Intervention de Robert Badinter

Réunion du 24 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Sur ce problème essentiel, je serai non pas sibyllin, mais concis, monsieur le président.

La réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature doit s’effectuer dans le respect de principes simples, mais essentiels.

En premier lieu, il faut préserver l’unité du corps. La magistrature, en France, constituant un corps unique, cette unicité commande de concevoir, comme nous le faisons, une formation plénière, évidemment présidée par un président élu en son sein pour deux ans, ce qui permet une plus grande souplesse.

En second lieu, il faut tenir compte du fait que coexistent le siège et le parquet, à savoir deux formations différentes qui doivent répondre à un même principe essentiel : depuis des décennies, nous sommes à la recherche de formules permettant d’éviter deux écueils, le corporatisme et la politisation.

La réponse tient en un mot : parité. Il convient d’assurer, au sein de chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature, la parité entre magistrats et personnalités extérieures.

Ainsi, pour que soit respectée cette parité, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège est composée de cinq magistrats du siège et d’un magistrat du parquet – voilà pour les magistrats –, et de six personnalités, à savoir un conseiller d’État, un avocat, un professeur d’université, désigné par la conférence des présidents d’université, ainsi que de trois personnalités qualifiées, n’appartenant pas au Parlement, à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif, désignées par les plus hautes autorités de l’État, c’est-à-dire, respectivement, par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, sachant que la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées.

La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est, quant à elle, composée de cinq magistrats du parquet, d’un magistrat du siège et de six personnalités désignées selon les mêmes modalités que celles que je viens d’indiquer.

Je rappelle que la première garantie des justiciables, c’est l’impartialité du juge, et que les magistrats du siège jouissent d’une indépendance absolue. Les choses sont claires : la formation compétente à leur égard doit proposer leur nomination à tous les niveaux de la hiérarchie.

Les magistrats du parquet, dont la fonction est complexe, puisqu’ils sont chargés de mettre en œuvre la politique pénale du Gouvernement, doivent bénéficier, comme tout magistrat, de garanties statutaires pour leur nomination. Comme ils sont intégrés dans un corps hiérarchisé, il convient de leur réserver une approche différente : ils seraient nommés, du haut en bas de l’échelle également, sur avis conforme de la formation compétente à leur égard.

La magistrature bénéficie ainsi de toutes les garanties nécessaires, en même temps qu’est évité l’écueil du corporatisme.

Je tiens, au sujet de l’organe disciplinaire, à apporter une précision : le principe en vigueur dans toutes les institutions similaires en Europe est qu’il doit être composé majoritairement de magistrats, car c’est ainsi que se crée un corpus d’éthique de la magistrature. Les formations statuant comme conseil de discipline à l’égard des magistrats du siège et du parquet seraient alors présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près la Cour de cassation.

C’est aussi simple et clair que cela. J’ajoute que, bien évidemment, le Conseil supérieur de la magistrature s’ouvrira, comme le veut l’air du temps, aux justiciables.

Cet équilibre assurera enfin à la magistrature française les garanties d’indépendance nécessaires et, en même temps, la prémunira contre les deux écueils que j’évoquais, la politisation et le corporatisme.

Enfin, pour terminer, je salue l’initiative du Président de la République de ne plus présider le Conseil supérieur de la magistrature. Elle marque, de sa part, une volonté de donner plus d’indépendance au Conseil supérieur de la magistrature, ce qui a pour conséquence que le garde des sceaux n’a plus, dès lors, de raison d’y être, sauf à sa demande, pour une question d’intérêt général, ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature le lui demande. Cela montre que l’exécutif n’a plus sa place dans le Conseil supérieur de la magistrature.

Il est essentiel, madame le garde des sceaux, dans le climat actuel, …

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