Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 24 juin 2008 à 22h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, finalement, ce qui est en jeu dans le débat sur le CSM, c’est l’idée que nous nous faisons les uns et les autres de l’indépendance de la magistrature. C’est un sujet extrêmement important, crucial, dans une démocratie, notamment par rapport aux conceptions qui sont les nôtres s’agissant de la séparation des pouvoirs.

En premier lieu, il y a désaccord sur la question de la parité. Tous les magistrats que nous avons reçus, et nous avons reçu de nombreuses formations syndicales ou associations de magistrats, nous ont fait part de leur attachement à ce que les magistrats fussent majoritaires au sein du Conseil supérieur de la magistrature ou au moins qu’il y eût la parité entre les magistrats et les non-magistrats. Vous vous y opposez fermement. Nous considérons, nous, qu’il y a là quelque chose de vexatoire à l’égard des magistrats. La parité, que nous défendons les uns et les autres, est le juste équilibre qui permet d’éviter à la fois le corporatisme dont vous parlez souvent – il faut effectivement l’éviter –, mais également le risque de nominations politiques, que nous avons connu par le passé.

Par conséquent, s’agissant de la formation générale – je ne parle pas de la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature –, nous ne comprenons pas pourquoi il y a tant de réticences à accepter la parité entre magistrats et non-magistrats. En outre, dans les instances professionnelles qui statuent dans de très nombreux secteurs d’activité, il ne viendrait à l’idée de personne que les représentants des professions concernées fussent minoritaires.

En deuxième lieu, il y a la question de la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature. À cet égard, nous dirons et redirons que, s’il est important de se référer à l’article 13 de la Constitution, nous n’avons pas la même interprétation de cet article 13.

De notre point de vue, pour les nominations effectuées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat pour le CSM, comme d’ailleurs pour le Conseil constitutionnel – cela a été défendu tout à l’heure par Robert Badinter –, il est très important de revenir à cette idée de la règle des trois cinquièmes, qui permet d’avoir un accord entre la majorité et l’opposition, quelles que soient la majorité et l’opposition. Là aussi, c’est un gage de grande indépendance.

En troisième lieu, la question de l’élection du président nous paraît aussi déterminante. Faire confiance à une instance qui serait composée à parité de magistrats, c’est consentir à ce que cette instance vote pour élire son président.

En quatrième lieu, derrière cet article, il y a la question de la nomination des magistrats. Pour ce qui est des magistrats du parquet, nous considérons qu’il est nécessaire qu’ils soient nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Vous y êtes totalement opposés, nous l’avons bien compris. Permettez-moi, madame le garde des sceaux, de marquer le désaccord qui existe entre nous à ce sujet.

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