Intervention de Robert Badinter

Réunion du 24 juin 2008 à 22h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 31

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

L’amendement que nous présentons tend à l’inscription dans la Constitution du Médiateur de la République. Créé il y a une trentaine d’années, cette institution, qui fonctionne bien, est une réussite. Il nous paraît nécessaire d’élargir son champ d’action, notamment –c’est très important – en ouvrant la saisine à tous les citoyens, au lieu d’imposer de passer par un parlementaire.

La fonction du Défenseur des droits des citoyens, telle qu’on la devine à la lecture du texte du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, correspond à celle qui est remplie par le Médiateur.

On peut certes souhaiter changer sa dénomination. L’expression – superbe – de défenseur des libertés avait d’abord été évoquée avant que ne soit choisie celle de défenseur des droits des citoyens. À l’évidence, le titre adopté par l'Assemblée nationale ne convient pas, puisqu’il n’y a pas seulement des citoyens dont les droits doivent être défendus, mais aussi, notamment, des étrangers. Nous sommes donc forcés de changer l’appellation et d’ôter les mots « des citoyens ». Mais alors, les droits ayant toujours des titulaires, pour qui donc interviendra le Défenseur des droits ?

Je suis, je l’avoue, dans un état de grande perplexité : que veut-on lui confier en dehors de la fonction de Médiateur ? Vous vous en souvenez très bien, le Médiateur s’était porté candidat à la fonction de contrôleur général des prisons. Il lui a été répondu que cela n’était pas possible, car les fonctions ne sont pas les mêmes. Contrôler est une chose, être l’intermédiaire, l’ombudsman des prisonniers, en est une autre. Alors, je le répète, quelles fonctions veut-on lui donner ?

Personne à ce jour n’a vraiment répondu, ni même apporté un commencement de réponse, à cette question. Le texte du projet de loi constitutionnelle indique que « outre celles de l’actuel Médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ». Cette solution n’est certainement pas envisageable, puisqu’une personnalité vient d’être nommée, à l’unanimité, à ce poste. Mme la garde des sceaux nous l’a confirmé, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté assurera ses fonctions pendant une période qui pourrait être, selon elle, de cinq ans, et, selon moi, de sept ans. Est-il bien nécessaire de prévoir dans la Constitution une nouvelle instance pour réunir les fonctions du Médiateur et celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui remplit parfaitement son office ?

On continue à évoquer des perspectives grandioses où l’ensemble des organismes défenseurs des droits fondamentaux, que ce soit la HALDE – elle intervient également dans le secteur privé –, la CNIL – selon moi, cette hypothèse doit être exclue – ou la CNCDH, seraient réunis. Tout cela mériterait réflexion, avant de prendre la décision d’inscrire dans la Constitution un défenseur dont la mission, qui sera fixée dans le cadre d’une loi organique, n’est pas réellement définie. Tel qu’on le présente, cet organe apparaît en effet comme le sommet d’une pyramide dont les autres instances deviendraient les membres d’un collège, bref comme un monstre bureaucratique.

Je m’y oppose. Constitutionnalisons plutôt le Médiateur, dont nous connaissons le mode de fonctionnement, augmentons ses pouvoirs, et, si l’on y tient absolument, changeons son nom, même si je n’en vois pas du tout l’utilité. Ombudsman est un terme étranger, et médiateur, cela correspond à la fonction. Si nous n’avions pas tous une détestation de l’utilisation d’une autre langue que le français dans cet hémicycle, je dirais que l’on est en train d’assister à un happening : on fabrique quelque chose sans savoir pourquoi.

Il y a des ambitions, des rêves, des projections. Je suggère ceci : commençons par faire un bilan du fonctionnement…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion