Séance en hémicycle du 7 novembre 2006 à 9h45

Résumé de la séance

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  • logement
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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Ordre du jour réservé

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle un débat sur les travaux de la mission d'information commune sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années.

Par-delà les événements du mois de novembre 2005, le Sénat, toujours au plus près des inquiétudes des Françaises et des Français, a pris l'initiative, dès le mois de décembre 2005, de mettre en place une mission d'information commune aux six commissions permanentes, afin d'effectuer un bilan des politiques de la ville conduites depuis 1990.

L'objet de cette mission dépassait l'analyse immédiate de la crise des banlieues pour englober une réflexion plus large, plus sereine et plus ambitieuse sur les politiques mises en oeuvre depuis environ quinze années en faveur des quartiers en difficulté.

Ce travail parlementaire de neuf mois s'inscrit dans un contexte révélateur de l'attention que porte le Sénat à la situation des quartiers en difficulté et, en particulier, à l'avenir des jeunes qui y habitent.

N'est-ce pas un rapport de notre collègue Pierre André qui a permis en 2002 de relancer, au niveau européen, les zones franches urbaines ?

Vous me permettrez aussi de rappeler que le Sénat organise depuis 2002, avec le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le concours appelé « Talents des cités ». Lorsque les trophées ont été remis aux lauréats par des sénateurs de toutes tendances politiques voilà quelques semaines, il y avait de l'émotion et, surtout, un vent d'optimisme qui nous rendaient confiants dans l'avenir. Vous pouvez en témoigner, madame le ministre, puisque vous étiez présente.

La mission a beaucoup et bien travaillé.

Je tiens à féliciter son président, M. Alex Türk, et son rapporteur, M. Pierre André, ainsi que l'ensemble des membres de la mission, de la majorité comme de l'opposition, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

...pour le remarquable rapport issu du travail qu'ils ont fourni tous ensemble.

Je ne peux que me réjouir de ce que la conférence des présidents ait décidé, à travers l'ordre du jour réservé et avec l'accord de tous, de donner à ces travaux un retentissement particulier en permettant au Sénat d'en débattre en séance plénière, devant un auditoire important.

En cet instant, je voudrais, au nom du Sénat tout entier, qui représente toutes les collectivités territoriales, rendre un hommage solennel à l'action des maires qui, comme à l'accoutumée, se retrouvent dans certaines situations en première ligne.

Saluons aussi l'action des services publics qui, au plus près du terrain, assurent leur mission dans des conditions difficiles.

Mes chers collègues, place maintenant au débat. Nous entendrons d'abord le président et le rapporteur de la mission d'information. L'ensemble des groupes politiques pourront ensuite exprimer leur point de vue, puis le Gouvernement aura la possibilité de réagir aux propositions de la mission d'information, afin que s'engage une véritable réflexion d'ensemble.

Je donne sans plus tarder la parole à M. Alex Türk, président de la mission commune d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Alex Türk

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en tant que président de la mission d'information commune sur les quartiers en difficulté, je vous proposerai un mode d'emploi du rapport qu'elle a publié, puis M. le rapporteur traitera le fond des questions.

Je veux donc vous faire part de l'état d'esprit des membres de cette mission tout au long de leurs neuf mois de travaux.

Tout d'abord, à la lecture du rapport, vous pouvez constater que la mission a fourni un travail très important et riche de propositions, qu'elle a entendu de très nombreuses personnes et qu'elle a effectué plusieurs déplacements tant à l'étranger qu'en France, que ce soit en métropole ou dans les territoires d'outre-mer. Ces déplacements nous ont permis à chaque fois de faire des comparaisons et de relancer notre mécanique de questionnement.

Ensuite, j'indiquerai que, s'il y a eu quelques abstentions, aucun vote hostile n'est intervenu lors de l'adoption de ce rapport. Je souligne ce point parce que, bien souvent, certains rapports, encensés à leur sortie, sont mis aux oubliettes de l'histoire parlementaire.

Il importe qu'un tel rapport serve de référence à tous les débats qui se dérouleront au cours des prochains mois, ou alors ce serait à désespérer de notre démocratie parlementaire !

Sur ce sujet, il nous faut éviter certaines chausse-trappes, et détruire certains mythes, qui se transforment parfois en rumeurs.

Premièrement, il n'existe pas une cause unique aux problèmes que nous avons essayé d'analyser. Moi-même, au tout début des travaux de la mission, je ne vous cache pas que je n'ai eu de cesse de demander au rapporteur d'en rechercher la causalité essentielle. Or, je me suis rendu compte qu'il existait un faisceau de motifs. Même si cela dérange nos esprits cartésiens, il faut tenir compte de cette réalité.

S'il n'y a pas une seule cause, il n'y a pas non plus une seule solution. Je tiens à le dire à l'intention des charlatans et des apprentis magiciens qui prétendent qu'il faudrait mettre en place telle mesure pour que, instantanément, tout aille bien dans les banlieues. Si c'était vrai, les personnes compétentes au sein de la mission d'information commune et dans cette enceinte nous l'auraient dit ! En réalité, il faut essayer de mettre en harmonie plusieurs solutions pour traiter ces problèmes.

Deuxièmement, il convient de repousser certaines tentations médiatiques et politiciennes, ce qui n'est pas toujours simple. À cet égard, je prendrai l'exemple de la police, dont la presse parle beaucoup.

Évidemment, il est plus excitant de dire que l'on est passé de telle solution à telle autre, puis à telle autre. Hier soir, j'ai relu longuement et dans le détail le rapport de la mission d'information. Le rapporteur explique que, dans un premier temps, le ministère de l'intérieur a choisi de relancer l'action judiciaire, puis, dans un second temps, il a mis en place des référents. Il faut mettre l'accent sur cette seconde étape et en accélérer le processus, car il faut aller encore plus loin. En la matière, je soutiens totalement la position du rapporteur.

Plutôt que d'engager des polémiques stériles sur un tel sujet, on aurait d'ailleurs beaucoup à gagner en ayant une sémantique plus adaptée aux circonstances. En fait, l'objectif final est que la police arrête les délinquants et fasse, en même temps, un travail de prévention dans les quartiers.

Troisièmement, il convient d'isoler certains paradoxes pour les intégrer dans notre réflexion. J'en évoquerai notamment deux.

Le premier paradoxe concerne le maire. J'ai exercé des responsabilités municipales, mais je ne suis pas maire, ce qui m'a permis d'avoir un certain recul par rapport à mes collègues qui sont, pour la plupart, plus impliqués. Le rôle du maire en la matière est insupportable, car son champ de compétences est limité sur le plan juridique, mais on veut lui faire porter toutes les responsabilités. Il faut donc vraiment traiter cette question de manière approfondie, car le maire est dans une position délicate.

Le deuxième paradoxe concerne les jeunes. Chaque fois que nous sommes allés à leur rencontre, nous avons tous été frappés de constater que ces jeunes manifestaient leur attachement au quartier et exprimaient en même temps un sentiment de relégation. On imagine le déchirement du jeune qui a le sentiment de ne pas être heureux dans son quartier, qui a la tentation d'en partir, mais qui souhaite aussi y rester. Aucune mesure ne sera efficace et juste si elle ne tient pas compte de cet état psychologique.

Enfin, le dernier problème que chacun ressent fortement a trait à la gestion du temps ; c'est la grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés.

Ces derniers jours, on m'a apostrophé pour me dire que rien n'avait changé en un an. Mais si, les choses ont changé ! Ne tombons pas dans ce travers et soyons réalistes. Ce n'est pas, hélas ! en un an que nous allons transformer la situation dans ces quartiers ; ayons tous le courage et l'honnêteté de le dire. Nous le savons, la situation s'est fortement dégradée depuis quelques années dans ces quartiers, où vit bien souvent une société duale. Il est urgent de réagir.

Or, le temps de la réponse est lent, qu'il s'agisse des délais de procédure et d'investissement pour les programmes de rénovation urbaine. Chacun comprend bien que ces réalisations posent des problèmes techniques. C'est également vrai dans d'autres domaines, compte tenu de l'inertie naturelle de l'esprit humain.

Même si nous proposons des réponses techniques dans les deux domaines qui me préoccupent beaucoup, à savoir l'éducation et l'emploi, il va falloir faire une véritable révolution dans les esprits pour aborder de front la question des relations entre l'entreprise et le secteur éducatif. On peut d'ailleurs dire la même chose au sein même du secteur éducatif et de l'entreprise.

Au point où nous en sommes aujourd'hui, rien ne serait plus dangereux que de corriger successivement la trajectoire suivie ou de rompre la continuité des actions entreprises. Cela pourrait susciter au mieux l'incompréhension et, au pire, le découragement.

Mes chers collègues, pour éviter les ruptures, toutes les forces de notre pays doivent agir de manière conjointe, convergente et continue.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant ces dix mois, la mission commune d'information a travaillé dans un climat républicain, empreint de dignité et de responsabilité. Je tiens tout d'abord à en remercier son président, M. Alex Türk, ainsi que l'ensemble de mes collègues membres de la mission

Monsieur Türk, la feuille de route que vous nous aviez confiée était très claire. Il s'agissait de réaliser un travail sur plusieurs mois pour dresser le bilan le plus objectif possible des politiques qui ont été menées en faveur des quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années et de formuler les propositions qui semblaient intéressantes pour notre pays.

Il n'était pas question de constituer une quelconque commission d'enquête sur les événements qui se sont déroulés au cours de l'automne dernier, pas plus que de distribuer des bons points ou des mauvais points à tel ou tel gouvernement ou à tel ou tel ministre. Bien au contraire !

Nous avons sillonné une partie de la France, entendu plus de soixante personnes et rencontré des responsables dans l'Europe entière, de Barcelone à Londres, de l'Allemagne aux Pays-Bas, pour voir si notre politique en la matière était en retard et si nos partenaires européens avaient de meilleures solutions. Non, ils ne font pas mieux que nous ! Nos collègues des autres grandes villes européennes ont dit qu'ils pouvaient eux aussi, du jour au lendemain, être confrontés, dans les mêmes conditions, aux mêmes événements que ceux que nous avons connus l'automne dernier.

À l'issue de nos travaux, nous faisons aujourd'hui soixante-dix propositions qui concernent le logement, l'école, l'emploi, la cohésion sociale, la sécurité, les crédits et la gouvernance de la politique de la ville.

Nous avons eu pour souci, toutes tendances politiques confondues, de ne pas tomber dans le spectaculaire ou de proposer des solutions miracles. Si de telles solutions existaient, nous le saurions certainement déjà. Nous avons donc voulu apporter des réponses concrètes et réalistes.

Le consensus qui s'est dégagé au sein de la mission d'information constitue un signal fort adressé aux habitants des quartiers en difficulté et aux acteurs qui, tous les jours, se battent sur le terrain pour que la vie y soit meilleure.

J'en viens à présent au constat et aux propositions de la mission d'information.

Le constat général, nous le connaissons tous : une certaine dégradation de la situation économique et des politiques de peuplement menées depuis trente ans dans certains quartiers qui ont abouti à la constitution de ghettos urbains où se concentrent aujourd'hui toutes les difficultés. Je rappelle que le taux de chômage y est le double de la moyenne nationale.

Face à cette situation, nous avons estimé qu'un nouveau pacte de solidarité en faveur des quartiers devait se nouer autour de quatre axes prioritaires.

Le premier axe de ce pacte, le plus urgent, concerne la jeunesse.

Les quartiers en difficulté comptent, aujourd'hui, une proportion de jeunes très supérieure au reste du territoire. C'est donc, d'une certaine façon, l'avenir de notre pays qui s'y joue. Or la déscolarisation et le chômage touchent davantage les jeunes de ces quartiers puisque 36 % des jeunes âgés de quinze à vingt-cinq ans sont au chômage. C'est pourquoi notre première priorité doit être de faire en sorte que 100 % de ces jeunes soient occupés à travers un emploi, une formation, un service civil ou un contrat aidé. Aucun jeune ne doit rester au bord du chemin.

Pour ce faire, il faut les réconcilier avec le système scolaire, dont ils se sentent bien souvent rejetés. La mission d'information estime donc urgent d'améliorer l'offre scolaire dans les quartiers, notamment en plafonnant la taille des établissements, en rémunérant mieux les enseignants et en recrutant également de nouveaux intervenants pour encadrer les études, comme les retraités, les mères de famille ou les étudiants, afin d'aider ceux que nous appelons « les orphelins de seize heures trente ».

La mission estime indispensable de renforcer les liens entre l'école et les entreprises. Dans cet objectif, elle propose notamment de développer les programmes de parrainage avec les entreprises, de mettre en place dès le collège des modules de sensibilisation aux exigences de la vie professionnelle et d'organiser des stages en entreprises pour les enseignants et les personnels d'orientation.

Enfin, la mission propose la création d'un « compte mobilité emploi » pour permettre aux jeunes de ces quartiers en difficulté de postuler à des emplois sur l'ensemble du territoire national.

Le deuxième axe de ce pacte concerne le renforcement de la présence de l'État et des services publics dans les quartiers.

Les membres de la mission ont constaté, tout au long de leur étude, que, dans les quartiers les plus sensibles, la présence de l'État ne peut pas se limiter à celle des forces de l'ordre. Il faut que l'ensemble des services de l'État soient à nouveau présents dans ces quartiers.

Les maires des communes de France de plus de 10 000 habitants, consultés par écrit, mais aussi des responsables des associations, ont fait part de leur souhait d'avoir en face d'eux des référents policiers qui les écoutent, afin qu'une sécurité plus grande règne dans ces quartiers.

Je n'hésite pas à évoquer la présence de la police de proximité, à propos de laquelle un faux débat s'instaure. Car on donne l'impression de condamner un Premier ministre par rapport à un autre. Or, l'enjeu n'est pas là. Nous enfermer dans un tel raisonnement nous conduirait à coup sûr une nouvelle fois droit dans le mur.

Nous ne voulons pas une police de proximité telle que nous l'avons connue entre 1999 et 2002, période au cours de laquelle la délinquance, dans les quartiers difficiles, a enregistré une hausse de 14, 5 %, alors que, depuis quatre ans, elle baisse d'environ 8 %. Nous voulons une police qui vienne en complément de la police actuellement en place avec des moyens d'investigation efficaces.

En lisant la presse, ce matin, j'ai eu l'impression que s'engageait une nouvelle guerre des polices, que le Sénat ouvrirait les hostilités. Il n'en est rien.

Quelles propositions faisons-nous ?

Il faut réactiver la police de proximité, assurer des rémunérations et des perspectives de carrière valorisantes pour les policiers et les gendarmes intervenant dans les zones urbaines sensibles, développer une véritable coordination entre la police municipale et la police nationale, rappeler au parquet son rôle de direction de l'action de la police, ouvrir le service volontaire citoyen de la police nationale aux résidents étrangers, améliorer la formation des gardiens de la paix en prévoyant des modules ciblés sur la jeunesse et sur la lutte contre les discriminations, généraliser la pratique des référents policiers, prévue pour les établissements scolaires, les syndics de copropriété, les offices d'HLM ou les assistances sociales, améliorer la transparence des données en matière d'effectifs et de forces de l'ordre, généraliser la création de cellules de veille auprès des comités locaux de prévoyance de la délinquance dans les zones urbaines sensibles, publier le décret relatif à l'étude préalable de sécurité prévu par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 et développer des équipes de prévention spécialisées.

Telles sont nos propositions en matière de sécurité. Nous n'avons déclaré la guerre à personne. Notre unique volonté est de voir la population de ces quartiers vivre en sécurité, comme elle en a le droit.

Nous souhaitons qu'un signal fort soit adressé aux agents publics de ces quartiers afin que les professionnels les plus expérimentés - nous songeons, en particulier, aux enseignants et aux policiers - soient affectés dans ces zones.

Il n'est pas normal que ce soient les policiers et les professeurs les plus jeunes qui soient envoyés auprès de populations qu'ils ne connaissent pas et qu'ils cherchent ensuite à quitter au plus vite.

C'est pourquoi nous proposons que soit très fortement majorée l'indemnité de résidence des fonctionnaires affectés dans ces quartiers et que soient améliorées leurs perspectives de carrière.

Enfin, la présence de services publics de qualité est indissociable d'un maillage associatif dense, libéré de toutes les contraintes qui pèsent sur lui, en particulier de la chasse aux subventions.

À cet égard, madame la ministre, la création de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité sociale, faisant suite aux anciennes procédures des contrats de ville, garantira aux associations la pérennité de leurs subventions pluriannuelles. C'est un progrès.

Le troisième axe de ce pacte, qui s'inscrit dans une ambition à plus long terme, est la redéfinition d'un projet urbain cohérent pour casser les ghettos.

Tous les acteurs s'accordent à dire que la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine a suscité sur le terrain une immense mobilisation et le grand espoir que la physionomie et les fonctionnabilités de ces quartiers s'améliorent enfin. C'est pourquoi la mission souhaite que les crédits de cette agence, qui s'élèvent à 30 milliards d'euros, ce qui représente un effort sans précédent, soient sanctuarisés, car elle devra faire face, dans les années à venir, à des besoins de financement très importants.

La mission désire qu'un travail de mémoire sur le patrimoine soit fait lors des destructions des immeubles, que les personnes qui perdent leur logement puissent se reloger dans les meilleures conditions possible, qu'un effort soit fait sur les loyers.

Il faut engager une réflexion, au cours des mois et des semaines à venir, sur des mesures nouvelles destinées à enrayer la dégradation des copropriétés concentrant des populations exclues du logement social, souvent parmi les plus pauvres, victimes des marchands de sommeil.

La rénovation urbaine ne doit pas se limiter à la démolition de logements. Elle doit être l'occasion d'accroître la mixité sociale et la mixité des fonctions urbaines, notamment en favorisant le développement économique des quartiers concernés.

À cette fin, la mission propose de créer des pôles de développement économique dans les quartiers en lançant des appels à projets bénéficiant de fonds publics et de fonds privés.

La réussite des zones franches urbaines, que le Gouvernement a bien voulu relancer, avec la création de plus de 60 000 emplois, montre qu'aucune fatalité ne s'oppose à la création d'entreprises ou d'emplois dans les zones les plus en difficulté.

S'agissant de la mixité sociale, des travaux récents ont démontré l'existence d'une faible mobilité résidentielle, qui accroît la ghettoïsation. Ce sont les personnes les plus fragiles qui arrivent dans ces quartiers et y restent alors que les autres poursuivent des trajectoires résidentielles vers d'autres quartiers.

C'est pourquoi la mission estime indispensable de permettre aux habitants d'effectuer des parcours résidentiels ascendants au sein des quartiers.

Une politique ambitieuse d'accession sociale à la propriété doit être mise en oeuvre. Elle pourrait passer, notamment, par des exonérations de droits de mutation ou par une majoration des prêts à taux zéro.

En outre, il est important de pouvoir, à l'occasion des opérations de rénovation urbaine, reconstruire des logements sociaux en dehors des quartiers qui en concentrent déjà le plus.

C'est pourquoi la mission insiste fortement sur le respect par les communes de leurs obligations en matière de construction de logements sociaux.

Enfin, toujours dans un souci de mixité sociale, elle propose de favoriser le retour des classes moyennes dans les quartiers par des incitations fiscales, à l'image de ce qui a été mis en place dans certains pays européens, notamment aux Pays-Bas.

Le dernier axe de ce pacte concerne l'invention d'une nouvelle gouvernance. Des observateurs ont dénoncé, au moment des émeutes, la « faillite de la politique de la ville » et ont évoqué les milliards investis depuis vingt ans, qui seraient partis en fumée.

Une telle analyse, qui est fausse, néglige deux faits très importants.

D'une part, cette politique, si elle a permis indéniablement de limiter les effets négatifs des processus de ségrégation, n'a jamais eu pour vocation de lutter contre les racines profondes du mal, faute de moyens.

D'autre part, alors que les autres politiques, celles de l'emploi, du logement, de l'éducation, auraient dû se concentrer prioritairement sur ces quartiers, nous avons constaté que, bien souvent, les crédits de la politique de la ville se substituaient à ceux des autres ministères. Or, c'est là l'inverse de l'objectif que l'on cherche à atteindre.

C'est pourquoi il faut impérativement inventer les outils qui permettront cette nouvelle gouvernance de la politique de la ville : à l'avenir, toutes les politiques mises en oeuvre devront inclure, en faveur de ces quartiers, un effort particulier et permanent, qui ne soit plus limité aux seules périodes de crise. Pour cela, nous proposons plusieurs mesures.

Nous souhaitons, tout d'abord, confier la responsabilité des quartiers en difficulté à un ministre d'État, qui serait ainsi compétent pour l'aménagement du territoire, la ville et le logement. Madame la ministre, quelle belle promotion s'offre à vous !

M. Jean-Pierre Raffarin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

Nous suggérons, ensuite, que le Gouvernement prépare un projet de loi d'orientation et de programmation quinquennale, afin de sanctuariser les moyens affectés aux quartiers sur l'ensemble de la législature, au-delà des aléas de l'annualité budgétaire.

Enfin, l'heure est venue d'apporter une réponse spécifique aux problèmes du département de la Seine-Saint-Denis, qui concentre un grand nombre de difficultés. La mission propose donc d'élaborer un texte de loi spécifique pour ce département, qui pourrait déroger au droit commun, notamment dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et du logement, et prévoir des compétences accrues aux collectivités locales.

Dans cette gouvernance nouvelle, il faut rappeler, comme vous l'avez fait, monsieur le président, la place essentielle du maire, qui est en effet au coeur du dispositif et qui est le plus à même de répondre aux préoccupations quotidiennes de ses concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

De Clichy-sous-Bois à Marseille, de Strasbourg à Lille, de Grenoble au Havre, sans l'implication des maires, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, les flammèches des banlieues auraient provoqué l'embrasement des villes.

Au nom de la mission, je tiens à leur rendre hommage et à les remercier de leur contribution à notre rapport écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Le Sénat tout entier s'associe à cet hommage, monsieur le rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC -UDF.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

Le Gouvernement aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

Mes chers collègues, vous le savez, mais il faut le rappeler, l'oisiveté est source de délinquance et socle de désespérance. Notre objectif prioritaire, c'est donc que 100 % des jeunes puissent avoir une activité.

L'État, la République, doit être plus présent encore dans les quartiers. À cette fin, nous vous proposons des dispositifs pour renforcer les services publics sur ces territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

Ceux-ci doivent devenir des lieux de vie et ne pas rester de simples cités-dortoirs. Les erreurs du passé doivent servir de leçon : hier, il fallait faire face à des problèmes quantitatifs ; aujourd'hui, c'est la qualité de vie qui doit guider notre approche de la ville. Dans ce domaine, notre ambition est de redéfinir un projet urbain cohérent, pour « casser » les ghettos.

Actuellement, près de 80 % de la population française vit en milieu urbain, et près de 10 % dans des quartiers difficiles. Les évolutions en matière d'aménagement du territoire ont permis d'obtenir des réussites importantes : les transports se sont modernisés, grâce au TGV et à l'amélioration du réseau autoroutier, plusieurs centres de recherche et de développement ont été construits, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Au final, nombre de nos régions ont connu un développement économique certain.

Une telle évolution change la donne, car, face à ces progrès, nous sommes malheureusement obligés de constater que les quartiers difficiles deviennent encore plus difficiles. Or, parce que nous ne pouvons pas laisser s'instaurer des « poches explosives de pauvreté », nous devons imaginer un nouveau projet et inventer une nouvelle gouvernance de la politique de la ville.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les grandes lignes du rapport de la mission commune d'information. Ces propositions, si elles peuvent paraître nombreuses et diverses, impliquent l'utilisation de tous les dispositifs existants et la mobilisation de tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités territoriales, des associations, des populations, mais aussi des entreprises.

Contrairement à ce qui peut parfois se dire ou se lire ici ou là, je crois pouvoir dire que la politique de la ville, notamment en faveur des quartiers en difficulté, n'a pas démérité et a contribué à prévenir d'autres embrasements. Il convient de la poursuivre et de l'amplifier, en utilisant toute la palette des outils disponibles. Ainsi, sur le plan financier, les crédits devront être « sanctuarisés ».

Tout cela représente une oeuvre de longue haleine, qui permettra, non pas immédiatement, mais dans un délai que nous souhaitons le plus court possible, de faire entrer de nouveau dans ces quartiers la République, qui en était sortie, et d'y apporter plus de solidarité.

Monsieur le président, la création de cette mission commune d'information témoigne du souci de la Haute Assemblée d'être à l'écoute des habitants de ces quartiers, notamment des plus jeunes. Elle s'inscrit ainsi dans le prolongement des manifestations dont le Sénat est l'organisateur ou le partenaire, à l'image du concours « Talents des cités » et des « Rendez-vous citoyens du Sénat ». Je forme le voeu que les conclusions de notre rapport puissent, au moins en partie, répondre aux attentes des habitants des quartiers en difficulté et contribuer fortement à redonner à la population respect, dignité et considération.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de cette excellente présentation.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de rappeler le contexte dans lequel a été créée, en décembre 2005, la mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années, autrement appelée « mission sur les quartiers en difficulté ».

En effet, le 27 octobre 2005, deux adolescents, Zyed et Bouna, meurent électrocutés dans un transformateur de Clichy-sous-Bois. À compter de la nuit suivante, certaines communes de la Seine-Saint-Denis deviennent la cible d'incendiaires, qui s'en prennent aux véhicules, au mobilier urbain et aux bâtiments publics. Puis ces émeutes s'étendent à toute l'Île-de-France et à la province, et ce jusqu'à la mi-novembre. Au total, plus de 9 000 véhicules ont ainsi été brûlés, ainsi que des dizaines d'édifices publics, écoles, gymnases ou médiathèques. Durant les affrontements, 126 policiers et gendarmes ont été blessés. Jamais nos communes n'avaient connu un tel embrasement.

Le 8 novembre 2005, le Gouvernement choisit de déclarer l'état d'urgence sur le territoire métropolitain. Or, si un état d'urgence méritait d'être décrété, c'était bien l'état d'urgence sociale !

Ce qui fait le terreau d'une telle révolte, aussi inexcusable soit-elle, c'est bien l'insécurité sociale et économique grandissante dans ces quartiers. Elle est due à un chômage massif, dont le taux est deux fois supérieur à la moyenne nationale, à une crise du logement sans précédent, à l'abandon de la prévention éducative au profit du tout répressif, au sacrifice d'une politique de la ville digne de ce nom, à la suppression des emplois-jeunes et aux coupes claires dans les crédits des associations.

Or, madame la ministre, le Gouvernement, « engoncé » dans une logique sécuritaire à outrance, n'aura fait que quelques promesses non honorées par la suite.

Où sont les crédits promis aux associations ? À cet égard, j'avais déjà attiré votre attention sur la situation de la MOUS, la maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale, dans la ville de Neuilly-sur-Marne dont je suis le maire : alors que les associations concernées avaient vu leurs crédits réduits de 40 %, il a fallu attendre ces émeutes pour qu'elles puissent recevoir un peu plus de crédits !

Où sont les forces de l'ordre supplémentaires et les commissariats ? Pourtant, selon les promesses de M. Sarkozy, 300 policiers supplémentaires devaient être affectés en Seine-Saint-Denis en très peu de temps. Nous les attendons toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

En réalité, les postes non pourvus dans ce département s'élèvent à 500. Même mon collègue sénateur-maire des Pavillons-sous-Bois déplore des sous-effectifs dans le commissariat de sa commune. À Neuilly-sur-Marne, il manque au moins une vingtaine de policiers.

Madame la ministre, mes chers collègues, en quoi la situation des quartiers en difficulté s'est-elle concrètement améliorée depuis un an ?

Au contraire, nous ne pouvons que constater l'échec de la politique du Gouvernement dans ce domaine, à en juger par les nouveaux épisodes de violence auxquels nous avons assisté ces jours derniers : agressions contre les forces de l'ordre, « caillassages » et incendies de voitures et de bus. Rien n'a été plus terrible, un an après les émeutes, d'avoir de nouveau à déplorer de tels incidents, dans des villes, comme la mienne, où les élus et les agents municipaux se sont tous mobilisés.

Au demeurant, l'élément déclencheur, ce fut l'arrivée soudaine, vers vingt-trois heures, d'un hélicoptère, qui n'a rien trouvé de mieux que de braquer ses projecteurs sur nos cités ! Aussitôt après cette provocation évidente, les jeunes ont voulu se venger et ont malheureusement commis des actes criminels, que nous condamnons fermement, car rien ne doit entraver la paix civile et l'ordre républicain.

Pourtant, ce serait faire outrage à ces quartiers que de les cantonner à une misère qui ne trouverait d'exutoire que dans la violence. J'étais présent lors de la remise des « cahiers de doléances » par le collectif ACLEFEU, qui a été créé à Clichy-sous-Bois en réaction aux événements de l'an passé. Cet acronyme signifie « Association, collectif, liberté, égalité, fraternité, ensemble, unis ».

L'inscription de notre devise républicaine au coeur de ce nom traduit bien un espoir que nous ne devons pas décevoir. Le collectif s'est rendu dans 120 villes et a recueilli 20 000 constats. Une telle démarche constructive a été l'occasion d'un dialogue qu'il nous faut absolument poursuivre, même si nous ne sommes pas d'accord avec toutes les propositions que formule ACLEFEU.

Toutes ces personnes méritent mieux que des promesses non tenues et une énième loi sécuritaire, à l'image du texte relatif à la prévention de la délinquance que nous avons examiné en première lecture en septembre dernier et dont tout porte à croire qu'il sera encore « durci » par l'adoption d'amendements supplémentaires.

En ce sens, la création de la mission sur les quartiers en difficulté avait un grand intérêt, chercher à dépasser les événements récents pour dresser un bilan des politiques menées et pour envisager l'avenir. Nous avons ainsi procédé à de nombreuses auditions et effectué des visites de terrain.

Ce travail important a donné lieu à un rapport imposant, contenant 72 propositions. À l'origine, il n'y en avait que 63, mais mes collègues et moi-même, socialistes et apparentés, nous nous sommes élevés contre certaines d'entre elles, d'inspiration trop libérale. Nous avons ainsi rejeté ce qui relevait d'une vision « utilitaire » de l'école. Nous avons également refusé ce qui nous semblait trop stigmatisant, à l'instar de cette proposition aberrante de créer un secrétariat d'État à la Seine-Saint-Denis ! Nous n'avons pu faire valoir toutes nos positions. C'est pourquoi nous nous sommes abstenus lors du vote du rapport, même si nous nous félicitons des avancées obtenues.

Pour notre part, il nous paraissait également essentiel de faire inscrire parmi ces propositions la lutte contre la violence scolaire, dont la recrudescence est très inquiétante. Nous avons donc fait préciser dans le rapport que le développement des structures d'accueil de la petite enfance doit se faire « en coordination avec les écoles maternelles ». Cependant, nous envisageons d'aller plus loin, en créant un véritable service public de la petite enfance.

Nous sommes également satisfaits par la réforme envisagée de la dotation de solidarité urbaine, la DSU : à notre sens, elle devrait se traduire par une véritable péréquation des communes les plus riches vers celles dont le potentiel financier est le plus faible. Nous avons ainsi souhaité que des crédits supplémentaires financent le traitement préventif des copropriétés dégradées et la lutte contre l'habitat indigne.

Nous ne pouvons qu'approuver M. le rapporteur quand il en appelle, dans son rapport, à une application stricte de la mixité sociale dans la construction de logements sociaux, reconnaissant ainsi le bien-fondé de l'article 55 de la loi SRU, pourtant fort malmené par la majorité qui a encore cherché à en détourner le principe lors des récents débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement.

Et que dire de la mise en oeuvre de la loi dans une commune comme Neuilly-sur-Seine, contre-exemple absolu de mixité sociale ! En effet, dans cette commune, le taux de logements sociaux, l'un des plus bas de France, plafonne à 2, 6 %, ce qui est très éloigné de l'objectif des 20 %.

Conscients de la situation d'enclavement de certains quartiers, nous nous réjouissons que l'on fasse de nouveau appel à l'État pour financer des projets de transports en commun desservant les zones urbaines sensibles, contrairement à l'orientation prise par le ministre des transports à partir du moment où M. Raffarin est devenu Premier ministre.

Enfin, comment ne pas se féliciter de ce que la police de proximité, plébiscitée par les élus, redevienne une priorité, n'en déplaise à l'actuel ministre de l'intérieur, qui avait mis fin à cette action dès 2003, après une visite musclée aux policiers de Toulouse, auxquels il avait assené qu'ils n'étaient pas des travailleurs sociaux ?

Sur le terrain, la validité de ce choix est quasi unanimement démenti, car les élus, comme la population, savent bien qu'une politique de sécurité reposant sur le travail de proximité et la prévention est absolument nécessaire, à condition de lui laisser le temps de porter ses fruits. Dans ma ville, grâce à cette police de proximité, à la fin 2002, le dialogue était établi entre les jeunes et les policiers. Aujourd'hui, en revanche, nous assistons à des « caillassages » systématiques à l'encontre des forces de police. Cherchez l'erreur !

Au-delà de ces motifs de satisfaction, nous estimons que d'autres propositions que nous avions faites mériteraient d'être retenues.

Ainsi, selon nous, l'éducation doit être une priorité absolue, ce qui nous conduit à penser que la scolarisation devrait être obligatoire dès l'âge de trois ans dans les zones d'éducation prioritaire et qu'il faudrait accueillir les enfants dans les écoles dès l'âge de deux ans.

À cet égard, je souhaite balayer l'idée reçue selon laquelle l'éducation coûte plus cher dans les ZEP qu'ailleurs. Ce n'est pas exact ! Au contraire, l'éducation dans les ZEP coûte moins cher, ne serait-ce que parce que les enseignants y sont plus jeunes et reçoivent une rémunération inférieure en moyenne de 30 % par rapport aux autres secteurs scolaires.

Nous proposons d'ailleurs de remettre à plat tout le système des ZEP, en renforçant les moyens financiers, en diminuant le nombre d'élèves par classe, en formant spécialement les enseignants, en leur offrant des perspectives d'évolution de carrière, ce qui est prévu partiellement dans le rapport, et en leur donnant, grâce à l'aménagement des locaux, les moyens de rester plus longtemps dans les établissements.

Nous souhaitons également prendre en compte la mixité sociale dans les dotations accordées aux écoles privées sous contrat et supprimer la participation financière des communes pour les élèves scolarisés dans un établissement privé situé hors de la commune de résidence.

En outre, il faudrait implanter des classes préparatoires aux grandes écoles dans les établissements sensibles.

Pour que la solidarité urbaine soit effective, établissons une réforme ambitieuse des dotations de l'État et de la fiscalité locale, permettant aux communes pauvres de bénéficier de mesures d'urgence et d'une péréquation financière importante.

Instaurons également un « pacte de solidarité urbaine » pour les agglomérations les plus défavorisées, comprenant des objectifs chiffrés et concentrant les moyens de l'État comme des collectivités.

Enfin, élaborons un plan d'urgence pour la Seine-Saint-Denis en dotant ce département de moyens financiers à la mesure des difficultés qu'il peut rencontrer.

Comme je l'ai déjà dit à propos du rétablissement de la police de proximité, il convient de mener une politique de sécurité où la prévention retrouverait toute sa place.

Afin de lever les doutes qui pèsent sur les chiffres de la délinquance, il est grand temps de supprimer les mains courantes et de simplifier le dépôt de plainte.

Vous vous gargarisez de l'amélioration des chiffres de la délinquance. Malheureusement, l'Office national de la délinquance, dont je suis membre, dit exactement le contraire. Selon une enquête de victimisation, 500 000 cas ont été classés en main courante, c'est-à-dire non comptabilisés, alors qu'ils auraient dû faire l'objet d'un dépôt de plainte.

Il n'y a donc pas de diminution de la délinquance - que j'aurais évidemment applaudie des deux mains - mais, hélas, une augmentation de ce phénomène.

Il faudrait aussi établir un plan gouvernemental ambitieux de prévention précoce de la violence, comprenant notamment des cellules de veille éducative, assurant l'application réelle des mesures éducatives et des sanctions prononcées à l'encontre de mineurs, ainsi que la promotion des alternatives à la prison - développement de centres d'éducation, de chantiers d'apprentissage et d'insertion pour éviter la récidive - et des sanctions par le travail d'intérêt général. En effet, ce dispositif n'existe plus dans nos communes, contrairement à ce que l'on observait il y a une dizaine d'années.

Dans le même temps serait instauré un plan de lutte contre les violences conjugales et familiales, et pour la protection de l'enfance et de l'adolescence en danger.

Améliorer la situation des quartiers en difficulté passe également par la reconnaissance d'un droit au logement. Nous proposons de réaliser 120 000 logements sociaux par an, intégrés dans les villes, et non situés en dehors, comme dans la situation actuelle où, bizarrement, trop de logements demeurent vacants.

Dans l'esprit du respect du principe de mixité sociale, réaffirmé dans le rapport, il faut absolument accroître les sanctions contre les communes qui ne respectent pas le taux de 20 % de logements sociaux. Nous prévoyons aussi de contraindre les programmes immobiliers privés à consacrer un quart de leurs opérations à la production de logements sociaux sur les territoires qui en manquent.

Par ailleurs, une véritable politique d'accession à la propriété doit être relancée.

Pour lutter contre le chômage qui frappe durement ces quartiers, nous devons nous fixer comme objectif l'offre d'emplois de qualité pour tous, et particulièrement pour les jeunes. Cela passe par un programme d'entrée dans la vie active et par la relance des emplois jeunes, dont le rôle était indispensable dans bien des associations et établissements scolaires, mais aussi par le maintien ou la création de services publics de qualité et le soutien actif de l'économie sociale et solidaire, notamment par le biais des entreprises d'insertion.

Actuellement, à Neuilly-sur-Marne, une entreprise d'insertion spécialisée dans la restauration attend toujours la subvention d'État de 90 000 euros qu'elle devait recevoir au titre de l'année 2006. De telles pratiques ne laissent pas d'étonner. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la délivrance et au maintien de ces subventions pendant trois ans, comme le propose M. le rapporteur.

Enfin, il importe de renforcer la cohésion sociale, en augmentant notablement l'aide aux associations et en confortant de façon particulière la position des mouvements associatifs sportifs, culturels et d'éducation populaire dans les instances de concertation et de décision.

Nous proposons ainsi la création de 500 « maisons de la citoyenneté » avec l'aide de l'État, notamment à partir du réseau des centres sociaux et socioculturels, afin de développer les initiatives collectives et individuelles, en commençant par les quartiers en difficulté.

Or que se passe-t-il actuellement ? Ce gouvernement, hélas, plombe les quartiers !

Pardonnez-moi, madame la ministre, de citer encore le cas de ma ville.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Il faudrait peut-être en sortir de temps en temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. À Neuilly-sur-Marne, nous avons accueilli, dans des quartiers connaissant déjà des difficultés, des familles fragilisées originaires d'autres villes qui, à la suite d'opérations de démolition-reconstruction, ne les ont pas relogées sur place.

M. Christian Cambon proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Madame la ministre, vous avez décidé de façon autoritaire, sans concertation avec le maire, de placer à Neuilly-sur-Marne des personnes sans domicile fixe de Paris. Je vous ai d'ailleurs récemment écrit à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Et vous n'étiez pas là pour entendre la réponse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Or nous ne pouvons pas gérer cette situation !

L'association Coeur des Halles, qui connaît elle-même des difficultés, vous a d'ailleurs écrit qu'il ne s'agissait plus d'un problème social, mais d'un problème de police.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Ce n'est pas tout à fait ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

C'est tout à fait cela, au contraire ! Je peux vous relire mon courrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Vous qui êtes maire de Saint-Maurice, monsieur Cambon, dites-nous combien il y a de logements sociaux dans votre commune ! Après, nous pourrons discuter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. Eh bien, ce n'est pas beaucoup !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Par ailleurs, toujours dans mon département, l'établissement psychiatrique de Ville-Evrard accueille déjà les personnes sans domicile fixe de Seine-Saint-Denis pendant la période hivernale.

Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne sommes pas généreux ou que nous ne tendons pas la main aux plus déshérités.

Venez à Neuilly-sur-Marne ! Une très belle exposition sur l'abbé Pierre s'y tient actuellement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Je préfère les réalisations concrètes aux expositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Vous pourrez constater que nous avons toujours aidé les plus démunis, et ce depuis le milieu du siècle dernier !

J'ai tracé les grandes orientations d'une politique globale en faveur des quartiers en difficulté. La violence qui s'y exprime, notamment ces derniers jours, pour être totalement répréhensible, ne peut recevoir comme seule réponse celle d'un ministre de l'intérieur affirmant que « l'État républicain ne peut pas se préoccuper uniquement de ceux qui se comportent mal, mais aussi de ces millions d'anonymes qui vivent sans rien demander, mais qui entendent être respectés ».

C'est au nom de ce même respect que les habitants des quartiers en difficulté peuvent espérer voir se réduire l'ampleur des discriminations et le cumul des inégalités dont ils souffrent. Car nous ne pouvons pas exonérer la droite de ses choix politiques dramatiques, qui n'auront résolu ni la fracture sociale ni l'insécurité, grands thèmes de campagne électorale en 1995 et 2002.

En Seine-Saint-Denis, un plan d'urgence s'impose, comparable à celui qui avait été mis en place par Lionel Jospin, conduisant à la création de 3 000 postes supplémentaires dans le secteur de l'éducation. Il faut qu'apparaisse également dans les autres domaines l'évidence d'une urgence telle que l'on puisse obtenir au moins les effectifs théoriques nécessaires et, si possible, bien plus.

Ce rapport contient des propositions qui sont aux antipodes de la politique gouvernementale menée par MM. de Villepin et Sarkozy. Espérons donc que se produise au moins un infléchissement - dans le bon sens, s'entend ! - de l'actuelle politique de la ville.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Pour les applaudissements, il y a du retard à l'allumage !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Je souhaite revenir sur un point qui ne concerne pas directement l'objet de ce débat : l'hébergement des personnes sans domicile fixe et, plus particulièrement, l'hébergement de stabilisation, qui relève de l'autre pan de mes fonctions ministérielles.

Je rappelle que l'hébergement d'urgence dans notre pays représente 100 000 places d'accueil et un budget de plus de 1 milliard d'euros. À l'heure actuelle, le Gouvernement mène effectivement une expérimentation afin de mettre en place une approche plus complète, associant l'insertion et le logement des personnes sans domicile fixe.

Sur les 550 places disponibles en Île-de-France au 1er novembre, 50 se trouvent à Neuilly-sur-Marne, dans un ancien hôpital, aujourd'hui désaffecté. Je reconnais bien volontiers, monsieur le sénateur-maire, que nous avons rencontré quelques difficultés avec des personnes sans domicile fixe, notamment un problème d'alcoolémie très lourd, mais l'association Coeur des Halles les a gérées avec beaucoup de professionnalisme. Actuellement, les quinze personnes concernées ne se trouvent plus dans ces locaux.

Comme dans toute expérimentation, nous suivons l'évolution de ces démarches semaine après semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Mais l'hôpital du Raincy n'a-t-il pas également des places ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

À Neuilly-sur-Seine aussi, on doit pouvoir trouver des places !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Et à Paris ? Tout ce qu'on voit, ce sont des tentes un peu partout !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Ce problème des personnes sans domicile fixe est suffisamment lourd dans notre pays pour que, les uns et les autres, nous réfléchissions aux moyens d'assortir la première réponse, d'urgence, à savoir l'hébergement, d'une réponse plus durable : l'accompagnement vers l'insertion. Tel est le sens de la démarche du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un an après la « crise des banlieues » de l'automne 2005, le rapport de la mission commune d'information sénatoriale nous donne l'occasion de débattre de la situation des quartiers en difficulté et des perspectives qui leur sont offertes.

L'actualité nous le rappelle cruellement, hélas, la fracture sociale et urbaine a atteint un niveau de gravité très préoccupant. Au-delà des actes de violence inadmissibles, révoltants, qui ne sont en rien excusables et dont de pauvres innocents se trouvent être les victimes, il y a tout ce quotidien vécu dans près d'un millier de quartiers cumulant toutes les difficultés : chômage, surpeuplement des logements, concentration des familles issues de l'immigration, urbanisme exclusivement dédié à l'habitat, échec scolaire...

Cette addition de difficultés subie depuis tant d'années rend les solutions à mettre en oeuvre complexes, parfois longues et aléatoires, et nécessitant des moyens financiers importants. Tous ceux qui ont oeuvré dans ce domaine le savent : réparer le tissu urbain est un travail de dentelle, qui incite à la modestie.

Le constat dressé par la mission est donc pertinent. Je salue le travail considérable, fait d'auditions, de déplacements et d'analyse, qu'elle a entrepris. De nombreux responsables et acteurs de la politique de la ville ont pu, à cette occasion, apporter leur contribution à la réflexion.

En guise de synthèse, notre mission a choisi de présenter sept orientations, listant, thématique par thématique, pas moins de soixante-dix propositions.

Nous tenons à souligner l'implication de notre rapporteur, Pierre André, pour mener à bien cet « état des lieux » avec précision et exhaustivité, sa volonté d'être à l'écoute de toutes les sensibilités qui ont pu s'exprimer parmi les membres de notre mission et son souci de prendre en considération, autant que faire se peut, les propositions que nous lui avons apportées.

Nous nous félicitons à ce propos de la suppression de la proposition particulièrement discutable visant à créer un secrétariat d'État à la Seine-Saint-Denis.

Toutefois, le groupe UDF a choisi, sur un sujet que nous jugeons décisif pour l'avenir de notre pays, de présenter un ensemble cohérent de propositions, sous la forme d'une contribution qui reflète notre conception des politiques à mener dans les quartiers « sensibles ».

Je tiens à préciser que j'ai travaillé de concert avec ma collègue Valérie Létard, qui ne peut être présente aujourd'hui.

Si nous avons été entendues sur certains points, nous avons d'autant plus regretté que le rapport n'ait pas repris dans sa rédaction finale certaines observations formulées sur le contenu. Nous regrettons aussi le ton parfois tranché et stigmatisant utilisé à l'encontre des populations de ces quartiers.

De même, si nous approuvons les objectifs fixés par la mission, notamment l'exigence de mixité sociale, l'amélioration de l'offre de services publics, la présence des commerces de proximité, le désenclavement des quartiers, la gestion urbaine de proximité, l'accompagnement social des populations, la lutte contre les discriminations - point essentiel pour les jeunes de ces quartiers, comme nous l'ont dit les représentants du collectif « AC Le Feu » que certains d'entre nous ont reçus il y a quelques jours -, nous restons un peu sceptiques quant aux moyens proposés pour les atteindre.

J'énoncerai quelques principes qui, à nos yeux, doivent fonder une politique de la ville à la hauteur des enjeux et des attentes de nos concitoyens.

Si la politique de la ville existe, c'est parce que nos politiques de droit commun n'ont jamais réussi à donner une vraie priorité à leurs interventions en direction des territoires et des populations cumulant les plus grandes difficultés sociales, économiques et urbaines de notre pays.

La politique de la ville a été amenée, indirectement, à pallier l'absence de plus en plus évidente de crédits et de moyens de droit commun, qui étaient pourtant nécessaires au développement de ces quartiers.

Or, comment juger l'action et l'impact de la politique de la ville quand celle-ci a été détournée de son objectif premier, à savoir innover et expérimenter de nouvelles formes d'intervention adaptées aux besoins des populations des quartiers en difficulté ?

Comment la politique de la ville peut-elle encore avoir un effet de levier si, en amont, les moyens humains et financiers de l'État font défaut ? Par exemple, comment mettre en place une police de proximité efficace, ô combien nécessaire et d'ailleurs plébiscitée par tous les élus dans les quartiers, alors que les effectifs de base sont déjà insuffisants dans les commissariats et qu'on se contente de réduire le nombre d'élèves par classes dans les zones d'éducation prioritaire ?

Il y a donc un premier enjeu fondamental, qui consiste à redonner son caractère innovant à la politique de la ville en remobilisant fortement notre droit commun dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, de la culture, de la santé, sur les territoires qui en ont le plus besoin.

Une autre clé de la réussite de l'action en faveur de ces quartiers est le partenariat. En effet, l'accélération de la décentralisation et le renforcement des compétences des collectivités locales, dont le rôle est fondamental dans les projets de développement social, nous obligent à la mise en cohérence des politiques publiques.

Une action efficace est une action élaborée collectivement et concertée localement. Or, la nouvelle organisation de la politique de la ville, s'appuyant sur la mise en place d'agences nationales, pose la question de l'amélioration et de la coordination des politiques publiques. Comment, avec cette nouvelle organisation, favoriser une véritable convergence des politiques vers des objectifs prioritaires et partagés par tous ?

Ainsi, et alors que le rapport se félicite de la mise en place de I'ANCSEC, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et du lancement des CUCS, les contrats urbains de cohésion sociale, nous aurions souhaité que notre mission souligne le nécessaire dialogue avec les institutions régionales et départementales, le risque étant, dans le cas contraire, de voir éclater l'aspect partenarial de la politique de la ville.

La mutualisation des financements est aujourd'hui parfois abandonnée et les collectivités locales se sentent mises à l'écart des projets qu'elles financent.

Parallèlement, il est nécessaire, à notre sens, que les moyens de l'État, conjugués avec ceux d'autres partenaires de la politique de la ville, puissent faire preuve d'une meilleure adaptabilité aux situations locales. Nos territoires et les acteurs de terrain souffrent du changement perpétuel des politiques publiques, sans véritable bilan ou évaluation des résultats. En ce sens, la généralisation de conventions pluriannuelles avec les collectivités ou les associations constitue une avancée significative.

La question de l'évolution des territoires doit, elle aussi, faire l'objet de notre attention. Au-delà des critères de pauvreté ou de précarité sociale, nos territoires ont des rythmes de développement différents. Ainsi, dans une politique qui s'appuie essentiellement sur des zonages, savoir tenir à jour l'évolution des territoires est indispensable pour concentrer les moyens humains et financiers de l'État là où ils sont le plus nécessaires. Il faut donc, indéniablement, bâtir de nouveaux outils d'évaluation, de nouveaux indicateurs partagés pour que nos politiques soient les plus réactives possibles aux évolutions des territoires.

Dans cette perspective, chaque territoire concerné doit pouvoir être accompagné pour entrer ou sortir d'un dispositif. C'est une piste que le rapport aurait dû explorer plus précisément.

Les zones urbaines sensibles constituent un exemple criant puisque ce zonage, qui s'appuie sur une « photographie » sans réactualisation des difficultés sociales, urbaines et économiques des quartiers d'il y a dix ans, constitue toujours un critère de base dans le choix des priorités territoriales qui se dégagent des interventions de l'État.

S'agissant du volet « accompagnement social et humain », qui apparaît souvent secondaire en France par rapport aux opérations de reconstruction et de rénovation urbaine, auxquelles l'ANRU consacrera 30 milliards d'euros jusqu'en 2013, il importe de rappeler le rôle essentiel que joue dans ce domaine le tissu associatif dans les quartiers, qui mérite donc d'être conforté.

Cependant, il faut savoir différencier deux types d'associations et, donc, distinguer deux types d'approches.

De notre point de vue, les associations professionnalisées, souvent délégataires de services publics, doivent faire l'objet d'une approche plus qualitative. Au-delà des périodes d'évaluation, il convient d'instaurer une relation durable entre les associations et nos institutions, permettant des échanges constants tout au long de la réalisation des contrats d'objectifs.

L'État ainsi que toutes les institutions désireuses de s'impliquer dans la politique de la ville doivent être présents à chaque moment du projet, et pas seulement en fin de course, au moment de l'évaluation.

Le tissu associatif est un outil essentiel pour la cohésion sociale de nos quartiers. Cet outil, nous devons le conforter en sécurisant les moyens des associations, c'est-à-dire en les pérennisant, ce qui revient à établir avec elles une relation de confiance.

Parallèlement, pour les associations de quartiers qui mobilisent des bénévoles, nous préconisons de généraliser la mise en place d'outils plus réactifs, permettant le financement de micro-projets et renforçant les moyens destinés à la formation et la qualification des habitants.

J'en viens à deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et qui me semblent essentiels dans le débat qui nous occupe.

Si, de façon générale, investir dans la formation, le progrès des connaissances, la culture, est vital pour l'avenir de notre société, c'est encore plus vrai dans les quartiers difficiles, où l'investissement est non seulement financier, mais aussi humain, et de longue haleine.

J'aimerais rappeler ici les propositions de la commission Thélot sur l'école en matière de mixité sociale, propositions qui n'avaient malheureusement pas été retenues dans le projet de loi Fillon. Je m'étonne d'ailleurs que le rapport n'en fasse pas mention, car elles tendaient à promouvoir une politique ambitieuse de différenciation maîtrisée, c'est-à-dire de réduction volontariste des inégalités territoriales et sociales en allouant des moyens nettement accrus aux élèves confrontés aux difficultés sociales liées à leur environnement.

En outre, la commission Thélot insistait sur le recours à des procédures exceptionnelles. Je pense notamment à la constitution d'équipes pédagogiques motivées et stables, conditionnant le recours à des enseignants débutants au fait que ceux-ci se soient portés volontaires. Je pense aussi à des pratiques pédagogiques adaptées et innovantes, à la collaboration avec les partenaires de l'école.

À cet égard, je ne soulignerai jamais assez - j'avais déjà insisté sur ce point lors du débat consacré au projet de loi sur l'école - l'absolue nécessité de se pencher sur la question de la formation initiale et continue des enseignants : va-t-on continuer longtemps à affecter dans ces établissements les enseignants les moins aguerris, les plus jeunes, certes pleins d'enthousiasme, mais confrontés de plein fouet à des réalités auxquelles ils ont été mal préparés ?

Comme le montre le rapport, ce sont les jeunes enseignants à peine sortis de l'IUFM qui sont nommés dans les ZEP, ce qui explique, au passage, que celles-ci ne coûtent en fin de compte pas plus cher à l'État que les écoles de centre-ville.

Pourquoi ceux qui sont si prompts à prôner la suppression de la carte scolaire ne sont-ils pas aussi incisifs sur la question de l'affectation des enseignants non en fonction de leur ancienneté, mais de leur expérience ? Nous avons effectivement besoin, dans ces écoles, d'enseignants chevronnés, motivés, formés, qui constituent des équipes éducatives stables et solides.

S'agissant de la carte scolaire, même si elle est, en effet, devenue, du fait de la ségrégation spatiale, un instrument de ségrégation supplémentaire, sa suppression n'est pas pour moi la réponse : retrouver un collège paisible garantissant l'égalité des chances ne sera possible qu'avec un encadrement renforcé en professeurs expérimentés, en éducateurs, psychologues et surveillants, sans parler de la présence, ô combien importante, de la médecine scolaire ; c'est ce que propose le rapport, reprenant ainsi les amendements que nous avions défendus en mars 2005.

Tout se jouant très tôt, l'éducation des jeunes est la priorité des priorités, et je partage totalement l'analyse de notre collègue Pierre André à cet égard. C'est la raison pour laquelle nous sommes très favorables - c'était du reste une de nos propositions - aux expériences de « crèches-écoles » pour accueillir les enfants dès deux ans. Accueillir les enfants, oui, mais pas dans n'importe quelles conditions !

L'école est la clé de la réussite de ces quartiers, même si ce n'est pas à travers elle seule que l'on parviendra à remédier au phénomène de la ghettoïsation. Pour que la réussite soit possible dans ces quartiers, il faut implanter des filières d'excellence dans les écoles et instituer des structures de petite taille avec une pédagogie adaptée et une surveillance renforcée.

Accorder à l'école une priorité absolue est, en tout cas, essentiel s'agissant d'une institution dont la mission est de transmettre les valeurs de la République, qui ne sont ni celles de la rue ni celles de la « Star ac' », valeurs qui fondent le lien social et doivent être un outil d'épanouissement et de réussite.

J'en viens à la dimension culturelle.

Alors que le rapport, dans sa proposition 52, rappelle l'importance de l'accès à la culture, celle-ci est réduite, par ailleurs, à la portion congrue : une phrase, une phrase seulement, dans les 121 pages que compte le rapport ! Ce n'est même plus la cerise sur le gâteau, comme aime à le dire notre ministre de la culture ! C'est à l'image de la place qui lui était malheureusement réservée dès le projet de loi sur l'égalité des chances, en mars dernier. Souvenez-vous, mes chers collègues : la politique culturelle se résumait, pour le Gouvernement, à faciliter l'implantation des multiplexes !

Le groupe UDF avait quand même réussi à faire inscrire in extremis « l'accès aux savoirs et à la culture » dans les missions de l'ANCSEC, ce qui permet aujourd'hui très concrètement à certains préfets d'inscrire une ligne budgétaire pour ces actions.

Pourtant, le rôle de la culture, comme des pratiques sportives d'ailleurs, dans les quartiers en difficulté est un vecteur d'intégration, de construction d'une identité et d'apprentissage de règles collectives. Parce qu'elle contribue à la construction d'une identité commune, elle participe également au sentiment d'appartenance, au partage de valeurs communes et au pacte républicain. Or, les problématiques de démocratisation culturelle et d'accessibilité à la culture sont, je dois le dire, encore plus criantes dans les cités qu'ailleurs.

C'est pourquoi nous aurions aimé qu'une vision d'ensemble des politiques culturelles à mener dans ces quartiers soit développée autour de quelques axes forts.

C'est d'abord travailler à la mise en oeuvre d'une politique culturelle de proximité en incitant et en soutenant les collectivités locales à mettre en place et à bien répartir sur leur territoire des services publics culturels de proximité, qu'il s'agisse d'écoles de musique, de bibliothèques, de maisons des jeunes et de la culture ou de salles de spectacles.

Ces équipements sont des services de proximité mais ce sont aussi des lieux de rencontres et d'animations qui, s'ils sont bien constitués en réseau sur l'ensemble d'une ville, peuvent mener des actions de sensibilisation très ciblées.

C'est ensuite aider à l'implantation de grands équipements culturels structurants qui, fréquentés par l'ensemble des habitants de la ville, permettent aux quartiers de rompre leur isolement géographique, à l'exemple de la future médiathèque qui sera implantée dans un quartier inscrit en politique de la ville à Rouen ou de la salle des musiques actuelles à Perpignan, dont la réussite a été évoquée par notre collègue Jean-Paul Alduy lors d'une des auditions. Ce peut être aussi la mise en place dans un quartier d'un festival ou d'un événement référent. Ainsi, à Rouen, le cinéma d'été en plein air « Écran Total » attire désormais tous les habitants de l'agglomération.

Ce sont autant de façon d'ouvrir aux habitants l'accès aux pratiques culturelles. Toutes les actions de sensibilisation ciblées facilitent nécessairement l'accès à la culture.

Dans ce domaine, j'aurais d'ailleurs souhaité que le rapport fournisse une sorte de « livre blanc » des réussites, car il y en a : on pourrait s'inspirer des expérimentations menées ici et là, dont certaines mériteraient d'être pérennisées.

Enfin, comme je l'ai déjà fait lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances, je veux insister sur l'importance de l'éducation artistique et culturelle.

Évidemment, ces actions exigent des moyens. Aussi, nous proposons que soit créée une ligne budgétaire spécifique de droit commun dans la mission Culture du budget de l'État pour développer les initiatives culturelles dans les quartiers et que soit également prévue une ligne budgétaire spécifique pour les actions culturelles dans le budget de l'ANCSEC.

Enfin, subsiste le problème à l'évidence le plus important : l'emploi.

Des maux profonds restent à soigner, comme le désoeuvrement des jeunes que soulignait Pierre André. Dans ces quartiers, le taux de chômage des jeunes atteint ainsi entre 20% et 40%. Certes, il y a les contrats avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, mais c'est aux zones urbaines sensibles qu'il faut s'adresser, avec ce que cela suppose de travail plus ciblé quant à la manière de traiter la question du travail, celles de la discipline de vie, de la citoyenneté, et de favoriser la prise de conscience que le travail peut être un outil de réussite et de promotion.

C'est très tôt que tout se joue, et il faut réfléchir au moyen d'intensifier, de développer, tous ces programmes de prévention des difficultés qui associent famille, école, commune, travailleurs sociaux, police et qui permettent d'intervenir très tôt.

En conclusion, si notre groupe salue le travail de la mission et le diagnostic souvent juste qu'elle donne de la situation de nos quartiers, nous pensons que le rapport aurait pu déboucher sur des propositions plus ambitieuses, s'attaquant plus directement aux causes du « malaise » des banlieues, car les propositions qu'il contient nous semblent parfois insuffisamment novatrices ou manquer un peu d'originalité.

Or le propre de cet exercice parlementaire est bien de tracer des perspectives qui pourraient à l'avenir aider à rendre nos politiques publiques plus efficaces.

J'ajoute que la mise en oeuvre de ces politiques devrait transcender les traditionnelles frontières de la droite et de la gauche. Je crois en effet qu'après plusieurs décennies ce sujet qui a été traité par des gouvernements successifs, avec des échecs mais aussi avec des réussites indéniables, est trop grave, comme l'est aussi l'importance du nombre de Français qui se trouvent dans l'exclusion - plus de 4 millions ! - ou qui en sont menacés, pour que nous nous offrions le « luxe » d'une guerre de tranchées.

Plutôt que de « fêter » l'anniversaire des émeutes en banlieues, comme l'ont fait les médias ces derniers jours, d'une manière qui n'est pas toujours bien ressentie par les habitants de ces quartiers, qui sont toujours stigmatisés et qui craignent que cela n'incite à toujours plus de violences, il faut rassembler toutes les personnes de bonne volonté qui partagent les principes d'une politique moderne et rénovée pour une action soutenue et dans la durée.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord, en préambule, de saluer nos collègues Alex Türk et Pierre André en leurs qualités respectives de président et de rapporteur de notre mission commune d'information sur les quartiers en difficulté.

Tout au long de ces dix mois de travail sur ce sujet au coeur de l'actualité, ils ont su admirablement organiser les travaux de notre commission et faire en sorte qu'au-delà des divergences d'opinion qui se sont naturellement exprimées chacun puisse contribuer à cet important travail de réflexion et de proposition.

De ce travail, je retire plusieurs certitudes aussi bien sur les événements de l'automne dernier, qui furent à l'origine de la création de notre mission, que sur la politique de la ville en général et, enfin, sur la Seine-Saint-Denis, département dont je suis élu.

Première certitude, les événements de l'automne étaient bien directement et uniquement consécutifs à la mort des deux jeunes de Clichy-sous-Bois.

La thèse de comploteurs qui auraient « saisi » l'occasion de cet événement tragique pour déclencher une crise majeure dans nos banlieues n'a jamais été corroborée par aucun de nos interlocuteurs, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

...que ce soit du côté des forces de l'ordre ou de ceux qui, à un titre ou à un autre, ont vécu cette crise au coeur des quartiers.

En revanche, ce constat n'exclut nullement le fait qu'une certaine organisation, et même une organisation certaine, des affrontements avec la police se soit mise en place au fil des jours.

La surenchère aux voitures brûlées, par médias interposés, entre les différents quartiers a bien été une réalité qui ne doit cependant pas nous amener à prendre les conséquences pour les causes du problème.

Ceux qui penseraient aujourd'hui encore, comme certains - il y en avait - le faisaient à l'époque, qu'il aurait suffi de demander aux médias de s'autocensurer pour faire disparaître tout problème font à mon sens une lourde erreur d'appréciation.

Les médias ont une responsabilité importante : rendre compte des faits sans en amoindrir la réalité, ce qui pourrait être une tentation, mais également sans prendre le risque d'être instrumentalisés par les uns ou par les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Et, quand je dis « par les uns ou par les autres », cela vaut aussi bien pour les jeunes en mal de reconnaissance médiatique que pour les forces de l'ordre lorsqu'elles acceptent d'être accompagnées de journalistes pour intervenir au petit matin dans telle ou telle cité afin d'interpeller des présumés coupables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Pour autant, il serait tout aussi regrettable que nous tombions dans le travers inverse d'une minimisation de la réalité qui ne servirait pas plus la juste information de nos concitoyens sur laquelle repose en partie le bon fonctionnement de notre démocratie. En effet, comment faire admettre à la nation et à sa représentation parlementaire la nécessité d'un effort très important et continu en faveur de ces quartiers et de leurs habitants si elles n'en connaissent pas ou en connaissent mal la réalité ?

J'estime d'ailleurs que la réponse à la question de la prédictibilité des événements de l'automne 2005 se trouve d'abord dans ce constat de méconnaissance, par beaucoup de Français, de la situation de ces quartiers.

Dire que ces émeutes étaient prévisibles à la date à laquelle elles se sont produites ne semble pas très sérieux. Cependant, il était manifeste que la tension montait depuis plusieurs années et qu'une étincelle pouvait, à tout moment, mettre le feu aux poudres.

Les signes annonciateurs du malaise des banlieues et, plus particulièrement, de ces jeunes Français, pour beaucoup issus de l'immigration, avaient été nombreux et convergents.

Le 13 juillet 2005 au soir, pour la première fois à cette date, plus de 230 voitures avaient été incendiées en Seine-Saint-Denis. Cela ne c'était jamais vu à une telle échelle, hormis les soirs de 31 décembre. Était-ce un hasard ?

Le lendemain matin, à ma grande surprise, les médias n'en avaient quasiment pas parlé. Il avait fallu attendre les journaux de l'après-midi et du soir pour que cela soit simplement évoqué. C'était seulement trois mois avant les émeutes.

Et il y avait eu, quelques années auparavant, les sifflets de La marseillaise, au Stade de France, lors du match de football France-Algérie, sifflets que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à cette tribune.

C'était le signe évident du malaise profond qui affecte nombre de ces jeunes tiraillés entre deux cultures, entre deux nations, et qui, au bout du compte, n'ont plus le sentiment d'appartenir à aucune communauté si ce n'est à leur quartier, et encore...

C'est pourquoi discourir à n'en plus finir pour savoir si ces émeutes étaient plutôt sociales, plutôt ethniques, plutôt religieuses ou que sais-je encore ? me semble trop réducteur.

Ces émeutes ont d'abord démontré que beaucoup de ces jeunes n'ont plus aucun repère, plus aucun sentiment positif d'appartenance à une communauté quelconque, au point qu'ils en viennent à brûler la voiture du voisin, l'école où vont leurs petits frères, le gymnase où ils font du sport...

Le premier devoir des politiques que nous sommes est de démontrer à ces jeunes, au plus vite et par des actes, qu'ils sont bien des Français à part entière et qu'ils ont toute leur place dans la République.

Nous avons là une partie serrée à jouer, car nous savons bien que ceux qui ne partagent pas les valeurs de la République et qui voudraient imposer leurs vues communautaristes de la société sont là, en embuscade, et qu'ils utiliseront à leur profit toutes nos fautes, tous les retards que nous pourrions prendre dans la mise en oeuvre des politiques visant au rétablissement de l'égalité des chances.

À cet égard, les travaux de notre commission ont montré combien il était nécessaire d'agir fortement et dans la durée sur tous les volets de la politique de la ville : urbanisme, éducation, formation, emploi, lutte contre les discriminations, prévention et répression de la délinquance.

Je n'ai bien sûr pas le temps d'entrer dans le détail de toutes les nombreuses propositions du rapport sur chacun de ces volets, mais je souhaite évoquer devant vous celles qui me paraissent les plus importantes et formuler une proposition supplémentaire concernant la gouvernance en Île-de-France et, plus particulièrement, en première couronne parisienne.

Tout d'abord, concernant le programme national de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo, je crois bon de rappeler que jamais, je dis bien jamais, un effort financier aussi important - 30 milliards d'euros - n'avait été consenti sur une période somme toute assez courte au regard de la nature des problèmes traités.

J'ai d'ailleurs été assez stupéfait d'entendre notre collègue Jacques Mahéas parler de la « faillite » de la politique de la ville depuis quelques années. À quel moment une majorité de gauche a-t-elle ne serait que proposé un plan d'une si grande envergure ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. À quel moment a-t-elle doublé la DSU ? À quel moment a-t-elle augmenté le nombre de zones franches urbaines ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Vous rêvez ! Et le rapport Schwartz ? Et c'est vous qui venez nous donner des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

On a beaucoup entendu parler de Neuilly-sur-Marne. Eh bien, une zone franche urbaine vient d'y être créée ! Mes chers collègues, sur un tel sujet, il faut garder la mesure des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Si vous voulez être crédibles, il ne faut pas tenir des propos qui ne soient pas conformes à la réalité. Il y a des problèmes, vous avez raison de le dire, mais prétendre que la politique de la ville a été sacrifiée par le gouvernement actuel n'est absolument pas crédible !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Après avoir entendu depuis bientôt quatre ans beaucoup de critiques, ici même et dans la presse, les maires dont les communes sont éligibles aux projets de l'ANRU expriment aujourd'hui très largement, toutes tendances confondues, leur satisfaction.

Certes, comme toujours, il y a naturellement ici et là des difficultés à régler, mais, chacun le reconnaît, l'ANRU est un outil formidable et l'ampleur de ce plan est sans précédent.

Nous savons cependant, et cela ressort clairement dans le rapport sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine que Roger Karoutchi et moi-même avons rendu en juillet dernier au nom de la commission des finances, que les trois ou quatre années à venir seront celles qui nécessiteront le plus de crédits avec la véritable montée en charge des projets. C'est la fameuse « bosse » de l'ANRU, laquelle appellera des financements d'État à hauteur de plus d'un milliard d'euros par an sur cette période.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous proposions dans ce rapport, madame le ministre, de sanctuariser les crédits destinés à l'ANRU en recréant un fonds de renouvellement urbain qui aurait pu être alimenté - c'était une proposition - par les bénéfices exceptionnels de la Caisse des dépôts et consignations. Le rapport reprend cette idée de sanctuarisation sans toutefois entrer dans le détail.

Madame le ministre, afin de faire taire les inquiétudes, feintes, parce que, ne l'oublions pas, nous sommes en période électorale, ou bien réelles, il faudrait au plus vite nous dire comment l'État entend faire face à cette phase la plus consommatrice de crédits.

La rénovation urbaine et la transformation des quartiers les plus marqués par un urbanisme qui s'est très vite révélé inhumain et qui les a poussés au repli sur eux-mêmes constituent un des piliers de la politique de la ville. Plus personne ne le remet sérieusement en cause. Il faut à présent garantir son bon achèvement.

L'éducation est le deuxième pilier, tout aussi important que le précédent, de la politique de la ville. Dans ce domaine aussi, de nombreux propos ont été tenus ces derniers temps, dont certains m'effraient. Notre commission s'en est fait l'écho.

Tout d'abord, le débat sur la suppression de la carte scolaire me semble surréaliste.

Il faut ne pas connaître grand-chose au problème de mixité sociale à l'école pour affirmer tout de go qu'il suffirait purement et simplement de supprimer la carte scolaire pour faire disparaître cette difficulté !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Redessiner ces cartes en tentant de favoriser la mixité sociale, reconstruire des écoles - c'est possible dans un projet ANRU -, afin de sortir un établissement du coeur d'un quartier difficile, voilà, en revanche, des pistes sérieuses !

La suppression de la carte scolaire fait partie de ce catalogue d'idées simplistes, lancées généralement en période électorale à destination de tous ceux qui récriminent, de façon souvent contradictoire d'ailleurs, contre le système en vigueur, quel qu'il soit.

Donner des moyens supplémentaires importants aux écoles qui accueillent le plus grand nombre d'élèves issus de milieux défavorisés constitue une deuxième piste intéressante.

Les ZEP, les zones d'éducation prioritaire, allaient dans ce sens. Toutefois, il est temps, me semble-t-il, d'évaluer sérieusement ce dispositif et, probablement, de le modifier en profondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La mise en place des équipes de réussite éducative, fondée sur la décentralisation de moyens financiers importants, représente une approche nouvelle et prometteuse.

Il nous faut étendre largement ce dispositif, mais aussi, peut-être, nous inspirer des expériences étrangères qui visent à mettre en place des groupes de travail beaucoup plus resserrés autour des enfants les plus en difficulté, au lieu de constituer des classes plus ou moins homogènes au sein d'une même école.

Le rapport de la mission d'information insiste également sur la nécessité de généraliser et de renforcer l'encadrement des jeunes au-delà de 16 heures 30. Mes chers collègues, il s'agit là d'un impératif.

Pour les jeunes de nos quartiers en difficulté, comme pour les autres, il n'est pas d'accès à l'emploi possible sans une formation initiale solide. Cette mesure est probablement la plus importante de toutes si nous voulons remettre en marche l'ascenseur social.

La sécurité constitue un autre thème d'actualité largement évoqué dans notre rapport. La police de proximité, sa nature et les moyens dont elle disposait avant 2002, son organisation, ce qu'elle devrait être si elle était rétablie, ont été des sujets de préoccupation pour la quasi-totalité de nos interlocuteurs, et notamment pour les élus locaux.

Pour ce qui me concerne, par delà ce débat, je dois souligner qu'en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis c'est le nombre des policiers affectés dans nos commissariats qui m'importe le plus ! En effet, ces effectifs sont aujourd'hui moins importants - parfois nettement moins - qu'il y a quatre ans.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

C'est là un secret de polichinelle, que le préfet Cordet a eu raison de révéler, car tous les maires du département, droite et gauche confondues, le proclament.

Cette situation est probablement due - mais je ne fais que formuler une hypothèse, faute de chiffres et d'analyses précis -, à la création de la police des transports, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

...qui était une nécessité, ainsi qu'aux départs en retraite anticipés de certains fonctionnaires de police, qui craignaient d'être perdants à cause de la mise en place de la réforme du système des retraites.

Voilà pourquoi, madame le ministre, je propose, afin d'éviter les polémiques inutiles mais aussi de garantir une équitable répartition des moyens, que le Gouvernement joue la transparence complète en matière de chiffres, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

...et nous démontre ainsi qu'à situation égale les Français sont traités de la même manière quel que soit le lieu où ils habitent sur le territoire de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En effet, j'ai toujours été étonné de recevoir, à intervalles réguliers, des courriers du préfet du département dont je suis l'élu, qui m'annonçait l'arrivée de nouveaux fonctionnaires de police au commissariat dont ma commune dépend, alors que jamais il ne m'a écrit pour me faire part des départs. Pourtant le solde est aujourd'hui très largement négatif !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Dans les commissariats de la Seine-Saint-Denis, le compte n'y est pas ! Et je n'évoquerai pas la jeunesse, donc l'inexpérience, de nombre de fonctionnaires qui, sortis frais émoulus de l'École nationale de la police, se trouvent affectés dans les quartiers les plus difficiles.

Par ailleurs, chacun le sait, une compagnie de CRS déployée sur un terrain qu'elle ne connaît pas ne peut accomplir le même travail que des policiers de quartier au contact chaque jour avec la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il est donc plus qu'urgent de régler ce problème de sous-effectif, devenu chronique dans ce département, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

...car il a bien évidemment des conséquences très directes sur la hausse de la délinquance en Seine-Saint-Denis, qui constitue une réalité dramatique, aussi bien en raison du nombre des actes commis que de leur degré de violence.

En ce qui concerne la meilleure manière d'employer les effectifs de police, il faut, me semble-t-il, que ceux-ci se trouvent sur le terrain, sans pour autant négliger leur travail de police judiciaire, qui est fondamental pour élucider les affaires et tenter d'enrayer le développement de l'économie parallèle. Celle-ci, en effet, constitue l'un des principaux fléaux dans nombre de ces quartiers.

Enfin, mes chers collègues, puisque le temps de cette intervention m'est compté, je terminerai en formulant une proposition en termes de gouvernance - un terme qui a été souvent utilisé au cours de nos échanges, et qui apparaît également dans le rapport de la mission d'information, à propos, notamment, de la Seine-Saint-Denis.

En effet, j'ai bien cru à un moment - mais heureusement, je me trompais - que les élus locaux de ce département allaient se voir montrer du doigt comme étant les responsables de la situation que nous connaissons !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Certains de nos collègues ont même avancé l'idée selon laquelle c'était seulement dans le cadre de l'intercommunalité que pourraient se régler les problèmes de la politique de la ville, en Seine-Saint-Denis, mais également ailleurs.

Or, madame le ministre, en ce qui concerne la première couronne parisienne, et particulièrement la Seine-Saint-Denis, je ne suis absolument pas de cet avis !

Si vous regroupez des villes pauvres avec d'autres qui le sont tout autant, vous n'obtiendrez pas une intercommunalité riche capable de faire face aux difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Qu'est-ce qu'un bassin d'habitat, un bassin économique, un périmètre pertinent pour régler le problème des transports dans la première couronne parisienne ? Je défie quiconque dans cet hémicycle de me le dire !

Voilà pourquoi je pense que pour organiser les pouvoirs publics à la bonne échelle, s'agissant aussi bien du périmètre administratif que des moyens financiers, pour régler les problèmes qui se posent à nous, il faut non pas dissoudre les communes dans des intercommunalités, mais supprimer les trois départements de la petite couronne et celui de Paris afin de créer un « Grand Paris » ou une communauté urbaine d'un nouveau type - appelez-la comme vous voudrez.

Seule cette structure aurait la capacité d'affronter les problématiques si particulières de la région parisienne, puisqu'elle permettrait, notamment, de mutualiser le produit de la taxe professionnelle, dont nous savons bien que certains départements sont largement pourvus, ce qui n'est pas forcément le cas des autres.

Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis conscient qu'il faudra du temps pour qu'une telle proposition fasse son chemin, même si des élus de toutes sensibilités en sont désormais ouvertement partisans. D'ici à ce qu'elle soit mise en oeuvre, je suis donc tout à fait favorable à l'expérimentation de dispositifs dérogeants au droit commun dans le cadre des institutions actuelles. Le département de la Seine-Saint-Denis en aurait bien besoin, me semble-t-il.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, telles étaient les remarques et propositions que je souhaitais formuler aujourd'hui.

Après le drame de l'automne dernier et la mort de ces deux jeunes, il faut, comme le dit le proverbe, que du mal sorte un bien. Or ce ne peut être le martyre souffert par les deux femmes brûlées dans des bus, l'une à Sevran l'année dernière, l'autre à Marseille voilà quelques jours.

Le bien peut venir de cette prise de conscience de l'ampleur du problème posé que l'on sent se produire depuis un an dans tout le pays.

Le bien, ce sont les efforts maintenant visibles de lutte contre les discriminations.

Le bien, c'est enfin la réaction de nombre de jeunes et moins jeunes vivant dans ces quartiers en difficulté, qui expriment leurs souhaits mais rejettent la violence.

Je crois pouvoir dire sans me tromper que l'immense majorité des jeunes de nos quartiers dits sensibles aspirent à être des Français comme les autres, avec des droits mais aussi, bien sûr, des devoirs. À nous de leur démontrer que c'est possible sous les auspices de la République. À eux de savoir saisir les chances que la société doit offrir à chaque jeune.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre société est en crise et ce n'est pas un fait nouveau. Cette crise perdure depuis bientôt trente ans et a atteint notre pays dans ses profondeurs, dans ses structures mêmes.

En découlent le chômage, la chute du niveau de vie de la plus grande partie de la population et l'accroissement des inégalités, puis - le processus est connu - l'apparition d'une société à plusieurs vitesses, où le plus grand nombre rencontre des difficultés croissantes dans l'accès aux soins, à la protection sociale, aux études et à la culture, au logement et à la sécurité.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une urgence sociale. Celle-ci, bien entendu, concerne en premier lieu les populations les plus exposées au mal-vivre de ce début de XXIe siècle - ce siècle qui aurait dû être, et pu être, conformément à nos rêves d'enfant, celui du progrès au service de tous. Mais elle concerne aussi, et surtout, notre société tout entière.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il n'est pas possible de concevoir la nécessaire reconstruction des quartiers sans une refondation de notre société.

Mes chers collègues, la situation est grave, l'urgence est là, et tout légitimait la mise en place d'une mission d'information sur la situation dans les quartiers difficiles.

Toutefois, nous limiterions d'emblée la portée de cette mission si nous persistions à considérer qu'une solution, dans un tel environnement économique et social, existe à la seule échelle d'une ville ou d'un quartier.

Ces remarques préalables me semblent nécessaires afin d'apprécier à leur juste valeur les différentes politiques de la ville mises en place depuis 1982, dont nous ne sous-estimons aucunement l'utilité, mais que nous ne souhaitons pas isoler du contexte politique, économique et social, à l'échelle nationale.

Il faut parler clair ! Ce n'est pas la politique de la ville qui réparera à elle seule les dégâts de la politique de désertification industrielle ou de casse des services publics.

La politique nationale se trouve bien à l'origine de la montée des inégalités en France, qui se concrétise à présent au niveau local.

L'écart se creuse entre les communes riches et celles qui sont confrontées à de graves difficultés sociales. Comment accepter, et il s'agit pas là d'une caricature, qu'une ville comme Neuilly-sur-Seine, dont Nicolas Sarkozy a longtemps été le maire, n'accueille sur son territoire que 2, 5 % de logements sociaux, alors que dans cette commune près d'un habitant sur cinq paie l'ISF, contre un pour mille à Saint-Denis ?

Les inégalités en France sont là, puisque 60 % des salariés, tous secteurs confondus, gagnent moins de 1 600 euros nets par mois, et que 47 % des familles monoparentales disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté avant le versement des diverses allocations.

Dès lors, comment ne pas percevoir le scandale que représente l'envolée du CAC 40, qui s'est accru de 50 % en 2005 - de combien augmentera-t-il en 2006 ? - au regard de la stagnation, voire de la régression des salaires, souvent rognés par l'augmentation des cotisations sociales ?

Les primes de départ de plusieurs millions d'euros versées à certains P-DG ne sont-elles pas autant d'insultes pour les milliers de salariés qui ne savent comment régler les factures de fin de mois ?

Les quartiers difficiles, ce sont avant tout des vies difficiles ; ils reflètent une société dure pour le peuple et généreuse pour ceux qui ont déjà beaucoup. Mes chers collègues, il faudra nous attaquer à ce système qui permet une croissance sans frein des produits du capital et bride les revenus du travail.

Ces quartiers, ces villes, sont avant tout victimes d'un système qui nie l'égalité et la justice sociale. Même si ce n'était pas son objet, la mission d'information s'est trouvée confrontée directement aux conséquences que la politique libérale menée depuis quatre ans entraîne pour la vie de nos concitoyens les plus défavorisés.

En témoignent les lois de finances qui, systématiquement, favorisent les plus hauts revenus, la baisse de l'impôt au profit des plus riches ou encore les réformes des retraites et de l'assurance maladie, qui sont de terribles régressions, puisque seuls les citoyens les plus aisés pourront vieillir dignement et se soigner dans de bonnes conditions.

Or qui a voté ces lois et ces budgets ? Chacun le sait dans cet hémicycle ! Quant aux lois de décentralisation libérales, elles cassent l'ossature des besoins publics, brisent l'unicité de la République et mettent en concurrence les territoires.

Comment lutter pour améliorer la situation dans certains quartiers dès lors que l'on accepte de jeter aux orties l'idée même de solidarité nationale ?

Nombreux sont ceux, sur toutes les travées de cet hémicycle, qui savent que les collectivités territoriales se trouvent dans l'impossibilité de faire face aux missions immenses qui leur ont été conférées, rappelez-vous, mes chers collègues, par les lois Raffarin !

Alors que beaucoup parlent d'effort national pour les quartiers en difficulté, c'est en réalité le chacun pour soi que la majorité du Parlement a voté, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

Or, selon nous, il ne peut y avoir deux discours, un pour les missions d'information et l'autre pour expliquer le vote sur des textes qui ont organisé une véritable restauration libérale dans notre pays.

Pour conclure ces remarques d'ordre général, comment améliorer la vie dans les quartiers difficiles ? Le « tout-privé » et la concurrence érigée comme principe sacro-saint vont à l'encontre des idées de reconstruction et même d'intérêt général.

Ainsi, la phase finale du décès de la poste est programmée. Mes chers collègues, croyez-vous qu'il s'agisse d'une bonne nouvelle pour les quartiers difficiles ?

La hausse vertigineuse des factures de gaz comme la privatisation de GDF constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?

L'anarchie croissante dans le domaine des télécommunications, la désintégration du service public de l'audiovisuel, les suppressions massives de postes dans l'éducation nationale constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?

Enfin, les menaces à peine voilées contre les services publics de transport constituent-elles de bonnes nouvelles pour les quartiers difficiles ?

Ces réformes de fond, encadrées par un processus de stigmatisation des populations concernées, des gens modestes, augurent mal d'une volonté de s'attaquer aux racines des problèmes, bien au contraire !

À partir de ce constat général, le groupe communiste républicain et citoyen avance des propositions qui susciteraient des effets immédiats, et dont certaines ont été retenues par la mission d'information.

Mes chers collègues, je souhaite vous rappeler les grands axes de nos propositions et certaines des mesures qui, selon nous, apporteraient une réponse cohérente aux difficultés des villes, des quartiers et des populations qui y vivent.

Premièrement, dans le domaine de l'emploi et du pouvoir d'achat, il est nécessaire de porter un coup à la précarité, dans le public comme dans le privé, ce qui doit commencer par l'abrogation du CNE, le contrat nouvelle embauche, et par l'augmentation du SMIC à 1 500 euros.

Nous proposons également de créer une allocation d'autonomie pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans et de rendre immédiatement obligatoire l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.

Deuxièmement, il faut lutter contre toutes les discriminations, dans le domaine du logement, de l'éducation, de l'emploi, des salaires, de la culture. Les sanctions contre les discriminations liées au sexe, aux origines, aux lieux d'habitation, aux opinions ou aux croyances devront être renforcées.

Il faut, une fois pour toutes, accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales pour les citoyens étrangers non communautaires.

Troisièmement, il faut imposer un droit opposable au logement. Parmi les nombreuses propositions que le groupe CRC formule sur ce point, j'insiste sur l'absolue nécessité de construire 600 000 logements à loyers modérés sur cinq ans, des PLUS et des PLAI.

Il est impératif de tripler les sanctions contre les communes qui ne respectent pas l'obligation de 20 % de logements sociaux, et d'établir l'inéligibilité des maires qui refusent d'appliquer la loi SRU. Il est également nécessaire de rendre obligatoire la création d'un poste de gardien d'immeuble pour cent logements.

Quatrièmement, l'État doit de nouveau investir dans le financement des transports collectifs. La gratuité pour les demandeurs d'emplois, le désenclavement de quartiers aujourd'hui isolés et la lutte contre la déshumanisation de ce service public sont parmi nos principales propositions.

Cinquièmement, s'agissant de l'école et de la formation, il convient d'accroître l'accueil dès deux ans à la maternelle, de créer des postes de médecins, d'infirmières et de psychologues scolaires, de rendre obligatoire l'accueil des élèves en stage ou en formation en alternance dans les entreprises de plus de vingt salariés. Il faut encore renforcer le lien entre la famille et l'école, et revaloriser les bourses universitaires nationales. Ces propositions constituent certaines mesures d'urgence pour permettre l'accès à la formation. Je note que la politique des gouvernements Raffarin et Villepin, en place depuis 2002, a fait le contraire.

Sixièmement, il faut donner aux collectivités territoriales les moyens de faire face. La politique de contrat de ville menée dans les quartiers difficiles est de plus en plus directement supportée par les budgets des communes concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Les statistiques l'illustrent, et le rapport que nous examinons aujourd'hui, mes chers collègues, le confirme.

Il faut inverser cette tendance. S'agissant de la Seine-Saint-Denis, dont il est beaucoup question lorsque l'on évoque les quartiers difficiles, il est primordial de répondre enfin au plan d'urgence déposé par des maires, des parlementaires et le président du conseil général.

Septièmement, la sécurité doit être fondée sur un axe alliant concertation, sanction et prévention, dans le respect des principes républicains. C'est bien entendu la prévention qui est aujourd'hui à l'abandon. C'est pourquoi il faut rétablir la police de proximité : les membres de la mission d'information commune ont voté à l'unanimité l'urgence d'une telle mesure. Sur ce sujet, ce rapport apporte un désaveu cinglant à la politique du ministre de l'intérieur : ce ne sont ni les CRS ni les brigades anti-criminalité qui pourront renouer le contact au quotidien dans les cités les plus difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il est nécessaire de prendre à contre-pied la politique du ministre de l'intérieur, qui - vous le savez tous, mes chers collègues - a attisé les conflits et utilisé la désespérance des cités comme fonds de commerce électoral. Le rôle d'un ministre de l'intérieur n'est pas de souffler sur les braises ; il est au contraire de les éteindre !

Un effort doit être accompli pour rétablir les effectifs de police et de gendarmerie dans les villes et dans les quartiers difficiles, et - j'insiste sur ce point - pour assurer leur maintien permanent et leur formation. Dans tous les commissariats des villes dites sensibles, il manque entre 20 % et 30 % des effectifs. Dans ma commune, trente-cinq postes de fonctionnaires sur cent vingt-huit ne sont pas pourvus !

Le rapport comporte, à la page 234, un tableau indiquant l'évolution des effectifs de la sécurité publique en zone très sensible entre 2002 et 2006. Les chiffres sont saisissants ! Ils révèlent une baisse de 8, 52 % s'agissant du corps de conception et de direction, et un infléchissement de 11, 01 % pour le corps des officiers. En ce qui concerne le corps d'encadrement et d'application - cela correspond aux effectifs que vous souhaiteriez voir dans vos villes, mes chers collègues -, on observe une hausse de 0, 98 % seulement - en cinq ans ! -, et une augmentation de 9, 76 % pour le corps des administratifs, qui est le moins important. Enfin, les effectifs des adjoints de sécurité diminuent de 44, 70 %.

En d'autres termes, la politique de M. Nicolas Sarkozy, depuis 2002, se traduit, tous effectifs compris - qu'il s'agisse des personnels administratifs ou de terrain -, par une progression de 0, 44 %, c'est-à-dire rien ! Nous sommes loin de la parole aux actes : chacun peut en faire le constat dans sa ville, dans son département, dans son quartier.

La justice, quant à elle, doit être dotée en urgence des moyens nécessaires à la mise en application immédiate des jugements que prononcent les tribunaux, notamment les tribunaux pour enfants. Nous n'acceptons d'ailleurs pas les propos scandaleux qu'a tenus le ministre de l'intérieur à l'encontre de la justice. Chacun a conscience aujourd'hui qu'ils visent à masquer son échec personnel !

La logique de réduction des dépenses publiques défendue par le Gouvernement et la majorité ne permettra pas ces remises à niveau et ces évolutions. Prétendre le contraire serait une contrevérité. Nous verrons, mes chers collègues, les votes de chacun lors de l'examen du budget de l'État et de celui de quelques budgets spécifiques, comme celui de la police et de la sécurité. Nous verrons également ce que ces budgets prévoient.

En formulant ces quelques propositions d'intervention immédiate à destination des quartiers difficiles, je souhaite mettre en exergue l'ampleur de la tâche. Notre attitude ne relève pas de l'utopie, vous le voyez : elle s'inscrit dans une approche radicalement différente de la politique économique et sociale qui est actuellement menée dans notre pays.

Pour répondre à l'urgence sociale, pour éviter une fracture définitive dans notre société, il faut destiner les richesses, qui sont immenses, à la résolution des problèmes que vous êtes nombreux aujourd'hui à souligner, à disséquer, à analyser, sans pour autant les prendre à bras-le-corps. Cette redistribution des richesses constituerait enfin une rupture avec la politique qui sévit depuis cinq ans, qui sert les intérêts privés d'une élite financière, c'est-à-dire les plus riches, au détriment de l'intérêt général, c'est-à-dire du peuple.

Telles sont, mes chers collègues, les orientations que le groupe communiste républicain et citoyen a apportées au travail de cette mission d'information commune. Nous formulons une exigence simple : reconstruire la solidarité nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois d'auditions, de déplacements, de rencontres et d'échanges, le constat de cette mission d'information commune peut se résumer en ces termes : les quartiers difficiles sont devenus des ghettos urbains, dans lesquels vivent ceux qui n'ont pas les moyens d'aller ailleurs. La ségrégation spatiale devient exclusion sociale, et l'accumulation des difficultés interdit aux habitants de se projeter dans l'avenir.

Un an après les émeutes de 2005, la situation n'a pas évolué. La mixité sociale reste un mythe, les habitants sont désabusés et de plus en plus désespérés. Non seulement ils souffrent de l'accroissement des inégalités, et sont les principales cibles des violences qu'elles soulèvent, mais ils sont en plus victimes de la stigmatisation que cette violence récurrente engendre dans la société.

On n'a jamais autant parlé d'égalité des chances ; pourtant la machine à exclure tourne à plein régime. C'est parce que ces habitants en sont bien conscients que, régulièrement, leurs quartiers explosent. En effet, aujourd'hui comme hier, la violence se nourrit du désespoir.

Comment arrêter de fabriquer de la pauvreté ? Voilà la seule question qui mérite d'être posée, mais elle n'est toujours pas au coeur de l'action politique.

Les jeunes de nos banlieues désirent ce que souhaitent tous les jeunes : acquérir un logement, trouver un travail, à terme fonder une famille. Ils veulent les mêmes chances de réussite, quels que soient leur quartier ou leur origine.

Le travail effectué par la mission d'information commune est-il en mesure de changer réellement les choses ? Nous le souhaitons tous ardemment, j'en suis convaincue, mais il est permis d'en douter. En effet, il ne semble pas que le Gouvernement soit résolu à déployer sur le terrain les moyens nécessaires : un catalogue de préconisations ne fait pas une politique, et les bonnes intentions affichées ne se traduisent pas en priorités d'action.

Plus qu'un catalogue de propositions, c'est un véritable pacte républicain qu'il est temps de promouvoir. L'État doit réinvestir massivement dans les quartiers ; s'il lui faut une feuille de route, qu'il se fie à l'expérience des élus de banlieue !

Tous les parlementaires de la mission d'information commune considèrent qu'il faut des moyens spécifiques en Seine-Saint-Denis. La situation n'est pas nouvelle : les élus tirent la sonnette d'alarme depuis des années. Pourquoi avoir attendu pour agir ? Depuis combien de temps le maire de Clichy-sous-Bois demande-t-il un commissariat, une CAF, une ANPE ? Parler de la République dans les quartiers, c'est d'abord la faire exister au quotidien.

Tous les élus auditionnés, quelle que soit leur couleur politique, regrettent la suppression de l'îlotage et réclament le retour d'une police de proximité, qui crée un autre rapport police-habitants, et permet un rappel quotidien à la loi. Qu'attendons-nous pour réintégrer les îlotiers dans des locaux qui existent toujours, mais qui sont vides ?

Que de temps perdu à cause d'un ministre, tout-puissant, qui, débarquant dans ses fonctions, choisit de défaire ce qui a été mis en place avant lui, sans prendre le temps de réfléchir ou d'écouter les acteurs de terrain !

En matière de logement, je citerai deux chiffres du rapport, qui sont emblématiques de la situation.

« En région parisienne, 5 % des communes détiennent 75 % du parc social. » Ainsi, à Sarcelles ou à Villiers-le-Bel, le parc immobilier est constitué à 60 % de logements sociaux ; celui de Neuilly-sur-Seine, au contraire, en compte moins de 3 %. Là encore, est-il besoin de philosopher sans cesse ? Combien de temps faudra-t-il attendre pour que la loi soit appliquée ? Comment éviter la multiplication des ghettos, si l'on ne se montre pas coercitif en la matière ?

« On estime aujourd'hui à 600 000 le nombre de logements situés dans des copropriétés en difficulté. » Le rapport de la mission d'information commune fait état de diverses mesures, souvent pertinentes, pour leur venir en aide. Il faut savoir que, si ces familles deviennent propriétaires alors qu'elles n'ont pas les moyens de faire face aux charges d'entretien de leur copropriété, c'est que, paradoxalement, leurs revenus sont trop bas pour accéder à la location dans le parc social. L'inadéquation entre les revenus des habitants et les conditions d'accès au logement social est, en effet, de plus en plus forte.

La montée de l'échec scolaire dans les banlieues constitue un autre facteur d'inquiétude, alors que l'éducation est la base de toute intégration réussie. La description d'expériences menées dans des quartiers pauvres aux États-Unis ou en Grande-Bretagne montre que le fait de baisser les effectifs des classes à quinze élèves et d'y adjoindre plusieurs encadrants - notamment un qui est chargé d'assurer le lien entre l'école et les parents - a des répercussions très positives sur la réussite scolaire des enfants, comme sur leur comportement à l'école et hors de l'école. Ne peut-on s'inspirer de ces études pour renouveler notre approche de l'éducation en zone urbaine sensible ?

Il est aujourd'hui temps de réinvestir ce lieu privilégié qu'est l'école dans les ZEP. Cela concerne autant la baisse des effectifs pour mieux apprendre que l'augmentation de l'encadrement adulte pour apprendre à être.

Que dire encore des discriminations que subissent les habitants des quartiers ! À compétences égales, il est extrêmement difficile de trouver un travail ou un logement, quand on n'a ni le bon nom, ni la bonne couleur, ni la bonne adresse. Or les discriminations de tous ordres sont insupportables. Ce sont des injustices quotidiennes, qui détruisent l'estime de soi et ne peuvent à terme que provoquer l'agressivité, voire susciter la haine.

Il est plus que temps d'agir. C'est là où s'accumulent toutes les inégalités que doivent se concentrer les actions les plus volontaristes. Il faut donner plus de capital public à ceux qui n'ont pas de capital privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

C'est le seul moyen de rendre aux habitants des quartiers l'espoir d'une égalité des possibles.

Donner plus de capital public, c'est investir massivement dans les zones d'éducation prioritaire : l'école doit être un « lieu ressource » où se concentrent les actions de l'État. C'est donner les moyens aux jeunes de poursuivre des études, en leur accordant des bourses dignes de ce nom ou en les dotant d'un capital de départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Donner plus de capital public à ceux qui n'en ont pas, c'est adapter les loyers du parc social à la réalité des revenus de leurs habitants. C'est densifier l'offre de transport collectif pour casser l'enfermement urbain.

Donner plus de capital public, c'est rattacher les avantages économiques des entreprises à la personne et pas seulement au territoire. C'est conditionner les aides versées aux entreprises à un effort citoyen, à savoir l'obligation de donner leur chance aux habitants des zones urbaines sensibles. C'est faire de la non-discrimination à l'embauche un critère d'appréciation de l'attribution des aides.

Alors, oui, autour de ces quelques mesures, il est possible de faire bouger les lignes, de ranimer l'espoir, de changer la donne et, enfin, de remettre la société française en mouvement. C'est en misant sur les quartiers et sur leurs habitants que l'État fera vivre notre modèle républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir dépend de la façon dont on perçoit le potentiel de la jeunesse qui se trouve dans nos villes.

Derrière le petit noyau de perturbateurs, il y a la masse de tous ceux et de toutes celles qui espèrent en l'avenir, et les institutions offrent leur chance à tous ceux qui leur accordent respect. Le Sénat, en acceptant cette mission, veut offrir cette chance à toutes celles et à tous ceux qui veulent la saisir.

C'est dans cet esprit que je souhaite saluer le formidable travail accompli par le président et le rapporteur de notre mission d'information, qui ont su tirer, de l'écoute des multiples acteurs de ce dossier et des nombreux déplacements sur le terrain, enseignements et recommandations susceptibles d'améliorer réellement la vie des femmes, des hommes et des enfants qui habitent ces quartiers.

En effet, cette mission n'a pas failli, car elle n'est pas tombée dans un écueil ô combien dangereux : l'immédiateté. Après l'émoi causé par les violences de l'année dernière, le risque était grand de vouloir répondre dans le temps médiatique et non dans le temps politique, de soigner le symptôme - la voiture qui brûle devant les caméras - et non le mal - la détresse des personnes qui vivent, grandissent ou élèvent leurs enfants aux pieds des tours.

Si je vous dis cela, c'est en tant que membre d'une commission des affaires sociales qu'habite l'exigence d'une politique de la ville pertinente et efficace, pour souligner deux aspects majeurs de ce rapport : la nécessaire ténacité dans les principes et dans l'action ; le rôle fondamental et incontournable de la prévention précoce, notamment par l'école et les familles.

Premier enseignement donc : seule une grande ténacité dans notre politique permettra des progrès véritables. La mission le souligne fortement, les politiques de la ville initiées depuis une quinzaine d'années portent peu à peu des fruits que les violences de l'année dernière ne doivent pas occulter. Là est la ténacité : construire le « vivre ensemble », pas à pas, et ne pas baisser les bras devant l'actualité, parfois trompeuse et décourageante.

Les propositions de la mission d'information sont riches de cette volonté : adopter un « objectif de 100 % d'activité pour les jeunes des quartiers en difficulté » - proposition 26 -, « développer l'accession sociale à la propriété dans les ZUS » - proposition 8 -, « faire émerger des pôles de développement économique » - proposition 12 -... Sans aller plus loin dans l'énumération, je tiens à souligner que ces propositions ambitieuses requièrent continuité d'attention et ténacité dans l'action.

Une politique au coup par coup, dictée par l'urgence, serait inefficace : seule une action de long terme, qui réclame donc beaucoup de sang-froid de la part du responsable de la cité, dont le bilan est sans cesse attendu, est à la mesure de ces enjeux.

Je prends ici pour exemple la dernière proposition que j'ai citée : attirer les entreprises dans les ZUS. Que voit l'entrepreneur qui pourrait, justement, s'y installer ? Il peut s'y perdre : des acteurs multiples aux motivations et aux moyens d'actions multiples. Pour accompagner le choix de cet entrepreneur, l'ensemble de ces acteurs doit avoir une approche cohérente et concertée. Il s'agit, en somme, de réconcilier les projets du public avec les exigences du privé, la rénovation urbaine avec le développement économique.

La mission propose des moyens concrets pour atteindre ce but : lancer des appels à projets dans les quartiers sensibles, solliciter les avis des associations d'entrepreneurs sur les projets de rénovation urbaine... Utilisons-les dès maintenant et sachons nous y tenir, car ils ne seront efficaces que dans la durée.

Mais si la politique de la ville doit être déterminée et résolue, elle doit surtout être pertinente et s'intéresser non seulement aux murs, mais surtout aux hommes qui les habitent.

C'est là le deuxième enseignement majeur de cette mission : oui, le logement, oui, les services publics, oui, le développement économique, mais cette politique de l'environnement urbain n'a de sens que si elle s'accompagne d'une politique pour l'homme qui y vit.

Parce qu'elle touche au développement physique et social de la personne, dès le plus jeune âge et tout au long de sa vie, cette exigence ne peut passer que par une politique de prévention précoce fondée sur le message éducatif.

« Mieux répondre aux besoins prioritaires d'éducation », telle est la deuxième orientation préconisée par la mission d'information. Certaines des propositions sont fondamentales à mes yeux : « Développer les structures d'accueil de la petite enfance », proposition 17, « Faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle », proposition 19, « Clarifier le pilotage du partenariat éducatif local », proposition 22, « Développer la prévention sanitaire au niveau de l'école primaire, des crèches et des centres de protection maternelle et infantile, en associant et en sensibilisant davantage les parents », proposition 49...

Toutes ces propositions témoignent de la même idée : un message éducatif clair et compris par l'enfant est la clef d'une société harmonieuse, surtout dans des zones où la concentration de population est importante.

Le rapport à soi, aux autres et au monde ne s'improvise pas, il s'apprend au sein de la famille et à l'école. C'est pour avoir démissionné la famille et l'école de leurs fonctions essentielles, à savoir fixer les repères et transmettre l'essentiel, la règle du respect, que nous en sommes peut-être là. C'est aussi pour avoir démissionné la famille de la prise en charge de toutes ces vulnérabilités qu'elle accueillait auparavant et confié celle-ci au collectif que nous en sommes là, aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Tous les spécialistes de la petite enfance et de l'enfance, les pédopsychiatres, s'accordent sur un point : si, dès le plus jeune âge, l'enfant apprend à vivre avec les autres, il lui sera plus facile, ensuite, de construire une vie sociale fondée sur la confiance et non sur le refus de l'autre, dont la violence est une traduction.

Certes, les effets d'une telle politique se voient moins rapidement que la construction de logements. Ce sont des approches pourtant complémentaires d'une même volonté : permettre à des hommes et à des femmes d'habiter harmonieusement un lieu. Là encore, les acteurs et les pistes sont nombreux, reste l'exigence de substituer à une politique du béton une politique de l'homme.

M. Thierry Repentin applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

C'est la raison pour laquelle il n'est pas honteux, monsieur Mahéas, d'accueillir dans sa commune des centres d'hébergement pour SDF ou pour jeunes en situation de délinquance.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Nous sommes la cité de l'abbé Pierre ! Nous assumons notre solidarité, alors pas de provocations !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

J'ai souvenir, il y a quelques années, que la région parisienne envoyait à Paris les plus précaires, tant la politique conduite par Jacques Chirac et Jean Tibéri était un laboratoire social. Peut-être, aujourd'hui, assiste-t-on au mouvement inverse : Paris vers la périphérie. Il s'agit non pas de comptabiliser l'accueil de la précarité, mais de d'accueillir celle-ci avec respect.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je tenais à faire quant au rapport de la mission d'information.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Ah, les bien-pensants qui veulent donner des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parti sur l'idée d'une remise en cause pure et simple de l'utilité de la politique de la ville, l'important travail d'auditions et de déplacements effectué par la mission a fait évoluer le parti-pris initial de la majorité qui reconnaît in fine dans son rapport que la politique de la ville a permis de limiter le processus de ségrégation, mais pas de lutter contre ses causes profondes. Autre consensus auquel les travaux de la mission auront permis d'aboutir : nos quartiers en difficultés exigent un effort permanent, une mobilisation de tous les dispositifs et de tous les acteurs concernés.

Mais, malgré l'objectif que vous lui avez assigné en préambule, monsieur le rapporteur, votre rapport est bien loin de faire oeuvre novatrice. Et cette observation vaut tout particulièrement pour le chapitre consacré à l'éducation. Si, globalement, le constat de la situation de l'école, notamment dans les zones d'éducation prioritaire, n'appelle pas de critiques majeures, il n'en va pas de même du système explicatif avancé, qui peut être qualifié de peu rigoureux, surtout quand l'idéologie semble se substituer à l'analyse.

Ainsi, à propos du « nivellement par le bas » induit par la concentration de publics en difficulté, les exigences du sens du travail et de l'effort scolaires seraient, selon le rapport, passées au second plan « sous l'effet d'une ?illusion pédagogiste? qui s'est focalisée sur l'attractivité et la variété des activités, l'innovation de méthodes modernes, ludiques et ?actives? d'apprentissage. » Les enseignants, qui, chaque jour, se frottent à ces publics en difficulté, apprécieront cette simplicité de vue. Eux le savent mieux que quiconque, lorsqu'on a laissé dans un même endroit se concentrer des élèves en difficulté sur le plan social ou victimes de ségrégation ethnique, enclencher une dynamique pédagogique est beaucoup plus difficile qu'ailleurs.

On le sait pertinemment et depuis longtemps, lorsque l'on constitue de manière permanente des groupes de niveaux faibles dans un établissement, on obtient des résultats plus faibles que dans des classes hétérogènes ; c'est pourtant la pratique actuelle. À une autre échelle, le phénomène est le même quand c'est l'établissement entier qui est de niveau faible. Dans ces conditions, et malgré l'implication et les efforts des enseignants, le niveau scolaire atteint dans ces zones difficiles est alors sensiblement plus faible qu'ailleurs.

En effet, sur un fond d'incivilités et de violences qui ne contribuent pas, en outre, à rendre ces établissements attractifs, le rythme scolaire est souvent plus lent. Les travaux effectués sont moins denses et le niveau d'exigences, en définitive, moins élevé qu'ailleurs. De fait, dans certains établissements, le temps et les moyens passés à « pacifier » la vie scolaire sont autant de temps et de moyens perdus pour les apprentissages. La réalité du terrain, c'est celle-là, et non pas une prétendue « illusion pédagogiste ».

De même la « ghettoïsation urbaine, la fragilisation des familles, la crise des valeurs et de l'autorité, le chômage, la désespérance sociale » sont avancées comme des éléments « qui amplifient les défaillances du système ». Or ces éléments sont à la source des défaillances du système, plus qu'ils ne les amplifient. La preuve en est que notre système scolaire réussit très bien dans les ghettos de riches. Pour que le Sénat fasse oeuvre utile, le rapport de la mission aurait dû, premièrement, se fonder sur une analyse approfondie et rigoureuse et, deuxièmement, en dégager un ensemble de propositions cohérentes.

Ainsi, le rapport fait état de l'implication, de la stabilité et de l'expérience des enseignants comme facteur de réussite dans les ZEP, mais peu de propositions en sont tirées pour y lutter contre le turn over enseignant, que ce soit en termes de formation, d'accompagnement ou d'organisation de la carrière des enseignants.

Dans ses propositions sur l'école, je regrette que le rapport laisse de côté des leviers très importants et qu'il ne nous permette pas d'apporter un ensemble de réponses cohérentes à la question suivante : comment passer de l'égalité théorique de l'école à l'égalité réelle, quand les conditions de réussite dans l'enseignement dépendent de plus en plus des conditions sociales ? En effet, si le contexte dans lequel prend place la scolarité affecte bien la réussite, son poids reste cependant très inférieur à celui de l'origine sociale des élèves. Face à ce déterminisme social, assurer l'égalité des chances, c'est avant tout modifier les conditions inégalitaires initiales dans lesquelles se trouvent les individus, afin de leur donner des chances égales dans la vie et de rendre la mobilité sociale possible pour chacun.

Dès la maternelle, les jeunes enfants abordent l'école avec des prérequis très inégaux. Or les acquis scolaires présentent un caractère fortement cumulatif et ces inégalités initiales ne sont jamais rattrapées. C'est pourquoi nous considérons que c'est une priorité pour l'école que d'engager des actions précoces et ciblées pour corriger le plus tôt possible ces inégalités de départ. C'est d'ailleurs ce que nous vous avions déjà proposé lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances.

La lutte contre la reproduction des inégalités à l'école doit commencer dès la maternelle, et particulièrement au moment de l'élaboration de l'univers linguistique des enfants, parce que l'école maternelle est le seul lieu ouvert à tous les enfants, et celui qui présente le plus fort impact sur les possibilités d'accès à une culture commune. Mais, dans les conditions d'accueil actuelles, la préscolarisation est considérée malheureusement comme une variable d'ajustement des moyens et ne peut donc pas répondre à une véritable stratégie scolaire.

La scolarisation précoce, pour jouer son rôle de lutte contre les inégalités linguistiques, exige des conditions d'accueil spécifiques. Nous avons besoin d'une politique volontariste et ambitieuse en ce domaine, fondée sur le développement de structures adaptées pour accueillir les deux / trois ans, et ce prioritairement dans les zones défavorisées et en direction des enfants qui n'ont jamais fréquenté de structure collective.

L'objectif est triple : d'abord, assurer en douceur la transition avec le milieu familial pour un apprentissage réussi de la vie collective ; ensuite, garantir l'acquisition de pratiques langagières propres au mode scolaire, indispensables au passage ultérieur à l'écrit ; enfin, impliquer les parents dans une démarche de coéducation participante.

Pour se faire, il convient de s'appuyer sur les expériences des classes-passerelles, structure intermédiaire entre la crèche et l'école qui permet d'offrir un mode de vie respectant les rythmes et les besoins individuels des enfants en fonction de leur maturité. Elles s'appuient sur une pluralité de professionnels formés à la psychologie du jeune enfant : une institutrice, une éducatrice de jeunes enfants et un agent territorial spécialisé des écoles maternelles, pour un effectif de dix à quinze enfants maximum.

Les classes-passerelles visent non pas à se substituer au rôle structurant de la famille, mais bien plus à instaurer une coéducation avec l'implication des parents, qui sont invités, par exemple, à participer aux ateliers de la classe. En ce sens, elles peuvent représenter également une aide à la parentalité et un outil pour impliquer des parents éloignés du système scolaire, en modifiant leur regard sur l'école et en instaurant une reconnaissance mutuelle. Les classes-passerelles existantes ont ainsi montré une corrélation forte entre la confiance manifestée auprès des familles dans leur capacité à être de bons parents et leur implication dans le fonctionnement de l'école. Ce constat est très important quand il s'agit de faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle et rend de fait tout à fait vaine la proposition de la mission d'allonger le temps de présence des enseignants dans les établissements, si elle se contente de cela.

Si, dans la majorité ou l'opposition, nul n'a de réponses toutes faites ou de réponses miracles, il n'en demeure pas moins que nos priorités et les leviers d'action en lesquels nous croyons sont bien différents.

Mais, pour rester sur une note optimiste, je veux croire que notre rapporteur saura convaincre le reste de la majorité qu'investir dans la jeunesse constitue non pas un coût, mais une nécessité, et que le rapport de notre mission, parce qu'il constitue malgré ses insuffisances un pas en avant, ne restera pas lettre morte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis quelque peu frustré de devoir limiter mon intervention dans ce débat à quatre ou à cinq minutes, au motif que les collègues qui m'ont précédé ont largement utilisé le temps de parole dont disposait notre groupe.

Ce temps qui m'est imparti sera bien insuffisant pour rendre compte d'une mission qui, durant près de huit mois, nous aura conduits dans la France entière pour tenter d'analyser ce qui a fonctionné dans la politique de la ville et ce qui pourrait fonctionner beaucoup mieux.

Comment relater en quelques instants les difficultés que rencontrent la copropriété « La Forestière » ou les quartiers du Mas du Taureau et de la Castellane, dont les expériences, quoique différentes, ont enrichi notre approche de la politique de la ville ?

Madame la ministre, je n'aborderai que quatre points.

Premièrement, je souhaite vivement que, sur votre initiative, les conclusions de ce rapport fassent l'objet d'un travail interministériel et qu'il soit donné suite à un certain nombre de propositions avancées par le rapporteur. Ces propositions sont le fruit d'un travail collectif qui a associé à la fois les parlementaires que nous sommes, mais aussi les élus que nous avons rencontrés au cours de nos déplacements.

Il faut appliquer strictement sur tout le territoire national la règle des 20 % de logements sociaux. Nous en avons longuement discuté. Il faut maintenant passer aux actes. M. Cambon citait tout à l'heure l'exemple de la ville de Paris. Sachez que pour se conformer à cette règle des 20 % de logements sociaux et rattraper son retard en ce domaine, la ville est allée très au-delà des objectifs définis et fixés dans son plan pluriannuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Absolument ! Grâce aux élus communistes, d'ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Elle les a dépassés non seulement en termes quantitatifs, mais aussi en termes qualitatifs. En effet, la part des logements sociaux financés à l'aide d'un prêt locatif social reste inférieure à 30 % de l'ensemble des logements livrés à Paris. Il est dommage que ce qui est possible aujourd'hui ne l'ait pas été par le passé.

Deuxièmement, ainsi que le demande le rapport de notre mission d'information, l'État doit de nouveau concourir au financement des infrastructures de transport. Le rapporteur a fait plusieurs fois référence à ce point dans ses propos. Le désenclavement des quartiers concernés par la politique de la ville est une condition sine qua non à la fois pour que ses habitants puissent travailler à l'extérieur, mais également pour que des entreprises s'y implantent. Une politique des transports en commun est indispensable à leur développement économique. En son temps, le gouvernement de M. Raffarin avait pris une position différente, sur laquelle il faudrait revenir.

Troisièmement, la police de proximité doit faire son retour dans les quartiers. Partout où nous nous sommes rendus, les maires que nous avons rencontrés ont demandé le retour dans les rues des agents en uniforme afin de modifier la nature des relations entre la population et la police. Cessons d'opposer une police de proximité qui ne serait chargée que de la prévention et une police judiciaire qui ne serait chargée que de la répression. Ces deux aspects sont nécessaires. Pour alimenter le travail de la police judiciaire, la police de proximité doit reconquérir le territoire.

M. Dallier, se référant à sa propre expérience, a fustigé la disparition de la voie publique des policiers en uniforme au profit de la police des transports. Cette disparition est aussi liée à l'augmentation des effectifs de la police aux frontières ou de la direction de la surveillance du territoire, la DST.

Il existe une autre raison à leur disparition : 10 % des policiers en uniforme affectés au commissariat de ma ville sont dispensés d'activité au titre de la RTT six mois à deux ans avant de prendre leur retraite, au motif qu'il est impossible de payer les heures supplémentaires.

Quatrièmement, madame la ministre, les membres de la mission ont été quelque peu décontenancés - pour ne pas dire plus - lors de l'audition des responsables de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, sur laquelle vous exercez une responsabilité pleine et entière. Nous avons eu le sentiment que la logique de guichet prenait le pas sur une politique durable, établie dans le cadre d'un plan d'action pluriannuel alliant rénovation et investissement humain.

La DIV est à la rue. C'est ainsi que nous l'avons ressenti.

Je citerai trois phrases du rapport. « La délégation interministérielle à la ville ne paraît pas disposer de l'autorité nécessaire dans la gestion des crédits » qui relèvent de la politique de la ville. « La déléguée interministérielle à la ville ne semble pas être en mesure d'assurer sa mission de responsable, au sens de la LOLF, des deux programmes Équité sociale et territoriale et soutien et Rénovation urbaine de la mission Ville et logement, qui constitue désormais le cadre budgétaire de la politique de la ville. » Enfin, « s'agissant du programme Rénovation urbaine, les crédits ont en effet été délégués à l'ANRU, opérateur chargé de la mise en oeuvre du programme, et comme le souligne la Cour des comptes, la DIV, bien que devant assurer la tutelle de cet organisme, ne dispose pas des éléments lui permettant de suivre les financements, l'activité et les performances de cet opérateur. »

Autant nous sommes convaincus que ces guichets offrent aux élus de nos territoires des perspectives pluriannuelles qu'il faudra effectivement sanctuariser, autant nous estimons que la logique de guichet ne doit pas se substituer à une politique pensée et réfléchie sous l'autorité des ministres chargés de la politique de la ville. Il est urgent de redonner corps à une direction d'administration centrale qui nous semble avoir été pour le moins malmenée au cours de ces dernières années.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Roland Muzeau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur la question des services publics, qui est constamment présente dans ce rapport.

Madame la ministre, je vous sollicite de faire en sorte que toute intervention de l'ANRU soit l'occasion de dresser un état précis de la situation des services publics dans les quartiers concernés afin de mesurer l'écart qui existe malheureusement en la matière entre ces quartiers et le reste des territoires. En l'espèce, je souscris totalement aux préconisations du rapport.

Si l'éducation nationale, parmi les autres services publics, reste malgré tout présente dans les quartiers, il n'en va pas de même des commissariats, dont l'installation est réclamée dans chaque quartier, ou de La Poste, qui ferme ses guichets. Il est très compliqué de se rendre, par exemple, dans un bureau de perception situé en centre-ville en l'absence de transports.

Madame la ministre, il faut installer des antennes préfectorales dans les quartiers difficiles, comme les municipalités y installent des mairies annexes. Allez donc à la préfecture de Bobigny et vous serez impressionnée par la masse des gens qui se pressent à ses guichets. Il n'est pas acceptable qu'il faille consacrer une demi-journée à l'accomplissement de petites démarches quotidiennes. Les préfectures doivent donner l'exemple.

Par ailleurs, pourquoi les hôpitaux n'ouvrent-ils pas dans les quartiers des antennes spécialisées en psychiatrie et en pédopsychiatrie ? Il leur suffirait simplement de louer un logement en rez-de-chaussée pour ouvrir une permanence. Or ils ne le font pas.

La mission estime que, la plupart du temps, les crédits de la ville se substituent aux crédits de droit commun, empêchant ainsi que ne se résorbe le retard en la matière. Ce point, qui n'est pas nouveau et sur lequel il faut retravailler, pose la question du fonctionnement de l'État et des actions interministérielles. Qui est responsable de la politique de la ville ? Qui en est le chef de file ? Nous nous accordons tous à considérer qu'il appartient au Premier ministre d'en assurer la conduite.

Le ministère de la justice avait commencé d'installer des maisons de justice, qui constituaient autant de points d'accès au droit. Il faut les multiplier. Combien de fois a-t-on évoqué la médiation, élément central ? La politique de la ville revêt de multiples aspects ; c'est ce qui en fait sa spécificité.

Il est toujours choquant de faire le choix de démolir un quartier qui vit mal préalablement à la résolution des problèmes qu'il rencontre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Certes, les démolitions sont parfois nécessaires, quand bien même elles peuvent être mal vécues par la population. Mais considérons la population avec tout le sérieux qu'elle est en droit d'attendre et commençons par rétablir le tissu des services publics. Nous ferons ainsi acte de citoyenneté et contribuerons à ce que les gens aient du respect les uns pour les autres. Comment voulez-vous imposer le respect si nous ne mettons pas en situation d'être respectés ?

S'agissant de l'ANRU, personne ne remet en cause son utilité. Mais elle doit intervenir à un moment précis dans un processus global et concerté, au niveau de toute l'agglomération. Elle ne doit pas subordonner ses aides financières à la démolition de logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il faut faire la manche auprès des régions !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Il n'est pas possible de continuer ainsi.

En outre, vous annoncez que 30 milliards d'euros seront consacrés à la politique de la ville d'ici à 2012. À combien se monte la contribution de l'État ?

Monsieur le président, au cours de la visite qu'a effectuée la mission à Marseille, vous vous êtes inquiété devant nous du fait que le financement d'opérations ANRU n'était pas assuré et vous vous êtes demandé où vous alliez trouver l'argent.

Mme Raymonde Le Texier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Dites-nous, madame la ministre, ce que recouvrent ces 30 milliards d'euros. Quelle proportion de cette somme va-t-on sanctuariser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

C'est déjà ça. Mais il est facile pour l'État d'annoncer que 30 milliards d'euros seront consacrés à la politique de la ville - tout le monde finit par y croire - et de demander ensuite aux collectivités, aux offices d'HLM et au « 1 % logement » d'en financer les quatre cinquièmes. Si nous voulons inspirer du respect à nos concitoyens, ne faisons pas de fausses annonces.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Je ne veux donner de leçon à personne, mais les maires sont très inquiets. La politique de guichet est contraire à l'esprit de la politique de la ville, qui est d'abord une politique de relations et de citoyenneté et qui se doit de respecter les gens et de proposer une stratégie globale.

Je pourrais aller dans le sens des propos de Philippe Dallier préconisant des réformes institutionnelles lourdes s'agissant des collectivités locales.

Certes, les choses sont plus claires sur le plan institutionnel dans certaines villes, telles que Marseille. En effet, monsieur le président, vous avez une immense cité qui intègre l'ensemble des quartiers, ce qui permet d'avoir une vision stratégique globale. Je pense aussi à Lyon, où la politique de la ville rencontre un gros succès. Je pense encore à Dreux, qui, à ma connaissance, n'a pas défrayé la chronique, à Vaulx-en-Velin, et à Nantes, où la liaison par tramway entre Rezé et le quartier Nord contribue au succès remarquable de l'ensemble du dispositif « politique de la ville ».

En revanche, un problème institutionnel se pose ailleurs, notamment en région parisienne.

C'est pourquoi je serais prêt à suivre les recommandations de notre collègue Dallier, mais il faudrait, pour qu'elles aboutissent, qu'elles soient mises en oeuvre par un Gouvernement extrêmement décidé.

Telles sont les réflexions dont je tenais à vous faire part, madame la ministre.

Monsieur le président et monsieur le rapporteur de la mission d'information, je me félicite de l'excellente ambiance dans laquelle se sont déroulés les travaux de la mission et je souligne que tous ses membres se sont rendus sur le terrain, y ont entendu les mêmes propos et ont formulé les mêmes observations.

Il serait bien que l'État tienne compte de ce que, nous, les gens de terrain, avons à dire à la suite de cette expérience très positive.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que la Haute Assemblée expertise les politiques conduites en matière de quartiers en difficulté, les examine dans leur globalité et sur l'ensemble du territoire, afin de faire des propositions susceptibles à la fois d'améliorer les dispositifs existants et de prévenir de nouvelles crises constitue, à mes yeux, une initiative que je salue tout particulièrement. Je m'associe également aux remerciements qui ont été adressés tant au président qu'au rapporteur de la mission d'information pour l'excellent travail qui a été accompli.

Beaucoup de choses ont été dites sur le constat, unanime, comme le soulignait M. Dauge à l'instant.

Ce constat, Jean-Louis Borloo le partage, lui aussi, et chacun se souvient de sa phrase de conclusion au cours de la présentation du plan de cohésion sociale au Sénat lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances : « Inexorablement depuis quinze ans, le fossé continue de se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance en est privée. D'innombrables talents sont ainsi gaspillés, recevant ?la rage en lieu et place de diplôme?. »

Le rapporteur de la mission d'information, M. Pierre André, et Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis, ont également dressé ce constat, avec force.

Un an après les événements violents de 2005, qui ont menacé les habitants des quartiers eux-mêmes, inquiété tout le pays et interpellé à l'étranger, je tiens, à mon tour, à saluer le travail et l'implication au quotidien des maires des communes concernées, qui ont montré, une fois de plus, leur connaissance du terrain et leur courage, faisant preuve de responsabilité et de sang-froid.

Les associations se sont bien sûr mobilisées à leur côté, pour faire passer le message de citoyenneté auquel nous sommes tous attachés. La mission d'information du Sénat, pour sa part, s'inscrit dans ce mouvement avec l'objectif de franchir une étape supplémentaire.

Les soixante et onze propositions de la mission couvrent tous les grands domaines de l'intervention de l'État. Elles sont de deux ordres : celles qui relèvent de la définition des politiques publiques en matière de cadre de vie, d'éducation, d'emploi, de sécurité, de cohésion sociale et celles qui sont de caractère plus institutionnel, à savoir la gouvernance de la politique de la ville et le pilotage financier.

Je veux souligner, à ce stade, la politique volontariste conduite par le Gouvernement dans ce domaine depuis 2003, qu'il s'agisse du programme national de rénovation urbaine, de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, de la relance et de l'extension des zones franches, du programme de réussite éducative, de la politique de l'emploi ou encore du renforcement des moyens en faveur des associations.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : dans la loi de finances pour 2002, le total du budget de la politique de ville s'élevait à 291 millions d'euros ; le budget que j'aurai l'honneur de défendre prochainement devant vous, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, atteint 769 millions d'euros. Ces chiffres sont éloquents !

Monsieur Mahéas, vous avez évoqué les difficultés que connaît votre commune de Neuilly-sur-Marne, dont vous êtes le maire. Je souhaite, à titre d'illustration de l'action du Gouvernement, y répondre très concrètement.

L'association d'insertion à laquelle vous avez fait allusion, Le Martin Pêcheur - si je ne me trompe -, est confrontée, depuis plusieurs années, à des difficultés de développement et de maintien de son activité. Afin d'assurer la pérennité de cette association, un plan a été convenu avec les services de l'État, auxquels je tiens à rendre hommage : 30 000 euros ont déjà été versés...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

En outre, 60 000 euros viennent d'être adressés en complément.

M. Thierry Repentin applaudit.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Par ailleurs, autre élément dont je ne crois pas vous avoir entendu parler lors de votre intervention, une zone franche urbaine nouvelle est en voie de création, à la suite d'une décision récente d'août 2006.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Monsieur le sénateur, vous savez très bien que les périmètres sont actuellement devant le Conseil d'État !

Ensuite, s'agissant du projet de rénovation urbaine de votre commune, d'un montant de 143 millions d'euros, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, a décidé, après passage du dossier devant le comité d'engagement, d'y participer à hauteur de 44 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. De même, votre contrat de ville est passé de 118 000 euros en 2005 à 189 500 euros en 2006. Votre équipe de réussite éducative, qui vient d'être labellisée, recevra 315 000 euros.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Et nous ?

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Quant à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, elle s'élève, en 2006, à plus d'un million d'euros, contre 843 000 euros en 2004 !

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Les dotations d'État sont inférieures à ce qu'elles étaient !

Sourires

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Chacun pourra constater que l'équipe municipale de Neuilly-sur-Marne n'est pas laissée seule dans les démarches qu'elle entreprend.

Revenant au rapport de la mission d'information, dans la mesure où il n'est rendu public que depuis hier, vous comprendrez que je ne commente pas, point par point, les soixante et onze mesures qu'il contient, d'autant que plusieurs départements ministériels, autres que les ministères du pôle social, sont concernés. Je laisserai d'ailleurs mon collègue Christian Estrosi évoquer, dans quelques minutes, les points touchant au ministère de l'intérieur.

J'aborderai d'emblée l'enjeu primordial de l'éducation. Ce point a été très longuement développé par le rapporteur, ainsi que par Mme Le Texier et M. Lagauche.

Tout d'abord, les établissements situés en zone d'éducation prioritaire bénéficient déjà d'un milliard d'euros complémentaires. C'est peut-être le début de cette notion d'un petit peu plus de capital public.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C'est 8 % de plus qu'ailleurs ! Avec cela, on ira loin !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Les études le soir après l'école sont désormais rendues obligatoires dans toutes les zones d'éducation prioritaire. C'est là un accompagnement important.

Le Gouvernement vient d'engager la réforme de l'éducation prioritaire, avec les 249 collèges « ambition réussite » disposant de moyens renforcés - 1 000 enseignants, 3 000 assistants pédagogiques -, bénéficiant chacun d'une spécialité de haut niveau et mettant en ouvre des partenariats, notamment avec les collectivités territoriales, les entreprises et les associations.

Madame Morin-Desailly, le dispositif « ambition réussite » est précisément l'une des déclinaisons du rapport Thélot, visant à une concentration des moyens, une affectation sur profil et hors barème des enseignants, l'implantation de filières d'excellence, des liaisons renforcées avec l'enseignement supérieur.

La réforme de l'éducation prioritaire a été mise en place depuis cette rentrée scolaire. Nous procéderons à une évaluation qui nous permettra de mesurer ses résultats et d'envisager d'aller plus loin.

Offrir aux jeunes les mêmes chances de réussite, c'est aussi intervenir hors de l'école, par un accompagnement éducatif prenant en compte l'ensemble des difficultés de l'enfant. C'est, pour la première fois, une approche concentrée sur l'enfant, et non pas spécifiquement sur le territoire. Ce programme, qui figurait dans le plan de cohésion sociale lancé à la rentrée 2005, concerne aujourd'hui 80 000 enfants et adolescents.

Avec Gilles de Robien, nous nous sommes engagés à ce que les équipes de réussite éducative soient parfaitement coordonnées avec les réseaux « ambition réussite » et les établissements situés en zone urbaine sensible.

En ce qui concerne la carte scolaire, ne nous le cachons pas, elle fait l'objet d'un débat. La rénovation urbaine des quartiers est déjà une opportunité pour revoir cette carte dans un objectif de mixité sociale, en repensant, par exemple, l'implantation des écoles, en s'appuyant sur la recomposition de l'offre de logement.

Jean-Marie Petitclerc, expert reconnu, membre du Conseil national des villes, le CNV, et membre du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, est le premier à nous dire que l'école ne doit pas forcément être au pied des tours et que l'une des démarches consiste à apprendre aux enfants à sortir de leur quartier.

S'agissant de la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans, nous savons combien ce point fait débat. Je rappelle que, dans plusieurs ouvrages, Claire Brisset, précédente défenseure des enfants, a expliqué son hostilité à ce projet.

En ce qui concerne le pôle de cohésion sociale, je retiens des analyses de la mission que cette dernière approuve dans leur ensemble les mesures engagées par le Gouvernement à travers la création de l'Agence de rénovation urbaine, puis de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour améliorer l'efficacité et la cohérence des politiques publiques en direction des quartiers sensibles.

Les propositions de la mission vont dans le sens de ces mesures et constituent, pour reprendre l'expression du rapport, « un progrès dont il faut garantir le succès ». Je suis parfaitement en phase avec cette analyse et déterminée à ce que les associations puissent bénéficier de conventions pluriannuelles d'objectif dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale.

Madame Morin-Desailly, s'agissant de la préparation des contrats urbains de cohésion, nous avons bien sûr rencontré les représentants de l'Association des régions de France, l'ARF, et de l'Assemblée des départements de France, l'ADF. Par ailleurs, j'ai sensibilisé par écrit les présidents des conseils régionaux et des conseils généraux à l'intérêt de rassembler l'ensemble des acteurs pour porter ces politiques publiques. Enfin, j'ai demandé aux préfets, qui sont les délégués territoriaux de l'Agence, d'associer l'ensemble des élus à la préparation de ces contrats.

De même, il est indispensable que la politique de la ville soit évaluée et que les moyens mis en oeuvre soient mesurés. La création de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles est probablement la première étape. Le suivi des crédits « Ville » sera une priorité dans le cadre de la nouvelle agence. C'est ainsi que nous pourrons avancer sur cette pérennisation de trois exercices.

Les fameux crédits de droit commun ont été largement évoqués. Je suis favorable à leur géolocalisation pour mettre fin ensemble à ce sempiternel débat sur la substitution des crédits spécifiques aux crédits de droit commun, que nous connaissons et qui posent problème. À cet égard, je déplore le faible taux de réponse des préfets au questionnaire qui leur a été adressé par la mission.

Je vous informe d'ailleurs que, pour obtenir les réponses que vous n'avez pas reçues, j'ai demandé à la DIV d'effectuer une remontée précise de l'utilisation des crédits délégués en 2006, tant auprès des préfets à l'égalité des chances que s'agissant des préfets concernés par la politique de la ville.

Je peux d'ores et déjà vous dire que, dans les six départements concernés par les préfets délégués, 20 % des crédits, c'est-à-dire à peu près 4 millions d'euros, ont été affectés à la culture, en application du dernier comité interministériel à la ville de mars dernier. Celui-ci avait d'ailleurs décidé la mise en place de jumelages systématiques entre un établissement public culturel et un quartier. L'accès à la culture est clairement pour nous l'une des clefs de voûte de l'égalité des chances.

Je suis, en revanche, plus réservée sur le versement d'une dotation globale aux communes, l'État devant être en mesure de s'assurer en amont de la qualité des structures et des projets sélectionnés. À l'heure où l'État est fréquemment mis en cause pour ses interventions en matière de politique de la ville, il est également important pour les acteurs de savoir d'où viennent les crédits qu'ils utilisent.

Vous comprendrez que, dans un souci de loyauté, je ne peux que renvoyer à la prochaine législature la question d'une loi-cadre de cinq ans pour la politique de la ville. J'aimerais néanmoins vous rappeler que Jean-Louis Borloo est à l'initiative de deux lois-cadres, celle de 2003 concernant la rénovation urbaine et celle de 2005 instaurant le plan de cohésion sociale.

J'en viens à la DIV. Vous avez évoqué, monsieur Repentin, l'audition de l'équipe de la DIV. Je tiens à préciser, pour la clarté du débat, qu'il ne s'agissait pas de l'actuel délégué interministériel à la ville, qui est arrivé au mois d'août dernier et que j'ai chargé de travailler sur un repositionnement de la délégation interministérielle, notamment sur ce travail spécifique d'animation interministérielle.

Je voudrais redire combien la DIV est précisément l'outil chargé d'assurer la tutelle à la fois de la rénovation urbaine et de la cohésion sociale.

Enfin, je rappellerai que, comme le dit souvent Jean-Louis Borloo, la Seine-Saint-Denis est un dossier dans le dossier. Il est important de souligner que, depuis 2003, la Seine-Saint-Denis est considérée comme une priorité pour le Gouvernement, puisqu'elle représente 10 % du plan national de rénovation urbaine. C'est le premier département concerné par la réforme de la dotation de solidarité urbaine et par les crédits du FIV.

Pourtant, plutôt qu'une loi spécifiquement consacrée à ce département - ne voyez aucune provocation de ma part à refuser la loi dans cette enceinte ! -, je suis plutôt favorable à l'élaboration d'un contrat de cohésion sociale à l'échelle du département, permettant de rassembler l'ensemble des partenaires pour déterminer la façon de mobiliser toutes les compétences et d'apporter des réponses.

J'en viens aux propositions que vous faites concernant le cadre de vie, l'emploi et la cohésion sociale.

En ce qui concerne le cadre de vie et le logement, plusieurs suggestions apparaissent intéressantes à la lecture du rapport. Je veux remercier M. Dallier de son vibrant plaidoyer sur la politique de la ville...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Pardonnez-moi, mais le plaidoyer de M. Dallier était particulièrement vibrant.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous voulons une autre politique de la ville. Vous êtes sectaire, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Pour autant, l'implication de tous est absolument évidente, mesdames, messieurs les sénateurs.

L'idée de créer un fonds pour la rénovation urbaine doté des crédits non consommés par l'Agence afin de sanctuariser les crédits semble a priori séduisante. Je rappelle toutefois que les moyens alloués à l'ANRU sont garantis dans la loi de rénovation urbaine. C'était là, d'ailleurs, la nouveauté de ce texte.

La question posée par ce fonds est celle de l'adaptation des crédits de paiement - c'est ce à quoi vous faisiez allusion, les uns et les autres, au cours du débat - à la montée en puissance du plan national de rénovation urbaine. Ce fonds pourrait permettre de collecter des crédits inutilisés, et cette proposition mérite incontestablement d'être examinée.

Je voudrais dire à M. Dauge que, s'agissant de l'examen systématique des services de proximité au moment des analyses de l'ANRU, un diagnostic social et urbain est toujours effectué avant une opération. Pour autant, rien n'empêche que nous en précisions les modalités et que nous étudions avec l'ANRU le moyen d'avancer sur un tel sujet. Il est d'autant plus facile de le faire que le règlement général de l'ANRU le prévoit. Je ne manquerai pas d'en parler avec votre collègue Jean-Paul Alduy, président de l'ANRU.

Je voudrais m'inscrire en faux contre l'assertion selon laquelle la démarche de l'ANRU aurait avant tout pour objectif la démolition. En effet, il a toujours été clair que la première des obligations de l'ANRU c'est la rénovation urbaine du quartier, et que, en aucun cas, nous n'excluons les réhabilitations. C'est le moins que nous puissions dire !

J'adhère totalement à l'idée d'une enquête nationale sur les conditions de relogement des habitants concernés par les opérations de rénovation urbaine. Cette enquête est nécessaire et je souhaite que la DIV puisse la lancer sans attendre.

D'ailleurs, j'ai procédé hier, dans la ville dont je suis originaire, au bilan de ces relogements. C'est souvent au moment où l'on discute du relogement avec une famille que l'occasion nous est donnée, à nous les élus, d'évoquer avec ces personnes l'ensemble de leurs difficultés, y compris celles qui sont liées à l'emploi. Ce sont des moments privilégiés qu'il nous faut encadrer dans les meilleures conditions pour apporter un accompagnement qui soit le plus efficace possible.

Vous le savez, une réflexion est actuellement en cours à l'ANRU pour garantir des conditions de relogement identiques, visant à dissocier l'aide à la pierre et l'aide au maintien du loyer.

Une réflexion est également en cours sur le traitement des copropriétés dégradées - vous avez été nombreux à y faire allusion -, notamment sur le lourd problème des centres anciens, pour aller au-delà des outils qui ont été mis en place chemin faisant.

Plus globalement, je souhaite revenir sur la politique volontariste que nous menons en matière de logement et qui est absolument indissociable - vous le disiez tout à l'heure, monsieur Muzeau - de la politique de la ville et de rénovation urbaine.

Chacun d'entre vous connaît l'histoire. Nous n'allons donc pas refaire ensemble le film ! Les chiffres, vous les connaissez comme moi : l'année noire du logement, permettez-moi de le rappeler une fois encore, c'est l'année 2000, avec seulement 39 000 logements construits. Actuellement, la tendance se situe autour de 80 000 à 100 000 logements par an. C'est dire si, depuis maintenant trois ans, l'effort est tout à fait important !

La volonté du Gouvernement est bien sûr de relancer l'offre de logements sociaux, et, de ce point de vue, nous sommes également attachés au respect de l'article 55 de la loi SRU, avec des moyens de sanction renforcés dans le cadre de la loi portant engagement national pour le logement.

Une autre priorité du Gouvernement est l'accession sociale à la propriété, sur laquelle vous avez insisté tout à l'heure, madame Hermange. Sur ce dernier point, votre mission d'information propose d'aller plus loin. Je rappellerai néanmoins que ce que nous avons fait avec la TVA à 5, 5 % pour les constructions neuves et la réforme du prêt à taux zéro permet d'avancer considérablement.

Votre analyse et vos propositions relatives aux copropriétés privées sont particulièrement pertinentes, et elles viendront opportunément nourrir la réflexion que mène actuellement l'ANRU sur ces questions.

Concernant des thématiques comme la relance du commerce de proximité et la suppression de l'agrément préfectoral « bureaux » dans les quartiers faisant l'objet d'une rénovation urbaine, il s'agit de sujets parfaitement légitimes, auxquels M. le rapporteur est personnellement très attaché. Mais, il le sait bien, leurs incidences budgétaires me conduisent à une certaine prudence quant à l'évolution de ce dossier, pour lequel il nous faut progresser.

M. Roland Muzeau s'exclame.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

En matière d'emploi, je rappelle que l'emploi dans les quartiers en difficulté est une des priorités du Gouvernement.

Votre mission le souligne, notre action se concentre notamment sur l'accompagnement personnalisé des jeunes des quartiers, avec différentes mesures telles que la réception de tous ces jeunes par le service public de l'emploi ou l'accompagnement spécifique des jeunes diplômés.

Nous sommes donc en plein accord avec votre volonté de poursuivre dans cette voie et d'orienter la totalité des jeunes vers l'activité, sous ses différentes formes : emploi, formation, service civil volontaire, contrats aidés.

Cela passe bien sûr par l'optimisation des zones franches urbaines, dont vous avez souligné à juste titre le succès, monsieur le rapporteur. Nous en avons plus que doublé le nombre et nous avons étendu le périmètre de vingt-neuf d'entre elles. Nous attendons une réponse du Conseil d'État. Mais cela passe également par une prise en compte systématique du développement économique dans les projets de rénovation urbaine, comme le propose fort justement votre rapport.

Pour conclure, je voudrais exprimer avec force ma conviction que rien ne pourra se faire sans l'humain, sans les habitants, rien ne réussira sans les associations, rien ne se transformera sans les élus.

À nous de mettre en valeur les associations de proximité, qui sont à même d'assurer le maillage du territoire et de sentir les besoins des habitants, ainsi que les associations les plus professionnalisées, qui doivent se sentir investies non seulement d'une sorte de mission de service public, mais aussi de la confiance qu'elles sont en droit d'attendre.

Pour cela, le rôle de l'État est non seulement de contractualiser sur la durée, de contrôler, d'évaluer, mais également et avant tout d'être présent à travers l'autorité préfectorale, les enseignants, les forces de sécurité et l'ensemble des services publics afin de montrer la République. C'est ainsi que nous pourrons faire vivre, faire comprendre, faire aimer cette notion de cohésion.

Comme l'a fort bien dit dans son introduction le président de la mission d'information, M. Alex Türk, la situation des quartiers nécessite une réaction en extrême urgence, mais le temps de réponse est long. C'est en tout cas tout le sens de notre détermination.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai l'occasion de m'exprimer, au nom du ministre de l'intérieur, dans le prolongement de ce débat sur les travaux de votre mission d'information commune, dans le cadre de la politique de sécurité, exercice qui se déroule annuellement. Je vous prie de bien vouloir excuser Nicolas Sarkozy, qui s'exprime en ce moment même à Matignon à la demande du Premier ministre devant les préfets, les procureurs et les recteurs réunis pour évoquer la politique de sécurité.

Je félicite le président de la mission d'information, M. Alex Türk, et le rapporteur, M Pierre André, pour cette mission qu'ils viennent de conduire. Mme Vautrin a apporté les réponses essentielles. Mais, dans la mesure où un certain nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont soulevé des problèmes directement liés à l'action et à l'organisation des forces de sécurité intérieure, c'est bien volontiers que je vous apporterai quelques réponses complémentaires dans ce domaine.

Je profiterai d'ailleurs de mon intervention, cet après-midi, sur la politique de sécurité pour évoquer brièvement le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Votre rapport n'y fait pas directement référence, mais il pose un certain nombre de questions qui trouvent leur réponse dans ce texte.

M. Muzeau a évoqué les effectifs de police dans les Hauts-de-Seine. Vous imaginez bien que M. le ministre de l'intérieur est particulièrement attentif aux effectifs de police dans ce département qui lui est cher. Je veux vous informer de l'arrivée de 512 gardiens de la paix stagiaires.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Parmi ceux-ci, 119, appartenant à la 207e promotion, ont d'ores et déjà pris leurs fonctions au début du mois de septembre 2006. Afin de réajuster le potentiel opérationnel des Hauts-de-Seine, je vous confirme également l'affectation complémentaire de 393 gardiens stagiaires dans les conditions suivantes : 193, au titre de la 208e promotion, devraient être nommés à compter du 1er décembre 2006 ; parmi les 200 autres, 100 gardiens, appartenant à la 209e promotion devraient être nommés à compter du 1er février 2007, et 100 autres, appartenant à la 210e promotion, devraient être nommés à compter du 1er mai 2007.

Je vous précise que l'effectif départemental de fonctionnement annuel, qui était déterminé à partir de nombreux critères tels la population et le taux de criminalité, est adapté chaque année en fonction de l'évolution de la délinquance et des charges qui pèsent sur les services. D'après les prévisions de nos services, la direction départementale de la sécurité publique des Hauts-de-Seine devrait bénéficier, au 1er mai 2007, d'un effectif de 3 323 gradés et gardiens de la paix, soit 168 fonctionnaires de plus que le chiffre de référence.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Le préfet, en concertation avec le directeur départemental de la sécurité publique, procédera à la répartition de ces personnels au sein des différentes circonscriptions de sécurité publique en fonction des besoins propres à chacune d'elles. Vous pouvez compter sur la détermination du ministre de l'intérieur pour que tout cela soit mis en oeuvre dans les délais sur lesquels je viens de m'engager...

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Dans les Hauts-de-Seine !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Combien de policiers vont partir à la retraite ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est bien sur les Hauts-de-Seine, d'une part, et sur la Seine-Saint-Denis, d'autre part, que vous nous avez interrogés ce matin !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Sur les Hauts-de-Seine, vous avez désormais la réponse. Je vais maintenant vous répondre sur la Seine-Saint-Denis. L'intervention de M. Mahéas me permet, au nom du ministre de l'intérieur, de vous apporter des éléments de réponse nécessaires.

Entre le 1er janvier 2002 et le 1er septembre 2006, les effectifs de police de ce département n'ont pas baissé.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ce sont des fiches administratives et les données figurent dans les ordinateurs ! En tout cas, tous les mois, le salaire a été versé. Les effectifs sont passés de 4 967 policiers...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Vous pouvez ironiser, mais 5 575 policiers savent qu'ils sont en activité toute la journée en Seine-Saint-Denis, alors qu'ils n'étaient que 4 967 en 2002. C'est une réalité incontournable !

Au sein de cet effectif global, les personnels de police exerçant en Seine-Saint-Denis au 1er septembre 2006 se répartissent de la manière suivante : sécurité publique, 3 564 au lieu de 3 548 au 1er janvier 2002 ; renseignements généraux, 64 au lieu de 61 ; police judiciaire et GIR 93, le groupe d'intervention régionale, 115 au lieu de 105 ; police aux frontières, sur la plate-forme de Roissy, 1 607 au lieu de 1 253

M. Jacques Mahéas s'exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Monsieur Mahéas, allez donc habiter à Roissy !

Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Si cela ne vous intéresse pas, n'écoutez pas ; mais alors, ne posez pas de question !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que ces chiffres sont faux !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous mettons à votre disposition tous les documents qui vous en feront la démonstration. Ce sont des documents publics, et tout cela sera consigné dans le Journal officiel.

Les compagnies républicaines de sécurité, ce sont 225 policiers depuis le 6 février 2006 ; 150 étaient déjà dédiés de façon permanente à la lutte contre les violences urbaines depuis le 2 novembre 2005. S'y ajoutent les forces mobiles et renforts occasionnels, jusqu'à 1 100 CRS et gendarmes mobiles supplémentaires déployés lors d'événements particuliers tels que les rencontres sportives à risque au Stade de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

On demande des policiers dans les commissariats, pas à la PAF de Roissy !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Les commissaires de police ne sont pas particulièrement jeunes, contrairement à ce qu'ont affirmé certains d'entre vous - à croire, d'ailleurs, que c'est une erreur que d'être jeune commissaire de police ; pour moi, c'est plutôt une grande qualité.

Quoi qu'il en soit, sur les 32 commissaires de police affectés en sécurité publique, 4 ont cinquante ans et plus, 9 ont entre quarante et cinquante ans, 12 ont entre trente et quarante ans, et 4 seulement ont entre vingt-six et trente ans ; je suis d'ailleurs convaincu que ces derniers sont tout aussi opérationnels et déterminés à obtenir des résultats que leurs collègues.

La rotation relativement rapide des effectifs en région parisienne n'est pas un phénomène propre à la police nationale, puisqu'il touche l'ensemble de la fonction publique. Cependant, différentes mesures sont prises pour fidéliser les effectifs de police. Des mesures statutaires, tout d'abord : une fois titularisés, les fonctionnaires ne peuvent être mutés avant deux ans ; après un avancement, ils doivent rester dans la zone pendant cinq ans. Des mesures incitatives, également, avec un avancement plus rapide et une politique sociale en faveur du logement locatif des fonctionnaires ou de l'accession à la propriété. De même, l'encadrement intermédiaire a été amélioré par la nomination de brigadiers, de brigadiers-chefs et de brigadiers-majors. Ainsi, en sécurité publique, le nombre de ces gradés est passé de 413 en 2004, soit 1 gradé pour 7, à 873 en 2006, soit 1 gradé pour 3.

S'agissant de la coordination de l'activité de la sécurité publique et des compagnies républicaines de sécurité, son efficacité a été démontrée lors de la crise urbaine de novembre 2005, qui a connu une acuité toute particulière dans le département de la Seine-Saint-Denis.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

L'engagement des renforts est organisé chaque semaine dans les bureaux locaux de lutte contre les violences urbaines afin d'adapter l'action des services de police à l'évolution constante de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La mission a été trompée par les témoignages !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Le quadrillage par des groupes de CRS permet de compléter les dispositifs de la sécurité publique en assurant le contrôle des zones les plus sensibles. Ainsi, depuis le 1er janvier 2006, les CRS ont procédé malgré tout à 3 536 interpellations.

Depuis le mois d'août 2006, des expérimentations sont conduites et des adaptations appliquées ou prévues. Déjà étroitement associées à la lutte contre les violences urbaines, les CRS participent directement à la lutte contre la délinquance. Des marges de manoeuvre supplémentaires sont recherchées et expérimentées : adaptation des horaires, plus grande souplesse d'emploi.

À la fin de l'année - c'est une annonce ! -, un pool « ordre public » permettra de réagir plus vite encore aux actes de violence urbaine. Un effort particulier sera fourni dans la lutte contre les violences aux personnes grâce au renforcement de l'action de la brigade de répression des agressions violentes. Un service départemental spécialement chargé du traitement de la délinquance nocturne sera prochainement créé. Le nouveau directeur départemental de la sécurité publique, nommé le 26 juin dernier, s'attache également, sous l'autorité du préfet, à resserrer les liens avec la population et les élus ; ceux-ci sont d'ailleurs venus présenter leur département aux gardiens de la paix nouvellement affectés, au début du mois de septembre. Il recherchera systématiquement la dynamisation des travaux menés dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Monsieur Repentin, vous avez mentionné la « prime de résultats exceptionnels ». Je rappelle qu'elle a été introduite en 2004 et que 36 000 agents sont concernés en 2006, soit 25 % des effectifs de la police nationale. Son montant a été multiplié par quatre entre 2004 et 2007, ce qui représente un total de 20 millions d'euros. Le ministre d'État a souhaité que tous les agents, quel que soit leur statut, puissent en bénéficier. De plus, une prime de 300 euros par agent a été versée après les violences, notamment après celles de novembre 2005 ; ont été concernés 24 000 fonctionnaires et agents.

Quant à la fidélisation des polices en zone difficile, les moyens mis en place depuis 2003 pour l'atteindre sont divers : d'abord, en 2003, une obligation statutaire accompagnée d'une revalorisation financière annuelle ; ensuite, le versement d'une prime de fidélisation, d'un montant total de 30 millions d'euros par an ; des avancements plus rapides ; enfin, un accompagnement social par une priorité au logement, des crédits, et la gratuité de certains transports.

Pour terminer, monsieur le président, j'en viens enfin, puisque le sujet, une fois de plus, a été soulevé ce matin, à la police de proximité. C'est un vrai bonheur pour moi que de m'exprimer sur ce sujet, et je salue mon ami et ancien collègue parlementaire - peut-être futur, aussi -, M. Jean-Patrick Courtois, qui fut ici le rapporteur à la fois du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi pour la sécurité intérieure ; je fus son homologue à l'Assemblée nationale.

Dans ce domaine, voyez-vous, je crois qu'il ne faut pas trop nous chatouiller. En effet, alors qu'en 2002 l'organisation des forces de sécurité intérieure était en France l'une des plus archaïques des États de l'Union européenne, nous avons fait faire à la police et à la gendarmerie un bond en avant spectaculaire par rapport à bien d'autres pays européens, au point que, aujourd'hui, nous sommes une référence. Je ne sais combien de démocraties, ou de démocraties émergentes dans le monde...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...font systématiquement appel au ministère de l'intérieur français pour les accompagner, les guider, expertiser et les aider à organiser leurs forces de sécurité intérieure. J'étais voilà quelques jours au Liban : ce n'est pas à n'importe quelle démocratie que ce pays a fait appel au moment où il a besoin de trouver sa souveraineté et son indépendance et de lutter contre le crime et le terrorisme : c'est au RAID, un élément d'élite de la police française telle que nous l'avons organisée aujourd'hui.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Je pourrais évoquer nos partenariats avec l'Arménie, avec l'Azerbaïdjan et bien d'autres... Nous sommes aujourd'hui considérés comme une référence dans le monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Ce n'est pas du RAID que nous avons besoin dans les banlieues !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Premier constat : en quatre ans, la délinquance a baissé de 9 % dans notre pays.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Et l'observatoire, c'est l'état 4001. Nous n'avons surtout pas voulu changer le baromètre.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Imaginez, en effet, que nous modifions le baromètre qui était le vôtre : vous nous accuseriez aujourd'hui de truquer les chiffres !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est justement en gardant votre propre baromètre que nous parvenons au constat suivant : 14, 5 % d'augmentation de la délinquance entre 1997 et 2002, et 9 % de baisse depuis 2002. C'est cela, la réalité !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. La réalité de la gestion socialiste des problèmes de sécurité, c'était une police à laquelle on demandait de ne plus arrêter les délinquants ! C'était au mieux de l'angélisme, au pire du laxisme, en tout cas une explosion sans précédent de l'insécurité entre 1997 et 2002.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

D'ailleurs, on note que, depuis 2002, le taux d'élucidation des affaires est passé de 24 % à 34 % aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

En d'autres termes, la police d'avant 2002 n'élucidait que 24 % des crimes et des délits, alors qu'aujourd'hui elle en élucide 34 %.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Pour vous, faire de la proximité, c'était ne surtout rien élucider ; pour nous, c'est élucider plus que vous ne le faisiez par le passé.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Vous parlez toujours de police de proximité.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Reste un problème : qui a créé la police de proximité ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est le gouvernement d'Édouard Balladur, en 1993 !

Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Qui a cassé l'action de la police de proximité dans notre pays ? C'est le gouvernement de Lionel Jospin !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Vous devriez rougir de honte, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

D'ailleurs, nous sommes passés aujourd'hui à une politique de sécurité de proximité, parce que c'est la seule qui vaille, et c'est la seule qui soit capable d'apporter des réponses concrètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Jamais il n'y avait eu de telles émeutes dans les banlieues !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Oui, la proximité, nous la revendiquons, là où vous l'avez remise en cause !

Nous n'accepterons donc plus, désormais, que vous puissiez, où que ce soit, réclamer une action de proximité.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cette action de proximité, vous l'avez remise en cause, nous l'avons rétablie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, l'exploitation que vous en avez faite a été extrêmement malsaine puisque, en 2002, ce qui a été remis en cause, ce n'est pas l'ancrage territorial de la police, c'est, tout simplement, l'abandon entier de quartiers dans la République au profit d'une idéologie qui trouvait toujours des excuses à l'agresseur

Protestations sur les mêmes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous n'avez pas lu le rapport, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... c'est la démission face à une violence dont on voulait toujours justifier les causes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il faut lire le rapport, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

L'idée de proximité, je le rappelle, n'est pas votre monopole.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Aujourd'hui, vous voulez transformer en échec une réforme que tout le monde attendait.

Vous avez voulu vider de sa substance cette police de proximité en refusant de donner aux policiers les moyens de remplir leur mission : arrêter les délinquants.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

En 2002, nous avons rééquilibré l'action de la police avec la sécurité de proximité.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Enfin, la proximité, pour nous, c'est aussi une vraie proximité à dimension humaine. Qui a fait entrer des travailleurs sociaux dans les commissariats ? Qui a commencé à se préoccuper des victimes dans ce pays, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...si ce n'est l'action que nous conduisons en partenariat, madame la ministre, avec l'action de votre ministère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Ne vous laissez pas mêler à cela, madame Vautrin ! Soyez sur vos gardes !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Oui, pour nous, la proximité, c'est se préoccuper avant tout d'un certain nombre de victimes, parce que ce qu'attendent les Français, ce sont des actes.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Pour la police, être proche, c'est être à l'écoute des demandes de sécurité et arrêter les délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Vous rappelez-vous combien de voitures brûlaient par an ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons créé une prime de fidélisation. Chacun doit faire son métier et, pour aider les policiers, nous avons donc multiplié les travailleurs sociaux. D'ailleurs, monsieur le président, vous qui êtes si concerné, je l'affirme devant vous : l'action de proximité, c'est aussi celle des maires. Le maire doit être le pivot de la prévention.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Oui, on est bons à tout faire, mais c'est sans aucun moyen de la part de l'État !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il en est beaucoup question dans votre rapport, et je relève que, partout où les maires, avec l'ensemble de leurs travailleurs sociaux, à travers l'ensemble des politiques qu'ils conduisent dans le soutien associatif, mènent une politique de proximité aux côtés de l'action de la police nationale, les difficultés sont moindres qu'ailleurs.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ce n'est pas parce que, dans des conditions dramatiques, un bus a été incendié à Marseille que l'on peut dire que les choses y vont plus mal qu'ailleurs. Au contraire, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...Marseille est un modèle, Marseille est un exemple, parce que la municipalité, dans les quartiers, a mené avec l'ensemble de ses services sociaux et des éducateurs de quartier une politique remarquable en matière de prévention, en permettant la cohabitation de tous, quelles que soient leur origine, leur condition sociale ou leur origine culturelle ou cultuelle.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. La proximité, c'est aussi cela ! Et, partout où cela ne va pas forcément bien, c'est peut-être aussi parce que certains maires ne font pas tout à fait leur boulot !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

C'est inacceptable ! Vous tirez à vue sur les maires ! Ils font ce qu'ils peuvent !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

C'est facile de passer la patate chaude aux autres !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Je le dis très clairement, et ce sera mon dernier mot : nous en avons eu une démonstration supplémentaire à Marseille voilà quelques jours, la police de proximité est une réalité.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Je vous demande, madame, de me respecter, parce que je m'exprime aussi ici...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...pour défendre la dignité de la police nationale, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... pour défendre la dignité de la gendarmerie, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...pour que les policiers et les gendarmes soient davantage respectés.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Et si, à Marseille, en moins de quarante-huit heures, sur les instructions du ministre d'État, ministre de l'intérieur, nous avons réussi à interpeller les auteurs présumés de l'incendie du bus et de cet acte de barbarie dont a été victime une malheureuse jeune femme qui est, aujourd'hui encore, entre la vie et la mort, c'est parce qu'il y avait une police de proximité.

En effet, c'est justement parce qu'une femme gardien de la paix, appartenant à la BAC de Marseille, est revenue de vacances pour apporter son témoignage et dire que, selon elle, les faits avaient été commis par une bande bien connue des services de police...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Redonnez-nous les moyens d'une police de proximité !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...et déjà signalée à de nombreuses reprises, oui, c'est bien parce que ce gardien de la paix était enraciné dans ce quartier que les auteurs de ce crime et de cet acte de barbarie ont pu être identifiés.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Alors, non, en matière de police de proximité, nous n'avons aucune leçon à recevoir, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué....parce que c'est nous qui avons rétabli la police de proximité en France !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ce qui serait bien, c'est que vous lisiez le rapport, monsieur le ministre délégué !

Ordre du jour réservé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 22 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002.

Cette question est ainsi libellée :

M. Jean-Claude Peyronnet demande à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de bien vouloir lui exposer le vrai bilan de l'action gouvernementale menée en matière de lutte contre l'insécurité depuis le début de la législature.

Les chiffres de la délinquance sont tellement divers que chacun peut y trouver sa vérité. L'outil statistique, le même en usage depuis le lendemain de la guerre, montre que les violences « non crapuleuses » contre les personnes n'ont cessé d'augmenter entre mai 2002 et mai 2006. Les atteintes aux personnes ont également progressé.

Les résultats du Gouvernement ne sont pas probants concernant la délinquance des mineurs. Les violences scolaires s'intensifient. Les violences urbaines ont atteint un niveau sans précédent. Nous avons tous en mémoire le cycle de violences urbaines de novembre 2005. Les conditions qui en sont à l'origine demeurent réunies.

Le Gouvernement ne peut se dédouaner de toute responsabilité en se contentant d'incriminer les magistrats qui ne feraient rien pour donner suite à l'action des forces de police et de gendarmerie, elles-mêmes de plus en plus victimes d'agressions.

Dans le combat contre l'insécurité, le Gouvernement a exagérément privilégié le versant répressif policier sans se soucier d'agir durablement sur les causes de la délinquance, de moderniser et renforcer l'administration de la justice, de se préoccuper de l'administration pénitentiaire, avec des prisons déjà surpeuplées.

Il serait temps de s'interroger sur les raisons qui favorisent le développement de ce désordre injuste au sein de notre société.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

J'aurais souhaité m'adresser à M. le ministre d'État ; je comprends les raisons de son absence, monsieur le ministre délégué, mais j'avoue qu'il a tellement habitué le Sénat à ses visites éclairs que je n'étais pas étonné outre mesure de ne pas le voir au banc du Gouvernement aujourd'hui.

Cela étant, il est dommage qu'il ne soit pas là, parce que j'avais décidé de commencer mon intervention par une amabilité : je lui aurais dit qu'il n'avait pas la tâche facile en matière de sécurité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

...mais pour ajouter aussitôt qu'il avait échoué...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

...par dogmatisme, précipitation, obsession médiatique, assurance excessive, provocation, même. Après ce que je viens d'entendre, je vois que, dans ce domaine, il a fait école : monsieur Estrosi, vous êtes un bon élève !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Je vous remercie du compliment !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. le ministre de l'intérieur a une lourde responsabilité personnelle, pleine et entière, dans ce qu'il faut bien appeler sa déroute.

C'est un échec d'une extrême gravité pour la société française et il sera très difficile et très long de rattraper l'accumulation de ses erreurs. C'est ce que je vais essayer de démontrer.

La tâche du ministre d'État, je le reconnais, n'était pas facile.

Comme ses prédécesseurs depuis vingt-cinq ans, il est confronté à une évolution qui a vu disparaître un certain nombre de repères, garants de la paix civile.

Les jeunes ne sont plus encadrés comme ils ont pu l'être dans ma jeunesse et même probablement dans la sienne. La progression de l'individualisme rend de plus en plus difficile la vie des associations conviviales, éducatives ou même sportives. L'évolution des moeurs, les difficultés économiques des familles aggravées par la multiplication des divorces et des situations de monoparentalité, ont tendance à libérer trop tôt les jeunes des interdits imposés naguère par leurs parents, lesquels, surtout s'ils sont au chômage, ne peuvent plus prétendre prêcher par l'exemple les vertus de l'effort et du travail.

Les activités périscolaires ne sont plus guère assurées par les maîtres, et encore moins par les associations paroissiales. Mais d'autres enseignements culturels ou religieux peuvent diffuser, avec grand succès, un message de rupture.

Dans ce cas, la révolte naturelle des adolescents contre leurs parents rencontre la perte d'identité : les parents venus d'ailleurs ont tout fait pour s'intégrer dans la société française, même si celle-ci ne faisait guère d'efforts dans leur direction. Les jeunes, en contestant l'autorité parentale, ce qui est fréquent à un certain âge, se trouvent en contestation avec le modèle social dans lequel leurs parents voulaient se fondre.

Tout cela ne serait pas grave si nous vivions dans une société de plein-emploi, mais, dans une cité qui compte 25 % ou 40 % de chômeurs, l'inactivité nourrit la révolte.

L'urbanisme des années soixante a concentré les nouveaux arrivants en les rejetant à la périphérie des grandes villes et, dans ces concentrations d'immeubles et de populations, rien n'était prévu, rien n'était imaginé, sinon le repos chez soi après une journée de travail.

Mais il n'y a plus de travail et rien à faire ou à voir dans la rue ou le square. C'est sûrement là une des causes de la difficulté d'être des jeunes des quartiers.

Cependant, l'ambivalence est totale puisque ce type d'urbanisme, désormais critiqué et condamné par tous, a malgré tout entraîné chez les jeunes un sentiment d'appartenance à un territoire auquel ils s'accrochent, qui est le leur et qu'ils défendent.

Décidément, la France des villages et des quartiers, avec son instituteur respecté et son prêtre, qui connaissait tous les habitants, même ceux qui ne fréquentaient pas son église, son policier ou son gendarme, connu et craint de tous, cette France-là relève d'un monde que nous avons définitivement perdu.

Et la nouveauté de ces dix dernières années est que cette ghettoïsation ne veut plus dire isolement. La rapidité de l'information, par la radio, par Internet, par le téléphone portable surtout, ouvre les territoires sur le monde et leur apprend quasi en direct ce qui se passe à l'autre bout de la planète, mais aussi dans le quartier voisin ou dans la rue proche, ce qui peut prendre valeur d'émulation, d'exemple et, quelquefois, de mauvais exemple.

Cette situation est connue, bien identifiée, et elle constitue, par conséquent, la difficulté de la tâche du ministre de l'intérieur. Ses prédécesseurs l'ont tous abordée avec prudence et humilité. La différence avec eux est que M. Sarkozy l'a fait avec une certaine brutalité et quelquefois même avec arrogance, voulant corriger les dérives dans la précipitation par la certitude de résultats rapides. C'est, bien sûr, le contraire qu'il fallait faire et c'est la cause profonde de son échec.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Bien sûr, monsieur le ministre délégué, vous allez contester cet échec et m'assener des chiffres - vous avez commencé à le faire par anticipation - des immenses succès que M. le ministre de l'intérieur nous a déjà produits des dizaines de fois et qu'il répète inlassablement dans ses meetings.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ils sont incontournables !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Jusqu'à ce taux mythique de 8, 8 % de baisse de la délinquance générale en quatre ans que vous opposez aux prétendus 17 % de hausse de la période Jospin.

Mais que signifie la délinquance globale ou générale et que veulent dire les pourcentages ?

On peut très bien concevoir - mais je suis sûr que cela n'arrive pas ! - que, dans un commissariat où l'on est « en retard » sur les objectifs que vous avez fixés dans votre culture du résultat, on opère quelques sorties pour remplir le cabas. Il est facile d'interpeller des prostituées pour racolage, et c'est un délit immédiatement élucidé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

De même pour une opération à proximité d'un lycée : là, on tire le gros lot auprès des fumeurs de « joints », et l'élucidation est aussi immédiate, vous le savez bien !

Vous savez sûrement aussi qu'en 2004, en zone gendarmerie, on a recensé un accroissement de 8 % des infractions, mais que le tiers de l'ensemble concernait des infractions à la législation sur les drogues ; en fait, il s'agissait, pour l'essentiel, des fumeurs de « joints », dont on ne sait pas s'ils étaient occasionnels ou habituels, mais qui ont gonflé les chiffres parce que, à ce moment-là, il fallait le faire !

J'en viens aux téléphones portables. Les vols diminuent de façon spectaculaire. Est-ce dû à la rédemption des voleurs ou à l'action répressive de la police ? Non, c'est dû à la capacité d'en bloquer désormais rapidement l'utilisation. À l'inverse, les vols de GPS non intégrés dans le tableau de bord des véhicules se développent. Gageons qu'une invention technique dans un an ou deux permettra aussi de faire baisser rapidement les statistiques dans ce domaine.

Les chiffres doivent donc être pris avec mesure d'autant qu'on estime que les deux tiers des victimes d'agressions ne portent pas plainte.

Pour autant, je vais utiliser des chiffres récents, issus de l'Observatoire national de la délinquance.

Après les 27 % d'augmentation des « violences non crapuleuses » - j'ai un peu de mal à comprendre la signification de cette expression - entre 2002 et 2006, après les 45 500 voitures incendiées en 2005 et les 21 103 brûlées durant les six premiers mois de l'année 2006, le 2 novembre 2006, l'Office national de la délinquance a publié son rapport. J'en ai extrait quelques chiffres qui vont à l'encontre des vôtres et qui confirment la tendance déjà observée dans les mois précédents, c'est-à-dire une hausse de 6, 23 % des violences aux personnes d'octobre 2005 à septembre 2006, soit une augmentation de 5, 62 % des violences crapuleuses et de 9, 4 % des violences gratuites, avec 9, 78 % d'augmentation des violences contre les dépositaires de l'autorité publique.

Je vais faire comme M. le ministre de l'intérieur, car sa méthode est simple : il s'appuie sur une collection d'exemples, si possible sanglants. Avec des trémolos dans la voix et afin de justifier sa politique répressive à l'égard des jeunes, il cite le cas du petit Untel et de la petite Unetelle, et c'est toujours sous le coup de telle ou telle émotion de l'opinion qu'il prend ses décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je vais donc vous énumérer des exemples spectaculaires pris dans la presse de ces deux derniers mois seulement.

Mais auparavant je voudrais citer M. Sarkozy : « Il faut en finir avec cette culture de l'excuse permanente [...], le chômage, les discriminations, le racisme, l'injustice ne sauraient excuser de tels actes. »

Mais le ministre d'État ne peut pas rejeter la responsabilité sur les autres après cinq années de pouvoir ! Dès lors, n'aurait-il pas dû demander des excuses pour l'agression de deux CRS, le mardi 19 octobre, dans la cité des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes ? Pour l'agression de cinq policiers, le mercredi 27 septembre, à Toulouse ? Pour l'agression de trois policiers, le jeudi 28 septembre, dans le quartier du Liourat, à Vitrolles ? A-t-il présenté des excuses pour l'agression de sept policiers, le dimanche 1er octobre, dans la cité des Musiciens, aux Mureaux ? De deux policiers agressés dans la cité d'Orgemont, à Épinay-sur-Seine ? Et pour les trois adjoints de sécurité agressés par vingt personnes, le 14 octobre, à Massy ? Et pour les policiers « caillassés », le 18 octobre, à Orléans ? Et pour ceux qui l'ont été, le 21 octobre, à Aulnay-sous-Bois, ou encore le 22 octobre, dans la cité Curial du XIXe arrondissement ?

M. le ministre d'État a, depuis près de cinq ans, la responsabilité de la sécurité des biens et des personnes. S'est-il excusé de n'avoir pas su empêcher la jeune Mama Galledou d'être brûlée à 60 % ? La compassion médiatique ne suffit pas, il est responsable !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est scandaleux et inadmissible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet échec, dans son ampleur, est de sa pleine et entière responsabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

À peine arrivé au ministère de l'intérieur, lors d'un voyage à Toulouse, il a sommé les fonctionnaires de police d'un commissariat de modifier le contenu de leur mission - on revient à la police de proximité - déclarant : « Le rôle de la police n'est pas de faire de l'animation sportive [...], elle n'a pas à dialoguer [...], son rôle est d'arrêter les délinquants »- il faut, bien sûr, arrêter les délinquants !

C'était, de fait, la mort de la police de proximité. Elle a été remplacée par la culture répressive du résultat, avec tableaux d'honneur hebdomadaires primés pour les meilleurs et bonnets d'âne pour les autres.

Ajoutées à cela ses déclarations provocatrices, ou tout au moins interprétées comme telles, sur la racaille et le « kärcher », il ne fallait pas être grand clerc pour deviner ce qui allait se passer.

En fait, monsieur le ministre délégué, les zones de non-droit ne cessent d'augmenter, la police est totalement coupée de la population de certains quartiers et elle ne s'y aventure, dans des raids ponctuels, que sous la protection des CRS.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est pour mieux vous faire flageller que vous tendez le fouet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je m'empresse d'ajouter que, bien sûr, il faut continuer à recourir aux CRS, compte tenu de la situation, car, à défaut, c'est envoyer les autres fonctionnaires au massacre !

Monsieur le ministre délégué, je sens que vous vous préparez à invoquer la naïveté des socialistes - vous l'avez déjà fait tout à l'heure - avec leur marotte de la police de proximité et vous ne manquerez pas de dénaturer nos positions, qui n'ont jamais été de rejeter toute répression, mais bien au contraire d'accepter cette répression, y compris l'enfermement des jeunes délinquants, pourvu que la dimension éducative ne soit pas négligée.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est nouveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Pas du tout, c'est votre interprétation qui était mauvaise !

Malheureusement pour vous, nous ne sommes plus les seuls à réclamer une autre politique. Écoutez bien : la dernière critique notable est venue du Premier ministre, M. de Villepin lui-même, qui a dit « comprendre le sentiment de harcèlement que certains jeunes ressentent en banlieue » et de proposer « de combiner une police d'investigation, une police d'interpellation et une police de terrain en contact étroit avec les populations ». Et de dire encore : « Dès lors que vous connaissez bien un quartier et ses habitants, l'atmosphère est différente, la police est plus efficace, les tracasseries et les contrôles peuvent être moins nombreux, la sécurité et la tranquillité publiques sont garanties ».

Quelles excellentes perspectives ! Et elles sont récentes puisqu'elles datent du 24 octobre dernier, donc voilà une quinzaine de jours.

Mais elles exigent un travail de fourmi, loin des médias et, quel qu'en soit le prix, cela n'intéresse pas le ministre de l'intérieur. Pourtant, ce que décrit M. de Villepin et qu'il appelle de ses voeux, c'est très précisément ce qui a été cassé volontairement et qui était en train de produire des effets. Il faudra bien, avec quelques corrections, revenir sur ces questions.

Car, trop c'est trop et, désormais, devant cet entêtement et cette orientation d'une politique qu'il faudra des années à corriger, les policiers eux-mêmes ne ménagent plus leurs critiques. On les comprend : ils sont aux premières loges et les premières victimes de cette politique coup-de-poing.

Il suffit pour s'en convaincre de lire la presse, et encore n'ai-je pas repris les déclarations des policiers parues ce matin dans divers quotidiens.

Un responsable du syndicat des officiers de police, dont je tairai le nom, mais que je pourrai au besoin communiquer, n'hésite plus à déclarer : « On est dans une impasse ».

Un autre gradé du même syndicat, qui n'est pourtant pas composé de révolutionnaires, déclare : « On ne parle plus de risque de divorce avec les jeunes, le divorce, il est consommé depuis longtemps. Désormais, la question est plutôt de savoir comment on va faire pour réparer les dégâts ». Il pense que l'obsession du chiffre interdit tout dialogue avec les habitants, avec les associations de prévention et même avec les polices municipales. Et ce gradé du syndicat des officiers de police ajoute : « Actuellement, on ne fonctionne plus qu'avec des brigades d'intervention, type BAC, qui font des actions ciblées. Et, dans les quartiers sensibles, on intervient avec l'appui des CRS qui sont juste formés pour le maintien de l'ordre. Tout cela n'est vraiment pas de nature à pacifier les relations. »

Restent les élus, notamment les maires ; la future loi prétendument de prévention de la délinquance, encore en discussion au Parlement, en fait les acteurs principaux de la prévention. Mais que disent-ils, comme nous n'avons cessé de le répéter tout au long de la discussion du texte, sinon qu'il n'y a pas de moyens pour cela ?

Les chiffres du Gouvernement ne sont pas faux, monsieur le ministre délégué, mais le préfet de Seine-Saint-Denis, dans la lettre qui a été diffusée, a noté que les postes créés pouvaient être détournés pour d'autres missions, vers la Police aux frontières, vers le Stade de France ou pour assurer la protection de ministres étrangers en visite dans notre pays. Le maire d'une ville de banlieue de 65 000 habitants - je ne citerai pas son nom - regrette pendant ce temps que, certains soirs, seule une voiture patrouille, et il n'est pas un cas unique ; certains élus vont même jusqu'à réclamer le retour de la police de proximité. Et ils ne sont pas tous socialistes, car je me suis attaché à ne retenir que les positions d'élus UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Certains d'entre eux, comme notre collègue Christian Demuynck, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis, se plaignent de la baisse des effectifs.

D'autres vont plus loin encore. J'en veux pour exemple les déclarations du maire UMP de Montfermeil, qui souhaite - je le cite, car c'est intéressant - retrouver « une police de proximité efficace telle qu'on l'avait connue à une époque avant 2002. Elle avait donné d'excellents résultats ».

De même, le maire UMP de Chanteloup-les-Vignes a regretté que « la police de proximité et les emplois jeunes aient été supprimés plutôt que réformés ». Et un député de la majorité, dont les propos ont été repris dans Le Figaro du 28 novembre 2005, déclarait déjà : « Au fond, la proximité, c'est comme l'écologie : difficile d'aller contre. »

Quelle avalanche !

Et au bout du bout, au Sénat, pas plus tard qu'hier, et encore aujourd'hui, dans le débat précédent, la mission commune d'information sur les banlieues, dans la proposition n° 34, tire les conclusions des déclarations des élus et préconise de « réactiver une véritable police de proximité ».

Or, malgré tous ceux qui, sans préoccupations politiciennes - vous ne manquerez pas de m'accuser du contraire - vous disent que vous êtes dans une impasse ou que vous allez dans le mur, vous persistez. Vous en rajoutez, même, persuadé, semble-t-il, qu'auprès de votre électorat ces désordres, dont pourtant vous portez une part importante de responsabilité, seront corrigés par un renforcement de la répression. Mais cet électorat finira bien par décortiquer la méthode du ministre d'État. Elle est tellement simple !

D'abord, c'est de la faute des autres, en particulier du laxisme de la gauche ou de la démission des juges. Vous avez même ajouté, tout à l'heure, que c'était de la faute des maires.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

De certains maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

À Neuilly, je le sais bien, il n'y a pas de problèmes : le maire est parfait !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il est parfait aussi à Marseille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Reste que vous avez mis en cause les maires d'autres communes.

Ensuite, dès qu'il se produit un événement grave, M. Sarkozy va sur le terrain suivi, ou plus souvent, même, précédé par les caméras. Là, devant l'opinion, il s'exprime par de mâles déclarations suivies d'une nouvelle proposition législative. Et puis, comme si, dès lors, le problème était réglé, il passe à autre chose.

Mais qu'a résolu la prodigieuse accumulation de dispositions répressives que nous avons égrenées, en son absence d'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi sur la prévention de la délinquance ? Depuis quatre ans et demi, le Parlement a été saisi d'un texte tous les huit mois. Jusqu'à la dernière proposition de M. Sarkozy qui, si j'ai bien compris, est aussi la vôtre, monsieur le ministre délégué, formulée après les dramatiques événements de Marseille : établir pour les jeunes délinquants récidivistes des peines plancher.

Monsieur le ministre délégué, je le dis avec gravité, une telle disposition est contraire à toute notre tradition, à toute notre culture pénale, issue du xviiie siècle, la culture des hommes qui ont rédigé ou inspiré la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la culture de ceux qui ont érigé en principe l'individualisation de la peine.

Personne avant vous n'avait osé proposer d'introduire dans notre droit une telle disposition. Quand je dis personne, ce n'est pas tout à fait exact. Permettez-moi de citer une disposition pénale qui fut appliquée pendant une courte période dans notre pays. Nous avons, en effet, connu une loi qui, dans son article 1er, établissait dans les cours d'appel des sections spéciales chargées, entre autres choses, de réprimer les actions de « subversion sociale et nationale ». Cette loi prévoyait des peines lourdes, et ce « sans que la peine appliquée puisse être inférieure à celle prévue par la disposition retenue pour la qualification du fait poursuivi ».

Cette loi date du 5 juin 1943, et c'est l'honneur du général de Gaulle et de son entourage, issu du Conseil national de la Résistance, que de l'avoir abrogée.

Rassurez-nous, monsieur le ministre délégué : vous n'allez pas vous aventurer sur de telles terres, si étrangères à celui dont vous vous réclamez ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.