui allaient avec, c’est-à-dire le bannissement. Tant est si bien qu’aujourd’hui la forfaiture reste toujours dans le décret révolutionnaire d’août 1790, mais elle ne comporte aucune définition ni aucune peine dans le code pénal et on ne peut donc pas la poursuivre.
J’ai posé une question écrite à un garde des sceaux, il y a trois ou quatre ans, sur ce sujet : que fait-on si un tel cas se reproduit ? On m’a répondu : si un juge se met en situation de forfaiture, il sera poursuivi par la voie disciplinaire ! Autant dire une tape sur la joue.
Je retire mon amendement, pour ne pas prolonger les débats.