Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 7 novembre 2006 à 9h45
Quartiers en difficulté — Débat sur les travaux d'une mission d'information commune

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Pour autant, il serait tout aussi regrettable que nous tombions dans le travers inverse d'une minimisation de la réalité qui ne servirait pas plus la juste information de nos concitoyens sur laquelle repose en partie le bon fonctionnement de notre démocratie. En effet, comment faire admettre à la nation et à sa représentation parlementaire la nécessité d'un effort très important et continu en faveur de ces quartiers et de leurs habitants si elles n'en connaissent pas ou en connaissent mal la réalité ?

J'estime d'ailleurs que la réponse à la question de la prédictibilité des événements de l'automne 2005 se trouve d'abord dans ce constat de méconnaissance, par beaucoup de Français, de la situation de ces quartiers.

Dire que ces émeutes étaient prévisibles à la date à laquelle elles se sont produites ne semble pas très sérieux. Cependant, il était manifeste que la tension montait depuis plusieurs années et qu'une étincelle pouvait, à tout moment, mettre le feu aux poudres.

Les signes annonciateurs du malaise des banlieues et, plus particulièrement, de ces jeunes Français, pour beaucoup issus de l'immigration, avaient été nombreux et convergents.

Le 13 juillet 2005 au soir, pour la première fois à cette date, plus de 230 voitures avaient été incendiées en Seine-Saint-Denis. Cela ne c'était jamais vu à une telle échelle, hormis les soirs de 31 décembre. Était-ce un hasard ?

Le lendemain matin, à ma grande surprise, les médias n'en avaient quasiment pas parlé. Il avait fallu attendre les journaux de l'après-midi et du soir pour que cela soit simplement évoqué. C'était seulement trois mois avant les émeutes.

Et il y avait eu, quelques années auparavant, les sifflets de La marseillaise, au Stade de France, lors du match de football France-Algérie, sifflets que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à cette tribune.

C'était le signe évident du malaise profond qui affecte nombre de ces jeunes tiraillés entre deux cultures, entre deux nations, et qui, au bout du compte, n'ont plus le sentiment d'appartenir à aucune communauté si ce n'est à leur quartier, et encore...

C'est pourquoi discourir à n'en plus finir pour savoir si ces émeutes étaient plutôt sociales, plutôt ethniques, plutôt religieuses ou que sais-je encore ? me semble trop réducteur.

Ces émeutes ont d'abord démontré que beaucoup de ces jeunes n'ont plus aucun repère, plus aucun sentiment positif d'appartenance à une communauté quelconque, au point qu'ils en viennent à brûler la voiture du voisin, l'école où vont leurs petits frères, le gymnase où ils font du sport...

Le premier devoir des politiques que nous sommes est de démontrer à ces jeunes, au plus vite et par des actes, qu'ils sont bien des Français à part entière et qu'ils ont toute leur place dans la République.

Nous avons là une partie serrée à jouer, car nous savons bien que ceux qui ne partagent pas les valeurs de la République et qui voudraient imposer leurs vues communautaristes de la société sont là, en embuscade, et qu'ils utiliseront à leur profit toutes nos fautes, tous les retards que nous pourrions prendre dans la mise en oeuvre des politiques visant au rétablissement de l'égalité des chances.

À cet égard, les travaux de notre commission ont montré combien il était nécessaire d'agir fortement et dans la durée sur tous les volets de la politique de la ville : urbanisme, éducation, formation, emploi, lutte contre les discriminations, prévention et répression de la délinquance.

Je n'ai bien sûr pas le temps d'entrer dans le détail de toutes les nombreuses propositions du rapport sur chacun de ces volets, mais je souhaite évoquer devant vous celles qui me paraissent les plus importantes et formuler une proposition supplémentaire concernant la gouvernance en Île-de-France et, plus particulièrement, en première couronne parisienne.

Tout d'abord, concernant le programme national de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo, je crois bon de rappeler que jamais, je dis bien jamais, un effort financier aussi important - 30 milliards d'euros - n'avait été consenti sur une période somme toute assez courte au regard de la nature des problèmes traités.

J'ai d'ailleurs été assez stupéfait d'entendre notre collègue Jacques Mahéas parler de la « faillite » de la politique de la ville depuis quelques années. À quel moment une majorité de gauche a-t-elle ne serait que proposé un plan d'une si grande envergure ?

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