Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai souhaité m’exprimer sur cet article parce que j’étais le rapporteur de la commission des lois pour la partie concernant le Conseil supérieur de la magistrature lors de la révision constitutionnelle de 1993.
Je rappelle que c’est le Sénat qui a fondamentalement transformé le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, alors que l’Assemblée nationale se préoccupait davantage de la Cour de justice de la République. Nous avons rendu le CSM compétent pour les magistrats du parquet : c’est à cette occasion qu’ils ont été reconnus dans la Constitution !
La réforme dont nous débattons ne remet pas en cause cette avancée, contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire ici et là. Les parquetiers sont et resteront des magistrats !
En 1993, nous avons créé deux formations, l’une compétente pour le siège, l’autre pour le parquet. Nous avons également renforcé les compétences du CSM, dont le pouvoir de proposition a été étendu aux présidents des tribunaux de grande instance alors que, jusqu’à ce moment-là, il était limité aux Premiers présidents. À l’époque, les esprits n’étaient pas mûrs pour aller plus loin.
Aujourd’hui, deux changements fondamentaux sont prévus. D’une part, le Président de la République ne présidera plus le CSM et le garde des sceaux n’en sera plus le vice-président. D’autre part, la composition du CSM est revue pour mieux correspondre à son rôle à la fois très important et très spécifique. Je ne reprendrai pas ce que j’ai dit à ce propos dans la discussion générale.
Pourquoi un membre du CSM, nommé par l’autorité politique – le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat –, serait-il moins légitime et plus soupçonnable de partialité qu’un membre élu dans le cadre d’une élection de nature syndicale ?
La réforme proposée constitue donc, globalement, un progrès, mais des interrogations demeurent.
Tout d’abord, je ne suis pas convaincu par la solution retenue pour la présidence de la formation plénière, qui serait exercée par le Premier président, avec suppléance possible par le procureur général près la Cour de cassation. N’est-ce pas un décrochage du parquet par rapport au siège ?
Ensuite, comment sera fixé l’ordre du jour du Conseil supérieur de la magistrature, et, selon la formule consacrée, qui « gardera ces gardiens » ? Je rappelle qu’en 1993 nous avions, lors des débats parlementaires, exclu que le Conseil supérieur de la magistrature puisse s’autosaisir afin de prendre position, par exemple, sur un événement judiciaire ou sur un projet de réforme constitutionnelle ou législative. Or, le CSM n’en a pas tenu compte. Il est passé outre, et personne n’a fait de rappel à la règle. Qu’en sera-t-il à l’avenir, madame le garde des sceaux ?
Par ailleurs, la présence facultative du garde des sceaux risque, à mon avis, de poser problème en pratique. S’il est présent épisodiquement, sa présence sera interprétée et commentée. S’il n’a pas l’intention d’assister à une réunion et que le Conseil supérieur de la magistrature fait savoir, par voie de presse, qu’il souhaite l’entendre, on imagine le tintamarre médiatique.
Je souhaiterais, madame le garde des sceaux, avoir également des précisions sur quelques points.
Comment les procureurs généraux seront-ils nommés ? Seront-ils toujours nommés en conseil des ministres, mais après avis du Conseil supérieur de la magistrature, comme les autres membres du parquet ?
Quel sera le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature sur l’aptitude des auditeurs de justice à l’issue de leur scolarité, puisqu’il donne son avis sur toutes les nominations ?
Avant 1993, le Conseil supérieur de la magistrature examinait les nominations et promotions de magistrats dans l’ordre de la Légion d’honneur et dans l’ordre du Mérite. Est-il envisagé de revenir à cette procédure ?
Enfin, même si, je le sais, il ne faut surtout pas évoquer les questions de mode d’élection en ce moment, je tiens à rappeler que la manière dont les représentants des magistrats seront élus aura une grande importance. Je ne dis pas qu’il faut régler cette question dans la Constitution, mais j’estime qu’il serait utile, madame le garde des sceaux, de connaître vos intentions sur ce point, comme sur les quelques autres que je viens d’évoquer.