Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 24 juin 2008 à 22h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Vous dites vouloir à la fois faire respecter le principe d’indépendance de la justice et éviter le corporatisme. Tout le monde s’accorde sur cet objectif, mais la réforme qui nous est proposée ne l’atteint que partiellement, me semble-t-il.

En effet, si le Président de la République ne préside plus le CSM, ce qui constitue un acquis majeur, l’exécutif réapparaît avec le garde des sceaux, puisque celui-ci pourra, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances des formations du CSM en tant que membre de droit.

Il est normal que le garde des sceaux soit entendu par cette instance et puisse venir s’exprimer devant elle, mais de là à en faire un membre de droit, il y a une nuance de taille !

Un autre sujet d’insatisfaction pour nous concerne les deux formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet, qui seront présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur près ladite cour. Notre amendement porte sur ce premier point de désaccord que nous avons avec le texte proposé pour l’article 65 de la Constitution.

Nous souhaitons, comme d’autres, que la formation compétente à l’égard des magistrats du siège élise son président en son sein parmi ses membres qui sont magistrats. En effet, il semble difficile de prévoir que le Premier président de la Cour de cassation assure, en plus de ses fonctions, la présidence de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège.

Outre que ce magistrat est très occupé, la compatibilité de ces deux fonctions ne me semble pas évidente. Car peut-on envisager que le Premier président de la Cour de cassation préside le CSM à temps partiel ?

De même, il est étrange de prévoir que le CSM, qui a pour compétence la désignation du Premier président de la Cour de cassation, soit présidé, pour sa formation compétente à l’égard du siège, par ce même haut magistrat.

Toutefois, ce ne sont pas les seuls effets pervers de ce dispositif. En effet, la disposition confiant la présidence de la formation compétente pour le siège au Premier président de la Cour de cassation pose un problème au regard des nominations des magistrats à cette cour, et, à ce titre, ne semble pas opportune.

Autre effet pervers, la présidence de la formation compétente pour le siège serait réservée au Premier président de la Cour de cassation et celle de la formation compétente pour le parquet au procureur général près ladite cour, ce qui risque de précipiter la séparation entre ces deux carrières, en contradiction avec le principe de l’unité du corps judiciaire.

D’ailleurs, dans son avis rendu sur ce projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État a estimé que la double présidence du CSM était « contraire au principe constitutionnel d’unité du corps judiciaire ». Pourtant, le Gouvernement, qui a bien sûr reçu communication de cet avis, a décidé de maintenir la version initiale de ce texte.

Enfin, la présidence de la formation compétente pour le siège sera rattachée non pas au mandat de ses membres, mais à la fonction de son président, autrement dit à la charge de Premier président de la Cour de cassation. Il y aura donc un décalage entre la durée de la présidence et celle du mandat des membres de cette formation, ce qui paraît incongru.

En confiant la présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège au Premier président de la Cour de cassation, le projet de loi constitutionnelle accentue le poids de la hiérarchie au sein du CSM. C'est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que cette formation soit présidée par un magistrat du siège élu en son sein.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion