Il s’agit d’un amendement important.
Vous me permettrez, monsieur Charasse, de vous répondre de manière assez détaillée.
L’intervention de la Cour des comptes dans les finances de la Présidence constitue une avancée sans précédent voulue par le Président de la République lui-même.
Monsieur Charasse, vous nous invitez, finalement, à nous interroger sur les conséquences de cette décision.
S’agissant de la possibilité pour la Cour des comptes de soumettre le Président de la République à une procédure juridictionnelle, cette hypothèse est clairement écartée par la rédaction actuelle de l’article 67 de la Constitution : la Cour des comptes est une juridiction et toute procédure juridictionnelle est interdite à l’encontre d’un Président de la République, actuel ou passé, dès lors qu’il s’agit de faits liés à l’exercice de ses fonctions.
Par conséquent, écarter clairement l’hypothèse d’un contrôle juridictionnel du Président de la République par la Cour des comptes, comme vous proposez de le faire dans la première partie de l’amendement, est inutile. Cela pourrait même être ambigu, voire dangereux, car on se demanderait pourquoi il est fait spécialement mention de la Cour des comptes et pas de telle ou telle autre juridiction.
Pour ce qui est de l’obligation pour le Président de la République de désigner un ordonnateur et un comptable, comme vous le suggérez dans la seconde partie de votre amendement, il s’agit d’une question intéressante à laquelle je souhaite apporter quelques éléments de réponse.
Il n’existe pas, actuellement, de séparation formelle entre l’ordonnateur et le comptable à la Présidence de la République. Le ministre du budget est l’ordonnateur principal du budget de l’Élysée. Ce sont les collaborateurs du Président qui assurent la gestion de la Présidence au quotidien et exécutent le budget.
Les fonctions d’ordonnateur secondaire et de comptable sont placées sous une même autorité, et le comptable n’est pas soumis au contrôle de la Cour des comptes.
En outre, de réels progrès ont d’ores et déjà été accomplis, comme vous le savez, dans les services de l’Élysée pour un meilleur contrôle des dépenses.
Pour n’être pas formelle, la séparation entre l’ordonnateur des dépenses, d’une part, le comptable, d’autre part, n’en est pas moins réelle.
Enfin, plus fondamentalement, l’amendement pose une vraie question de fond.
Prévoir une séparation stricte entre l’ordonnateur et le comptable aurait pour effet de soumettre la Présidence de la République à l’ensemble des règles de la comptabilité publique, notamment et surtout au contrôle juridictionnel de ce comptable.
Cette solution est difficile à articuler avec l’absence de responsabilité financière du Président de la République et n’est pas compatible avec le principe selon lequel un pouvoir public constitutionnel doit pouvoir définir lui-même ses règles de gestion financière.
Je rappelle qu’aux termes de la décision du Conseil constitutionnel de décembre 2001 la règle de l’autonomie financière est inhérente au principe de l’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, qui garantit la séparation des pouvoirs.
En demandant à la Cour des comptes de contrôler le budget de l’Élysée, le Président de la République a souhaité faire prévaloir la transparence démocratique. Cependant il a également souhaité mettre en place à l’Élysée des règles de bonne gestion et de sécurité financière.
C’est pourquoi le Président de la République sera très attentif aux recommandations que la Cour des comptes lui fera sur l’exécution du budget de l’Élysée.
Dans ces conditions, monsieur Charasse, tout en reconnaissant l’intérêt de votre amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer au vu des éléments de réponse que j’ai pu vous apporter.