Je souhaite répondre aux interrogations soulevées par M. le rapporteur, ainsi que par les auteurs de plusieurs amendements et sous-amendements.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé, à juste tire, que le corporatisme existait non seulement au sein du CSM, mais également au ministère de la justice, notamment à la direction des services judiciaires, qui gère les magistrats. C'est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le service des ressources humaines soit dirigé non pas par un magistrat, mais par un administrateur. Celui-ci gère donc les effectifs des magistrats, mais également des greffiers. Il s’agit d’un fonctionnement tout à fait différent. Vous avez eu raison d’insister sur le corporatisme.
Vous avez également évoqué les inspections. Il y en a effectivement eu très peu. Jusqu’à présent, l’inspection d’un juge ou d’une juridiction était souvent effectuée à la demande des chefs de juridiction.
Aujourd'hui, j’ai modifié le mode de fonctionnement des inspections. Ainsi, j’ai réformé l’Inspection générale des services judiciaires du ministère de la justice et j’ai exigé que des inspections soient menées d’office à la demande du ministre. C’est en cours ! Actuellement, un nombre sans précédent de juridictions, notamment de tribunaux de grande instance, font l’objet d’inspections. J’ai notamment demandé que l’on inspecte de manière rigoureuse les juridictions connaissant de véritables difficultés.
Je tiens tout de même à le rappeler, hormis la cour d’appel de Nouméa, les cours d’appel n’ont, selon l’usage, jamais été inspectées.
Comme il n’y avait pas de référentiel d’inspection, j’ai demandé que des cours d’appel soient inspectées, notamment s’agissant des charges de travail, de l’organisation et de l’affectation de moyens, domaines dont les chefs de cour sont responsables. Et, alors que cela n’avait jamais été mis en place par le passé, un référentiel d’inspection est actuellement en cours de création.
Ainsi, il y aura davantage d’inspections de TGI, de magistrats et de cours d’appel, contrairement à la pratique en vigueur jusqu’à présent.
D’ailleurs, la saisine du CSM par les justiciables encouragera de telles inspections. Dès lors que des dysfonctionnements seront relevés, la juridiction dans laquelle ils auront été signalés fera obligatoirement l’objet d’une inspection.
Par ailleurs, nous avons réformé la formation tant initiale que continue des magistrats.
S'agissant de la formation initiale, nous avons souhaité que les concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature comportent des tests psychologiques – les futurs magistrats seront tout de même les garants des libertés individuelles – et que des psychologues figurent parmi les membres du jury. En outre, l’apprentissage d’une langue étrangère et des stages au sein de l’Union européenne feront obligatoirement partie de la scolarité.
Nous avons voulu non seulement ouvrir davantage cette école dans sa formation et sa composition, mais également introduire un facteur humain dans le recrutement des candidats. Cette réforme a été adoptée voilà à peine un mois par le conseil d’administration de l’école. Elle sera opérationnelle au début de l’année 2009.
Combinée à la gestion des ressources humaines, qui a également permis d’améliorer le fonctionnement du CSM, la modernisation que nous proposons dans le cadre du projet de révision constitutionnelle rendra la justice beaucoup plus lisible, plus cohérente et plus accessible pour le justiciable. Tels sont les objectifs du Gouvernement s’agissant de la réforme de la justice.
Pour ce qui est des questions disciplinaires, nous ne voulons pas que les magistrats du parquet soient indépendants. En effet, le parquet, c'est-à-dire les procureurs, est l’avocat de la société. Son rôle est de la défendre.
Dès lors que les Français ont élu des hommes politiques, comme ce fut le cas récemment, ceux-ci ont une politique à mettre en œuvre. Ainsi, si nous souhaitons lutter contre la récidive et que nous donnons des instructions pour appliquer notre politique, un parquet indépendant pourrait très bien nous répondre qu’il ne souhaite pas lutter contre la récidive, préférant, par exemple, se concentrer sur la lutte contre les violences routières.
Par conséquent, si nous voulons mener une politique pénale cohérente, il est important que le parquet demeure sous l’autorité du garde des sceaux.
Permettez-moi de faire référence à une affaire récente, celle du mariage annulé. En l’occurrence, si, comme certains le réclament, le parquet avait été indépendant, je n’aurais pas pu faire appel de la décision prise par la juridiction concernée.
De même, s’agissant des violences urbaines, si le parquet était indépendant, je ne pourrais pas donner d’instructions sur les placements en garde à vue, les interpellations ou les défèrements.
Par conséquent, il est essentiel que le parquet puisse exécuter les instructions de politique pénale données par le Gouvernement. Le garde des sceaux doit donc conserver la possibilité de sanctionner disciplinairement le parquetier ; cette responsabilité ne doit pas de nouveau être confiée au CSM, qui n’aurait ni les mêmes critères de sanctions, ni le même objectif, ni la même vision. Le parquetier étant sous l’autorité du garde des sceaux, celui-ci doit conserver son pouvoir disciplinaire.
Monsieur le rapporteur, comme vous l’avez souligné, il est important que le garde des sceaux puisse participer aux formations du CSM et que des échanges aient lieu. En effet, le ministre fait adopter le budget, il dispose des moyens et il a une gestion dans le temps du fonctionnement du ministère de la justice. Ses objectifs ne sont pas forcément ceux des membres du CSM et il doit pouvoir dialoguer avec ces derniers.
Par ailleurs, on évoquait tout à l’heure les « passer outre ». Ainsi, nous avons du mal à pourvoir certains postes en outre-mer. Dans ces conditions, il est important que le garde des sceaux puisse « passer outre » pour pourvoir aux postes demeurés vacants. Lorsque j’ai lancé la réforme de la carte judiciaire, il y avait une centaine de juridictions dans lesquelles on n’arrivait jamais à pourvoir les postes.
Monsieur Cointat, vous avez soulevé une interrogation sur le problème de subordination entre le Premier président et le procureur général. Par tradition, le chef d’une juridiction est généralement le président du TGI, secondé par le procureur. La même tradition existe au sein du conseil d’administration de l’École nationale de la magistrature, qui est dirigé par le Premier président, puis par le procureur général. Nous avons souhaité qu’il en soit de même au sein du CSM. Il n’y a absolument pas de problème de subordination.
J’en viens à présent à votre amendement, monsieur le rapporteur.
Dans un souci de compromis, je précise que le Gouvernement est prêt à s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Nous accepterions d’aller dans votre sens s’agissant du choix des personnalités qualifiées et de la parité entre magistrats et non-magistrats lorsque le CSM siège en formation disciplinaire.
En revanche, pour les raisons que je viens d’indiquer, nous sommes très réservés sur la possibilité pour le CSM de siéger en conseil de discipline pour les magistrats du parquet. Il est important que le garde des sceaux puisse garder ce pouvoir disciplinaire.
J’insiste également sur l’impossibilité pour le garde des sceaux d’assister aux séances du CSM lorsqu’il se prononce sur les nominations, notamment quand il y a des difficultés en termes de postes, de moyens ou de budget, ou quand il faut pourvoir des postes dans des endroits qui sont extrêmement difficiles.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 129, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 506 rectifié bis.
Nous sommes défavorables à l’ensemble des autres amendements ou sous-amendements. Je n’y reviendrai pas, parce que je me suis déjà expliquée sur ce point.