La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Michèle André.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République
Nous poursuivons l’examen de l’article 28, dont je rappelle les termes.
L’article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège, une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet et une formation plénière.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat, un professeur des universités ainsi que cinq personnalités qualifiées qui ne sont ni membres du Parlement ni magistrats de l’ordre judiciaire, désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Défenseur des droits des citoyens et le Président du Conseil économique et social. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège ainsi que le conseiller d’État, l’avocat, le professeur des universités et les cinq personnalités mentionnés à l’alinéa précédent.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations et les sanctions disciplinaires qui concernent les magistrats du parquet.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions intéressant la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le garde des sceaux. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa ainsi que le conseiller d’État, l’avocat, le professeur des universités et les cinq personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Le procureur général près ladite cour supplée le premier président de la Cour de cassation.
« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut assister aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. Elle définit également les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable. »
Sur cet article, je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 489 a été présenté.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 129, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L’article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, désignent chacun deux personnalités. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités mentionnés à l’alinéa précédent.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnées au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.
« Le ministre de la justice peut être entendu, à sa demande, par la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale pour l’organisation et les pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature comporte cinq caractéristiques.
Premièrement, les formations spécialisées comprendraient sept magistrats et huit personnalités extérieures. Les formations du siège et du parquet seraient présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près cette cour. Les personnalités qualifiées comprendraient, outre un conseiller d’État, un avocat et un professeur des universités. Cinq autres personnalités qualifiées seraient désignées par le Président de la République, les présidents des assemblées, le Défenseur des droits des citoyens, selon l’appellation retenue pas l’Assemblée nationale, et le président du Conseil économique et social.
Deuxièmement, la compétence de la formation du parquet serait étendue aux nominations aux emplois de procureur général, sur lesquelles elle émettrait un simple avis.
Troisièmement, la consécration de la formation plénière serait entérinée et permettrait de réaffirmer l’unité du corps judiciaire ; il existait, jusqu’à présent, une « réunion plénière », qui examinait les questions communes aux deux formations. Toutefois, cette formation plénière ne comprendrait que six des douze magistrats présents dans les deux formations spécialisées. La présidence serait assurée par le Premier président de la Cour de cassation, que pourrait suppléer le procureur général près cette cour.
Quatrièmement, le ministre de la justice pourrait assister aux séances des formations du CSM, sauf en matière disciplinaire.
Cinquièmement, le CSM pourrait être saisi par les justiciables dans les conditions fixées par une loi organique.
Sur ce dispositif, la commission des lois du Sénat a formulé trois remarques.
Tout d’abord, en prévoyant une présence minoritaire des magistrats au sein des formations exerçant une compétence disciplinaire, notre pays placerait les magistrats dans une situation d’exception en France et en Europe. Si l’on constate souvent une présence majoritaire des magistrats, l’organe disciplinaire est au moins paritairement composé de magistrats et de non-magistrats.
Ensuite, la désignation des personnalités qualifiées par des autorités élues, désormais soumises à un contrôle parlementaire, semble préférable à une désignation par des autorités qui ne sont pas issues du suffrage universel et qui pourraient librement, d’ailleurs, désigner les membres du Conseil supérieur de la magistrature. Il y a lieu de maintenir un lien entre le peuple et la justice, rendue en son nom.
Enfin, le régime disciplinaire des magistrats du siège et des magistrats du parquet devrait être harmonisé. En effet, le ministre de la justice suit toujours les avis du CSM concernant les sanctions disciplinaires des magistrats du parquet. Les conditions d’exercice du droit au recours – cassation devant le Conseil d’État pour le siège et recours pour excès de pouvoir pour le parquet – nous sont apparues comme des anomalies qu’il convenait d’unifier.
Mes chers collègues, la commission des lois vous propose, par conséquent, un certain nombre de modifications.
Il s’agit de prévoir que les formations du CSM comprennent, outre les magistrats, un conseiller d’État, un avocat et six personnalités qualifiées. Comme c’est le cas aujourd'hui, le Président de la République et les présidents des assemblées désigneraient chacun deux de ces personnalités, après avis des commissions permanentes. C’était d’ailleurs le texte qui avait été proposé par le Gouvernement.
Il s’agit également d’organiser la parité au sein des formations exerçant une compétence disciplinaire.
Il s’agit encore de prévoir que la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet.
Il s’agit enfin de préciser que le ministre de la justice peut être entendu, à sa demande, par la formation plénière du CSM.
Tel est l’objet de l’amendement n° 129 de la commission des lois.
Le sous-amendement n° 342, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par l’amendement n° 129 pour l’article 65 de la Constitution, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de la magistrature est garant de l’indépendance des magistrats du siège. Il veille au respect des règles déontologiques applicables aux magistrats du siège et du parquet et assure l’égalité d’accès des citoyens à la justice.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement vise à intégrer dans la Constitution, en tête de l’article 65 de la Constitution, les missions fondamentales du Conseil supérieur de la magistrature.
Certes, l’article 64 de la Constitution précise que les magistrats du siège sont inamovibles. Mais nulle part il n’est précisé que le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de cette règle.
Il convient donc de définir clairement les missions du CSM.
Premièrement, il est le garant de l’indépendance des magistrats du siège.
Deuxièmement, il veille au respect des règles déontologiques applicables aux magistrats du siège et du parquet.
Troisièmement, il assure l’égalité d’accès des citoyens à la justice. La possibilité pour un justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature, comme le prévoit d’ailleurs le dernier alinéa de l’article 28, est une contribution importante à ce dernier droit : il me semble non seulement utile, mais également fondamental, de l’expliciter dès le début de l’article 65 de la Constitution.
Le sous-amendement n° 288 rectifié, présenté par MM. Fauchon, Amoudry, Biwer, Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 129 pour l’article 65 de la Constitution :
« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, désignent chacun deux personnalités. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée. Elle élit son président parmi ses membres.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Ce sous-amendement, ainsi d’ailleurs que le sous-amendement n° 289 rectifié, qui sera examiné peu après, porte uniquement sur le problème de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature.
Il s’agit d’une question extrêmement importante, car le CSM a d’énormes responsabilités. Il intervient naturellement en matière de déontologie, mais il s’occupe beaucoup plus fréquemment de la gestion du corps, domaine dans lequel il a, en permanence, de lourdes responsabilités.
Je salue au passage, madame la ministre, l’action que vous avez engagée pour transformer et moderniser la formation de nos magistrats. Notre collègue Charles Gautier et moi-même avons eu le plaisir de le constater, nombre des propositions issues du rapport que nous avons publié sur cette question ont été reprises.
Nous souhaitons beaucoup de succès aux actions que vous menez, car nous sommes persuadés que l’origine de nos problèmes judiciaires réside souvent dans la formation de nos magistrats. Les membres de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, dans leurs conclusions, ne s’y sont pas intéressés, passant ainsi, à mon avis, à côté du vrai sujet. Au demeurant, la formation et la gestion du corps sont des problèmes connexes.
Cela étant, il importe que les présidents des deux formations du CSM soient bien présents et qu’ils prennent le temps d’étudier les dossiers. Autant que je sache, la chancellerie prépare les dossiers, mais c’est le CSM qui les examine un par un et décide de tout, après avoir auditionné un certain nombre de personnes. Il s’agit donc, je le répète, d’une activité prenante, lourde de responsabilités.
Par conséquent, je m’interroge sur l’opportunité de nommer d’éminents magistrats à la présidence de ces formations. Bien entendu, je ne peux que rendre hommage à leurs grandes qualités. Mais croyez-vous sérieusement qu’ils vont effectivement présider, surtout dans le cadre de la formation habituelle du CSM ?
Vous le savez bien, ils ne pourront pas réellement le faire, et ce pour des raisons pratiques. Il est prévu trois jours de séance par semaine. En dehors des séances, il faut tout de même que le magistrat concerné prenne le temps d’étudier les dossiers et les candidatures, afin de jouer véritablement son rôle. En réalité, la présidence sera forcément assurée par un autre. Peut-être s’agira-t-il du secrétaire général, d’un vice-président ou d’une autre personnalité. En tout état de cause, cette solution n’est pas très raisonnable.
En outre, sur le plan des principes, je m’oppose à cette méthode qui consiste, d’abord, à créer une instance, ensuite, à en désigner les membres, parce que l’on craint que ceux-ci ne sachent pas se conduire, et à leur imposer un président venu de l’extérieur, qu’ils n’auront donc pas élu eux-mêmes. Ce sont des survivances d’un dirigisme qui n’ose pas dire son nom !
Cette instance est composée de personnalités très compétentes, responsables des différentes orientations. Je souscris donc à la proposition de notre collègue Robert Badinter : laissons-les élire un président, qui pourra assumer ses responsabilités à plein temps.
Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles nous vous suggérons, par ce sous-amendement, de modifier le dispositif prévu pour la présidence. J’ai l’impression qu’en réalité cette présidence a été instituée pour rassurer, en quelque sorte, les magistrats professionnels et leur rendre hommage. C’est vraiment une façon de faire que je trouve peu satisfaisante. Quand on décide de créer une instance dotée de telles responsabilités, il importe, pour que le système fonctionne correctement, qu’elle puisse elle-même choisir un président qui travaille à plein temps.
Le sous-amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Zocchetto, Amoudry et Biwer, Mmes Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois et C. Gaudin, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
II. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du même texte, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
La parole est à M. Yves Détraigne.
Par cet amendement, nous proposons de rétablir la parité entre les magistrats et les non-magistrats dans la composition des formations du siège et du parquet du Conseil supérieur de la magistrature.
La question de la composition du Conseil supérieur de la magistrature a en effet une grande importance, et pas seulement symbolique.
Quelle considération voulons-nous donner à cette instance, à ceux qui participent à l’œuvre de justice ? Serait-ce la mise en minorité volontaire des magistrats ?
En modifiant la composition des formations, en excluant la parité, nous développons incontestablement une suspicion à leur endroit.
On les soupçonne évidemment de corporatisme, mais quel corps n’a pas aujourd’hui une organisation paritaire pour la gestion des carrières et des procédures disciplinaires ?
Tous les autres corps de régulation et de discipline comportent une majorité de membres ayant la même expérience professionnelle que ceux à l’égard desquels ils vont exercer leurs pouvoirs de gestion et de discipline.
En outre, d’un point de vue européen, deux éléments devraient nous faire réfléchir avant de mettre en minorité les magistrats au sein du CSM.
D’abord, lorsque l’Union européenne donne des directives aux pays qui souhaitent la rejoindre, dont certaines portent sur la composition de leurs organes de régulation et de discipline concernant la justice, elle leur demande que les magistrats y soient majoritaires.
Ensuite, dans tous les autres pays de l’Union européenne, et dans beaucoup de démocraties aux principes comparables aux nôtres, la représentation des magistrats dans leurs conseils respectifs est majoritaire.
Pour toutes ces raisons, j’ai souhaité, avec plusieurs de mes collègues, vous proposer de rétablir au minimum la parité, au sein du CSM, entre les magistrats et ceux qui sont censés représenter la société au sens large.
J’ajouterai que mettre les magistrats en minorité dans les instances qui régulent leur corps constituerait, vis-à-vis d’eux, un signal de méfiance, de suspicion que leur enverrait la représentation parlementaire, ce qui, à mon avis, n’est pas du tout souhaitable dans le contexte actuel.
Le sous-amendement n° 289 rectifié, présenté par MM. Fauchon, Amoudry, Biwer, Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités mentionnées à l'alinéa précédent. Elle élit son président parmi ses membres.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Le sous-amendement n° 506 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit la première phrase du septième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent.
II. - Rédiger comme suit le neuvième alinéa du même texte :
« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Je ferai une présentation globale de l’article en présentant ce sous-amendement qui tend à modifier l’amendement de la commission des lois. Puis je répondrai point par point aux amendements et sous-amendements qui ont été présentés.
Dans la révision de la Constitution, la question du Conseil supérieur de la magistrature est essentielle. Sur un plan plus global, nous entendons répondre au problème d’éloignement des Français de leur justice. C’est notamment le sens de la réforme qui vient d’être adoptée par le conseil d'administration de l’École nationale de la magistrature. Nous nous sommes inspirés du très intéressant rapport de MM. Fauchon et Gautier, qui a d’ailleurs été repris au moment du débat de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Ce sont des éléments importants de cette réforme de la justice.
Le débat sur la présidence du CSM, sur sa composition et sur ses missions ne date pas d’aujourd'hui. Il est récurrent et s’est nourri de propositions qui n’ont jamais abouti.
La proposition du Gouvernement, qui tient compte de ce qu’exprime le débat parlementaire, devrait, à mon sens, trouver un consensus : dans une situation insatisfaisante, elle constitue une avancée et s’appuie sur des idées non partisanes. C’est le cas du rapport du Sénat que je viens de mentionner. Dénué de toute connotation politique, son seul objectif était de faire évoluer la justice.
Au préalable, je souhaite rappeler le rôle du CSM.
L’article 65 de la Constitution prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature exerce une double compétence : pour la nomination des magistrats et pour les poursuites disciplinaires. C’est dire que les décisions du CSM sont déterminantes dans la carrière des magistrats et, donc, dans la justice qui est rendue au quotidien, au nom du peuple français, je le rappelle.
Concrètement, le CSM propose au Président de la République la nomination des Premiers présidents de cour d’appel, des présidents de tribunaux de grande instance et des magistrats du siège de la Cour de cassation. Il émet un avis sur les propositions de la chancellerie pour les autres nominations des magistrats du siège et pour les nominations au parquet. La seule exception concerne les nominations des procureurs généraux, qui sont de la responsabilité du Président de la République puisqu’ils sont nommés en conseil des ministres.
Pour les magistrats du siège, la position du CSM lie le garde des sceaux. Pour les magistrats du parquet, le garde des sceaux est tout à fait libre de suivre ou non l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Comme vous le disiez tout à l’heure, monsieur Fauchon, il est vrai que le CSM examine et prépare les dossiers bien en amont avec l’administration du ministère de la justice. J’ai souhaité, depuis ma nomination, voir tous les dossiers avec l’administration pour ne pas être liée par l’avis de l’administration.
Nous avons aussi fait évoluer, en pratique, le fonctionnement de l’administration des services judiciaires et du CSM. L’une des origines de ce changement de pratique, c’est la création, en août 2007, d’une sous-direction des ressources humaines au ministère de la justice, chose inédite. Il était en effet assez frappant que toute une carrière de magistrat puisse se dérouler sans que celui-ci ait jamais été reçu au ministère de la justice. À ce jour, près de 500 magistrats se sont vu proposer des évolutions de carrière : on leur a conseillé tel poste ou, au contraire, on les a dissuadés d’occuper tel autre dans l’attente d’une formation complémentaire. D’ici à la fin de l’année, 800 magistrats seront reçus par cette sous-direction des ressources humaines. Par souci de parallélisme, j’ai procédé à l’identique pour les greffiers.
Dans les faits, s’agissant des « passer outre », qui ont fait l’objet d’un débat devant l’Assemblée nationale, sur les six dernières années, il y a eu 2 623 nominations au parquet. On relève seulement 1 % de « passer outre » : à peine vingt-sept nominations n’étaient pas conformes à l’avis du CSM. Donc, c’est extrêmement peu.
Il est vrai aussi que, depuis à peu près un an, j’ai eu à « passer outre » sur très peu de dossiers. De quoi s’agit-il ? Un « passer outre » ne signifie pas que le garde des sceaux souhaite nommer quelqu’un pour des raisons autres que le professionnalisme. Souvent, le critère qui l’emporte dans le cadre des propositions du CSM est l’ancienneté. « Passer outre », c’est aussi privilégier la compétence, l’engagement, le dévouement sur l’ancienneté pour donner une chance à un jeune procureur de diriger une juridiction. Donc, les « passer outre » sont souvent fondés sur des critères professionnels, quelle que soit, d’ailleurs, la couleur politique du Gouvernement.
Pourtant, la situation actuelle du CSM n’est pas satisfaisante. Chacun s’accorde à le dire, le fonctionnement du CSM soulève deux critiques.
D’abord, aux termes de la Constitution, la présidence du CSM est exercée par le Président de la République ou par le garde des sceaux. Jusqu’à présent, cela faisait peser un soupçon d’intervention de l’exécutif.
Ensuite, dans les deux formations qui examinent la carrière des magistrats – la formation du siège et la formation du parquet – les magistrats élus par leurs pairs sont majoritaires. La critique de corporatisme ou d’immobilisme alimente de plus en plus la méfiance entre les Français et leur justice.
C'est pourquoi le Gouvernement vous propose, dans le projet de loi constitutionnelle, trois grandes modifications par rapport à la situation actuelle.
Première modification, il vous propose que les formations du CSM soient présidées par les deux plus hauts magistrats de France. Loin de manifester de la défiance à l’égard des magistrats, il s’agit, bien au contraire, de renforcer la confiance que nous avons en eux en confiant la présidence des formations aux deux plus hauts d’entre eux.
Monsieur Fauchon, selon vous, le Premier président, qui présiderait la formation siège, et le procureur général, qui présiderait la formation parquet, ne pourront pas assurer cette présidence. Vous avez fait allusion au nombre de jours de séance ; c’est beaucoup moins que ce que vous avez dit. Ce que nous visons, c’est une stabilité et une vraie « jurisprudence » des nominations. Ces deux hauts magistrats connaissent le corps et le fonctionnement de l’institution. Avec une présidence tournante, un problème de stabilité risque de se poser. Et un non-magistrat peut être lié par les avis des autres, car il ne connaît pas l’institution
En outre, on peut imaginer qu’une présidence tournante est propice aux négociations. Ainsi, après avoir levé les suspicions d’intervention politique, on les rétablirait avec une présidence tournante, occupée par des personnes qui ne sont pas nécessairement averties du fonctionnement de l’institution judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous tenons à ce que le Premier président puisse présider la formation siège et le procureur général la formation parquet.
Deuxième modification, le Gouvernement vous propose d’ouvrir la composition du CSM en faisant siéger huit personnalités extérieures aux côtés des sept magistrats de l’ordre judiciaire. Il est vrai que les magistrats seront minoritaires dans la composition du CSM. Cela permettra de donner un peu plus de transparence dans le processus de nomination des magistrats.
Troisième modification, le Gouvernement vous suggère que la nomination des procureurs généraux soit soumise, comme toutes les autres nominations, à l’avis du CSM.
Ces propositions constituent de réelles avancées puisqu’elles prennent en compte les réflexions et les projets élaborés par le passé. Personne ne peut donc les taxer de partisanes.
La nomination à la tête des formations du CSM des deux plus hauts magistrats est également une garantie d’indépendance pour les magistrats : le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général, qui n’est pas sous l’autorité du garde des sceaux. C’est une avancée sur laquelle nous devrions tous être d’accord.
Le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour sont, par nature, des magistrats dont l’autorité est indiscutée : ils n’occupent pas ces fonctions par hasard ! Même si on n’est pas forcément d’accord sur leur parcours, leur autorité et leurs compétences sont généralement indiscutables.
Ces magistrats, qui occupent les fonctions les plus élevées de l’ordre judiciaire, connaissent parfaitement le fonctionnement et les besoins des juridictions. Ils sont totalement indépendants. Leur présidence est une véritable garantie pour les magistrats qui seront proposés ou pour ceux qui seront nommés, s’agissant du siège, par exemple.
L’ouverture du CSM, quant à elle, répond à une attente du Parlement. Déjà proposée en son temps par Élisabeth Guigou, elle a été un engagement des deux principaux candidats à la Présidence de la République en 2007 et elle figure parmi les propositions du comité Balladur.
Le projet de loi constitutionnelle présenté en 1998 par Elisabeth Guigou prévoyait un CSM de vingt-deux membres, y compris le président, dont dix magistrats de l’ordre judiciaire. Les magistrats étaient donc déjà en minorité dans le projet proposé par les socialistes.
Le projet, voté par votre Haute Assemblée, prévoyait finalement quatorze membres, dont six magistrats. Le projet que nous examinons aujourd'hui prévoit quinze membres, dont sept magistrats.
Quels qu’ils soient, ces projets ont un point commun : le CSM est davantage ouvert, ce qui correspond à un besoin exprimé depuis de nombreuses années ; les magistrats ne sont pas majoritaires. Je vous renvoie à la commission sur l’affaire d’Outreau : la recommandation avait abouti à la parité, mais tous les débats avaient porté sur l’éventualité que les magistrats deviennent minoritaires.
Les magistrats ne sont pas majoritaires au sein de la formation qui débat ou décide de leur nomination. Cette ouverture est nécessaire parce que la justice, rendue au nom du peuple français, n’est pas l’affaire des seuls professionnels.
Ce nouvel équilibre entre magistrats et non-magistrats ne singularisera pas la France. On nous a dit que nous serions le seul pays européen où les magistrats seraient minoritaires. Ce n’est pas exact ! Dans de nombreux pays d’Europe, les magistrats élus par leurs pairs ne sont pas majoritaires au sein de l’instance qui propose les évolutions de carrière : je pense au Royaume-Uni, à la Belgique, à la Suède, au Danemark, au Portugal, ainsi qu’à certains Länder en Allemagne ; dans la Sarre, par exemple, la commission est uniquement composée de parlementaires.
Dans d’autres pays où ils sont majoritaires – par exemple, le Luxembourg et la Pologne –, l’instance n’a qu’un rôle consultatif. Aux Pays-Bas, il existe un collège de procureurs généraux ; l’organisation est vraiment très différente de celle que nous avons en France.
Enfin, autre avancée, le rôle du CSM sera renforcé, puisque la formation du parquet émettra désormais un avis sur la nomination des procureurs généraux. On devra donc s’expliquer quand on passera outre certains avis. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent.
Ce cadre général me paraît pouvoir faire l’objet d’un consensus. La commission des lois a formulé des propositions ; nous en débattrons. La position du Gouvernement n’est pas figée ; elle a déjà évolué à l’Assemblée nationale. Comme pour les autres sujets, notre souhait est que les deux chambres parviennent à un accord.
La première évolution concerne la formation plénière. Cette formation ne figure pas dans la Constitution actuelle mais, de fait, elle existe dans la pratique. Les députés ont souhaité qu’elle soit mentionnée dans le texte. Le Gouvernement s’est associé à ce souhait qui relayait une demande des organisations de magistrats. La formation plénière sera un symbole de l’unité du corps et la renforcera ; je réponds là à ceux qui ont exprimé des craintes à cet égard
L’amendement du président Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois, reprend cette idée.
La deuxième évolution a trait aux huit membres du CSM qui ne sont pas magistrats. Je rappelle que ces membres siégeront aux côtés des sept magistrats de l’ordre judiciaire.
Le projet de loi constitutionnelle initial proposait six personnalités qualifiées, désignées à raison de deux par le Président de la République, deux par le Président de l’Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat, un conseiller d’État, désigné par l’assemblée générale du Conseil d’État, et un avocat, désigné par le Conseil national des barreaux.
Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale a maintenu le nombre global de huit non-magistrats, mais a modifié les autorités de désignation. Il prévoit ainsi cinq personnalités qualifiées, désignées chacune par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le président du Conseil économique et social et le Défenseur des droits des citoyens, un conseiller d’État, un avocat, un professeur d’université.
La commission des lois souhaite revenir à la version initiale du Gouvernement. Je ne peux donc y être opposée
Madame la garde des sceaux, peut-être pourriez-vous présenter votre sous-amendement. Après quoi, nous reprendrions le fil du débat.
Il me paraissait préférable, pour la clarté du débat, de présenter l’article 28 du projet de loi constitutionnelle initial, les évolutions apportées par l’Assemblée nationale, puis le sous-amendement du Gouvernement à l’amendement de la commission des lois. J’expose ainsi le point de départ et l’objectif que nous souhaitons atteindre.
La possibilité offerte à tout justiciable de saisir le CSM constitue la troisième évolution ; c’était le projet du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle annonce une loi organique destinée à permettre la saisine disciplinaire du CSM par les justiciables, sous réserve des filtres utiles.
L’Assemblée nationale a souhaité que cette possibilité soit inscrite dans la Constitution elle-même, et le Gouvernement y a été favorable. Votre commission des lois propose de reprendre cette avancée. La saisine disciplinaire du CSM ne sera donc plus le monopole du garde des sceaux ou des chefs de cour.
Enfin, la dernière évolution concerne le pouvoir disciplinaire. Vous souhaitez que, lorsque les formations du CSM – siège et parquet – ont à connaître de sanctions disciplinaires, les magistrats soient aussi nombreux que les non-magistrats, et ce dans un souci d’équilibre. Cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial : puisque les magistrats étaient minoritaires quand les formations du CSM se prononçaient sur les nominations, nous souhaitions qu’il en aille de même quand celles-ci statuaient en matière disciplinaire. Mais, dans un souci de consensus, je suis prête à me rallier à votre proposition.
Toutefois, s’agissant des sanctions prononcées à l’égard des magistrats du parquet, il me semble important de ne pas modifier le dispositif actuel ; le Gouvernement a déposé un sous-amendement en ce sens.
Aujourd’hui, le CSM a le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires à l’encontre des magistrats du siège. À l’égard des magistrats du parquet, il donne simplement un avis au garde des sceaux.
Pourquoi cette distinction ? Les parquetiers sont des magistrats ; il n’y a aucun débat sur ce point. Avec cette disposition, l’unicité du corps se trouve confirmée, et elle sortira même renforcée de la révision constitutionnelle.
Pour autant, les magistrats du parquet ont un statut différent de celui des magistrats du siège, parce qu’ils sont nommés par le garde des sceaux et reçoivent des instructions de ce dernier. Il est donc normal que le garde des sceaux conserve la responsabilité de la sanction disciplinaire les concernant : si celle-ci se trouve renvoyée au CSM sans que le ministre de la justice puisse intervenir, des problèmes se poseront inévitablement quant à l’appréciation de la responsabilité de ces magistrats, car ceux-ci ne sont pas indépendants ; ils sont placés sous l’autorité du garde des sceaux et ils exécutent la politique pénale du Gouvernement.
D’ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance portant loi organique du 22 décembre 1958 dispose : Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».
Cette relation hiérarchique est nécessaire, car le parquet agit au nom de la société. Elle a tout son sens, et je voudrais la maintenir, notamment pour ce qui concerne la sanction disciplinaire.
Enfin, je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les relations entre le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux.
Le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature ne sera plus présidé par le Président de la République et que le garde des sceaux n’en sera plus le vice-président. Il s'agit d’une avancée importante, qui permettra de marquer l’indépendance du CSM.
Cependant, le garde des sceaux reste chargé de l’organisation du service public de la justice, ainsi que du recrutement, de l’emploi et de la gestion des magistrats. Au sein du ministère, ces tâches sont assurées par le directeur des services judiciaires.
Le garde des sceaux doit veiller à ce que les besoins des juridictions soient bien pris en considération, pour assurer le bon fonctionnement de la justice sur tout le territoire. Il doit pouvoir développer également dans la magistrature une véritable gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences. C’est pour mieux remplir cette mission que nous avons créé une sous-direction des ressources humaines au sein du ministère.
Tous ces éléments supposent un véritable dialogue entre le CSM et le garde des sceaux. De plus, en pratique, ce sont les services de la chancellerie qui connaissent le mieux les magistrats.
C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que le garde des sceaux puisse être présent aux séances non seulement de la formation plénière du CSM, mais aussi des formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et du parquet, sauf lorsque celles-ci siègent en matière disciplinaire. II faut qu’il puisse dialoguer avec les membres du CSM et expliquer son point de vue, sans voix délibérative, bien entendu. Un véritable échange entre le Conseil supérieur de la magistrature et le ministre de la justice ou son représentant est nécessaire, afin d’aboutir aux meilleures décisions, et ce dans l’intérêt général.
Le sous-amendement n° 319, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
Il se prononce, dans la même formation, d'office ou sur saisine du ministre de la justice, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
La pratique a conduit le CSM à émettre spontanément des avis concernant les grands sujets relatifs à la justice.
Alors que la présente révision constitutionnelle s'apprête à consacrer la formation plénière du CSM, dont l'existence, qui n'était pas prévue dans les textes, s'est imposée de façon prétorienne depuis la réforme de 1993, il importe, nous semble-t-il, de permettre à cette instance de continuer à s'autosaisir, plutôt que de conditionner exclusivement ses avis à des demandes expresses du pouvoir exécutif.
En outre, cette légère évolution serait très appréciée des magistrats et de leurs organisations représentatives.
Le sous-amendement n° 287, présenté par Mme Gourault, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le garde des Sceaux. La formation plénière élit son président parmi ses membres. Elle statue à la majorité des trois quarts de ses membres.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Ce sous-amendement a pour objet la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.
Je crois qu’il est heureux, comme vous venez de le rappeler, madame le garde des sceaux, que la formation plénière ait désormais un fondement juridique. Toutefois, au travers de ce sous-amendement, je souhaite proposer quelques modifications.
Tout d'abord, mes chers collègues, évitons le trompe-l’œil : le projet de loi constitutionnelle évoque une « formation plénière », alors qu’en réalité celle-ci ne comporte qu’une partie des membres des deux formations. En effet, aux termes de la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, seuls trois des cinq magistrats du siège et trois des cinq magistrats du parquet participent à cette formation ; le terme « plénière » semble donc quelque peu abusif. Donc, la première modification que je propose, c’est que le CSM siège réellement en formation plénière.
Ensuite, je suggère que le président de cette formation plénière soit élu par ses membres. Notre collègue Pierre Fauchon a très bien expliqué tout à l'heure que la charge de travail du Premier président de la Cour de cassation était très lourde ; il n’est donc pas raisonnable d’en rajouter.
Enfin, le présent sous-amendement tend à modifier le mode de fonctionnement interne de cette formation, en prévoyant que celle-ci statue à la majorité des trois quarts de ses membres. Cette solution contraindrait les magistrats et les non-magistrats à dialoguer. Elle permettrait aux magistrats de participer à cette formation, où d'ailleurs ils ne seraient pas majoritaires, sans être taxés de corporatisme, comme c’est trop souvent le cas de façon injuste. Enfin, elle n’empêcherait pas qu’un magistrat puisse présider la formation plénière.
Le sous-amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
Elle désigne son président ainsi que la personne appelée à le suppléer parmi ses membres n'appartenant pas à l'ordre judiciaire.
La parole est à M. Christian Cointat.
Cet amendement concerne la présidence de la formation plénière du CSM, qui a déjà été évoquée par certains de nos collègues.
Si la formation compétente pour les magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation et celle qui est compétente à l’égard des magistrats du parquet par le procureur général près la Cour de cassation, il semble anormal que la formation plénière soit également présidée par un magistrat, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, il ne faut pas surcharger de tâches ces magistrats de très haut niveau que sont le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour.
Ensuite, il importe de ne pas donner l’impression qu’un certain corporatisme est de retour, que les magistrats président toutes les formations et que les non-magistrats sont, sinon de simples figurants, du moins des personnalités de peu de poids.
Enfin, il me paraît gênant, compte tenu de l’unicité du corps judiciaire et de l’égalité de ses composantes, que l’une d’elles prime l’autre. En effet, qu’on le veuille ou non, cette rédaction revient à subordonner le procureur général au Premier président.
C'est pourquoi, dans l’intérêt de tous, il semble beaucoup plus logique et sain, si nous voulons donner une meilleure image du CSM et renforcer l’exercice autonome de ses compétences, que la formation plénière – car il ne s’agit que d’elle – soit présidée par un non-magistrat, qui serait choisi librement en son sein par l’ensemble des autres membres.
Le sous-amendement n° 153, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :
Son président est désigné par la formation plénière parmi les personnalités qualifiées.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
Dans le même esprit que pour le sous-amendement précédent, il vous est ici proposé, mes chers collègues, de faire désigner le président de la formation plénière parmi les personnalités qualifiées de cette formation
Là encore, il s'agit d’éviter tout reproche de corporatisme, mais aussi toute polémique sur une prétendue hiérarchie entre les magistrats du siège et ceux du parquet
En outre, cette disposition permettrait au président de la formation plénière de consacrer tout le temps nécessaire à sa fonction, ce que ne pourraient faire, me semble-t-il, ni le Premier président de la Cour de cassation ni le procureur général près ladite cour, qui exercent tous deux de lourdes responsabilités.
Comme nombre de mes collègues, j’ai reçu, s’agissant de ce projet de loi constitutionnelle, de très nombreux magistrats et organisations représentatives. Or personne n’a exprimé le souhait que la formation plénière du CSM soit présidée par un magistrat !
L'amendement n° 416, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
présidée par
rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
un magistrat du siège élu en son sein.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Madame la garde des sceaux, vous nous avez placés dans une situation un peu particulière, car vous avez détaillé les dispositions de l’article lors de la présentation du sous-amendement du Gouvernement, répondant ainsi aux propositions qui vont suivre.
Vous dites vouloir à la fois faire respecter le principe d’indépendance de la justice et éviter le corporatisme. Tout le monde s’accorde sur cet objectif, mais la réforme qui nous est proposée ne l’atteint que partiellement, me semble-t-il.
En effet, si le Président de la République ne préside plus le CSM, ce qui constitue un acquis majeur, l’exécutif réapparaît avec le garde des sceaux, puisque celui-ci pourra, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances des formations du CSM en tant que membre de droit.
Il est normal que le garde des sceaux soit entendu par cette instance et puisse venir s’exprimer devant elle, mais de là à en faire un membre de droit, il y a une nuance de taille !
Un autre sujet d’insatisfaction pour nous concerne les deux formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet, qui seront présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur près ladite cour. Notre amendement porte sur ce premier point de désaccord que nous avons avec le texte proposé pour l’article 65 de la Constitution.
Nous souhaitons, comme d’autres, que la formation compétente à l’égard des magistrats du siège élise son président en son sein parmi ses membres qui sont magistrats. En effet, il semble difficile de prévoir que le Premier président de la Cour de cassation assure, en plus de ses fonctions, la présidence de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège.
Outre que ce magistrat est très occupé, la compatibilité de ces deux fonctions ne me semble pas évidente. Car peut-on envisager que le Premier président de la Cour de cassation préside le CSM à temps partiel ?
De même, il est étrange de prévoir que le CSM, qui a pour compétence la désignation du Premier président de la Cour de cassation, soit présidé, pour sa formation compétente à l’égard du siège, par ce même haut magistrat.
Toutefois, ce ne sont pas les seuls effets pervers de ce dispositif. En effet, la disposition confiant la présidence de la formation compétente pour le siège au Premier président de la Cour de cassation pose un problème au regard des nominations des magistrats à cette cour, et, à ce titre, ne semble pas opportune.
Autre effet pervers, la présidence de la formation compétente pour le siège serait réservée au Premier président de la Cour de cassation et celle de la formation compétente pour le parquet au procureur général près ladite cour, ce qui risque de précipiter la séparation entre ces deux carrières, en contradiction avec le principe de l’unité du corps judiciaire.
D’ailleurs, dans son avis rendu sur ce projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État a estimé que la double présidence du CSM était « contraire au principe constitutionnel d’unité du corps judiciaire ». Pourtant, le Gouvernement, qui a bien sûr reçu communication de cet avis, a décidé de maintenir la version initiale de ce texte.
Enfin, la présidence de la formation compétente pour le siège sera rattachée non pas au mandat de ses membres, mais à la fonction de son président, autrement dit à la charge de Premier président de la Cour de cassation. Il y aura donc un décalage entre la durée de la présidence et celle du mandat des membres de cette formation, ce qui paraît incongru.
En confiant la présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège au Premier président de la Cour de cassation, le projet de loi constitutionnelle accentue le poids de la hiérarchie au sein du CSM. C'est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que cette formation soit présidée par un magistrat du siège élu en son sein.
L'amendement n° 405 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État, ainsi que trois personnalités désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée nationale, le Sénat et par le Président de la République.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement tend à établir la parité entre les magistrats et les non-magistrats au sein de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège.
Nous souhaitons que cette formation élise son président en son sein. En plus des cinq magistrats du siège et du magistrat du parquet, nous proposons que cette formation comprenne trois personnes désignées à la majorité qualifiée par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, ainsi que trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d’État.
L'amendement n° 92, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du 65 de la Constitution, remplacer les mots :
«, le Défenseur des droits des citoyens et le Président du Conseil économique et social
par les mots :
« et le Défenseur des droits des citoyens »
La parole est à M. Patrice Gélard.
Je pense que cet amendement n’aura plus d’objet si l’amendement de la commission est adopté.
Je considère donc qu’il est défendu.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 35 rectifié est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin.
L'amendement n° 64 est présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution, remplacer les mots :
« Conseil économique et social »
par les mots :
« Conseil économique, social et environnemental »
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 35 rectifié.
C’est un amendement de coordination. Je le retire, madame la présidente.
L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l'amendement n° 64.
Cet amendement n’aura plus d’objet si l’amendement de la commission est adopté ou, à défaut, l’amendement de M. Gélard.
L'amendement n° 415, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
« présidée par »
rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
« un magistrat du parquet élu en son sein. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L’amendement n° 415 est, bien évidemment, un amendement de coordination avec l’amendement n° 416.
Nous proposons que la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet puisse élire son président en son sein.
L'amendement n° 406 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État et trois personnalités désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée Nationale, le Sénat et par le Président de la République.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L'amendement n° 404, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d'appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement vise à aligner, d’une part, les conditions de nomination des magistrats du parquet sur celles qui valent pour les magistrats du siège et, d’autre part, les pouvoirs des deux formations en matière disciplinaire.
L'amendement n° 407, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le Conseil chaque fois qu'il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nomination.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement entend sortir de l’ambigüité induite par la proposition du garde des sceaux de participer aux réunions du Conseil supérieur de la magistrature. Il vise donc à écarter l’intervention possible du ministre dans les processus de nomination.
Avant de donner l’avis de la commission, je formulerai quelques observations.
Par exemple, savez-vous, mes chers collègues, qu’en moyenne la formation disciplinaire, siège et parquet, traite dix dossiers par an ? Or qui saisit le Conseil supérieur de la magistrature ? Ce n’est pas lui qui se saisit lui-même ! C’est soit la chancellerie, soit les Premiers présidents, soit les procureurs généraux. Certaines années, les Premiers présidents et les procureurs généraux ne saisissent pas le CSM. Pourtant, on dénonce son mauvais fonctionnement ! Ainsi n’est-il pas rare d’entendre des propos évoquant des magistrats qui ne feraient pas leur travail, etc. Mais où se situe la responsabilité ? Il ne s’agit pas là de la responsabilité du Conseil supérieur de la magistrature ! C’est la gestion du corps judiciaire qui est ici en cause !
Il en est de même, madame le garde des sceaux, vous le savez bien, dans d’autres secteurs : ainsi, 4 % des magistrats sont nommés sur l’initiative du Conseil supérieur de la magistrature, alors que 96 % le sont sur proposition de la direction des services judiciaires.
Aussi, que certains parlent de corporatisme, soit ! Mais le corporatisme, où est-il ? Ce n’est certainement pas le fait du seul Conseil supérieur de la magistrature et la modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature ne changera rien. D’ailleurs, je me suis réjoui, et je vous en félicite, madame le garde des sceaux, qu’il y ait enfin une sous-direction des ressources humaines.
C’est encore mieux !
En effet, on avait parfois l’impression que de nombreux reproches étaient adressés au Conseil supérieur de la magistrature, qui n’en pouvait mais ! En fait, c’était la tradition de la direction des services judiciaires qui était en cause et qui entraînait un certain corporatisme au sein du monde judiciaire.
Je tenais à le dire, car on a raconté tellement de choses sur les dysfonctionnements du service public de la justice – je pense notamment à l’affaire d’Outreau – en rendant le CSM responsable de la situation, alors qu’il n’en est rien. Je dirais même que, au fil des années, ceux qui ont observé le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ont pu constater qu’il y avait plutôt un progrès. Et c’est au moment où un progrès est enregistré que l’on veut changer le système !
Je suis favorable à la présence de nombreuses personnalités extérieures – cela nourrit le débat concernant, notamment, les nominations, ainsi, bien sûr, que les avis rendus par la formation plénière –, à condition toutefois que l’on fasse appel à des personnalités qui s’y connaissent un peu en matière de justice. Franchement, je ne vois pas pourquoi le Défenseur des droits du citoyen et le président du Conseil économique et social seraient plus avisés que le Président de la République ou les présidents des deux assemblées pour nommer des membres du CSM. J’ajoute que les nominations effectuées par les autorités politiques seront désormais soumises à un contrôle parlementaire, défini à l’article 13 de la Constitution.
Que je sache, le président du Sénat a nommé des membres du Conseil supérieur de la magistrature qui se sont révélés des personnalités tout à fait remarquables…
…et qui, je crois, ont bien servi le Conseil au cours des années précédentes. Je pense, notamment, à deux anciens secrétaires généraux du Sénat qui ont fait honneur au Conseil supérieur de la magistrature, plutôt qu’ils n’ont dégradé la fonction !
Madame le garde des sceaux, un point nous gênait au sujet du régime disciplinaire des magistrats du siège et des magistrats du parquet. Il nous semble que les conditions d’exercice du droit au recours – cassation devant le Conseil d’État pour le siège et recours pour excès de pouvoir pour le parquet – doivent être unifiées. En effet, compte tenu de la disparité actuelle entre les modalités de recours contre les décisions disciplinaires relatives aux magistrats, les magistrats du parquet pourraient apparaître comme étant mieux défendus que ceux du parquet, ce qui est paradoxal !
Mais je n’insiste pas sur ce point. Vous prônez le statu quo, soit !
Concernant les magistrats du parquet, puisque le CSM va donner un avis en matière disciplinaire, ils vont pouvoir immédiatement introduire un recours pour excès de pouvoir.
Dois-je vous rappeler une affaire extrêmement délicate où la défaillance de la justice a été réelle ? Et je ne parle pas ici de l’affaire d’Outreau ! Il n’y avait pas eu excès de zèle, bien au contraire : des dossiers s’étaient perdus, des cabinets d’instruction étaient en déshérence, et l’on pouvait même dire qu’une juridiction entière était en déshérence, sans jamais d’ailleurs que l’inspection des services judiciaires, le parquet général, ou la première présidence aient vu quoi que soit ! Et pourtant, alors que le Conseil supérieur de la magistrature avait pris des sanctions justifiées, le Conseil d’État les a cassées. Telle est la réalité !
Je pense donc qu’il ne faut exagérer ni dans un sens ni dans un autre. Pour notre part, nous avons décidé d’aller tout à fait dans votre sens, madame le garde des sceaux, pour que, s’agissant des formations exerçant des compétences en matière de nomination, il y ait une majorité de non-magistrats, avec notamment un avocat. C’est souhaitable, car les avocats connaissent bien le droit. D’ailleurs, certains magistrats siègent dans les conseils de discipline du barreau. Cela me paraît tout à fait justifié.
S’agissant des formations disciplinaires, nous nous sommes référés à ce qui se passait à l’étranger. Vous avez vous-même cité les conseils supérieurs de la justice identiques dans les pays d’Europe ; or aucun pays ne va en deçà de la parité. Dès lors, il nous a semblé qu’il convenait de se mettre aux normes européennes dans ce domaine.
Par ailleurs, le Président de la République a souhaité ne plus siéger au CSM, ce qui est compréhensible. Auparavant, il y siégeait en tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Or il s’agissait là d’une une situation quelque peu ambiguë : le Président de la République écoutait et entérinait d’ailleurs les décisions du Conseil supérieur de la magistrature.
Mais je comprends très bien que cela soit mal compris par l’opinion publique qui se dit : voilà un Président élu qui préside aussi le Conseil supérieur de la magistrature. Où est l’indépendance ?
Je comprends aussi, madame le garde des sceaux, que vous souhaitiez, en ce qui concerne les avis que vous demandez, participer à la formation plénière et aux formations en matière de nomination afin de favoriser le dialogue. D’ailleurs, vous n’y siégerez pas souvent puisque, en fait, vous y enverrez le directeur des services judiciaires ou le nouveau directeur des ressources humaines du ministère de la justice.
Pour ce qui est du dialogue entre les services du ministère et le CSM, cela ne me paraît pas du tout choquant.
C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission a tenu compte des travaux de l’Assemblée nationale. Mais je tenais à faire cette réflexion sur le Conseil supérieur de la magistrature, car il y a encore beaucoup à faire pour favoriser la mobilité et l’ouverture du corps des magistrats.
Vous avez eu raison, madame le garde des sceaux, de faire allusion à la formation ; quant à nous, nous avons raison de dire depuis toujours que la formation ne saurait être unique, qu’il faut des apports extérieurs, car cela a toujours enrichi la magistrature.
Par conséquent, nous pensons que vos décisions et vos propositions, madame le garde des sceaux, permettront d’améliorer les choses. Le CSM tel qu’il sera demain pourra contribuer à cette amélioration, nous en sommes d’accord. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable au sous-amendement n° 506 rectifié bis.
J’en viens aux différents amendements et sous-amendements qui correspondent à autant de propositions concernant la présidence et la composition des formations du CSM. En fait, tout le monde a apporté quelque chose et je vais m’efforcer de donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces textes.
En ce qui concerne l’amendement n° 489, présenté par M. Badinter, il ne correspond pas tout à fait – je dirais même pas du tout – à l’avis de la commission. Par conséquent, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.
S’agissant du sous-amendement n° 342, je rappelle qu’aux termes du premier alinéa de l’article 64 le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il paraît important de conserver ce lien entre le Président de la République, élu de la nation tout entière, et la justice, rendue au nom du peuple français.
Dès lors, la place du Conseil supérieur de la magistrature est reconnue. Quant à ses missions, elles sont détaillées à l’article 65 et précisées par la loi organique. Il n’est donc pas utile de rappeler par ailleurs ses missions fondamentales.
Je souhaiterais, sur ce point, connaître l’avis du Gouvernement.
Votre sous-amendement n° 288 rectifié, monsieur Fauchon, aboutit à une présence très minoritaire de magistrats dans les deux formations : six magistrats contre huit non-magistrats au sein des formations spécialisées exerçant des compétences de nomination et sept magistrats contre huit non-magistrats pour les compétences disciplinaires.
Cela conduit à un déséquilibre…
…peut-être, mais je suis désolé, monsieur Fauchon, votre sous-amendement a pour effet de rendre le nombre de magistrats inférieur à celui des non-magistrats en matière disciplinaire. Je ne puis donc qu’être défavorable à ce sous-amendement.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 283 rectifié, monsieur Détraigne, je souligne que la présence d’une majorité de non-magistrats au sein des deux formations, lorsqu’elles exercent des compétences disciplinaires, répond à un objectif de dépolitisation. Ce sous-amendement aboutirait, en fait, à rétablir une présence majoritaire des magistrats pour l’exercice des compétences disciplinaires. C’est la raison pour laquelle je ne puis, là non plus, qu’émettre un avis favorable.
L’avis de la commission sur le sous-amendement n° 289 rectifié est le même que celui qu’elle a émis sur le sous-amendement n° 288 rectifié. Donc, défavorable.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 506 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, il est vrai, madame le garde des sceaux, que nous avons eu un petit problème. En effet, dans le texte initial figurait le terme « assister ». Or « assister », cela signifie que l’on est muet. Ainsi, je puis assister à une pièce de théâtre ou à un opéra, mais sans y participer ; je laisse cela à ceux qui sont doués, car, pour ma part, mieux vaut que je n’y participe pas !
Sourires
En ce qui concerne le sous-amendement n° 319, l’amendement de la commission, reprenant en cela le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, consacre la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, qui existait jusqu’à présent sous la forme d’une réunion créée en dehors de tout texte.
La formation plénière exercerait un nombre défini de prérogatives, notamment en matière d’avis. S’agissant des avis spontanés, qui ne seraient pas évoqués dans la Constitution, il est possible que l’absence d’une telle mention, sauf si on l’interdit, n’empêche absolument pas la formation plénière d’en émettre de nouveaux.
Aussi la commission souhaiterait-elle connaître l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 287, la commission a opté pour une formation plénière comprenant seulement six des douze magistrats qui composent les formations spécialisées. Par conséquent, le dispositif proposé est en contradiction avec notre amendement. C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de ce sous-amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 149 rectifié appelle les mêmes observations. La commission a choisi de confier la présidence de la formation plénière au Premier président de la Cour de cassation. La commission émet donc également un avis défavorable.
Il en est de même pour le sous-amendement n° 153. La commission, qui a choisi de confier la présidence des deux formations concernées au Premier président de la Cour de cassation et au procureur général près ladite cour, émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Pour les mêmes motifs, l’avis de la commission sera défavorable sur l’amendement n° 416.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 405 rectifié, relatif à la composition de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège.
L’amendement n° 92 de M. Patrice Gélard vise à rétablir la parité entre les magistrats et les personnalités extérieures. Toutefois, il deviendra sans objet si l’amendement de la commission est adopté, puisque nous proposons que le Défenseur des droits des citoyens et le président du Conseil économique et social ne participent pas à la désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
L’amendement n° 64, qui vise à remplacer les mots : « Conseil économique et social » par les mots : « Conseil économique, social et environnemental », appelle les mêmes observations.
Enfin, la commission ayant choisi de confier au procureur général la présidence de la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, elle a émis un avis défavorable sur les amendements n° 415, 406 rectifié, 404 et 407.
Je souhaite répondre aux interrogations soulevées par M. le rapporteur, ainsi que par les auteurs de plusieurs amendements et sous-amendements.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé, à juste tire, que le corporatisme existait non seulement au sein du CSM, mais également au ministère de la justice, notamment à la direction des services judiciaires, qui gère les magistrats. C'est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le service des ressources humaines soit dirigé non pas par un magistrat, mais par un administrateur. Celui-ci gère donc les effectifs des magistrats, mais également des greffiers. Il s’agit d’un fonctionnement tout à fait différent. Vous avez eu raison d’insister sur le corporatisme.
Vous avez également évoqué les inspections. Il y en a effectivement eu très peu. Jusqu’à présent, l’inspection d’un juge ou d’une juridiction était souvent effectuée à la demande des chefs de juridiction.
Aujourd'hui, j’ai modifié le mode de fonctionnement des inspections. Ainsi, j’ai réformé l’Inspection générale des services judiciaires du ministère de la justice et j’ai exigé que des inspections soient menées d’office à la demande du ministre. C’est en cours ! Actuellement, un nombre sans précédent de juridictions, notamment de tribunaux de grande instance, font l’objet d’inspections. J’ai notamment demandé que l’on inspecte de manière rigoureuse les juridictions connaissant de véritables difficultés.
Je tiens tout de même à le rappeler, hormis la cour d’appel de Nouméa, les cours d’appel n’ont, selon l’usage, jamais été inspectées.
Comme il n’y avait pas de référentiel d’inspection, j’ai demandé que des cours d’appel soient inspectées, notamment s’agissant des charges de travail, de l’organisation et de l’affectation de moyens, domaines dont les chefs de cour sont responsables. Et, alors que cela n’avait jamais été mis en place par le passé, un référentiel d’inspection est actuellement en cours de création.
Ainsi, il y aura davantage d’inspections de TGI, de magistrats et de cours d’appel, contrairement à la pratique en vigueur jusqu’à présent.
D’ailleurs, la saisine du CSM par les justiciables encouragera de telles inspections. Dès lors que des dysfonctionnements seront relevés, la juridiction dans laquelle ils auront été signalés fera obligatoirement l’objet d’une inspection.
Par ailleurs, nous avons réformé la formation tant initiale que continue des magistrats.
S'agissant de la formation initiale, nous avons souhaité que les concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature comportent des tests psychologiques – les futurs magistrats seront tout de même les garants des libertés individuelles – et que des psychologues figurent parmi les membres du jury. En outre, l’apprentissage d’une langue étrangère et des stages au sein de l’Union européenne feront obligatoirement partie de la scolarité.
Nous avons voulu non seulement ouvrir davantage cette école dans sa formation et sa composition, mais également introduire un facteur humain dans le recrutement des candidats. Cette réforme a été adoptée voilà à peine un mois par le conseil d’administration de l’école. Elle sera opérationnelle au début de l’année 2009.
Combinée à la gestion des ressources humaines, qui a également permis d’améliorer le fonctionnement du CSM, la modernisation que nous proposons dans le cadre du projet de révision constitutionnelle rendra la justice beaucoup plus lisible, plus cohérente et plus accessible pour le justiciable. Tels sont les objectifs du Gouvernement s’agissant de la réforme de la justice.
Pour ce qui est des questions disciplinaires, nous ne voulons pas que les magistrats du parquet soient indépendants. En effet, le parquet, c'est-à-dire les procureurs, est l’avocat de la société. Son rôle est de la défendre.
Dès lors que les Français ont élu des hommes politiques, comme ce fut le cas récemment, ceux-ci ont une politique à mettre en œuvre. Ainsi, si nous souhaitons lutter contre la récidive et que nous donnons des instructions pour appliquer notre politique, un parquet indépendant pourrait très bien nous répondre qu’il ne souhaite pas lutter contre la récidive, préférant, par exemple, se concentrer sur la lutte contre les violences routières.
Par conséquent, si nous voulons mener une politique pénale cohérente, il est important que le parquet demeure sous l’autorité du garde des sceaux.
Permettez-moi de faire référence à une affaire récente, celle du mariage annulé. En l’occurrence, si, comme certains le réclament, le parquet avait été indépendant, je n’aurais pas pu faire appel de la décision prise par la juridiction concernée.
De même, s’agissant des violences urbaines, si le parquet était indépendant, je ne pourrais pas donner d’instructions sur les placements en garde à vue, les interpellations ou les défèrements.
Par conséquent, il est essentiel que le parquet puisse exécuter les instructions de politique pénale données par le Gouvernement. Le garde des sceaux doit donc conserver la possibilité de sanctionner disciplinairement le parquetier ; cette responsabilité ne doit pas de nouveau être confiée au CSM, qui n’aurait ni les mêmes critères de sanctions, ni le même objectif, ni la même vision. Le parquetier étant sous l’autorité du garde des sceaux, celui-ci doit conserver son pouvoir disciplinaire.
Monsieur le rapporteur, comme vous l’avez souligné, il est important que le garde des sceaux puisse participer aux formations du CSM et que des échanges aient lieu. En effet, le ministre fait adopter le budget, il dispose des moyens et il a une gestion dans le temps du fonctionnement du ministère de la justice. Ses objectifs ne sont pas forcément ceux des membres du CSM et il doit pouvoir dialoguer avec ces derniers.
Par ailleurs, on évoquait tout à l’heure les « passer outre ». Ainsi, nous avons du mal à pourvoir certains postes en outre-mer. Dans ces conditions, il est important que le garde des sceaux puisse « passer outre » pour pourvoir aux postes demeurés vacants. Lorsque j’ai lancé la réforme de la carte judiciaire, il y avait une centaine de juridictions dans lesquelles on n’arrivait jamais à pourvoir les postes.
Monsieur Cointat, vous avez soulevé une interrogation sur le problème de subordination entre le Premier président et le procureur général. Par tradition, le chef d’une juridiction est généralement le président du TGI, secondé par le procureur. La même tradition existe au sein du conseil d’administration de l’École nationale de la magistrature, qui est dirigé par le Premier président, puis par le procureur général. Nous avons souhaité qu’il en soit de même au sein du CSM. Il n’y a absolument pas de problème de subordination.
J’en viens à présent à votre amendement, monsieur le rapporteur.
Dans un souci de compromis, je précise que le Gouvernement est prêt à s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Nous accepterions d’aller dans votre sens s’agissant du choix des personnalités qualifiées et de la parité entre magistrats et non-magistrats lorsque le CSM siège en formation disciplinaire.
En revanche, pour les raisons que je viens d’indiquer, nous sommes très réservés sur la possibilité pour le CSM de siéger en conseil de discipline pour les magistrats du parquet. Il est important que le garde des sceaux puisse garder ce pouvoir disciplinaire.
J’insiste également sur l’impossibilité pour le garde des sceaux d’assister aux séances du CSM lorsqu’il se prononce sur les nominations, notamment quand il y a des difficultés en termes de postes, de moyens ou de budget, ou quand il faut pourvoir des postes dans des endroits qui sont extrêmement difficiles.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 129, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 506 rectifié bis.
Nous sommes défavorables à l’ensemble des autres amendements ou sous-amendements. Je n’y reviendrai pas, parce que je me suis déjà expliquée sur ce point.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 489.
Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, finalement, ce qui est en jeu dans le débat sur le CSM, c’est l’idée que nous nous faisons les uns et les autres de l’indépendance de la magistrature. C’est un sujet extrêmement important, crucial, dans une démocratie, notamment par rapport aux conceptions qui sont les nôtres s’agissant de la séparation des pouvoirs.
En premier lieu, il y a désaccord sur la question de la parité. Tous les magistrats que nous avons reçus, et nous avons reçu de nombreuses formations syndicales ou associations de magistrats, nous ont fait part de leur attachement à ce que les magistrats fussent majoritaires au sein du Conseil supérieur de la magistrature ou au moins qu’il y eût la parité entre les magistrats et les non-magistrats. Vous vous y opposez fermement. Nous considérons, nous, qu’il y a là quelque chose de vexatoire à l’égard des magistrats. La parité, que nous défendons les uns et les autres, est le juste équilibre qui permet d’éviter à la fois le corporatisme dont vous parlez souvent – il faut effectivement l’éviter –, mais également le risque de nominations politiques, que nous avons connu par le passé.
Par conséquent, s’agissant de la formation générale – je ne parle pas de la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature –, nous ne comprenons pas pourquoi il y a tant de réticences à accepter la parité entre magistrats et non-magistrats. En outre, dans les instances professionnelles qui statuent dans de très nombreux secteurs d’activité, il ne viendrait à l’idée de personne que les représentants des professions concernées fussent minoritaires.
En deuxième lieu, il y a la question de la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature. À cet égard, nous dirons et redirons que, s’il est important de se référer à l’article 13 de la Constitution, nous n’avons pas la même interprétation de cet article 13.
De notre point de vue, pour les nominations effectuées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat pour le CSM, comme d’ailleurs pour le Conseil constitutionnel – cela a été défendu tout à l’heure par Robert Badinter –, il est très important de revenir à cette idée de la règle des trois cinquièmes, qui permet d’avoir un accord entre la majorité et l’opposition, quelles que soient la majorité et l’opposition. Là aussi, c’est un gage de grande indépendance.
En troisième lieu, la question de l’élection du président nous paraît aussi déterminante. Faire confiance à une instance qui serait composée à parité de magistrats, c’est consentir à ce que cette instance vote pour élire son président.
En quatrième lieu, derrière cet article, il y a la question de la nomination des magistrats. Pour ce qui est des magistrats du parquet, nous considérons qu’il est nécessaire qu’ils soient nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Vous y êtes totalement opposés, nous l’avons bien compris. Permettez-moi, madame le garde des sceaux, de marquer le désaccord qui existe entre nous à ce sujet.
Il n’est peut-être pas nouveau, mais il est important.
En dernier lieu, s’agissant de la formation disciplinaire, il est certes important, à cet égard, que les magistrats soient majoritaires. Mais le fait de savoir si, notamment pour les magistrats du parquet, la formation correspondante du Conseil supérieur de la magistrature statue ou donne un avis est aussi tout à fait significatif. Si elle donne un avis, cela n’a pas du tout les mêmes conséquences pour l’idée que nous nous faisons de l’indépendance de la magistrature que si elle statue.
Autrement dit, sur cet article relatif au CSM, nous voyons au moins que, sur cinq points, il y a une différence importante entre nous. Cette différence, elle est, dans les cinq cas, liée à l’idée que nous nous faisons de l’indépendance de la magistrature.
Madame la garde des sceaux, j’avoue ne pas très bien comprendre pourquoi vous vous opposez à une définition claire des missions du Conseil supérieur de la magistrature dans la Constitution.
Alors qu’est inscrite dans la Constitution l’inamovibilité des magistrats du siège, il me paraît également nécessaire d’inscrire dans le marbre de la Constitution des missions aussi fondamentales que la garantie de l’indépendance des magistrats, le respect des règles déontologiques, l’égalité d’accès des citoyens à la justice.
Il me semble d'ailleurs que M. le rapporteur ne s’y opposait pas, il sollicitait simplement l’avis du Gouvernement, …
Si j’interviens de nouveau, c’est parce que je n’ai pas eu le privilège, tout à l’heure, de voir dans l’hémicycle, en dehors de quelques collègues vigilants, les membres de la majorité. J’évoquerai brièvement quelques points.
Le premier concerne la composition du CSM. Nous avons évoqué deux écueils : le Charybde du corporatisme, le Scylla de la politisation. L’unique réponse est la parité. Ce faisant, nous sommes au-dessous des normes européennes.
Je tiens à rappeler à la Haute Assemblée qu’en annexe du rapport de M. Hyest, à la page 271, figure la composition des conseils de justice en Europe. Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, n’ont pas ce type de conseil.
Un seul pays, la Belgique, pratique la parité entre les magistrats et les non-magistrats. En Bulgarie, il y a quatorze magistrats contre onze non-magistrats. Au Danemark, ils sont sept magistrats contre cinq non-magistrats ; en Espagne, treize magistrats contre huit non-magistrats ; en Hongrie, dix magistrats contre cinq non-magistrats ; en Irlande, neuf contre huit ; en Italie, dix-huit contre neuf ; aux Pays-Bas, trois contre deux ; en Pologne, dix-sept contre huit ; au Portugal, le Conseil est composé de deux sections, l’une composée de neuf magistrats contre huit non-magistrats, l’autre composée de neuf magistrats contre sept non-magistrats ; en Roumanie, seize contre trois ; en Slovaquie, les membres sont à parité, mais le président du Conseil de justice est un haut magistrat disposant d’une voix prépondérante.
Nous sommes tout à fait au bas de l’échelle européenne en matière de parité. Quand on refuse la parité – ce qui est la position de la commission des lois –, on est au-dessous des normes européennes. La situation dans laquelle nous nous plaçons soulève nécessairement des interrogations : pourquoi la France conçoit-elle le Conseil supérieur de la magistrature - instance de nomination qui représente les garanties de la magistrature – comme un organe où les magistrats ne doivent pas être représentés au moins à parité ? C’est la première remarque.
La formation du CSM atteint la parité lorsqu’elle statue en matière disciplinaire. Il n’est pas d’exemple où des magistrats soient jugés par une instance qui ne comprenne pas en majorité leurs pairs. Ce n’est d’ailleurs pas le propre des magistrats. Ici, on ne veut pas !
Sur la question disciplinaire, je pense profondément que ce serait une très grave erreur, pour le ministre de la justice, que de vouloir exercer un pouvoir disciplinaire direct sur les magistrats du parquet. La magistrature peut tout à fait se concevoir selon deux corps séparés : un corps de fonctionnaires qui poursuit, de haut en bas, et un corps de magistrats du siège, complètement indépendant du premier.
La France a choisi la voie d’un corps unique. Les personnes qui exercent les fonctions du parquet – elles passeront d’ailleurs souvent au siège – demeurent des magistrats ; elles ont donc droit aux garanties statutaires des magistrats.
Je me permets d’indiquer, madame le garde des sceaux, que ce n’est pas parce que l’article 30 du code de procédure pénale vous donne le pouvoir de donner des instructions générales au parquet ou de faire passer par le parquet général des instructions écrites au procureur de la République que vous êtes le chef du parquet. Cette idée n’est pas exacte !
Si, ils sont sous l’autorité du garde des sceaux !
Vous êtes le ministre de la justice ; vous déterminez la politique pénale et vous veillez à son exécution, mais vous ne donnez pas vous-même des instructions : celles-ci passent par l’intermédiaire des chefs de corps.
Je vous le dis très clairement, …
…il est indispensable d’opérer une dissociation entre l’exécutif et les magistrats quand il s’agit de sanctions. Je considère comme une très grave erreur le fait qu’un membre du Gouvernement puisse sanctionner des magistrats pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche, le ministre peut saisir la section parquet du Conseil supérieur de la magistrature et lui demander de poursuivre. Mais il ne faut pas confondre le pouvoir de saisine, la vigilance, avec le pouvoir de sanctionner, ce qui est tout à fait différent.
Sur ce point, si vous êtes suivie dans la révision telle que proposée par le texte adopté par l’Assemblée nationale – ce n’est d’ailleurs pas la position de la commission –, ce sera ressenti par tous les magistrats comme une défaite, une au regard de l’idée même qu’ils se font de leur indépendance.
Vous auriez pu le faire pendant quatorze ans, monsieur Badinter !
Cela peut ne pas vous intéresser ; je considère, pour ma part, que c’est tout à fait essentiel. J’ai toujours pensé qu’il fallait un corps hiérarchisé, mais vous n’avez pas à exercer directement le pouvoir disciplinaire. C’est non pas une exception française, mais une erreur française !
L'amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 288 rectifié.
Monsieur le président de la commission, le sous-amendement n° 288 rectifié ne vise à modifier que le deuxième alinéa de votre texte. Il a donc trait uniquement à la désignation du président.
Je me permets simplement de vous signaler que je ne propose pas une composition différente.
Encore une fois, mon sous-amendement vise à ce que le président soit élu parmi les membres de la formation, ce en quoi je rejoins d’ailleurs la proposition de M. Badinter.
Je ferai quelques réflexions de portée plus générale.
La première concerne la parité. Il ne faut pas exagérer l’importance de celle-ci. Les magistrats sont unis par des liens professionnels, tandis que les personnalités indépendantes, qui viennent de milieux tout à fait différents, n’ont pas entre elles le même type de communication. Il est bien évident que ceux qui appartiennent à la profession forment très naturellement un bloc, sans même employer le mot « corporatisme », qui a un caractère un peu désagréable. Donc, la parité ne se calcule pas comme on le croit un peu simplement.
Ma deuxième réflexion est relative aux comparaisons européennes, qui ne sont pas significatives. Il n’existe pas à proprement parler de norme européenne qui s’impose, même s’il est toujours intéressant de procéder à des comparaisons. Les systèmes de magistrature et de justice sont en effet très différents d’un pays à l’autre, comme nous avons pu le constater en Espagne ou en Allemagne. Les systèmes sont si profondément différents, à tous les niveaux, depuis la formation jusqu’au recrutement des magistrats, que la portée des comparaisons est forcément limitée. Comme dit le proverbe, « comparaison n’est pas raison » ! Raisonnons dans notre système particulier, qui requiert une solution réellement adaptée.
Troisième réflexion, je voudrais que l’on ne nous rebatte pas les oreilles avec la question de l’indépendance des magistrats, qui confond en une seule et même catégorie des magistrats qui sont, en réalité, de deux types bien différents ; je ne cesse de le dire !
Les magistrats du parquet portent le nom de magistrat – ils ont une formation, une déontologie, des principes, des traditions, c’est entendu –, mais ils sont les avocats de l’une des parties, les avocats de la société. Ils n’ont donc pas la même impartialité que les juges du siège.
S’ils portent le nom de parquetiers, c’est parce qu’au Moyen Âge les avocats de la Couronne avaient obtenu de se placer sur le plancher où étaient les juges, tandis que les autres avocats restaient à même le sol, à battre la semelle sur le sol gelé.
Sourires
Le Royaume-Uni, qui ne peut être taxé de pays sous-développé en matière de justice, s’est passé pendant très longtemps de magistrats du parquet. La couronne confie les intérêts publics à des avocats.
Donc, n’abusons pas de ce rapprochement des deux corps, car nous sommes dans une culture qui a tendance à les confondre. Le fait de passer continuellement du siège au parquet au cours d’une carrière n’est d’ailleurs guère souhaitable, en particulier à partir d’un certain degré d’ancienneté. Mais c’est encore un autre problème !
Nous sommes conscients, mes chers collègues, que les magistrats du parquet ne peuvent pas avoir la même indépendance que les magistrats du siège, cette indépendance étant difficilement conciliable avec l’insertion des magistrats du parquet dans une hiérarchie dont le sommet remonte à l’État qu’ils représentent. Il est donc normal que leur système de nomination diffère, ainsi que leur déontologie. Le parquet, ce n’est pas la même chose que le siège, et il faut s’élever contre la confusion que l’on entretient entre les deux formations.
Bien entendu, le fait que les nominations, la déontologie, etc. soient assumées par un pouvoir politique n’est pas sans poser des problèmes. Le ministre est toujours accusé, le plus souvent à tort, d’avoir des arrière-pensées politiques ou politiciennes concernant les nominations et les sanctions.
Le Sénat avait adopté un dispositif visant à désigner un magistrat spécial au sommet de la hiérarchie du parquet ; il s’agissait d’un procureur général de la nation, nommé par le Président de la République sur une liste présentée par le CSM, de manière à concilier les différents points de vue. Il aurait détenu la plupart des pouvoirs actuellement exercés par le ministre, sauf celui de donner des consignes générales.
Les consignes particulières ainsi que les questions de déontologie et de nomination dépendaient ainsi du procureur général de la nation. Le processus législatif n’est pas allé à son terme, mais l’idée mériterait d’être reprise. Elle permettrait, me semble-t-il, de satisfaire les critères d’organisation hiérarchisée du parquet et de non-suspicion de politisation de cette organisation.
Telles sont les réflexions que je voulais faire à l’occasion de ce débat intéressant et complexe qui mériterait des développements plus approfondis.
En ce qui concerne les sous-amendements que j’ai déposés avec plusieurs de mes collègues, nous souhaitons simplement, comme je le disais au début de mon intervention, que le président soit élu parmi les membres de la formation.
Madame la garde des sceaux, il n’est nullement question de présidences « tournantes ». Les présidents seraient élus pour la durée de leur mandat, tout simplement, comme tous les présidents de toutes les instances. Vous avez également évoqué les pressions politiques auxquelles ils pourraient être soumis, tandis que les chefs de cour seraient à l’abri de celles-ci. Sans entrer dans les détails, je crois que personne n’est à l’abri de telles pressions.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 506 rectifié bis.
Je voudrais revenir sur le problème essentiel que pose ce sous-amendement, à savoir l’indépendance du parquet.
Tout le monde s’accorde pour dire qu’il n’est pas question que le parquet n’applique pas les instructions du garde des sceaux.
Sauf erreur de ma part, il est toujours possible au parquet d’ordonner des poursuites. En revanche, il ne peut pas les empêcher.
Cela ne signifie pas pour autant, comme vous l’avez laissé entendre, madame la garde des sceaux, que les parquetiers sont dans une position de dépendance hiérarchique.
Le même type de problème tout aussi peu compréhensible s’est posé lorsque l’on a examiné le texte relatif à la rétention de sûreté. En quoi des mesures de police prononcées par des magistrats sont-elles autre chose que des mesures de police ?
Cette confusion savamment entretenue me paraît préjudiciable à l’image de la justice. Tout le problème est précisément l’équilibre entre l’autonomie de décision et la responsabilité. Or confier au CSM, qui est quand même un organe responsable tout en étant indépendant, le pouvoir de garantir à la fois les carrières et la qualité des décisions disciplinaires permettrait d’établir cet équilibre et éviterait l’exercice direct du pouvoir disciplinaire, comme l’a dit tout à l’heure Robert Badinter.
Je le répète, nous ne pouvons pas accepter ce sous-amendement qui entretient la confusion au lieu de la dissiper.
Je veux bien que l’on reprenne toujours les mêmes débats, mais je rappelle que c’est la commission des lois qui a souhaité que l’on modifie les sanctions disciplinaires applicables au parquet. En cette matière, l’avis du CSM est toujours suivi par le garde des sceaux.
Pour ma part, j’avais formulé une proposition pour des raisons de cohérence entre le recours pour excès de pouvoir et le recours en cassation.
Nous avons toujours souhaité – même si M. Fauchon a un point de vue différent – que le corps judiciaire soit unique et que les procureurs soient des magistrats. Être magistrat ne veut pas dire uniquement être juge !
C’est avoir un statut, une formation, une déontologie !
Monsieur Collombat, je veux bien que vous nous expliquiez ce soir toute l’organisation de la justice, mais j’ai l’impression qu’il nous faudrait beaucoup d’heures. Le choix qui a été fait par notre pays – et je souhaite qu’on le conserve – est que les magistrats du parquet comme ceux du siège demeurent des magistrats. Cet aspect est d’autant plus important que de nombreuses mesures alternatives créées au fil des années donnent aux magistrats du parquet des compétences juridictionnelles.
Nous n’allons pas rouvrir le débat ! Il y a quelques années, la commission des lois a conduit une mission d’information extrêmement intéressante sur l’évolution des métiers de la justice. C’est donc une question sur laquelle nous avons beaucoup réfléchi. La mission avait alors été unanime pour considérer qu’il fallait garder l’unité du corps des magistrats, qu’ils soient du siège ou du parquet. D’ailleurs, certains ne voulaient même pas que l’on passe de l’un à l’autre. Nous avions même imaginé que les jeunes magistrats effectuent au moins un stage au parquet afin d’apprendre à travailler en équipe.
Les jeunes magistrats, avant d’être affectés, devaient commencer leur carrière par une affectation au parquet. Nous avons également demandé qu’ils fassent un stage de six mois chez un avocat. Ce stage est maintenant intégré à leur formation.
À cette heure tardive, on est bien obligé de réagir à des propos surprenants ! On peut remettre en cause bien des aspects, mais pas une organisation, qui, même si elle connaît des défaillances et du corporatisme, comprend 8 300 magistrats, dont la grande majorité est honnête, désintéressée et accomplit un travail difficile. À un moment où l’on parle négativement des magistrats, il est bon de leur rendre hommage.
Le sous-amendement est adopté.
M. Jean-René Lecerf. J’ai cru comprendre que la formation plénière du CSM pourrait toujours se saisir elle-même, mais qu’il ne fallait pas que cela s’ébruite. Je retire donc ce sous-amendement sans bruit
Sourires
Les sous-amendements n° 319 et 153 sont retirés.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 287.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Ce sous-amendement visait à améliorer l’image du Conseil supérieur de la magistrature afin d’éviter tout risque de suspicion de la part de l’opinion publique. En effet, la justice, comme on l’a rappelé, est rendue au nom du peuple français. Il faut en tenir compte !
Cette proposition, qui se voulait équilibrée, n’a suscité l’enthousiasme ni de la commission des lois ni du Gouvernement. Je pense pourtant qu’elle aurait amélioré les choses. Mais j’ai l’impression d’être le seul à le savoir.
Sourires
M. Christian Cointat. Merci, mes chers collègues, de ne pas me laisser seul.
Nouveaux sourires
Cela étant, comme nous ne sommes pas nombreux à le savoir et sans avoir subi aucune pression, ce que je regrette presque, je le retire.
Le sous-amendement n° 149 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n°129.
Madame la garde des sceaux, vous n’avez pas pris la peine de répondre à mes amendements. Ce n’est pas grave, je sais que vous y étiez défavorable.
Je suis quand même un peu surprise que nous ne soyons pas allés plus avant dans le débat. En 1998, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté un projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature plus ambitieux que le dispositif actuel élaboré dix ans plus tard. Il est regrettable que ce texte n’ait pas abouti, car cela nous aurait évité bien des problèmes depuis lors.
Je pensais que l’on aurait avancé sur la parité, pour laquelle il existe un large consensus notamment au sein de la profession, sur la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que sur l’absence de l’exécutif de droit au CSM. Hélas ! on n’a pas été très audacieux. On ne se donne pas les moyens de garantir l’indépendance de la justice, car là est bien le problème.
Personne ne remet en cause l’existence d’un ministre de la justice, garde des sceaux. Celui-ci ne détient pas un pouvoir direct, mais il fait respecter la loi pénale votée par le Parlement et l’explicite par la voie de circulaires. Nous sommes évidemment favorables à ce dispositif, car nous ne voulons pas que le parquet agisse seul dans son coin, si je puis dire. Néanmoins, on aurait pu mieux garantir l’indépendance de la magistrature, car nous sommes bien entendu pour l’unité de ce corps.
Le parquet représente la société et non le pouvoir politique en place. Pour cela, il dispose avant tout de la loi. Je le répète, on a été terriblement frileux en matière d’indépendance de la justice.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 28 est ainsi rédigé et les amendements n° 416, 405 rectifié, 92, 64, 415, 406 rectifié, 404 et 407 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 357, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 66 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle garantit également le droit au respect de la dignité des personnes privées de liberté. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement vise à inscrire dans l’article 66 de la Constitution un principe qui me semble largement nécessaire de graver dans le marbre.
Lorsqu’une personne est privée de liberté, l’autorité judiciaire assure le contrôle de la légalité de la privation de liberté ainsi que la légalité du maintien en détention. Je sais qu’un contrôleur général des lieux de privation de liberté vient d’être nommé, mais cela n’empêche pas de constitutionnaliser un principe. En effet, le suivi de la détention ainsi que les conditions de celles-ci en France sont souvent montrés du doigt par l’Europe. On ne compte plus le nombre de détenus qui se sont suicidés ces derniers jours ou qui ont été victimes de leurs codétenus.
Le décret instaurant l’encellulement individuel est important pour garantir la dignité des personnes privées de liberté, mais il reste encore aujourd’hui en suspens.
On nous dit sans cesse que des enquêtes sont en cours sur les différents malheureux incidents qui se produisent, mais cela ne nous suffit pas non plus. Nous attendons une loi pénitentiaire depuis le mois de novembre 2007. Il semble qu’un tel texte sera proposé au Parlement en octobre 2008. Mais, pour le moment, nous n’avons encore rien.
Cet amendement vise tout simplement à constitutionnaliser notre attachement au respect du principe de dignité humaine des personnes privées de liberté. Il s’agit plutôt là d’une garantie.
Madame Boumediene-Thiery, la commission des lois et le Sénat attendent la loi pénitentiaire depuis 2000, mais elle ne saurait tarder !
Non, elle va venir !
Après, nous aurons à l’examiner, mais elle arrive !
Il appartient naturellement à l’autorité judiciaire de veiller au respect de la dignité des personnes détenues. De surcroît, il existe maintenant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. C’est tout de même une belle institution !
Il n’est pas utile d’ajouter une telle mention dans la Constitution, au risque de devoir y multiplier peu à peu les affirmations relatives à la protection des droits fondamentaux, sous la forme d’un catalogue. Or, malheureusement, les catalogues se gravent difficilement dans le marbre !
Sourires
Il est question de dignité : ce n’est pas un catalogue, monsieur le rapporteur, c’est un principe !
Vous souhaitez compléter l’article 66 de la Constitution pour qu’il soit affirmé que l’autorité judiciaire garantit le droit au respect de la dignité des personnes privées de liberté.
Les dispositions de l’article 66 de la Constitution occupent une place essentielle dans notre droit constitutionnel. Elles affirment le principe d’interdiction de toute détention arbitraire. Elles confient à l’autorité judiciaire le rôle de gardienne de la liberté individuelle.
Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel juge que le législateur doit prévoir l’intervention de l’autorité judiciaire dès lors qu’une limite est apportée à la liberté individuelle.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’y ajouter le respect de la dignité des personnes privées de liberté.
En effet, le juge administratif est compétent pour connaître notamment du fonctionnement du service public pénitentiaire et des modalités du traitement pénitentiaire. Depuis 1995, il opère d’ailleurs un contrôle beaucoup plus approfondi dans ce domaine.
Je crains que votre proposition ne vienne compliquer la répartition des contentieux : lorsque la dignité de la personne serait en cause, le juge judiciaire serait seul compétent ; pour les autres litiges concernant les modalités du traitement pénitentiaire et du service public pénitentiaire, ce serait le juge administratif.
Il n’est peut-être pas utile d’inscrire ce principe dans la Constitution.
En tout état de cause, le respect de la dignité des personnes privées de liberté est contrôlé, notamment par le juge judiciaire.
Je rappelle également que le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’assurera du respect de la dignité des personnes privées de liberté.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :
Avant l'article 28 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 67 de la Constitution, après les mots : « ou autorité administrative française », sont insérés les mots : «, y compris la Cour des comptes à l'occasion de la vérification et de l'apurement des comptes de la Présidence de la République, ».
II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Président de la République désigne l'ordonnateur et le comptable des recettes et des dépenses de la Présidence de la République. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Le Président de la République a choisi, comme il en avait le droit, de mettre un terme à une longue tradition républicaine qui veut que le budget et les comptes de la Présidence de la République ne relèvent pas du jugement de la Cour des comptes en raison de la séparation des pouvoirs.
Il a donc décidé de donner compétence à la Cour des comptes pour examiner la régularité du budget et des comptes de la Présidence de la République.
Cette décision pose quelques questions qui ne sont pas seulement techniques. Jusqu’à plus ample information, les crédits de la Présidence de la République sont virés en principe sur deux comptes ouverts à la Banque de France, …
… le premier au nom de la Présidence de la République et le second au nom de l’actuel Président de la République.
Les crédits ne sont donc pas déposés au Trésor public. Ils sont virés en bloc en début d’année par le ministre du budget.
Le comptable de l’Élysée est un trésorier-payeur général mis à disposition par le ministère des finances. Mais il n’a jamais eu le statut de comptable public et n’a jamais prêté serment devant la Cour des comptes, à laquelle il ne rend donc pas compte.
Tout cela va changer dès lors que la Cour des comptes va contrôler le budget de l’Élysée.
Je voudrais qu’il soit bien entendu que, dans cette affaire, nous devons protéger le Président de la République, et cette fonction est mon seul souci.
L’article 67 de la Constitution précise que, pendant qu’il est à l’Élysée, le Président ne peut faire l’objet d’aucune poursuite de la part d’aucune juridiction. Je propose de préciser que la Cour des comptes est concernée.
On peut considérer que cela va de soi, …
… et je serais prêt à renoncer à cet alinéa.
En revanche, il faut compléter l’article 67 de la Constitution pour préciser que le Président de la République désigne l’ordonnateur et le comptable des recettes et des dépenses de la Présidence de la République, c'est-à-dire qu’il n’est pas lui-même l’ordonnateur, ce que laisse penser la situation actuelle.
En effet, s’il est l’ordonnateur, il pourra être mis en cause par la Cour des comptes. Il pourra même être mis en cause personnellement par la Cour de discipline budgétaire et financière puisque, si les ministres en sont exonérés, le Président de la République ne l’est pas, car la loi sur la cour de discipline l’ignore dès lors qu’il n’était pas concerné jusqu’à présent par les investigations de la Cour des comptes. Or, aujourd’hui, il peut relever de la cour de discipline budgétaire et financière. En outre, comme ordonnateur, il peut éventuellement être mis en débet. Certes, on ne le poursuivra pas tant qu’il sera à l’Élysée. Mais, à sa sortie de fonction, le Trésor public pourra le poursuivre en remboursement d’un éventuel débet.
Pour mettre la fonction présidentielle à l’abri, je pense qu’il faut préciser dans la Constitution ou ailleurs, mais j’attire votre attention sur ce point, que le Président de la République n’est pas lui-même l’ordonnateur, ni naturellement le comptable, et que sa responsabilité ne pourra donc pas être recherchée par la Cour des comptes.
Je propose d’inscrire cette précision dans l’article 67 de la Constitution. On dira peut-être que je charge abusivement la Constitution. Dans ce cas, je suis prêt à ne pas insister si le Gouvernement me confirme que les dispositions seront prises pour que le Président de la République ne se retrouve pas dans cette situation humiliante dans laquelle la République a prévu de ne jamais placer un ministre.
Car j’insiste sur ce point : un ministre ne relève pas de la Cour de discipline budgétaire et financière, mais le Président ne figure pas dans la liste des responsables qui ne peuvent être poursuivis devant elle.
Telles sont les raisons de cet amendement n° 36 rectifié.
Le I de cet amendement ne me paraît pas indispensable puisque, en vertu de l’article 67 de la Constitution, le Président de la République ne peut « faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite » devant une juridiction. Cette disposition s’applique donc à la Cour des comptes.
Quant au II, la disposition ne paraît pas relever de la Constitution.
Il s’agit d’une vraie question, mais rien n’interdit au Président de la République de désigner un ordonnateur. Ce n’est pas la peine d’introduire une telle précision dans la Constitution.
Je demande donc à M. Charasse de bien vouloir retirer son amendement.
Il s’agit d’un amendement important.
Vous me permettrez, monsieur Charasse, de vous répondre de manière assez détaillée.
L’intervention de la Cour des comptes dans les finances de la Présidence constitue une avancée sans précédent voulue par le Président de la République lui-même.
Monsieur Charasse, vous nous invitez, finalement, à nous interroger sur les conséquences de cette décision.
S’agissant de la possibilité pour la Cour des comptes de soumettre le Président de la République à une procédure juridictionnelle, cette hypothèse est clairement écartée par la rédaction actuelle de l’article 67 de la Constitution : la Cour des comptes est une juridiction et toute procédure juridictionnelle est interdite à l’encontre d’un Président de la République, actuel ou passé, dès lors qu’il s’agit de faits liés à l’exercice de ses fonctions.
Par conséquent, écarter clairement l’hypothèse d’un contrôle juridictionnel du Président de la République par la Cour des comptes, comme vous proposez de le faire dans la première partie de l’amendement, est inutile. Cela pourrait même être ambigu, voire dangereux, car on se demanderait pourquoi il est fait spécialement mention de la Cour des comptes et pas de telle ou telle autre juridiction.
Pour ce qui est de l’obligation pour le Président de la République de désigner un ordonnateur et un comptable, comme vous le suggérez dans la seconde partie de votre amendement, il s’agit d’une question intéressante à laquelle je souhaite apporter quelques éléments de réponse.
Il n’existe pas, actuellement, de séparation formelle entre l’ordonnateur et le comptable à la Présidence de la République. Le ministre du budget est l’ordonnateur principal du budget de l’Élysée. Ce sont les collaborateurs du Président qui assurent la gestion de la Présidence au quotidien et exécutent le budget.
Les fonctions d’ordonnateur secondaire et de comptable sont placées sous une même autorité, et le comptable n’est pas soumis au contrôle de la Cour des comptes.
En outre, de réels progrès ont d’ores et déjà été accomplis, comme vous le savez, dans les services de l’Élysée pour un meilleur contrôle des dépenses.
Pour n’être pas formelle, la séparation entre l’ordonnateur des dépenses, d’une part, le comptable, d’autre part, n’en est pas moins réelle.
Enfin, plus fondamentalement, l’amendement pose une vraie question de fond.
Prévoir une séparation stricte entre l’ordonnateur et le comptable aurait pour effet de soumettre la Présidence de la République à l’ensemble des règles de la comptabilité publique, notamment et surtout au contrôle juridictionnel de ce comptable.
Cette solution est difficile à articuler avec l’absence de responsabilité financière du Président de la République et n’est pas compatible avec le principe selon lequel un pouvoir public constitutionnel doit pouvoir définir lui-même ses règles de gestion financière.
Je rappelle qu’aux termes de la décision du Conseil constitutionnel de décembre 2001 la règle de l’autonomie financière est inhérente au principe de l’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, qui garantit la séparation des pouvoirs.
En demandant à la Cour des comptes de contrôler le budget de l’Élysée, le Président de la République a souhaité faire prévaloir la transparence démocratique. Cependant il a également souhaité mettre en place à l’Élysée des règles de bonne gestion et de sécurité financière.
C’est pourquoi le Président de la République sera très attentif aux recommandations que la Cour des comptes lui fera sur l’exécution du budget de l’Élysée.
Dans ces conditions, monsieur Charasse, tout en reconnaissant l’intérêt de votre amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer au vu des éléments de réponse que j’ai pu vous apporter.
Je souhaitais ces explications, et je remercie M. le secrétaire d'État de me les avoir données.
Néanmoins, je redis de la façon la plus claire qu’à partir du moment où la Cour des comptes entre à l’Élysée, ce qu’elle ne faisait pas jusqu’à présent, il faut prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la fonction présidentielle et pour que le Président de la République ne puisse à aucun moment être qualifié d’ordonnateur.
Cela signifie qu’il faut prendre les mesures nécessaires.
Vous me dites que le ministre du budget est l’ordonnateur. Je l’apprends parce que, jusqu’à présent, il ne fait rien d’autre que créditer les comptes à la Banque de France et il ne signe pas les ordonnances de paiement, ni les bons de commande.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vais retirer mon amendement.
Mais je vous en supplie : mettez le Président de la République à l’abri de ce genre de chose en lui recommandant de ne pas faire d’acte qui pourrait conduire à le qualifier si peu que ce soit d’ordonnateur.
Cela étant, je retire cet amendement, mais je serai vigilant pour la suite !
M. Christian Poncelet remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.
L'intitulé du titre XI de la Constitution est ainsi rédigé : « Le Conseil économique, social et environnemental ».
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Cointat.
Si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements n° 53 rectifié, 54 rectifié et 55 rectifié qui sont liés, puisque ce sont des amendements de coordination.
Vous savez certainement que nous devons au poète Louis Aragon cette jolie phrase : « Ô danger des mots à la dérive ! » J’ai l’impression que le joli vocable « environnemental » est totalement à la dérive au milieu d’autres mots auxquels on l’accole pour former un ensemble qui a beaucoup perdu de sa beauté.
En effet, le titre « Conseil économique, social et environnemental » n’est pas des plus heureux. C’est très long !
Si on était logique, puisqu’on veut indiquer toutes les politiques que le Conseil économique et social devrait pouvoir suivre, on pousserait jusqu’au bout le raisonnement et on ajouterait « culturel », comme nous l’avons fait pour les collectivités d’outre-mer. On devrait également ajouter « développement durable » qui n’est pas entièrement recouvert par le terme « environnemental ». Il faudrait aussi ajouter « agricole » et « maritime ».
Dans notre pays, on le constate malheureusement beaucoup de l’étranger, nous adorons jouer avec les mots, mais nous ne le faisons pas d’une manière toujours très compréhensible pour le grand public.
Nous avons maintenant des titres de ministère qui sont tellement à tiroirs que, lorsqu’on arrive au bout, on ne sait plus très bien ce qu’il y avait dedans ! Parce que, comme le disait un humoriste, en France, quand les choses sont dites, elles sont supposées faites. Alors, on met un vocable, et on croit qu’on est dispensé d’agir. Mais c’est dans l’action que l’on voit le résultat et non dans les titres, aussi ronflants soient-ils !
De surcroit, comme, en France, on utilise souvent les acronymes, plus personne n’y comprend rien ! Comment s’étonner après que les citoyens aient du mal à suivre la politique ?
Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE – sigle que d’aucuns prononcent « seize » ! –, n’est pas bon à l’ouïe ; pardonnez-moi cet affreux jeu de mots !
Sourires
Je vous recommande donc tout simplement de supprimer cette disposition qui a été ajoutée par l’Assemblée nationale, même si je partage les motifs tout à fait honorables qui la sous-tendent. L’environnement, c’est extrêmement important. Mais ce qui traduira cette préoccupation, ce ne sera pas un titre : ce seront les actes ! Cet amendement est utile pour enlever l’inutile.
M. Cointat a indiqué qu’il comprenait l'Assemblée nationale. Il faut en effet la comprendre dans la perspective des discussions à venir. Détruire tout ce que l’Assemblée nationale a fait ne facilitera évidemment pas les choses par la suite.
Il paraît qu’il y a déjà de nombreuses dispositions qui leur déplaisent. Nous, nous n’avons jamais fait de commentaire désobligeant sur ce qu’avait fait l’Assemblée nationale, mais nous avons voté le texte comme nous l’entendions sur certains sujets.
S’agissant de l'amendement n° 52 rectifié, la commission des lois souhaite conserver le terme « environnemental ».
Je souligne que nous avons adopté une Charte de l’environnement, qui figure dans la Constitution, et que le CES s’intéresse depuis plusieurs années déjà à l’environnement. Cette préoccupation touche tous les secteurs de l’économie et de la vie sociale. C’est quand même une chose importante et il me paraît difficile de revenir sur cette nouvelle dénomination.
Je donne donc un avis défavorable à cet amendement, ainsi qu’aux amendements n° 53 rectifié, 54 rectifié et 55 rectifié que M. Cointat a également défendus.
Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 52 rectifié. Sinon, il émettra un avis défavorable.
Les compétences du Conseil économique et social étant élargies à l’environnement, il est assez logique de modifier sa dénomination en conséquence.
Pour les mêmes raisons, j’indique que le Gouvernement sera défavorable aux amendements de coordination n° 53 rectifié, 54 rectifié et 55 rectifié.
M. Christian Cointat. Durant un instant, monsieur le secrétaire d'État, j’ai cru que le mot « retrait » concernait l’adjectif « environnemental » !
Sourires
Je retire également les amendements n° 53 rectifié, 54 rectifié et 55 rectifié.
L'amendement n° 52 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 28 bis.
L'article 28 bis est adopté.
L'article 69 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans les premier et deuxième alinéas, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose d'y donner. »
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article.
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
et environnemental
Cet amendement a également été retiré.
Je mets aux voix l'article 29.
L'article 29 est adopté.
L'article 70 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 70. - Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement sur tout problème de caractère économique ou social ou relatif à l'environnement. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique ou social lui est soumis pour avis. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 130, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 70 de la Constitution :
« Art. 70.- Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à renforcer la cohérence des modalités de saisine du Conseil économique, social et environnemental.
À cette fin, il vise à permettre au Parlement de saisir le CESE sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. En effet, la saisine du CESE sera ouverte aux citoyens par voie de pétition. Il semble légitime que le Parlement puisse également le saisir et bénéficier de ses avis.
Il y a lieu d’étendre la possibilité de saisine du CESE par le Gouvernement aux projets de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, et d’étendre la saisine obligatoire du CESE aux projets de loi de programmation à caractère environnemental.
L'amendement n° 397 rectifié, présenté par MM. About et Détraigne, Mmes Payet, Gourault et Férat et M. Merceron, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 70 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également être consulté par le Président de chaque assemblée, sur une proposition de loi, à la demande du Président de la commission saisie en application de l'article 43. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 130 ?
L'amendement est adopté.
L'article 30 est adopté.
Dans l'article 71 de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été retiré.
Je mets aux voix l'article 30 bis.
L'article 30 bis est adopté.
Dans l'article 71 de la Constitution, après le mot : « social », sont insérés les mots : «, dont le nombre de membres ne peut excéder deux cent trente-trois, ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 71 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le nombre des membres du conseil doit être inférieur à deux cent cinquante et supérieur à deux cents. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec d’autres amendements qui ont été précédemment retirés. Par conséquent, je le retire également.
L’amendement n° 56 rectifié est retiré.
L'amendement n° 490, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La parité est assurée au Conseil économique, social et environnemental. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Le libellé de cet amendement est suffisamment explicite : nous souhaitons que la parité soit assurée au Conseil économique, social et environnemental. Je pense que cela doit être relativement facile à réaliser. Dès lors que l’on considère qu’il est nécessaire de favoriser l’égal accès dans les relations professionnelles, on doit avoir la même exigence pour le Conseil économique, social et environnemental.
Nous avons adopté des dispositions selon lesquelles la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans le domaine économique et social, et pas seulement dans le domaine politique. Celles-ci devraient permettre, à terme, d’assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au Conseil économique, social et environnemental.
Mais appliquer tout de suite la parité, comme le souhaite M. Frimat, serait assez irréaliste. Si l’on se réfère aux organisations professionnelles et syndicales, on se rend compte que des marges de progrès existent en ce domaine. On critique les partis politiques, mais dans les organisations professionnelles, c’est pareil.
Des mesures devront être prises, mais vouloir tout de suite prévoir la parité paraît excessif. Pour cette raison, je suis défavorable à cet amendement.
L’adoption du principe de l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales met en lumière la nécessité de progresser en la matière. On ne voit pas pourquoi le Conseil économique, social et environnemental échapperait à ce mouvement.
De là à inscrire ce principe dans la Constitution, c’est peut-être excessif. En tout cas, le Gouvernement ne croit pas que ce soit utile à ce niveau. Il est donc défavorable quant au vecteur emprunté, même si, sur le fond, il sera plus ouvert.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 30 ter est adopté.
L'amendement n° 318, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
Après l'article 30 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ce principe s'impose lors de la transformation de coopérations intercommunales interdisant toute sortie de la communauté. Après délibération du conseil municipal et referendum local, la ou les communes concernées peuvent saisir directement le Conseil constitutionnel. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Dans le deuxième alinéa de l'article 72-3 de la Constitution, après le mot : « Mayotte, », sont insérés les mots : « Saint-Barthélemy, Saint-Martin, ».
L'amendement n° 498, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le dernier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution, les mots : « des Terres australes et antarctiques françaises » sont remplacés par les mots : « des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton ».
La parole est à M. Christian Cointat.
La Constitution énumère tous les territoires français. Deux d’entre eux échappaient à cette disposition : les îles Éparses, mais elles ont été englobées dans les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, et l’îlot de Clipperton.
Cet amendement a pour objet de réparer cet oubli, de manière que tous les territoires français soient effectivement cités dans la Constitution, qui n’oublie pas les Français sans territoire que sont nos concitoyens établis hors de France.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement ne consacre pas réellement la nouvelle composition territoriale des Terres australes et antarctiques françaises, puisqu’il ne reprend pas la liste des îles Éparses : Europa, Bassas da India, Juan de Nova, Tromelin et les îles Glorieuses.
Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.
Le régime de l’île de Clipperton est précisé par la loi, puisqu’il a en effet été intégré au sein de la loi du 6 août 1955 portant statut des TAAF et de l’île de Clipperton. Cette intégration a été réalisée par la loi du 21 février 2007 portant diverses dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Auparavant, le régime de Clipperton était régi par un décret de 1936.
Il y a peut-être une logique à mentionner Clipperton au sein du dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, qui vise déjà les TAAF. Faut-il cependant mentionner dans la Constitution un îlot inhabité de douze kilomètres de circonférence ?
Bien entendu, nous connaissons, de fait, les communautés sans territoire. Maintenant, il y a des territoires sans habitant. M. Cointat veut vraiment faire entrer tout le monde dans la Constitution !
Sourires
Mes chers collègues, cette proposition vous aura fait découvrir que la France possédait des terres qui avaient une importance économique. De là à les citer dans la Constitution, ce n’est peut-être pas indispensable.
Je m’en remets donc à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement, dont l’examen, à minuit, après plusieurs jours de discussions difficiles, nous aura détendus !
Sourires
Je remercie M. Cointat, qui représente les Français de l’étranger, de veiller également aux territoires inhabités. Je ne pense pas qu’il ait là-bas beaucoup d’électeurs…
Clipperton, baptisée aussi « île de la Passion », n’est effectivement pas mentionnée à l’article 72-3. Est-ce très grave ? Sincèrement, je ne le pense pas et je ne suis pas certain non plus qu’il soit absolument indispensable de faire apparaître Clipperton, île inhabitée de moins de deux kilomètres carrés, dans notre loi fondamentale.
Je partage donc l’avis du rapporteur, même si je reconnais en M. Cointat un fin connaisseur de la géographie mondiale !
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Ne vous y trompez pas, mes chers collègues, la question est beaucoup plus importante qu’il n’y paraît, car ces terres sont très convoitées. Je tiens à dire que, dans la Constitution, cher président-rapporteur, ne sont pas non plus mentionnés les archipels des Kerguelen et de Crozet, les îles Saint-Paul et Amsterdam, la Terre Adélie parce que ces territoires sont regroupés sous le vocable « Terres australes et antarctiques françaises ».
Désormais, les Terres australes et antarctiques françaises ont un cinquième secteur constitué par les îles Éparses et il est clair que cette réinscription les englobe. Il faut quand même tenir compte de Clipperton qui fait parfois l’objet de convoitise et a une zone économique exclusive extrêmement importante.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement : la Constitution, puisqu’elle couvre l’ensemble du territoire, ne doit laisser aucune portion de celui-ci en dehors de son champ d’application.
Je trouve que M. Cointat a parfaitement raison. Si l’on doit mentionner tous les territoires, il n’y a aucune raison de traiter certains d’entre eux avec mépris, au motif qu’il s’agirait d’îles désertes. Méfions-nous ! Ces territoires qui appartiennent à la République et les eaux qui les entourent .peuvent, un jour, se révéler d’un intérêt considérable. Pourquoi ne pas les inclure dans la Constitution ? Cela ne changera rien et l’on sera exhaustif.
Je voterai votre amendement, monsieur Cointat.
L'amendement est adopté.
L'article 30 quater est adopté.
L’amendement n° 499 rectifié, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Après l’article 30 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 73 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : « selon le cas, par la loi ou par décret » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : « selon le cas, par la loi ou par décret » et, après les mots : « de la loi », sont ajoutés les mots : « ou du décret ».
La parole est à M. Christian Cointat.
À la différence de l’expérimentation prévue à l’article 72 de la Constitution, l’article 73 prévoit que les habilitations des assemblées des départements et régions d’outre-mer pour adapter, dans le domaine de la loi ou du décret, les règles en vigueur localement aux « contraintes et caractéristiques » de leur collectivité, doivent être décidées, dans tous les cas, par la loi, même lorsque la matière en cause relève du décret.
Cet amendement tend à assouplir l’application de ces dispositions afin de laisser le pouvoir réglementaire intervenir dans le domaine du décret et le législateur dans le domaine de la loi.
Cet amendement n’entre pas dans le champ de la présente révision constitutionnelle, qui touche aux pouvoirs du Parlement et de l’exécutif, ainsi qu’aux droits fondamentaux, mais pas aux procédures relatives aux collectivités territoriales ni à l’outre-mer.
Ces questions mériteraient à elles seules un examen approfondi, mais je crois que nous nous sommes déjà livrés à de nombreuses modifications de la Constitution, sans nous limiter au champ primitif de la révision.
L’amendement n° 499 rectifié soulève une question intéressante quant à l’habilitation des départements et régions d’outre-mer à adapter le droit. Cette habilitation relève aujourd’hui exclusivement de la loi, même si les dispositions visées sont de nature réglementaire. Le texte constitutionnel pourrait être précisé et amélioré à cet égard. C’est une question importante, car nous rencontrons toujours des difficultés à améliorer la lisibilité et l’applicabilité des textes relatifs à l’outre-mer.
La commission demande donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Aujourd’hui, seule la loi peut habiliter les assemblées départementales et locales des départements d’outre-mer à décider des adaptations locales nécessaires.
Il s’agit donc d’un amendement de simplification tout à fait bienvenu, puisqu’il s’inspire de ce qui est prévu à l’article 72 de la Constitution pour l’expérimentation ouverte aux collectivités de droit commun : il rend au pouvoir réglementaire ce qui lui appartient, en laissant au législateur ce qui relève du domaine de la loi. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l’article 30 quater.
L’amendement n° 500 rectifié, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Après l’article 30 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 74-1 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74, en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Clipperton, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Les amendements n° 499 rectifié, 500 rectifié et 501 ont pour objet de simplifier la mise en œuvre des articles 73, 74 et 74-1 de la Constitution.
En effet, l’article 74-1 de la Constitution s’est révélé un instrument utile pour actualiser et simplifier le droit de l’outre-mer, qui se caractérise trop souvent, on le sait, par un retard dans l’application des textes récents et par la survivance de dispositifs anciens. Il a cependant montré ses limites et doit donc être précisé et complété pour étendre légèrement, mais de façon décisive, son champ d’application.
Cet amendement tend à développer le recours aux ordonnances pour actualiser le droit applicable outre-mer, ce qui paraît un objectif louable et nécessaire. Toutefois, il mériterait une analyse approfondie fondée sur un bilan de l’application de l’article 74-1 de la Constitution depuis 2003.
Comme le Gouvernement procède à l’évaluation des textes adoptés, il pourra sans doute nous donner son avis sur la pertinence d’une telle démarche.
Cet amendement tend à assouplir une procédure qui permet de moderniser le droit applicable outre-mer. Il permettra de procéder à un toilettage nécessaire, y compris pour abroger des dispositions obsolètes ou contraires à la hiérarchie des normes.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l’article 30 quater.
L’amendement n° 501, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Après l’article 30 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré, après l’article 74-1 de la Constitution, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74, en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Clipperton, la loi ou, le cas échéant, le décret, peut habiliter le représentant de l’État à prendre les mesures qui relèvent normalement du domaine du décret. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Le présent amendement vise à donner l’assise constitutionnelle qu’elle mérite à une pratique déjà ancienne. Il s’agit en effet de permettre à la loi ou au décret d’habiliter le représentant de l’État dans les collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Clipperton à prendre par arrêtés des mesures qui relèvent normalement du pouvoir réglementaire du Gouvernement en application de l’article 21 de la Constitution.
En effet, la lourdeur du circuit interministériel a parfois pour conséquence que les décrets d’application de certaines lois à l’outre-mer ne soient pas publiés dans des délais raisonnables, alors que les dispositions métropolitaines équivalentes l’ont déjà été depuis longtemps. Cet amendement a donc pour objet de remédier à cette situation.
Cet amendement très novateur encourage la déconcentration administrative, puisqu’il vise à étendre les pouvoirs des représentants de l’État. Franchement, il mériterait un examen spécifique.
Mon cher collègue, autant je comprenais bien l’objet des deux précédents amendements, autant celui-ci ne me semble guère pertinent, surtout à l’heure de l’Internet. Je mets à part le cas de Clipperton, où il n’y a pas de représentant de l’État, ni même de manchots ; on les trouve plus au Sud…
Sourires
Je demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement, mais, mon cher collègue, il me semble que c’est étendre un peu trop le champ de l’habilitation de hauts fonctionnaires de l’État à réglementer et à légiférer tous seuls !
Pour les raisons invoquées par M. le rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Non, je le retire, monsieur le président.
Mon objectif est de faciliter la tâche du Gouvernement, une fois n’est pas coutume ! Je ne veux pas être plus royaliste que le roi : si le Gouvernement n’est pas favorable à cette disposition, je ne vois pas pourquoi je la maintiendrais.
Après le titre XI de la Constitution, il est inséré un titre XI bis ainsi rédigé :
« TITRE XI BIS
« LE DÉFENSEUR DES DROITS DES CITOYENS
« Art. 71-1. - Toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public peut, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, adresser une réclamation au Défenseur des droits des citoyens.
« Une loi organique définit les modalités d’intervention du Défenseur des droits des citoyens, ainsi que les autres attributions dont il est investi. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté pour l’exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur des droits des citoyens est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. »
Je n’interviendrai qu’une seule fois sur cette question, qui me semble néanmoins fondamentale.
La création d’un Défenseur des citoyens, devenu Défenseur des droits, est une avancée très importante : la constitutionnalisation de cette nouvelle autorité est un gage de son efficacité pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Nous déplorons cependant le manque de clarté entourant sa création, malgré les différentes auditions que nous avons pu tenir.
Ce Défenseur des droits, qu’il faut se contenter d’appeler ainsi, sera visiblement amené à trôner au sommet d’une pyramide dont les autorités administratives que nous avons créées, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, la Défenseure des enfants, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, voire le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – il intégrera peut-être plus tard la liste, même si ce n’est pas encore le cas –, ne seront que des satellites.
Nous avons des raisons de craindre pour leur sort : nous souhaitons donc, madame la ministre, obtenir des garanties à leur sujet. Il est intolérable que ces autorités soient réduites à un collège qui assiste le Défenseur des droits.
Que ce Défenseur des droits se substitue au Médiateur de la République et qu’il soit constitutionnalisé nous paraît bien et suffisant, mais s’il est amené à remplacer plusieurs autorités, sachez que nous nous opposerons même à sa création !
Nous souhaitons obtenir des réponses à trois questions essentielles : quelles seront les attributions de ce Défenseur des droits ? Quel sera le préjudice lié à sa création pour les autorités indépendantes existant aujourd’hui ? Quels seront ses liens avec les structures existantes, si elles sont maintenues demain ?
Nous sommes particulièrement inquiets du sort qui sera réservé à la CNDS. À titre personnel – mais comme beaucoup de mes collègues, je pense –, je suis souvent amenée à la saisir. Je puis vous assurer que son travail est très précieux. Il équivaut, en quelque sorte, à un contrôle parlementaire sur ce que l’on pourrait appeler le pouvoir de police, y compris le personnel pénitentiaire. Si vous deviez la supprimer, sachez que vous supprimeriez alors la seule autorité administrative indépendante française reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme. Sa suppression, ou même sa dilution au sein d’un collège assistant le Défenseur des droits, serait extrêmement mal perçue par les instances européennes et internationales et par toutes les organisations non gouvernementales qui travaillent sur les questions relatives aux droits de l’homme.
La création du Défenseur des droits ne doit pas avoir pour effet collatéral de revenir sur le rôle d’autorités administratives indépendantes dont on sait, madame la ministre, qu’elles gênent les pouvoirs publics. C’est d’ailleurs aussi leur raison d’être, et c’est pourquoi nous avons besoin d’elles !
Nous sommes attachés au respect et au développement des droits et nous sommes donc favorables à tout mécanisme pouvant contribuer à les renforcer. C’est la raison pour laquelle nous ne rejetons pas d’emblée le principe de la création dans la Constitution d’un Défenseur des droits.
Néanmoins, le flou qui entoure cette création nous inquiète, et je voudrais faire part de nos craintes.
Nous avons entendu le « défenseur du peuple » espagnol. Il a été créé dans une situation historique particulière, celle de l’après-franquisme, et ses attributions correspondent à peu près à celles de notre Médiateur de la République. Surtout, l’Espagne est un pays fédéral et chaque région a son propre défenseur des droits. Le défenseur du peuple ne connaît donc pas, tant s’en faut, de l’ensemble des saisines qui pourraient incomber au Défenseur des droits français. Quant aux autres ombudsmen existant en Europe, on les trouve dans de petits pays.
Nous innovons donc, en quelque sorte, sans avoir bien analysé toutes les implications de la création de cette nouvelle autorité, du point de vue de son fonctionnement, de ses moyens, de son champ de compétence, etc.
La première question à se poser, à mon avis, est la suivante : de quels droits parlons-nous ?
À nos yeux, il doit s’agir des droits fondamentaux, des « droits de l’homme » au sens du préambule de la Constitution, dans toutes leurs dimensions – y compris donc, outre les droits civiques et politiques, les droits de nature économique, sociale et culturelle. Le Défenseur des droits pourrait s’assurer de leur effectivité, de leur opposabilité concrète. L’ombudsman espagnol ne nous a-t-il pas indiqué qu’il était souvent saisi de réclamations relatives au droit à la santé, par exemple ?
Ce n’est pas ce que prévoit l’article 31 du projet de loi constitutionnelle, qui d’ailleurs ne prévoit pas grand-chose, renvoyant à la loi organique, sauf sur deux points.
Le premier concerne la nomination du Défenseur des droits : les modalités prévues à l’article 13 de la Constitution ne garantiront pas – nous l’avons dit précédemment – une réelle indépendance.
Le second point touche à son champ général de compétence, qui n’est pas évident : il est limité a priori aux services publics, limitation que la commission des lois propose justement de supprimer pour que le secteur privé reste soumis à un contrôle, comme c’est le cas aujourd’hui avec la HALDE ou la CNDS.
Rien n’est dit d’un droit d’auto-saisine, dont bénéficie la HALDE, ni d’un éventuel pouvoir d’injonction. Rien non plus sur ses attributions, sauf dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle : outre celles du Médiateur, « pourraient être reprises dans un premier temps » celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, au terme du mandat de celui qui vient d’être nommé, et celles de la CNDS. Devraient donc suivre, on peut le supposer, la HALDE, la CNIL et peut-être la Défenseure des enfants…
Or ces organismes ont chacun leurs spécificités : domaine d’intervention précis, conditions de saisine précises, composition précise. Par exemple, aujourd’hui, la HALDE comprend des représentants des associations. Qu’en serait-il avec un défenseur unique des droits ? On ne voit pas bien comment préserver ces spécificités en rassemblant les attributions de ces autorités au profit d’une seule personne.
La commission des lois a rappelé la spécificité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la nécessité de conserver son autonomie.
De même, alors que les manquements à la déontologie dans le domaine de la sécurité augmentent, l’existence de la CNDS demeure nécessaire. Quant aux moyens du Défenseur des droits, le projet de loi ne précise rien.
J’ajouterai que prévoir la création d’un Défenseur des droits sans même prendre l’avis de la CNCDH n’est pas bon signe.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur cet article au dispositif trop flou, sauf si nous obtenons des explications plus convaincantes.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 491, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le titre XI de la Constitution, il est inséré un titre XI bis ainsi rédigé :
« Titre XI bis
« Le Médiateur de la République
« Art. 71-1. - Le Médiateur de la République est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable après application de la procédure prévue à l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement ou du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Toute personne physique ou morale, s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public de l'État, d'une collectivité territoriale ou de tout organisme investi d'une mission de service public peut saisir, dans les conditions fixées par la loi organique, le Médiateur de la République. Les membres du Parlement peuvent, en outre, de leur propre chef, saisir le Médiateur de la République d'une question de sa compétence qui leur paraît mériter son intervention.
« La loi organique définit les modalités d'intervention du Médiateur. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être représenté ou assisté par des délégués dans l'exercice de ses attributions. »
La parole est à M. Robert Badinter.
L’amendement que nous présentons tend à l’inscription dans la Constitution du Médiateur de la République. Créé il y a une trentaine d’années, cette institution, qui fonctionne bien, est une réussite. Il nous paraît nécessaire d’élargir son champ d’action, notamment –c’est très important – en ouvrant la saisine à tous les citoyens, au lieu d’imposer de passer par un parlementaire.
La fonction du Défenseur des droits des citoyens, telle qu’on la devine à la lecture du texte du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, correspond à celle qui est remplie par le Médiateur.
On peut certes souhaiter changer sa dénomination. L’expression – superbe – de défenseur des libertés avait d’abord été évoquée avant que ne soit choisie celle de défenseur des droits des citoyens. À l’évidence, le titre adopté par l'Assemblée nationale ne convient pas, puisqu’il n’y a pas seulement des citoyens dont les droits doivent être défendus, mais aussi, notamment, des étrangers. Nous sommes donc forcés de changer l’appellation et d’ôter les mots « des citoyens ». Mais alors, les droits ayant toujours des titulaires, pour qui donc interviendra le Défenseur des droits ?
Je suis, je l’avoue, dans un état de grande perplexité : que veut-on lui confier en dehors de la fonction de Médiateur ? Vous vous en souvenez très bien, le Médiateur s’était porté candidat à la fonction de contrôleur général des prisons. Il lui a été répondu que cela n’était pas possible, car les fonctions ne sont pas les mêmes. Contrôler est une chose, être l’intermédiaire, l’ombudsman des prisonniers, en est une autre. Alors, je le répète, quelles fonctions veut-on lui donner ?
Personne à ce jour n’a vraiment répondu, ni même apporté un commencement de réponse, à cette question. Le texte du projet de loi constitutionnelle indique que « outre celles de l’actuel Médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ». Cette solution n’est certainement pas envisageable, puisqu’une personnalité vient d’être nommée, à l’unanimité, à ce poste. Mme la garde des sceaux nous l’a confirmé, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté assurera ses fonctions pendant une période qui pourrait être, selon elle, de cinq ans, et, selon moi, de sept ans. Est-il bien nécessaire de prévoir dans la Constitution une nouvelle instance pour réunir les fonctions du Médiateur et celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui remplit parfaitement son office ?
On continue à évoquer des perspectives grandioses où l’ensemble des organismes défenseurs des droits fondamentaux, que ce soit la HALDE – elle intervient également dans le secteur privé –, la CNIL – selon moi, cette hypothèse doit être exclue – ou la CNCDH, seraient réunis. Tout cela mériterait réflexion, avant de prendre la décision d’inscrire dans la Constitution un défenseur dont la mission, qui sera fixée dans le cadre d’une loi organique, n’est pas réellement définie. Tel qu’on le présente, cet organe apparaît en effet comme le sommet d’une pyramide dont les autres instances deviendraient les membres d’un collège, bref comme un monstre bureaucratique.
Je m’y oppose. Constitutionnalisons plutôt le Médiateur, dont nous connaissons le mode de fonctionnement, augmentons ses pouvoirs, et, si l’on y tient absolument, changeons son nom, même si je n’en vois pas du tout l’utilité. Ombudsman est un terme étranger, et médiateur, cela correspond à la fonction. Si nous n’avions pas tous une détestation de l’utilisation d’une autre langue que le français dans cet hémicycle, je dirais que l’on est en train d’assister à un happening : on fabrique quelque chose sans savoir pourquoi.
Il y a des ambitions, des rêves, des projections. Je suggère ceci : commençons par faire un bilan du fonctionnement…
… de toutes les institutions existantes, puis, après réflexion, voyons s’il y a lieu d’en fusionner certaines. Mais ne créons pas dans la Constitution un organe nouveau sans savoir à quoi il correspond et dont, pour l’instant, la fonction est parfaitement remplie par le Médiateur.
L'amendement n° 131, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour le titre XI bis de la Constitution :
« Titre XI bis
« Le Défenseur des droits
« Art. 71-1. - Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé à l'alinéa précédent. Il peut se saisir d'office.
« La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »
La parole est à M. le rapporteur.
Nous avons, quant à nous, préféré nous inspirer d’une préconisation du comité Balladur.
S’agissant de l’appellation de la nouvelle autorité, nous proposons de supprimer les mots « des citoyens » et d’en rester simplement à « Défenseur des droits », afin de montrer clairement qu’il sera accessible non seulement aux citoyens, mais aussi aux mineurs et aux ressortissants étrangers établis en France.
Il convient par conséquent de choisir un nom qui ne laisse supposer aucune limitation implicite des possibilités de saisine de cette autorité. « Défenseur des droits » paraît répondre à cet objectif. Nous en avons longuement discuté à la commission des lois.
Ce Défenseur des droits pourra être saisi directement. Nous sommes d’accord sur ce point, monsieur Badinter, puisque vous avez proposé qu’il en soit ainsi pour le Médiateur de la République.
Par ailleurs, il convient de garder la possibilité de regrouper, au sein de ce Défenseur des droits, des autorités administratives indépendantes compétentes à l’égard non seulement du service public, mais aussi du secteur privé.
Je ne vise aucun organisme en particulier.
Il convient de préciser que le Défenseur des droits peut être saisi de réclamations mettant en cause le fonctionnement du service public et de demandes relatives aux autres organismes à l'égard desquels la loi organique lui attribuera des compétences.
En outre, suivant les recommandations présentées par notre collègue Patrice Gélard dans l’excellent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation consacré aux autorités administratives indépendantes, rapport qui fait référence, je propose de permettre au Défenseur des droits de se saisir d'office, comme c’est le cas pour la HALDE, de prévoir qu'il pourra être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions, afin de renforcer les garanties d'indépendance et de compétence offertes aux personnes qui le saisissent, et de préciser qu’il rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.
La loi organique fixera les limites du regroupement des autorités administratives indépendantes. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, compte tenu de l’importance de sa mission, n’en fera pas partie. L’exposé des motifs n’apportait aucune sécurité sur ce point, mais Mme le garde des sceaux nous l’a confirmé. Nous verrons bien dans une dizaine d’années s’il faut changer cette situation. Pour le moment, la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté doit se développer.
Tous les organismes existants, des plus importants aux plus modestes, jugent qu’ils sont indispensables et refusent toute idée de regroupement. C’est la situation française ! À mon sens, nous pouvons aller très loin dans le regroupement de ces autorités administratives indépendantes qui pullulent actuellement pour aboutir à un système beaucoup plus « ramassé ». Comme cela se pratique dans de nombreux pays, il serait préférable pour nos concitoyens d’avoir un seul organisme défenseur des droits, qu’ils pourraient saisir pour toute une série de problèmes, au lieu de devoir s’orienter, comme c’est le cas actuellement, parmi un grand nombre d’instances diverses.
J’exclus bien entendu les organismes qui sont dotés de compétences techniques extrêmement complexes, comme la CNIL, et ceux qui régulent des secteurs, comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Madame le garde des sceaux, nous devons examiner la possibilité de regrouper dans une autorité unique le maximum d’organismes qui interviennent dans le domaine des libertés publiques et des droits. La loi organique devra être précise sur ce point. En plus, cette mesure nous permettrait de réaliser des économies bienvenues dans une période de révision générale des politiques publiques !
L'amendement n° 66, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :
I. - Dans l'intitulé proposé par cet article pour le titre XI bis de la Constitution, remplacer les mots :
des citoyens
par les mots :
fondamentaux
II. - Procéder à la même substitution dans le texte proposé par cet article pour l'article 71-1 de la Constitution.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, je retire cet amendement, dans la mesure où j’estime qu’il est largement satisfait par l'amendement n° 131 que vient de présenter M. le rapporteur.
L'amendement n° 66 est retiré.
L'amendement n° 65, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 71-1 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Défenseur des droits des citoyens veille à la garantie par l'État de la continuité fonctionnelle et territoriale des services publics essentiels. »
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
Cet amendement vise à étendre la mission générale du Défenseur des droits en matière de fonctionnement des services publics au-delà des seules réclamations qui peuvent lui être adressées. Son adoption permettrait d'établir une autorité administrative indépendante chargée de veiller à la correcte conciliation du principe de continuité des services publics et du droit de grève.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :
Après le mot :
définit
rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 71-1 de la Constitution :
l'organisation des services dont dispose le Défenseur des citoyens, ses modalités d'intervention, les autres attributions dont il est investi ainsi que les règles de contrôle budgétaire et financier qui lui sont applicables.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Il s’agit d’un amendement de cohérence. L'ampleur des tâches qui vont incomber au Défenseur des droits impliquera que celui-ci dispose de moyens administratifs et financiers particulièrement importants.
Dès lors que le Président de la République a décidé de soumettre les comptes de ses services à l'appréciation de la Cour des comptes, le minimum que notre assemblée puisse prévoir est que, fût-il indépendant, le Défenseur des droits soit soumis au contrôle budgétaire et financier.
L'amendement n° 290 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Biwer et Fauchon, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix et J.L. Dupont, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 71-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Elle précise ses compétences au regard des juridictions et autorités administratives indépendantes.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
La loi doit préciser les compétences du Défenseur des droits au regard des juridictions et des autorités administratives indépendantes.
Si je souscris à la création de cette nouvelle institution, à laquelle nous allons donner une valeur hautement symbolique en l’inscrivant dans la Constitution, je désire toutefois vous faire part de mes interrogations sur un point majeur.
Aujourd’hui, de nombreuses autorités administratives indépendantes ont pour mission de défendre les citoyens qui rencontrent des difficultés avec les représentants d’un service public ou, plus largement, qui se sentent lésés dans l’exercice et le respect de leurs droits.
Parmi ces autorités, je citerai bien sûr en premier lieu le Médiateur de la République, dont la mission correspond à la définition de la fonction de Défenseur des droits donnée dans le présent texte.
Autre autorité chargée de défendre les droits des citoyens, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a pour mission de contrôler le respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.
La CADA, quant à elle, est chargée de veiller au respect de la liberté d’accès aux documents administratifs et aux archives publiques.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui vient d’être nommé, est chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux.
Enfin, la HALDE est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.
Au travers de cet inventaire, sans doute non exhaustif, nous constatons que les autorités créées pour défendre les droits des citoyens dans leur vie quotidienne sont innombrables. Mon propos n’est pas de remettre en cause toutes ces institutions bien utiles, mais permettez-moi de m’interroger : quelle sera l’articulation de ces autorités avec le Défenseur des droits que le projet de loi constitutionnelle tend à instituer ?
Je me pose cette question avec d’autant plus de curiosité et d’insistance que, aux termes de l’exposé des motifs du projet de loi, il est envisagé que « outre celles de l’actuel Médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ».
En outre, les analyses de notre excellent rapporteur font apparaître que la commission des lois exprime sa volonté unanime de préserver l’autonomie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Quant au comité Balladur, il préconise de fusionner la HALDE avec le futur Défenseur des droits.
Enfin, je lis dans une dépêche datée du 4 juin qu’est envisagée la fusion du Défenseur des droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’ici à six ans.
Vous comprendrez donc mon embarras et mes interrogations quant à l’articulation de toutes ces autorités avec le Défenseur des droits. Je tiens aussi à exprimer les doutes que m’inspire cette volonté de fusionner toutes les autorités avec le Défenseur des droits. Certaines instances se consacrent à des domaines très particuliers. Je crois nécessaire de les maintenir dans leur spécificité.
Mes chers collègues, j’ai voulu déposer cet amendement, tant je suis perplexe face à l’incertitude générale qui entoure la création du Défenseur des droits.
La commission émet un avis défavorable sur les quatre amendements restant en discussion commune avec le sien. Il me semble que l'amendement n° 131 est complet : en le rédigeant, la commission a voulu répondre à un certain nombre de conditions.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l’on défende tel ou tel organisme. Si nous nous engageons dans cette voie, nous ne ferons jamais rien ! La commission tient vraiment à regrouper tout ce qui peut l’être dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.
La révision de notre Constitution vise à mieux contrôler l’exécutif et à renforcer le Parlement. Elle tend aussi à accorder des droits nouveaux aux citoyens. La création du Défenseur des droits des citoyens en constitue un élément important. Elle est d’ailleurs attendue par beaucoup de monde et depuis longtemps.
La création du Défenseur des droits des citoyens s’ajoute à l’exception d’inconstitutionnalité, à l’ouverture de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature à tout justiciable, au droit de pétition devant le Conseil économique, social et environnemental et au référendum d’initiative parlementaire et populaire.
Les droits des citoyens sont bien évidemment protégés par le juge, mais, face à certaines difficultés, notamment dans les relations avec les administrations, engager une procédure juridictionnelle est bien souvent trop lourd au regard de la réalité du problème et peut faire peur. Il faut prévoir la possibilité d’une intervention plus souple, qui prenne en considération l’équité.
C’est dans cette perspective que le Médiateur de la République a été créé. C’est pour cela aussi que nous voulons inscrire le Défenseur des droits des citoyens dans la Constitution. En lui donnant un ancrage constitutionnel, nous renforcerons son autorité morale. Dans la plupart des autres pays d’Europe qui connaissent une institution comparable, son existence est prévue par la Constitution. C’est donc là une réelle avancée.
Cet ancrage ira de pair avec une saisine simplifiée et des pouvoirs renforcés par rapport à ceux du Médiateur de la République.
En premier lieu, le droit de chaque personne lésée de saisir directement le Défenseur des droits des citoyens sera reconnu, et même inscrit dans la Constitution. Au contraire, le Médiateur de la République ne peut être saisi directement par le citoyen et son existence n’est pas inscrite par la Constitution.
En second lieu, le Défenseur des droits des citoyens disposera de pouvoirs renforcés. Aujourd’hui, le Médiateur de la République dispose essentiellement de pouvoirs de proposition et de recommandation. Il faut aller plus loin. La liste exacte de ses pouvoirs sera fixée par un projet de loi organique, qui sera soumis à votre assemblée le moment venu.
D’ores et déjà, nous envisageons de lui conférer les pouvoirs suivants : procéder à des vérifications sur pièces et sur place, proposer une transaction entre la personne lésée et l’administration, saisir la juridiction compétente avec l’accord de la personne concernée, engager des poursuites disciplinaires à l’encontre d’un agent, si l’administration ne le fait pas.
Le Défenseur des droits des citoyens a donc vocation à se substituer au Médiateur de la République, avec une autorité morale et des pouvoirs renforcés.
Ce texte vise en outre à ouvrir la voie à une simplification de l’ensemble de nos dispositifs concernant les autorités administratives indépendantes chargées de défendre les droits de nos concitoyens.
Je prendrai un seul exemple. La Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui a été créée par une loi du 6 juin 2000, accomplit un travail remarquable. Elle peut être saisie par toute personne victime ou témoin de faits contraires aux règles de déontologie commis par des personnes chargées d’une activité de sécurité : il s’agit essentiellement de la police, de la gendarmerie, de l’administration pénitentiaire, des services de sécurité des transports publics. Cette autorité est cependant peu connue, puisque, sur cent quarante-quatre saisines en 2007, toutes émanaient de parlementaires ou d’autres autorités administratives indépendantes. Pas un seul particulier ne l’avait saisie directement.
Je crois qu’il serait plus simple de confier cette compétence au Défenseur des droits des citoyens.
Pour l’exercer, il pourrait être assisté d’un collège composé de personnalités ayant des compétences particulières dans le domaine de la sécurité.
Dans l’esprit du Gouvernement, la création du Défenseur des droits des citoyens est le prélude à une réflexion plus générale sur l’ensemble des autorités administratives indépendantes chargées de protéger les droits des citoyens.
Certains nous reprochent de ne pas donner de schéma préétabli. Si nous nous étions présentés avec un tel schéma, cela nous aurait également été reproché. Le Gouvernement a donc fait le choix d’une rédaction qui permette des évolutions ultérieures. Il sera d’ailleurs plus facile de fusionner le Défenseur des droits des citoyens avec d’autres autorités administratives indépendantes, lorsqu’il sera bien ancré dans notre paysage institutionnel.
En tout cas, le projet du Gouvernement permet deux évolutions.
Tout d’abord, il rend possible une évolution quant au champ de compétence du Défenseur des droits des citoyens : un projet de loi organique pourra le définir.
Ensuite, il permet une évolution du mode de fonctionnement du Défenseur des droits des citoyens : un projet de loi organique déterminera les conditions dans lesquelles il pourra être assisté pour l’exercice de certaines de ses attributions. Cela signifie que le Défenseur des droits des citoyens pourra non seulement avoir des délégués, mais aussi être assisté par un ou des collèges, selon les compétences à réunir. Là aussi, le Gouvernement est favorable à la clarification proposée par la commission des lois.
Sur la question des regroupements à opérer, le Gouvernement souhaite un dialogue ouvert et constructif avec le Parlement. Nous l’avons déjà montré à propos du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. À l’époque, nous pensions créer uniquement un contrôleur des prisons, comme au Royaume-Uni.
Le Gouvernement souhaite aller beaucoup plus loin, en créant un contrôleur général de tous les lieux de privation de liberté. Nous verrons, à la fin de son mandat, s’il faut fusionner les deux institutions ou s’il est plus utile de conserver une existence autonome au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
On peut également penser au Défenseur des enfants. Lorsqu’il a été créé, en reprenant la proposition unanime d’une commission parlementaire, la question s’est posée de savoir s’il fallait mettre en place une institution distincte du Médiateur de la République. Il a été décidé que oui, afin que le Défenseur des enfants puisse être saisi directement, ce qui n’est pas le cas du Médiateur de la République. Cette distinction n’aura plus lieu d’être après l’adoption de ce projet de loi constitutionnelle. Nous pourrons y réfléchir ultérieurement.
Le Gouvernement vous propose d’avoir un débat approfondi sur toutes ces questions lors de la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits des citoyens. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur les amendements n° 491, 65, 37 rectifié et 290 rectifié, mais est favorable à l'amendement n° 131.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 491.
J’ai écouté avec soin, comme toujours, M. le rapporteur, dont je comprends la position. Il souhaite aller vers le regroupement d’un grand nombre d’autorités administratives indépendantes sous l’égide du Défenseur des droits des citoyens.
Madame le garde des sceaux, votre position apparaît moins claire, puisque nous ne pouvons pas déduire de votre discours si vous entendez faire du Défenseur des droits des citoyens un simple substitut du Médiateur de la République ou si vous comptez lui confier, de surcroît, les attributions de telle ou telle autre autorité. Nous nous interrogeons sur ce point.
La Constitution étant une norme, il me semble qu’il est de la mission du Parlement d’essayer d’obtenir des réponses précises et explicites : madame le garde des sceaux, que voulez-vous faire ?
J’ai entendu que vous vouliez ouvrir la voie – voilà qui est très bien, déjà Mao Tsé-toung employait cette expression !
Sourires
–, que vous souhaitiez créer un prélude à la réflexion – pour ma part, je trouve que la réflexion est excellente et que le prélude à la réflexion l’est également !
Nouveaux sourires.
La réflexion est très bonne pour la santé, surtout à cette heure ; il faut louer l’esprit de réflexion ! Pour autant, nous restons finalement dans le flou et dans la confusion.
J’estime que nous sommes véritablement dans notre rôle lorsque nous vous demandons, madame le garde des sceaux, ce que veut faire le Gouvernement.
L'amendement n° 491 témoigne d’une position claire de notre groupe : nous voulons constitutionnaliser le Médiateur de la République.
Monsieur le rapporteur, que l’on nous dise à quels changements on procède, s’il s’agit de changer quelque chose !
À la suite de Mme Boumediene-Thiery, qui a interpellé le Gouvernement sur cette question, je voudrais obtenir des précisions sur la Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont le rôle est important et dont je pensais d’ailleurs qu’elle ne pouvait être saisie que par un parlementaire !
Nous aurions même pu autoriser sa saisine directe sans révision de la Constitution, si les députés ne s’y étaient pas opposés…
… d’une manière incompréhensible !
C’était l’intention du comité Balladur et celle du Gouvernement, mais, dans sa rédaction initiale, le texte nous paraissait imprécis et ne permettait pas de procéder à toutes les ouvertures.
Pour la commission des lois, il importe d’entreprendre une réorganisation de l’architecture de tous les organismes, mais c’est la loi organique qui déterminera lesquels sont concernés. Il est impossible de l’annoncer aujourd'hui, cela relève de la loi organique !
À dire le vrai, monsieur Sueur, il m’arrive quelquefois de ne pas comprendre votre mode de raisonnement !
Sourires
Rires
Une réforme des institutions est en cours, qui tend notamment à créer un Défenseur des droits des citoyens. Les modalités précises de son action seront fixées dans la loi organique, mais reconnaissez tout de même que la commission des lois a accompli un effort de rédaction pour définir le périmètre dans lequel il pourrait intervenir !
Non ! C’est la loi qui le fera ! Pour ma part, je n’en sais rien encore !
C’est du moins ce que j’avais cru comprendre, monsieur le rapporteur !
En revanche, je ne sais pas ce que veut faire le Gouvernement.
S’il veut que le Défenseur des droits des citoyens englobe la CNDS, la CADA, la HALDE, la CNIL, le Médiateur de la République, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des enfants, qu’il ait la bonté de nous le dire ! Si tel est l’objectif du Gouvernement, cela éclairera le Parlement de le connaître !
Si vous pensez que le Défenseur des droits des citoyens doit être au-dessus des autres instances, qui lui seraient alors subordonnées tout en gardant un semblant d’indépendance, …
… il faut le dire !
Si vous pensez que certaines de ces institutions, telles que la CNDS ou le Défenseur des enfants, doivent être incluses dans le champ de compétence du futur Défenseur des droits des citoyens, et non pas d’autres, par exemple la CNIL ou la CADA, je souhaite savoir en vertu de quels critères cette distinction est opérée.
Plusieurs choix s’offrent à nous, plusieurs options sont possibles : le moins que l’on puisse demander au Gouvernement, c’est de nous dire ce qu’il entend faire.
C’est pourquoi, pour notre part, nous nous en tenons à l'amendement n° 491, qui a le mérite d’être explicite. Nous estimons avoir démontré que toute autre position relève d’une conception floue, incompatible avec les exigences juridiques qu’est en droit d’avoir le constituant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En résumé, nous croyons comprendre que des organismes relativement identifiés seront remplacés par un organisme non identifié, une sorte d’ONI !
Sourires
En revanche, nous comprenons très bien la motivation d’un amendement – peut-être sera-t-il retiré – dont l’objet est de prévoir que le Défenseur des droits des citoyens soit chargé d’arbitrer entre l’exercice du droit de grève et la continuité des services publics. Suivez mon regard !
Pour ma part, je crois qu’il faut rester très prudent pour l’instant.
J’ai bien noté que la commission et le Gouvernement étaient hostiles à l’ensemble des amendements, à l’exception bien sûr de l’amendement n° 131. Il se trouve pourtant que l'amendement n° 37 rectifié n’est pas du tout de la même nature que les autres.
Je voudrais comprendre les raisons qui empêchent le Gouvernement et la commission de préciser que le Défenseur des droits des citoyens sera soumis à un contrôle budgétaire et financier.
On s’acharne à vouloir faire figurer dans la Constitution des dispositions qui relèveront de la loi organique ou de la loi ordinaire.
À partir du moment où un budget est prévu, un contrôle budgétaire s’exerce. Cela sera prévu dans la loi organique, point n’est besoin de le spécifier dans la Constitution.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 65, 37 rectifié et 290 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 31, modifié.
L'article 31 est adopté.
L'amendement n° 237, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l'article 72 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La politique de décentralisation doit maintenir l'égalité et la solidarité des citoyens sur tout le territoire national. Elle doit permettre de renforcer la démocratie et être intégralement compensée financièrement. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la Constitution les grands principes qui, selon nous, doivent guider la politique de décentralisation, à savoir le maintien de l’égalité des citoyens et de la solidarité sur tout le territoire, le renforcement de la démocratisation et la compensation financière intégrale des compétences transférées.
Ce n’est pas du tout ce qui est mis en œuvre depuis la réforme constitutionnelle de 2002 relative à la décentralisation et l’entrée en vigueur des lois transférant les compétences.
Cela était prévisible, compte tenu du projet libéral que vous vouliez absolument appliquer. Vous avez refusé d’entendre les voix des élus, des fonctionnaires, des citoyens qui ont su déceler les effets pervers de cette fausse décentralisation.
La réalité, c’est le désengagement de l’État, qui transfère ses compétences vers des collectivités territoriales de plus en plus étranglées, c’est le démantèlement de ses responsabilités associé à un recul de l’égalité des citoyens et des mécanismes de solidarité, c’est la mise en concurrence des territoires, ce sont des décisions prises de manière antidémocratique, sans et contre les citoyens et les élus concernés.
De nombreux élus, notamment des maires, y compris parmi la majorité, d’ailleurs, s’émeuvent de voir la situation financière actuelle des collectivités locales s’aggraver d’année en année. Ces dernières ont de plus en plus de mal à répondre aux aspirations de leurs habitants, plus particulièrement si elles comptent des populations en difficulté. Ce n’est certes pas notre conception d’une véritable décentralisation.
Cet amendement tend à inscrire à nouveau dans la Constitution des principes qui y figurent déjà. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Nous avons déjà abordé ce sujet au début de la discussion du projet de loi constitutionnelle. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 238, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les mots : « législatives ou » sont supprimés.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Nous souhaitons retirer aux collectivités territoriales la possibilité de déroger aux dispositions législatives qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Nous nous étions déjà opposés à l’introduction de cette disposition lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République.
Nous sommes favorables à l’attribution aux collectivités territoriales d’une marge de manœuvre en matière d’adaptation de certains textes et d’expérimentation en matière réglementaire, mais nous ne voulons pas d’une République « en morceaux » ni d’une variabilité des dispositions législatives dans l’espace. Nous ne voulons pas voir s’installer des spécificités locales dans des domaines essentiels.
En effet, nous sommes favorables au maintien de la responsabilité de l’État, garant de la cohésion nationale et de l’égalité sur tout le territoire.
L’une des raisons de notre opposition à la politique que vous conduisez en matière sociale ou éducative est précisément qu’elle aboutit à faire régresser ce rôle essentiel de l’État.
Nous pourrions envisager des expérimentations en matière législative dans le seul cas où cela permettrait une plus large association de la population à l’élaboration et à la mise en œuvre de la loi.
Ce projet de loi constitutionnelle en est à mille lieues, puisqu’il ignore précisément toute participation des citoyens à l’élaboration de la loi. Dans le cas contraire, il serait indispensable d’encadrer de façon beaucoup plus stricte toute dérogation à la loi générale.
Mme Mathon-Poinat vient de nous expliquer son opposition à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Celle-ci a été adoptée par le Congrès. La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur un tel amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 377 rectifié, présenté par MM. Legendre, Gouteyron, Marini, Romani, Bourdin, Duvernois, Fournier, Gaillard et Cointat, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le Titre XIV de la Constitution, il est inséré un article 87 ainsi rédigé :
« Art. ... - La République participe à la construction d'un espace de solidarité ayant le français en partage, au service de la diversité culturelle et linguistique, de la paix, de la démocratie et du développement. »
II. L'intitulé du Titre XIV de la Constitution est ainsi rédigé :
« De la francophonie et des accords d'association ».
La parole est à M. Jacques Legendre.
Cet amendement a pour objet de faire figurer enfin la francophonie dans la Constitution. Le moment et le lieu nous semblent appropriés.
Prendre une telle mesure est une nécessité, afin de bien montrer à nos partenaires que la France se considère comme engagée dans cette construction.
Un article 87, précédemment abrogé, étant, en quelque sorte, disponible, nous pouvons insérer dans la Constitution un titre XIV relatif à la francophonie et aux accords d’association.
Par ailleurs, l’amendement n° 377 rectifié a également pour objet de définir la francophonie, c’est-à-dire le partage d’une langue, le français, et de valeurs, à savoir la diversité culturelle et linguistique, promue par la convention de l’UNESCO que la France a largement contribué à faire adopter, la paix, la démocratie et le développement. Ces valeurs sont contenues dans la déclaration de Bamako, au cœur de la francophonie, qui garantit que la francophonie est le rassemblement d’États uniquement démocratiques.
Je souhaite que cette demande, déposée à plusieurs reprises lors de précédentes révisions constitutionnelles, puisse enfin être satisfaite.
Ce soir, j’ai une pensée pour Maurice Schumann, qui en a été longtemps l’ardent défenseur.
La présidence s’associe à cette pensée.
Quel est l’avis de la commission ?
L’affirmation, à cet endroit de la Constitution, de la participation de notre pays à l’espace francophone, assortie d’objectifs de paix et de diversité culturelle et linguistique, nous paraît judicieuse. Certains l’ont considérée comme nécessairement complémentaire de la reconnaissance des langues régionales, mais ne revenons pas sur ce sujet.
En tout état de cause, adopter cette disposition marquerait l’attachement de notre pays à la langue française, qui est non seulement la langue de la République, mais aussi un lien précieux avec nombre de pays amis. La commission a donc émis un avis très favorable sur cet amendement.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage tout à fait votre souci de valoriser la place de la francophonie dans le monde, la francophonie étant un axe important de notre politique étrangère, au même titre que notre participation à la construction européenne.
Toutefois, notre attachement à la francophonie, tout comme au projet européen, pourrait figurer, selon le Gouvernement, dans le Préambule. Le comité présidé par Simone Veil réfléchit à l’opportunité d’une telle modification, pour donner un ancrage constitutionnel aux grandes orientations de notre politique étrangère.
Par conséquent, je vous propose d’attendre les conclusions de ce comité. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.)
Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article 31.
L'amendement n° 411, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est supprimé.
La parole est à M. Robert Bret.
Nous souhaitons que le résultat du référendum irlandais du 12 juin dernier soit pris en considération. Il convient d’en tirer toutes les conséquences.
Cet amendement est clair et logique : dans la mesure où le traité de Lisbonne a été rejeté par un État membre de l’Union européenne, il ne peut pas entrer en vigueur. Par conséquent, le deuxième alinéa de l’article 88-1 de la Constitution, qui fait explicitement référence à un traité qui ne rentrera pas dans l’ordre juridique interne, est inopérant et doit être supprimé.
Pour mémoire, je rappelle que le deuxième alinéa de l’article 88-1 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 4 février 2008, prévoit que la République « peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007 ».
Ces dispositions, sous couvert de lever l’ensemble des obstacles juridiques à la ratification du traité, visaient en fait à approuver le contenu même du traité avant que la représentation nationale ait autorisé sa ratification. Nous avions eu l’occasion de le souligner, en début d’année, au moment de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution : ces dispositions valident par avance le traité de Lisbonne.
Aujourd’hui, avec cet amendement, nous invitons le constituant à ne pas renouveler les erreurs passées et à actualiser immédiatement la Constitution française.
Faut-il rappeler que, alors que le traité établissant une constitution pour l’Europe a été repoussé, par référendum, le 29 mai 2005, la référence à ce traité est demeurée dans la Constitution, devenant lettre morte ? Oui, cette référence est restée inscrite dans notre Constitution, jusqu’à ce qu’un nouveau projet de révision constitutionnelle, dont l’article 1er prévoyait de remplacer les dispositions du deuxième alinéa de l’article 88-1, ait été adopté, au mois de février 2008.
Dès lors, à la suite du rejet du traité de Lisbonne par un État membre de l’Union européenne, l’occasion est offerte de ne pas réitérer la même erreur. Certes, le Gouvernement aurait pu éviter le problème, en amont, en notifiant expressément l’inapplicabilité de la loi constitutionnelle en cas de rejet du traité modificatif, mais, comme nous le savons, il ne l’a pas fait. Il pensait, en effet, qu’il ne prenait aucun risque à contourner la volonté du peuple français.
Cependant, c’était oublier que, même si vingt-six chefs d’État et de Gouvernement des pays membres de l’Union européenne avaient prévu de contourner la volonté de leurs citoyens, un État membre, l’Irlande, devait recourir au référendum, conformément à sa Constitution. On connaît le résultat, sans appel, de ce référendum. Il fait obstacle à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, escomptée au 1er janvier 2009.
La confusion du dernier sommet européen de Bruxelles confirme cette analyse. Faudra-t-il attendre le rejet du traité par un autre pays avant de convoquer un nouveau Congrès afin de supprimer le deuxième alinéa de l’article 88-1 ? Il faut redonner du sens et du sérieux à ce débat !
Aujourd’hui, comme en 2005, les mêmes causes doivent produire les mêmes effets : le deuxième alinéa de l’article 88-1 de la Constitution doit être supprimé. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 411.
Le processus de ratification du traité de Lisbonne n’est pas terminé. Ce traité n’est pas caduc pour l’instant ! Dix-neuf États l’ont ratifié ; un l’a rejeté ; sept doivent encore se prononcer.
Je fais simplement du droit, mon cher collègue ! Le Royaume-Uni a ratifié le traité le mercredi 18 juin.
Les dispositions liées à ce traité n’entreront en vigueur que si ce dernier entre en vigueur. Dans cette attente, il est nécessaire de les maintenir pour assurer la compatibilité entre notre loi fondamentale et le traité. La commission émet donc un avis défavorable.
Le traité de Lisbonne existe et entrera en vigueur à compter de janvier 2009.
Ce traité n’est pas remis en cause à ce jour et n’est pas en cours de renégociation. C’est pourquoi les dispositions issues de la loi constitutionnelle du 4 février 2008 demeurent pertinentes.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 410, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution est abrogé.
La parole est à M. Robert Bret.
Cet amendement relève du même esprit que le précédent.
Le droit international des traités est parfaitement clair. Aux termes de l’article 24, paragraphe 2, section 3, deuxième partie, de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, « un traité entre en vigueur dès que le consentement à être lié par le traité a été établi pour tous les États ayant participé à la négociation ».
Pour entrer en vigueur, un traité européen, qui est un traité international, doit donc être ratifié à l’unanimité des États membres de l’Union européenne, sauf si tous les États membres ont décidé antérieurement, à l’unanimité, que ce traité pourrait être ratifié à la majorité.
Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, ce sont les États qui décident, et non la Convention !
L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne.
« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés à l'alinéa précédent, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cet article tend opportunément à renforcer le rôle des deux assemblées en matière européenne.
Il est à souligner qu’il y a vraiment, sur ce point, une nouvelle donne en Europe. Comme chacun le sait, le traité de Lisbonne prévoit un rôle accru pour les parlements nationaux dans le fonctionnement de l’Union ; il va même plus loin que le traité constitutionnel sur ce point. Cela correspond à la prise de conscience qu’il faut renforcer les liens entre la construction européenne et les citoyens.
À la fin de la semaine dernière, M. Haenel vous a remplacé, monsieur le président, à la conférence des présidents des parlements de l’Union. Il a pu constater qu’il y avait unanimité des présidents des parlements pour progresser de manière pragmatique dans le renforcement du contrôle exercé par les parlements nationaux, et ce sans attendre, soit dit pour répondre à M. Bret, que le processus de ratification du traité de Lisbonne soit sorti de l’ornière.
Le président de l’Assemblée nationale a résumé le sentiment général en déclarant, au cours de cette réunion, que les parlements nationaux devaient répondre sans attendre à la demande des citoyens de plus de démocratie et de proximité des décisions. M. Bernard Accoyer a d’ailleurs été chargé de faire des suggestions sur la manière dont les pays qui le souhaitent pourraient commencer à faire vivre par anticipation, dans la mesure du possible, les dispositions du traité de Lisbonne concernant les parlements nationaux.
Il y a un constat unanime sur le fait que les citoyens veulent avoir davantage voix au chapitre à travers leurs parlementaires. Nous devons répondre à cette aspiration.
L’article 32 du projet de loi va nous y aider, avec l’élargissement du champ des résolutions et l’amélioration du statut des délégations. J’espère que notre assemblée saura, le moment venu, donner toute sa portée à ces possibilités accrues d’expression et d’intervention. Il est dans l’intérêt de la construction européenne que les parlements nationaux jouent pleinement leur rôle, qui est en réalité complémentaire de celui du Parlement européen.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 132 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° 141 est présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I.- Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution, après le mot :
résolutions
insérer le mot :
européennes
II.- Rédiger comme suit le dernier alinéa du même texte :
« Au sein de chaque assemblée parlementaire est institué un comité chargé des affaires européennes. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 132.
Afin de distinguer les résolutions générales que le Parlement pourra adopter et les résolutions portant sur des documents européens, il est proposé de qualifier les secondes d’ « européennes ». La dénomination de « résolutions européennes » est d’ailleurs celle qui est déjà utilisée dans les règlements des assemblées.
La dénomination de « comité chargé des affaires européennes », qui avait été proposée par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, est préférable, quoi qu’en disent certains députés, à celle de « commission chargée des affaires européennes ».
En effet, il s’agit de faciliter l’identification de ces organismes qui occupent aujourd’hui une place essentielle dans chaque assemblée, en les distinguant des commissions permanentes et des commissions spéciales.
Cette distinction est justifiée par la différence de compétence entre le comité et les commissions. Elle se fonde également dans la différence de composition, puisque les comités sont composés de parlementaires qui appartiennent aux commissions.
Ce point est d’ailleurs fondamental pour l’efficacité du contrôle des assemblées en matière européenne, comme le souligne le rapport du comité Balladur. La double appartenance aux commissions et au comité favorise la diffusion de la culture européenne dans les assemblées et permet l’exercice par les membres du comité d’un rôle d’alerte auprès des commissions dont ils sont membres.
Les comités chargés des affaires européennes exerceront les compétences aujourd’hui confiées aux délégations, sans préjudice des compétences des commissions permanentes. En effet, les commissions permanentes doivent elles-mêmes exercer un contrôle de la politique européenne dans leurs domaines d’attribution. Leurs compétences législatives les amènent, en outre, à examiner les projets de loi de transposition du droit européen en droit interne.
Cette architecture est tout à fait claire !
Quant à ceux qui préconisent l’utilisation du terme « commission » parce que celui de « comité » serait en fait un anglicisme, je leur rappelle que committee n’est jamais que la traduction d’un mot français, …
… qui peut également signifier « commission ». Chacun comprendra parfaitement.
J’ai tenu à déposer cet amendement, en accord avec le président de la délégation pour l’Union européenne, M. Haenel, pour bien marquer les différences de compétence entre ce comité chargé des affaires européennes et les commissions permanentes ou les commissions spéciales de nos assemblées.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 141.
Nous partageons l’analyse ainsi que l’argumentation de M. Hyest.
Je voudrais simplement faire remarquer que les actuelles délégations aux affaires européennes fonctionnent de façon très satisfaisante, en parfaite coordination avec les commissions.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 93 est présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.
L’amendement n° 293 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L’amendement n° 360 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L’amendement n° 492 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution, remplacer les mots :
est instituée une commission chargée
par les mots :
est institué un comité chargé
L’amendement n° 93 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 293 rectifié.
Cet amendement participe du même esprit que celui qu’a défendu M. Hyest. Je le retire donc au profit au profit de l’amendement de la commission.
L’amendement n° 293 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 360.
Afin de donner aux futures instances en question une véritable existence transversale, indépendante des commissions permanentes, il convient de modifier leur appellation actuelle. Le terme « commission » a tendance à créer la confusion avec les commissions permanentes.
Si nous devons constitutionnaliser ces organes, il convient de ne pas les confondre avec les commissions permanentes, dont le champ est plus spécifique et le travail d’une tout autre nature. Les commissions chargées des affaires européennes sont des organes distincts, au sein desquels siègent des élus appartenant à différentes commissions permanentes. Il y va du caractère transversal de leur activité. Le terme « comité » me paraît mieux refléter leur nature spécifique.
Cet amendement va dans le même sens.
Lors de la révision constitutionnelle de février 2005, le groupe socialiste du Sénat avait défendu un amendement tendant à renommer la délégation à l’Union européenne « comité chargé des affaires européennes ».
La majorité avait refusé notre proposition à l’époque. Nous sommes heureux de constater que la réflexion peut toujours progresser et que vous rejoignez la position que nous avions défendue en février 2005, chers collègues !
Il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis ! Souvent parlementaire varie !
Si les amendements identiques de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères sont adoptés, les deux autres amendements restant en discussion, qui vont dans le même sens, seront satisfaits.
Je suis pleinement d’accord avec M. le rapporteur et j’émets un avis favorable sur l’ensemble des amendements, étant entendu que celui de la commission satisfait tous les autres.
La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 132 et 141.
Je me réjouis qu’il y ait enfin consensus pour changer le nom des délégations.
Le terme « comité », qui convenait à M. Haenel et à moi-même, figurait dans la rédaction initiale du texte. L’Assemblée nationale a préféré le mot « commission », qui me convenait également, et le Sénat entend désormais revenir au terme « comité ».
M. Jean Bizet. Pour paraphraser la formule célèbre d’un grammairien illustre, l’un ou l’autre me convient ou me conviennent.
Sourires
Certains craignent que, avec ce changement de nom, l’instance européenne du Sénat ne prenne trop d’importance. Je voudrais les rassurer : le comité chargé des affaires européennes n’aura pas pour modèle le Comité de salut public ! Je le dis à l’adresse de M. Fauchon…
Nouveaux sourires.
En réalité, tout le monde est d’accord pour dire que l’instance européenne ne doit pas avoir de compétence législative. Les traités européens, comme les autres traités, doivent continuer à relever de la commission des affaires étrangères, et les projets de loi de transposition des directives européennes à relever de la commission compétente au fond.
En revanche, le comité devra faire en sorte que le Sénat joue pleinement son rôle européen. L’Europe traverse une passe difficile, qui montre une fois de plus la nécessité de rapprocher l’Union des citoyens. Les parlements nationaux doivent se rendre capables de contribuer à ce rapprochement. C’est l’objectif que nous devrons nous assigner lorsque nous aurons à réviser la loi sur les délégations pour l’Union européenne, ainsi que le règlement du Sénat.
Par ailleurs, le comité devra garder son originalité, qui tient au fait qu’il est composé de membres de toutes les commissions permanentes, de manière à conserver le caractère « transversal » qui caractérise les délégations.
En évoquant le Comité de salut public, tout à l’heure, j’ai simplement voulu rappeler que le mot « comité » existait dans notre langue, dans notre tradition et dans notre histoire.
Certains ont semblé considérer que la mémoire du Comité de salut public était marqué du sceau de l’infamie. Je signale cependant qu’il a organisé la résistance de la France à l’invasion étrangère avec un succès remarquable !
En outre, c’est le tribunal révolutionnaire, et non le Comité de salut public, qui a commis les excès que l’on connaît.
Merci pour cette leçon d’histoire, monsieur Fauchon !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 132 et 141.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, les amendements n° 360 et 492 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 240, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Les résolutions s'imposent au Gouvernement.
La parole est à M. Robert Bret.
Nous avons apprécié ce débat sur l’appellation future de l’actuelle délégation aux affaires européennes.
Nous souhaitons nous atteler, quant à nous, à la résorption du déficit démocratique qui caractérise la construction européenne et qui, loin de se réduire, s’accentue toujours plus, comme l’actualité en témoigne !
Outre le fossé béant qui se creuse entre les dirigeants et les peuples européens, le contrôle exercé par le Parlement français sur l’activité communautaire du Gouvernement est au cœur de la problématique du déficit démocratique.
À l’échelon national, le transfert de compétences nationales au profit des institutions européennes entraîne mécaniquement une régression des pouvoirs législatifs et financiers de nos assemblées.
Or, dans le même temps, les gouvernements, au sein du Conseil des ministres, récupèrent des compétences nationales transférées en participant à l’élaboration des décisions européennes, tout en accusant Bruxelles de tous les maux.
À cet égard, le traité de Lisbonne, tout comme le traité établissant une Constitution pour l’Europe, semblait, à première vue, conférer des prérogatives nouvelles aux parlements nationaux et renforcer ainsi leur rôle dans le processus décisionnel communautaire.
Malheureusement, comme nous l’avons déjà dit, les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont absolument insuffisantes.
Les résolutions votées en vertu de l’article 88-4 de la Constitution n’ont aucun caractère contraignant. Elles traduisent de simples prises de position et demeurent donc d’ordre consultatif.
Par conséquent, à la suite de l’adoption d’une résolution, le Gouvernement n’a d’obligations que celles qu’il veut bien se donner. L’effet des résolutions dépend pour l’essentiel de la volonté du Gouvernement.
C’est pourquoi nous regrettons que les résolutions votées en vertu de la procédure inscrite à l’article 88-4 de la Constitution ne confient pas de mandat impératif au Gouvernement, comme tel est le cas au Danemark.
Notre amendement vise donc à inscrire explicitement dans notre Constitution que les résolutions votées en vertu de l’article 88-4 de la Constitution s’imposent au Gouvernement.
Nous souhaitons que ces résolutions aient le caractère d’un mandat impératif donné au Gouvernement, qui devra donc défendre la position de la majorité lors des délibérations bruxelloises.
Il n’est ni souhaitable ni approprié de donner aux résolutions européennes la valeur d’injonction au Gouvernement. Cela n’est d’ailleurs pas possible.
De surcroît, c’est le dialogue, engagé le plus en amont possible, qui fera l’efficacité de notre participation aux débats dans l’Union européenne, et non le vote de résolutions s’imposant au Gouvernement. De toute façon, le droit d’injonction est contraire aux dispositions constitutionnelles.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Ce projet de loi vise à étendre le droit de résolution à tout document émanant d’une institution de l’Union européenne. Il va plus loin que l’état actuel du droit. Je ne crois pas qu’il faille aller au-delà.
Le Gouvernement tient le plus grand compte des résolutions votées par le Parlement.
Il doit pouvoir garder une marge de manœuvre, indispensable à la réussite de toute négociation.
C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas que les résolutions adoptées s’imposent à lui et se déclare défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Biwer et Fauchon, Mmes Férat et Payet, M. Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont et C. Gaudin, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Le règlement de chaque assemblée définit les modalités de sa participation à l'élaboration de la loi.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
L’amendement n° 291 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 32, modifié.
L'article 32 est adopté.
Je rappelle que l’article 33 a été examiné par priorité le lundi 23 juin au soir.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 494, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 89 de la Constitution est ainsi rédigé :
« . - L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement.
« Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République.
« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
« Lorsque le projet ou la proposition de révision n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut le soumettre au référendum.
« Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.
« La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Cet amendement vise à une nouvelle rédaction de l’article 89 de la Constitution.
En premier lieu, il tend à prévoir que le Président de la République ne dispose plus de la faculté qui lui est actuellement reconnue de ne pas provoquer de référendum ou de ne pas convoquer le Congrès à la suite de l’adoption dans des termes identiques d’une révision constitutionnelle par les deux assemblées.
Il nous semble que, dans un tel cas, le Président de la République doit être tenu de soumettre le projet de révision constitutionnelle au Congrès ou au référendum dans un délai de six mois.
En second lieu, cet amendement vise à supprimer ce qui constitue, pour nous, une « anomalie dans l’anomalie », c’est-à-dire le droit de veto que le Sénat possède en matière de révision constitutionnelle.
Il n’est pas besoin de faire de longues démonstrations de l’existence de ce droit de veto : nombre de révisions constitutionnelles se sont en effet heurtées à l’opposition du Sénat.
Il nous semble que s’il y a désaccord entre les deux assemblées, après deux lectures, sur un projet de révision constitutionnelle, ce sont les députés, élus au suffrage universel direct, qui doivent avoir le dernier mot : nous proposons que le texte voté par l’Assemblée nationale puisse être soumis au référendum. Quel meilleur juge du différend existant entre les deux chambres que le peuple souverain ? Ce serait là un moyen de surmonter un droit de veto dont chacun s’accorde à reconnaître le caractère de plus en plus aberrant. Nombre d’écrits sont parus sur ce thème très récemment. Cet amendement se situe d’ailleurs dans le droit fil des conclusions du comité Vedel.
Voilà pourquoi nous déposons cet amendement, avec la certitude qu’il va déchaîner chez vous, chers collègues de la majorité, un enthousiasme que vous aurez du mal à réfréner !
L'amendement n° 245, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 35, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas de l'article 89 de la Constitution sont ainsi rédigés :
« Lorsque le projet ou la proposition de révision réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans chaque assemblée, la révision est définitive.
« Toutefois, lorsque le projet ou la proposition n'a pas été votée en termes identiques après deux lectures par chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité absolue des suffrages exprimés par l'une ou l'autre des assemblées. »
La parole est à M. Robert Bret.
Cet amendement vise à rappeler que le principe, en matière de révision constitutionnelle, est le recours au référendum, et non pas l’adoption par le Parlement réuni en Congrès.
C’est en tout cas ce qu’avait signifié le constituant en 1958. Force est de constater que notre Constitution est aujourd’hui dévoyée. Sur les dix-huit révisions intervenues depuis 1992, combien ont donné lieu à un référendum ? Quatre, si je ne m’abuse.
Une révision constitutionnelle aussi importante que celle qui visait à l’intégration du traité de Lisbonne n’a pas été adoptée par référendum, alors que sa sœur jumelle, relative au traité établissant une constitution pour l’Europe, l’avait été.
Que dire du texte dont nous terminons l’examen, qui constitue la révision constitutionnelle la plus importante depuis 1958, selon le Gouvernement ? Elle non plus ne sera pas soumise à référendum. Comment ne pas comprendre que vous avez peur de l’expression démocratique et que votre problème, c’est le peuple ?
Cette révision amorce un changement de régime. Le pouvoir politique se concentre dans des mains de moins en moins nombreuses, ici à l’Élysée, et ailleurs à Bruxelles.
Les pouvoirs financiers et économiques échappent au contrôle des élus. Il faudra bien, un jour, que le peuple s’exprime, que la parole lui soit rendue, à l’occasion non pas de grands shows comme ceux qu’affectionnent les people – j’évoque notamment l’élection présidentielle –, mais de débats de fond, comme en 2005, avant le rejet du traité constitutionnel européen.
Rendre la parole au peuple est l’objet de notre amendement.
L'amendement n° 134, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article 89, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les délais prévus au troisième alinéa de l'article 42 sont applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
Le projet de loi constitutionnelle ne prévoit pas explicitement de délais minimaux entre le dépôt ou la transmission d'un projet ou d'une proposition de loi constitutionnelle et son examen en séance publique.
Il serait évidemment paradoxal que les lois organiques et les lois simples soient assorties de tels délais minimaux, mais pas les textes qui sont au sommet de notre ordre juridique.
Cet amendement prévoit donc l'application des délais inscrits à l'article 42 de la Constitution pour les textes constitutionnels.
Pour l’examen de ce projet de loi constitutionnelle, nous avons donc anticipé en matière de délais !
L'amendement n° 246, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 35, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa de l'article 89 de la Constitution, après les mots : « le Président de la République décide », sont insérés les mots : «, avec l'accord des deux assemblées par un vote réunissant les trois cinquièmes des membres du Parlement, ».
La parole est à M. Robert Bret.
Nous proposons, par cet amendement, de supprimer le droit de veto du Sénat en matière constitutionnelle. Beaucoup de choses ont été dites sur le sujet, notamment par nous, depuis le début de cette discussion. Il est intéressant que l’examen de ce projet de loi constitutionnelle se conclue par un nouvel échange sur le statut exorbitant des principes démocratiques qui est celui du Sénat.
Est-il acceptable qu’une assemblée désignée par à peine 150 000 grands électeurs puisse bloquer, à l’occasion des débats constitutionnels, la volonté générale exprimée par l’autre assemblée – la première chambre, ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité, élue au suffrage universel direct ?
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Je vous épargnerai le couplet habituel sur les caractéristiques antidémocratiques du mode de scrutin sénatorial.
Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.
Comment, toutefois, ne pas rappeler que la majorité UMP refuse toute évolution…
… et a rejeté systématiquement tout élargissement du collège électoral, toute extension de la proportionnelle, que MM. Sarkozy, Balladur, Devedjian et consorts appelaient de leurs vœux tout en sachant que le groupe de l’UMP, au Sénat, ne les suivait pas ? Que d’hypocrisie de leur part !
Alors, chers collègues de la majorité sénatoriale, soyez cohérents ! Si vous refusez de démocratiser notre assemblée pour qu’elle demeure longtemps encore acquise à votre camp alors que la gauche domine politiquement les collectivités territoriales, retirez-lui des compétences, car un système qui se veut démocratique ne peut tolérer une telle situation. Peut-être devriez-vous modifier l’article 24 de la Constitution, pour indiquer que le Sénat ne représente pas toutes les collectivités territoriales, mais seulement celles qui sont dirigées par la droite ?
Nous avons déjà débattu moult fois de cette question. Pour notre part, nous sommes attachés au bicamérisme.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … de siéger dans une assemblée antidémocratique… Je ne les comprends pas !
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Si, c’est aussi le sujet !
Nous nous sommes expliqués longuement dans la discussion générale, puis à l’occasion de l’examen de divers amendements.
Vous entendez donner le dernier mot, en matière de révision constitutionnelle, à l’Assemblée nationale…
… ou au peuple. Voulez-vous rendre le référendum obligatoire en cas de désaccord entre les deux assemblées ?
Je n’avais pas compris cela !
En tout état de cause, la commission est défavorable aux amendements n° 494, 245 et 246.
S’agissant de l’amendement n° 494, il est vrai qu’aucun délai n’est fixé à l’article 89 de la Constitution pour soumettre le projet ou la proposition de révision constitutionnelle au référendum, après son adoption par les deux assemblées.
Le Gouvernement n’a pas souhaité suivre les propositions formulées par le comité Balladur en cette matière.
Toutefois, le débat parlementaire peut montrer, dans certaines hypothèses, que le projet ne recueillerait pas la majorité des trois cinquièmes en cas de Congrès et que les chances de succès d’un référendum sont très minces.
Il n’y a pas de raison, dans un tel cas, d’obliger le Président de la République à soumettre le projet au référendum, ce qui pourrait d’ailleurs l’affaiblir, notamment sur la scène internationale.
Le Gouvernement est donc tout à fait défavorable à cet amendement, ainsi qu’aux amendements n° 245 et 246.
Avec l’amendement n° 134, la commission souhaite préciser que les délais laissés par l’article 42 de la Constitution pour l’examen des textes par chaque assemblée sont bien applicables aux projets de révision constitutionnelle.
Le Gouvernement partage ce souhait, mais cet amendement devrait être satisfait, puisque cela résulte directement de l’article 42 sans qu’il soit besoin de faire figurer de nouveau cette disposition à l’article 89 : les projets de révision constitutionnelle ne sont pas exclus du champ du troisième alinéa, relatif aux délais minimaux, alors qu’ils le sont expressément du champ du premier alinéa, prévoyant que la discussion s’engage sur le texte adopté par la commission.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 494.
M. Pierre Fauchon. Je tiens à dire qu’en dépit de la sympathie personnelle très grande que j’éprouve pour M. Bret, je trouve insupportable que quelqu’un qui se réclame du parti communiste nous donne des leçons de démocratie !
Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Cela vaut pour une série d’interventions de sa part ! J’aimerais un peu plus de pudeur !
Mêmes mouvements.
C’est la deuxième fois ! Si vous ne retirez pas ces propos, je demande une suspension de séance !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je maintiens l’amendement n° 134, qui apporte une précision utile. Il y a des dispositions particulières concernant les lois organiques. Nous y reviendrons au cours de la navette.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article 33.
Je mets aux voix l'amendement n° 246.
L'amendement n'est pas adopté.
I. - Les articles 13, 17, le dernier alinéa de l’article 25, les articles 39, 44, 56, 61-1, 65, 69 et 71-1 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.
II. - Les articles 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49 et 50-1 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er janvier 2009.
Toutefois, les articles 42, 45 et 46 de la Constitution, dans leur rédaction antérieure à la présente loi constitutionnelle, demeurent applicables à la discussion et à l’adoption des projets et propositions de loi dont l’examen en commission, en première lecture devant la première assemblée saisie, a commencé avant le 1er janvier 2009.
III. - Les dispositions de l’article 24 de la Constitution relatives à l’élection des sénateurs, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent à compter du deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant sa publication.
IV. - Les dispositions de l’article 25 de la Constitution relatives au caractère temporaire du remplacement des députés et sénateurs acceptant des fonctions gouvernementales, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article 34 me paraît d’une importance fondamentale, car il met en œuvre la possibilité, pour les membres actuels du Gouvernement, de retrouver leur siège au cas où ils seraient « débarqués » après un éventuel remaniement, dont on dit d’ailleurs qu’il pourrait avoir lieu après la présidence française de l’Union européenne.
M. Yann Gaillard s’exclame.
Je trouve insupportable que, dans le cadre de cette réforme constitutionnelle, il soit prévu un « parachute doré » pour les ministres actuellement en poste.
La rédaction actuelle du projet de loi constitutionnelle pose le principe selon lequel les ministres peuvent retrouver leur siège : on peut en penser ce que l’on veut, mais il est tout à fait inadmissible que cette disposition soit rétroactive et puisse concerner les ministres en poste, sachant d’ailleurs que leurs suppléants, qui ont pris la relève au Parlement, n’ont pas été informés de leur sort éventuel lorsqu’ils ont pris cette responsabilité.
En général, la rétroactivité de la loi ne peut être justifiée qu’en raison d’un « intérêt général évident et impérieux » : c’est ce qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Qu’en est-il du IV de l’article 34 ? Je ne vois nulle part de motif général et impérieux. Je ne vois que des motifs personnels et catégoriels : assurer aux ministres un parachute doré après le prochain remaniement.
On comprend mieux pourquoi aucun remaniement n’est intervenu depuis l’entrée en fonctions de M. Fillon.
Cette disposition que nous nous apprêtons à voter est nécessaire à certains ministres pour ne pas se retrouver « le bec dans l’eau ». C’est tout à fait inacceptable !
En effet, la réforme des institutions ne doit servir ni les ministres actuels ni les besoins d’un Président de la République ; elle doit servir la France.
Nous devons donc poser le principe de non-rétroactivité des dispositions de l’article 25 de la Constitution.
L’amendement n° 495, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le I de cet article, supprimer les mots :
le dernier alinéa de l’article 25,
La parole est à M. Bernard Frimat.
Madame la garde des sceaux, cet amendement s’inscrit dans la logique de la discussion que nous avons eue à propos de la commission, dont on nous assure qu’elle sera indépendante, qui sera chargée de procéder au redécoupage des circonscriptions. À ce sujet, vous vous êtes engagée sur une date.
Le compte rendu en fait foi, vous vous êtes engagée à déposer avant le 31 décembre 2008 le projet de loi relatif à l’organisation et à la composition de cette commission. Vous nous avez également assuré que celle-ci émettrait un avis sur les projets de découpage en cours.
Ayant pris acte de vos engagements, nous proposons, suivant la logique du calendrier retenu, de supprimer, dans le I de l’article 34, relatif aux différents délais d’application, les mots : « le dernier alinéa de l’article 25, ».
Mme le garde des sceaux a bien décrit les opérations et l’ordre dans lequel elles se dérouleront.
Par conséquent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 136, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A.- Dans le I de cet article, supprimer la référence :
B.-Rédiger comme suit le II de cet article :
II.- Les articles 34-1, 42, 43, 45, 46, 48 et 49 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er mars 2009.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise, d’une part, à prévoir une mesure de coordination, et, d’autre part, à allonger les délais de mise en application des différentes dispositions concernant la procédure parlementaire, qui impliquent, en effet, l’adoption de nombreuses dispositions organiques ainsi que d’importantes modifications des règlements des assemblées. Cette mise en application pourrait intervenir au 1er mars 2009, et non, comme le projet de loi constitutionnelle le prévoit, au 1er janvier.
Par ailleurs, la commission propose de simplifier le mécanisme d’entrée en vigueur : les nouvelles dispositions s’appliqueraient à tous les textes, qu’ils soient nouveaux ou encore en navette.
L’amendement n° 135, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer le dispositif du III de l’article 34, qui prévoit une application différée de la modification de l’article 24 de la Constitution, selon lequel le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Comme nous n’avons rien changé à cet article, il n’y a pas lieu de prévoir de dispositions transitoires !
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 136 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 135.
L’amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 496, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 340 de Mme Boumediene-Thiery.
L’amendement n° 496 est retiré.
L’amendement n° 340, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Les dispositions de l’article 25 de la Constitution relatives au caractère temporaire du remplacement des députés et sénateurs acceptant des fonctions gouvernementales, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent aux députés et sénateurs amenés à accepter de telles fonctions postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
J’ai déjà en partie défendu cet amendement lors de ma prise de parole sur l’article. Il s’agit de supprimer le caractère rétroactif de la disposition visant à permettre aux membres du Gouvernement de retrouver leur siège de parlementaire.
La raison en est toute simple : d’une part, les suppléants n’ont pas été informés de la situation qui les attendait ; d’autre part, cette disposition est tout à fait circonstanciée et n’a qu’un seul objet, permettre à certains ministres de retrouver leur siège de parlementaire.
L’amendement n° 307, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Après les mots :
présente loi constitutionnelle
rédiger comme suit la fin du IV de cet article :
s’appliquent à compter du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et des prochains renouvellements partiels du Sénat.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 340 ?
La question de l’application des mesures dans le temps est toujours très délicate.
En l’espèce, il est bon de prévoir la possibilité, pour les parlementaires nommés au Gouvernement, de retrouver leur siège. Cela fait longtemps que je défends cette idée, car, nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre, ce sont tout de même eux qui ont été élus.
Néanmoins, il convient également de penser aux suppléants des personnes appelées au Gouvernement, lesquels ont parfois renoncé à d’autres mandats pour siéger au Parlement.
Il importe donc de conférer au dispositif une grande lisibilité.
En tout état de cause, Mme Boumediene-Thiery souhaite différer l’entrée en vigueur du dispositif de remplacement temporaire au Parlement des parlementaires devenus ministres : il s’appliquerait donc aux députés et sénateurs amenés à accepter de telles fonctions après la date d’entrée en vigueur de la loi organique qui en précisera les modalités.
Notre collègue Lecerf a également eu cette intention en déposant l’amendement n° 307, mais il proposait de faire entrer ce dispositif en vigueur progressivement lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et des prochains renouvellements partiels du Sénat.
Dans la mesure où les renouvellements du Sénat doivent également être pris en compte, il faut trancher, et ce n’est pas simple. Après un long débat, la commission a préféré se rallier à la rédaction proposée par Mme Boumediene-Thiery.
Par conséquent, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’amendement n° 340.
L’amendement n° 340 a pour objet de repousser l’entrée en vigueur des dispositions sur le retour des membres du Gouvernement au Parlement.
Le Gouvernement propose pour sa part que ces dispositions s’appliquent immédiatement aux députés et aux sénateurs ayant accepté des fonctions gouvernementales qui seront en poste au moment de la publication de la loi organique.
Il s’agit non pas d’un dispositif de convenance, mais d’un dispositif rétroactif cohérent, visant à l’entrée en vigueur immédiate d’un système qui aura été jugé souhaitable pour la représentation nationale.
C’est pourquoi les dispositions nouvelles s’appliqueront aux ministres qui seront en fonctions au moment de leur entrée en vigueur. En conclusion, nous sommes très défavorables à cet amendement.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l’amendement n° 340.
Je confirme les propos de M. le rapporteur : nous avons effectivement débattu de cette question. Le compte rendu intégral de nos débats en fait foi, il s’était alors dégagé très clairement un accord sur l’ensemble des travées de cette assemblée pour considérer qu’il ne pouvait y avoir deux poids, deux mesures et que la disposition s’appliquerait une fois la loi organique adoptée.
Certes, nous avons voté contre la mesure prévoyant le retour automatique au Parlement des anciens ministres, mais, dès lors qu’elle a été adoptée, il convient de réfléchir à ses modalités d’application.
On conçoit bien l’intérêt tout à fait objectif des ministres en place de pouvoir récupérer le « parachute » que j’évoquais.
Je souscris aux propos de M. Le rapporteur, car il importe d’assurer une certaine clarté à ce dispositif. En effet, il risque d’avoir des conséquences en cascade, notamment si certains suppléants devenus parlementaires ont renoncé à d’autres mandats pour se conformer aux règles relatives à la limitation du cumul des mandats.
Lorsque nous avions évoqué cette question, il m’avait semblé qu’une telle opinion était partagée par la totalité du Sénat, et je m’en étais alors réjoui.
Il s’agit simplement d’une disposition de confort, comme en témoigne l’objet de l’amendement n° 307 de notre collègue Jean-René Lecerf : « Il serait pour le moins paradoxal, alors que l’Assemblée nationale a souhaité modifier l’article 34 de la Constitution en insérant un alinéa disposant que “sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir” que l’on remette en cause rétroactivement la situation des collègues députés et sénateurs suppléant actuellement des parlementaires devenus ministres. »
En l’espèce, je ne vois aucun « motif déterminant d’intérêt général ». Je le répète, il s’agit à l’évidence d’une disposition de confort : nous ne sommes pas là pour ça !
Notre collègue Bernard Frimat a évoqué un accord intervenu sur l’ensemble des travées.
C’était probablement en commission des lois, car je n’ai pas le souvenir d’un tel accord en séance publique.
En tout cas, le groupe de l’UMP ne partage absolument pas l’avis émis par la commission des lois. Je suis désolé de devoir le dire. Pour notre part, nous souscrivons…
… aux arguments qui ont été développés à l’instant par Mme la garde des sceaux. Nous entendons que le dispositif s’applique dès la publication de la loi.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Gélard et Lecerf et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 56, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, ne s’applique pas aux Présidents de la République actuellement membres du Conseil constitutionnel.
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° 358 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 56, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’applique au Président de la République dont le mandat expire après l’entrée en vigueur de celle-ci.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression, votée tout à l’heure, de la possibilité qui était offerte aux anciens Présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel.
Contrairement à ce qu’entendait proposer notre collègue Hugues Portelli au travers de l’amendement n° 76 rectifié bis, nous souhaitons que cette règle s’applique à l’actuel Président de la République. Son âge, ainsi que son influence dans le monde politique et médiatique, ne nous paraissent pas lui conférer l’indépendance et le recul nécessaires à la charge qu’il serait amené à exercer.
D’ailleurs, d’une manière générale, le rajeunissement des Présidents de la République, couplé au quinquennat, me semble incompatible avec l’appartenance de droit au Conseil constitutionnel, dont les membres sont communément appelés « les sages », non sans raisons précises !
L'amendement n° 497, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions de l'article 56 relatives au statut de membre de droit à vie des anciens présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle ne s'appliquent pas aux anciens présidents de la République actuellement membres de droit du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Bernard Frimat.
Par cohérence avec notre amendement visant à la suppression, pour l’avenir, de l’appartenance de droit des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel, nous proposons de ne pas appliquer cette mesure aux anciens Présidents actuellement membres du Conseil constitutionnel.
Nous sommes tellement attachés au principe de la non-rétroactivité de la loi que nous estimons qu’il doit s’appliquer à cette disposition visant les anciens Présidents de la République comme à la mesure de confort dont viennent de bénéficier les membres du Gouvernement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission, favorable à l’amendement n° 76 rectifié bis, qui a été retiré, avait demandé aux auteurs des deux amendements restant en discussion de s’y rallier. Dans ces conditions, je ne suis plus en mesure de donner un avis !
Sourires
La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote sur l’amendement n° 358 rectifié.
Cet après-midi, lors de la discussion de l’article 25, qui traitait du Conseil constitutionnel et de l’opportunité d’y voir ou non siéger, dans l’avenir, les anciens Présidents de la République, M. Fortassin s’était quelque peu étonné que seules les voix hostiles à la présence dans l’avenir des anciens Présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel se fassent entendre.
Je ne pensais pas que la discussion prendrait cette tournure. Notre groupe avait adopté initialement une position politique extrêmement claire, consistant à perpétuer le système actuel en permettant, dans l’avenir, aux anciens Présidents de la République de siéger au sein du Conseil constitutionnel.
Au cours de la discussion, des arguments sans doute pertinents ont emporté l’adhésion d’un certain nombre de collègues de mon groupe, et le vote du Sénat est intervenu, clair, manifeste. Personne n’aurait évidemment l’idée de revenir dessus.
En revanche, notre groupe, comme le Gouvernement, est totalement hostile aux deux amendements actuellement en discussion, faute de bien comprendre la logique qui les sous-tend.
Première hypothèse, le Conseil constitutionnel, qui va bientôt s’appeler la Cour constitutionnelle, est considéré comme une juridiction. Dans ce cas, on peut sans doute se poser la question de savoir si les anciens Présidents de la République y ont leur place. Dans l’affirmative, pourquoi ceux qui y siègent aujourd'hui auraient-ils une place dans la nouvelle juridiction qui est en train de voir le jour ?
Seconde hypothèse, si l’une des vocations premières du Conseil constitutionnel est bien évidemment de se prononcer en droit, l’analyse des décisions qu’il a prises depuis l’origine montre bien qu’il peut lui arriver, et les exemples sont nombreux à cet égard, de se prononcer en opportunité par rapport à des choix de société, par rapport à ce qui lui paraît utile à l’équilibre de notre société. En tout cas, les explications données alors par le Conseil constitutionnel n’étaient pas assises exclusivement sur le droit.
Dans cette seconde hypothèse, on peut sans doute admettre que les anciens Présidents de la République siègent au Conseil constitutionnel.
En tout état de cause, je ne comprends pas que, après le vote de cet après-midi, on vienne à deux heures du matin nous soumettre une disposition de confort au bénéfice des deux anciens Présidents de la République qui se trouvent aujourd'hui dans ce cas. Nous nous y opposons résolument !
Nous sommes là, à une heure avancée, pour défendre avec beaucoup de conviction le principe de non-rétroactivité de la loi inscrit à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous sommes très logiques et notre position est tout à fait claire : ce principe, que nous avons voulu appliquer à une disposition intéressant le confort ministériel, doit valoir pour les anciens Présidents de la République. Selon nous, la situation de MM. Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac doit être maintenue, contrairement à ce que préconise M. de Raincourt. C’est là un point intéressant en termes de cohérence…
Je voudrais remercier M. de Raincourt, qui considère, si je l’ai bien compris, que le Conseil constitutionnel est une assemblée politique.
J’osais à peine nourrir une telle conception, que je croyais très minoritaire ! Je suis fort aise de trouver quelqu’un qui partage quelque peu mes préoccupations et mes idées !
Quoi qu’il en soit, nous nous cramponnons à un certain nombre de principes, notamment celui de la non-rétroactivité des lois.
L’amendement n’est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 34 est adopté.
I. - À compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne » ;
2° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
3° Les deux derniers alinéas de l'article 88-6 sont ainsi rédigés :
« À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.
« À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, l'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement. »
II. - Sont abrogés l'article 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution ainsi que les 3° et 4° de l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution.
III. - Supprimé
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 244, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
L’objet de l’article 35 du projet de loi est d’accorder la réforme constitutionnelle avec les conséquences de la ratification du traité de Lisbonne par la France, en attendant qu’il s’applique…
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion de l’article 32, cette modification est censée avoir pour objet de lever l’ensemble des obstacles juridiques à la ratification dudit traité, mais cette modification n’entrera en vigueur qu’une fois le traité ratifié par tous les pays membres de l’Union européenne. D’où la coexistence de dispositions « périmées », mais encore valables, et d’autres « actualisées », mais pas encore en vigueur.
Maintenant que le traité de Lisbonne est mort, il convient de supprimer cet article ; vous ne le voulez pas, très bien, nous en prenons acte ! Mais vouloir réviser la Constitution sans écarter les dispositions relatives au traité de Lisbonne, c’est ouvrir la porte à la confusion, tant juridique que politique.
L'amendement n° 137, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. - Supprimer le 3° du I de cet article.
B. - Rétablir le III du présent article dans la rédaction suivante :
III. - Les dispositions de l'article 88-5 de la Constitution, dans leur rédaction résultant tant de l'article 33 de la présente loi que du 2° du I du présent article, ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.
La parole est à M. le rapporteur.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour modifier l'article 88-6 de la Constitution ne paraît pas pertinent.
Les députés ont souhaité préciser les modalités d'initiative des recours que pourront former les deux assemblées devant la Cour de justice de l'Union européenne pour violation du principe de subsidiarité, à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
En prévoyant que ces recours pourraient être formés à la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, les députés, alors qu'ils pensaient peut-être garantir les droits des groupes, ont en fait fortement restreint le droit d'initiative.
En effet, avec ce dispositif, certains groupes ne pourront déposer seuls une proposition de recours. De même, alors que le règlement de chaque assemblée pourrait ouvrir ce droit à chaque parlementaire, ou à un nombre défini de parlementaires, ou encore aux commissions et au comité chargé des affaires européennes, la mise en œuvre du dispositif retenu par l'Assemblée nationale empêcherait cette ouverture.
Il semble préférable de laisser la définition des modalités d'initiative et de discussion des résolutions tendant à former un recours aux règlements des assemblées.
Par ailleurs, le rétablissement d'une procédure parallèle à celle de l'article 89 de la Constitution est proposé à l'article 33 du projet de loi constitutionnelle, s'agissant de l'examen des projets de loi autorisant la ratification des traités relatifs à l'adhésion de nouveaux États à l'Union européenne. Dès lors, il apparaît cohérent de rétablir une disposition prévoyant que ce dispositif ne s'appliquera qu'aux adhésions engagées dans le cadre d'une conférence intergouvernementale convoquée après le 1er juillet 2004.
L'amendement n° 143, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rétablir le III de cet article dans la rédaction suivante :
III.- Les dispositions de l'article 88-5 de la Constitution, dans leur rédaction résultant tant de l'article 33 de la présente loi constitutionnelle que du 2° du I du présent article, ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 244 ?
M. Bret est cohérent. Tout aussi cohérent que lui, je vais donner, au nom de la commission, un avis défavorable !
Il faut maintenir les dispositions susceptibles d’assurer la conformité de notre Constitution avec le traité de Lisbonne si celui-ci entre en vigueur.
Il appartiendra en effet aux États souverains de décider de l’entrée en vigueur de ce traité, le cas échéant avec des aménagements faisant suite au « non » irlandais. Ce n’est qu’alors que les dispositions faisant référence à ce traité seront intégrées à notre loi fondamentale. Il n’y a donc pas lieu de supprimer ces dispositions qui répondent à l’analyse du Conseil constitutionnel sur la compatibilité entre le traité et la Constitution.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 244.
L’amendement n° 137 de la commission des lois vise à supprimer les dispositions introduites par l’Assemblée nationale ouvrant la possibilité à soixante parlementaires de demander à leur assemblée la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour méconnaissance du principe de subsidiarité. C’est le traité de Lisbonne qui donne aux parlements nationaux cette possibilité. La loi constitutionnelle du 4 février 2008 a adapté en conséquence notre Constitution.
La commission des lois du Sénat estime qu’un tel dispositif est finalement plus restrictif que ne le seraient sans doute les règlements des assemblées. En effet, chaque assemblée pourrait permettre, dans son règlement, à un parlementaire, à un groupe ou à une commission de déposer une proposition de résolution tendant à formuler un recours.
Sur l’amendement n° 137, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 35 est adopté.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera unanimement contre cette révision constitutionnelle.
Dès la présentation de ce texte, nous avions souligné la dérive présidentialiste engagée par Nicolas Sarkozy et sa majorité. Depuis des mois, depuis la publication du rapport du comité Balladur, nous dénonçons la véritable propagande mise en œuvre pour présenter ce projet de loi constitutionnelle comme une avancée historique pour les droits du Parlement.
Naturellement, vous avez renoncé au projet initial du comité Balladur, qui souhaitait instaurer un régime authentiquement présidentiel, en supprimant dans la Constitution le rôle du Premier ministre et, de fait, la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.
Le Président de la République a adopté une tactique plus discrète : s’imposer au Parlement par des discours aussi nombreux qu’il le souhaitera, affaiblir le débat démocratique pluraliste et transparent en réduisant le rôle de la séance publique et le droit d’amendement, enfin assurer la domination de la conférence des présidents, donc du fait majoritaire.
Cette révision, telle que vous la voterez sans doute dans un instant, mes chers collègues, confirme cette nouvelle architecture institutionnelle, dans laquelle un Président tout puissant se trouverait en contact permanent avec une majoritaire parlementaire renforcée et qui lui serait naturellement dévouée.
Tel est, pour l’essentiel, l’objet de cette révision. Un changement de régime s’annonce clairement – le Premier ministre a d'ailleurs affirmé qu’il ne s’agissait que d’une première étape –, et je ne crois pas que la démocratie y gagnera. Comment pouvez-vous décemment prétendre que les droits du Parlement seront renforcés, alors que, comme nous l’avons montré, le rôle de la séance publique et le droit d’amendement se trouvent réduits à la portion congrue ?
J'ajoute que l’un des principaux défauts de cette réforme est d’ignorer les rapports, plutôt difficiles, qu’entretiennent les citoyens avec leurs institutions, sans chercher à les améliorer.
Vous avez refusé systématiquement toute proposition tendant à améliorer la représentation du peuple dans les assemblées parlementaires.
Vous avez refusé d’instiller la moindre dose de proportionnelle, de créer un référendum d’initiative populaire ou de renforcer réellement le pouvoir législatif.
Vous avez refusé d’accorder aux immigrés le droit de vote aux élections locales, alors que la majorité de nos concitoyens approuve désormais une telle avancée.
Et que dire de la réforme du Sénat ? Une fois encore, un projet susceptible de rendre un peu plus démocratique l’élection des sénateurs a été balayé d’un revers de main.
En outre, cette réforme constitutionnelle est lourde de conséquences, car, à l’évidence, elle nous engage résolument dans la voie d’un régime présidentialiste à la française, c'est-à-dire qui accordera des pouvoirs exorbitants au Président de la République, y compris, bien entendu, celui de dissoudre l’Assemblée nationale.
Vous refusez de consulter le peuple, c'est-à-dire de modifier la Constitution par référendum, alors que vous avez affirmé vous-mêmes qu’il s'agissait de la révision la plus importante engagée depuis 1958 – je doute fort que ce soit vrai pour les droits des citoyens, mais ça l’est certainement pour le renforcement du présidentialisme ! Je comprends cependant que vous n’ayez pas voulu consulter les citoyens, puisque vous n’avez retenu aucune avancée en leur faveur !
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre ce texte, auquel toute la gauche, me semble-t-il, devrait s’opposer pareillement.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez, avant d’expliquer mon vote, d’adresser mes remerciements à l’ensemble du personnel du Sénat, que nous avons fait veiller tard et qui a donc enchaîné quelques journées sans doute difficiles.
Monsieur Frimat, je suis convaincu que tous les sénateurs s’associent à vos propos. En leur nom, j’exprime ma gratitude aux fonctionnaires du Sénat et souligne leur dévouement et leur compétence.
Ce point d'accord marqué, nos chemins vont sans doute se séparer !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez souhaité la victoire d’un camp contre un autre.
M. le secrétaire d'État proteste.
Lors de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, nos collègues socialistes ont émis un vote négatif. Ce soir, à l'unanimité, le groupe socialiste du Sénat fera de même.
Si j’en crois vos propos rapportés par le Parisien de dimanche dernier, vous cherchez désespérément vingt ou trente abstentions chez les socialistes pour faire adopter ce texte.
Ce n’est pas au Sénat que je compte les trouver !
Au Sénat, c’est raté, et j’ai la conviction qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale.
Comme nous l’avons rappelé à de multiples reprises, nous avons abordé, pour notre part, cette révision constitutionnelle dans un esprit d’ouverture, en ne posant aucune condition mais en demandant des avancées sur des sujets qui nous semblaient importants.
Or, chaque fois que nous avons souhaité des avancées, vous nous avez imposé des reculs ; chaque fois que nous avons parlé d’ouverture, vous nous avez répondu par la fermeture.
Le bilan de cette semaine est mince, hormis le plaisir intellectuel que nous avons pris à ces débats. Nous nous sommes heurtés à tout moment à un Gouvernement complètement fermé. Quand par hasard un amendement était adopté, c’est qu’il était accepté sur toutes les travées, et, même dans ce cas, il est arrivé à Mme la garde des sceaux de rappeler qu’il y aurait une navette parlementaire, qui permettrait peut-être de revenir en arrière !
Mme le garde des sceaux proteste.
Vous avez choisi de passer en force, et vous assumez cette méthode, mais je crois que vous échouerez et porterez donc seuls la responsabilité d’un échec de la révision constitutionnelle. Nous comprenons de mieux en mieux que cette révision n’avait qu’un but : permettre au Président de la République d’aller à Versailles délivrer son message au Parlement. Les autres questions ne vous intéressaient pas !
S'agissant du Sénat – puisque nous y siégeons –, vous avez reculé. Dans ce cas, ce n’est même plus de la fermeture, c’est de la provocation ! L’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle concluait à la nécessité de recréer un juste équilibre, en tenant compte de l’inégalité qui prévaut entre les petites, les moyennes et les grandes communes. Vous l’avez passé par pertes et profits et avez décidé, en pleine harmonie avec le groupe de l’UMP, qu’il était urgent de ne rien changer.
Quel effort de modernisation ! Pourquoi engager une révision de la Constitution si c’est pour conserver les éléments les plus archaïques de nos institutions ? C’est sans doute votre goût du paradoxe qui vous conduit à appeler « modernisation » ce qui n’est que la formalisation des archaïsmes existants.
Quant aux quelques avancées ou aux mesures que vous présentez comme telles, elles sont essentiellement en trompe-l’œil, à l’instar du droit de veto sur les nominations accordé aux trois cinquièmes des commissions compétentes.
À cette heure avancée, nous n’allons pas recommencer le débat. Je me contenterai de souligner pour conclure, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, que si pour vous le succès passe par la conjugaison de deux méthodes, le débauchage et le découpage, vous serez déçus !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Nous voilà parvenus au terme d’une très longue discussion. Au début de mon exposé, je souhaite tout d'abord remercier celles et ceux qui ont été les artisans de ce débat de très haute tenue. Nous avons examiné les différents aspects de ce texte avec une grande hauteur de vues, me semble-t-il, et les échanges d’idées au sein de notre assemblée ont été extrêmement intéressants.
Je veux remercier les présidents qui ont assuré la bonne tenue de ces séances, M. le président de la commission des lois, qui fut le rapporteur de ce texte, les représentants du Gouvernement, ainsi que tous les nombreux collègues qui ont su faire vivre une discussion de bon niveau.
Pour ce qui est de notre groupe, nous avons abordé cette discussion dans un esprit d’ouverture et avons accordé foi aux annonces du Gouvernement, …
… qui affirme que ce texte vise à moderniser nos institutions en les rééquilibrant, notamment en accordant plus de pouvoirs au Parlement.
Or, comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, un Parlement renforcé est un Parlement plus représentatif. Nous nous sommes donc efforcés, tout au long de ces débats, de rester fidèles aux annonces que vous aviez faites, madame le garde des sceaux.
Je reconnais qu’un certain nombre d’avancées ont eu lieu. Rétablir le droit de résolution des assemblées parlementaires, ce n’est pas rien ! Le traitement que nous avons réservé à la question de l’adhésion de nouveaux États à l’Union européenne doit également être porté au crédit du Sénat.
Reste que, pour nous, un certain nombre d’éléments font défaut. En particulier, nous n’avons pas encore su ou pu trouver une réponse adaptée à la question du pluralisme politique, que nous avons clairement posée au cours de cette discussion.
Nous pensons qu’il ne peut y avoir de véritable modernisation de nos institutions si nous n’allons pas plus loin, si nous ne sommes pas plus clairs en ce qui concerne la représentativité et le pluralisme au sein du Parlement.
Nous savons parfaitement qu’il ne s’agissait pas de déterminer la loi électorale, et nous n’avons pas cherché à le faire par le biais de la Constitution. Nous avons simplement voulu rappeler que, si divers systèmes électoraux sont concevables, tous doivent respecter le pluralisme des opinions.
Grâce à la navette parlementaire, d’ici à la deuxième lecture de ce texte, qui doit préparer le Congrès, nous nous efforcerons de trouver une solution qui réponde à cette exigence de pluralisme.
Notre groupe adopte une attitude d’ouverture, et il acceptera, dans les jours qui viennent, d’engager les discussions nécessaires pour que ce texte puisse recevoir l’assentiment de tous en deuxième lecture.
Cette réforme est importante et extrêmement intéressante. C’est sans doute la deuxième fois, sous la Ve République, que l’on s’efforce véritablement de rééquilibrer les pouvoirs. Il faut que le Gouvernement aille au bout des intentions qu’il a annoncées, ce qui n’est pas encore le cas pour le moment.
Notre groupe est ouvert à toutes les discussions qui permettront de progresser vers un plus grand respect du pluralisme. Il est également prêt à avancer sur un certain nombre de points pour que, demain, ce texte puisse devenir la Constitution.
D’ailleurs, tous nous connaissons les conditions requises pour que ce texte devienne constitutionnel. Il faut qu’il recueille la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès. Bien sûr, le Gouvernement a fait ses calculs : il ne s’agit pas de débauchages ou de découpages, il s’agit de parvenir à une adhésion plus large que maintenant.
Dans cette attente, à l’unanimité, nous nous abstiendrons.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Cette révision constitutionnelle est l’une des plus ambitieuses et novatrices qui ait été soumise au constituant depuis la fondation de la Ve République.
Elle est ambitieuse et novatrice, car elle vise à donner un souffle nouveau à notre démocratie en rééquilibrant nos institutions, en conférant de nouveaux droits au Parlement et à nos concitoyens.
Elle est ambitieuse et novatrice, car elle nous offre la possibilité de dessiner, conformément aux engagements pris par le Président de la République, « une démocratie exemplaire et irréprochable ».
Sans remettre en cause les principes de la Ve République, dont tous nous mesurons les qualités, nous voulons aujourd’hui inscrire le fonctionnement de nos institutions dans une démarche moderne d’efficacité et de transparence.
Notre pays a profondément changé depuis 1958 et nos institutions ne sauraient rester à l’écart de l’effort de modernisation que les Français attendent et souhaitent.
Il s’agit aujourd’hui de tirer les conséquences des évolutions de la Ve République depuis 1958, surtout avec l’instauration du quinquennat et la concomitance des élections présidentielles et législatives, qui ont abouti à une forte restriction des prérogatives du Parlement.
Le groupe UMP du Sénat souscrit aux grandes orientations de cette révision constitutionnelle qui prévoit le profond renforcement des pouvoirs du Parlement réclamé par tous les partis politiques depuis des décennies.
Ce projet de loi constitutionnelle a donné lieu, au sein de notre assemblée, à de riches et passionnants débats grâce aux interventions émanant de l’ensemble des bancs de l’hémicycle.
Le texte tel qu’il ressort de nos travaux contient un certain nombre de dispositions qui visent à renforcer, dans notre loi fondamentale, les droits effectifs du Parlement dans le respect du bicamérisme et de l’autonomie de chacune des assemblées.
Convaincue que l’existence de courants d’idées différents ne peut qu’enrichir le débat public, notre assemblée a précisé que la loi devait garantir la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation dans le respect du pluralisme.
La protection des droits fondamentaux a été, en outre, confortée.
Cependant, certaines dispositions adoptées par notre assemblée n’emporteront pas l’adhésion de nos collègues députés et nous mesurons bien la nécessité d’un rapprochement de nos points de vue.
Nous ne sommes qu’au début du chemin menant au Congrès.
Le débat va se poursuivre. Nous devons maintenant aller ensemble de l’avant afin que nous puissions nous rassembler, aussi largement que possible et par-delà les clivages politiques, autour de ce texte fondamental.
Avant de conclure mes propos, je souhaiterais, au nom du groupe UMP, féliciter le travail de grande qualité de la commission des lois et de son président-rapporteur, Jean-Jacques Hyest, qui n’a ménagé ni son talent ni sa disponibilité pour donner au Sénat toute la place qui lui revenait dans ce débat.
Je souhaiterais également vous rendre hommage, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pour votre grande capacité d’écoute et votre esprit d’ouverture.
La réforme des institutions est une chance historique pour la Ve République. L’occasion qui nous est aujourd’hui offerte ne se représentera pas de sitôt, ne la laissons pas passer !
Le groupe UMP sera au rendez-vous de cette opportunité exceptionnelle.
Vous pouvez compter sur notre ferme soutien. Ce qui est en jeu, c’est l’amélioration de l’équilibre institutionnel et le fonctionnement même de notre démocratie.
Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP du Sénat adoptera ce projet de loi constitutionnelle qui permettra à notre République de disposer d’institutions rénovées, non pas pour la seule satisfaction de durer, mais pour celle de servir la France et les Français.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l’ai dit hier soir, le Sénat a amélioré le texte que l’Assemblée nationale avait voté sur beaucoup de points. Notre seul point de désaccord porte sur le verrou référendaire. J’espère que la navette permettra de revenir non pas à la formulation de l’Assemblée nationale, mais à la formulation voulue voilà trois ans par Jacques Chirac et qui avait recueilli une majorité au Sénat. En tout cas, pour le moment, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi.
Monsieur le président, lorsque je suis devenue sénateur, vous m’avez fait trois recommandations : le terrain, le terrain et le terrain !
À la suite de ce débat très intéressant, je voulais vous dire à quel point le terrain ne comprend pas ce que nous faisons aujourd’hui. Nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi un texte aussi important dans ses ambitions ne traite pas du cumul des mandats, qui paraît archaïque, ni de l’organisation territoriale, qui ne relève pas directement de la Constitution. Ils se demandent pourquoi nous passons tant de temps à travailler sur ce texte dont ils ne voient pas les résultats immédiats.
Cela étant, ce texte marque des avancées certaines pour notre Constitution. Toutefois, il reste aussi de très nombreux points d’interrogation.
Le groupe du RDSE attend le résultat de la navette. Pour toutes ces raisons, la moitié du groupe s’abstiendra, l’autre moitié votera contre.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 116 :
Nombre de votants328Nombre de suffrages exprimés289Majorité absolue des suffrages exprimés145Pour l’adoption166Contre 123Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos débats ont été riches, nourris, intéressants, à la hauteur de la réputation du Sénat. Je remercie chacun d’entre vous de sa contribution et surtout de celle du président-rapporteur, Jean-Jacques Hyest, qui a fait un travail remarquable.
Le projet de révision constitutionnelle sort de votre Haute Assemblée modifié sur plusieurs points importants puisque, dans les 94 amendements adoptés, 44 sont des amendements des rapporteurs, 1 du Gouvernement, 12 du groupe UMP, 8 du groupe centriste, 23 de l’opposition, dont 5 du RDSE, 9 du groupe socialiste, 2 des Verts et 7 du groupe communiste républicain et citoyen.
Le travail continue dans le cadre de la navette parlementaire. Nous aurons l’occasion de nous retrouver au mois de juillet. J’ai confiance dans le fait qu’un accord pourra être trouvé entre les deux assemblées. Il s’agit d’une chance pour notre démocratie, et je crois que nous saurons la saisir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.
Madame le garde des sceaux, nous sommes sensibles aux compliments que vous avez bien voulu adresser au Sénat pour la qualité de ses travaux. J’espère que les médias s’en feront l’écho.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire d’un protocole de coopération entre l’Organisation de l’aviation civile internationale et la Communauté européenne concernant les contrôles et inspections de sûreté et les questions connexes. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un protocole de coopération entre l’Organisation de l’aviation civile internationale et la Communauté européenne concernant les contrôles et inspections de sûreté et les questions connexes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3892 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/493/CE déterminant le montant du soutien communautaire en faveur du développement rural pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, sa ventilation annuelle, ainsi que le montant minimal à affecter aux régions pouvant bénéficier de l’objectif « convergence ».
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3893 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 889/2005 instituant certaines mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3894 et distribué.
M. le président. J’ai reçu de M. Laurent Béteille, Mme Elisabeth Lamure et M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation de l’économie
urgence déclarée
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 juin 2008 à quinze heures et le soir :
- Discussion du projet de loi (n° 390, 2007-2008) relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi
Urgence déclarée
Rapport (n° 400, 2007-2008) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 25 juin 2008, à deux heures quarante-cinq.