Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 7 novembre 2006 à 9h45
Quartiers en difficulté — Débat sur les travaux d'une mission d'information commune

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir dépend de la façon dont on perçoit le potentiel de la jeunesse qui se trouve dans nos villes.

Derrière le petit noyau de perturbateurs, il y a la masse de tous ceux et de toutes celles qui espèrent en l'avenir, et les institutions offrent leur chance à tous ceux qui leur accordent respect. Le Sénat, en acceptant cette mission, veut offrir cette chance à toutes celles et à tous ceux qui veulent la saisir.

C'est dans cet esprit que je souhaite saluer le formidable travail accompli par le président et le rapporteur de notre mission d'information, qui ont su tirer, de l'écoute des multiples acteurs de ce dossier et des nombreux déplacements sur le terrain, enseignements et recommandations susceptibles d'améliorer réellement la vie des femmes, des hommes et des enfants qui habitent ces quartiers.

En effet, cette mission n'a pas failli, car elle n'est pas tombée dans un écueil ô combien dangereux : l'immédiateté. Après l'émoi causé par les violences de l'année dernière, le risque était grand de vouloir répondre dans le temps médiatique et non dans le temps politique, de soigner le symptôme - la voiture qui brûle devant les caméras - et non le mal - la détresse des personnes qui vivent, grandissent ou élèvent leurs enfants aux pieds des tours.

Si je vous dis cela, c'est en tant que membre d'une commission des affaires sociales qu'habite l'exigence d'une politique de la ville pertinente et efficace, pour souligner deux aspects majeurs de ce rapport : la nécessaire ténacité dans les principes et dans l'action ; le rôle fondamental et incontournable de la prévention précoce, notamment par l'école et les familles.

Premier enseignement donc : seule une grande ténacité dans notre politique permettra des progrès véritables. La mission le souligne fortement, les politiques de la ville initiées depuis une quinzaine d'années portent peu à peu des fruits que les violences de l'année dernière ne doivent pas occulter. Là est la ténacité : construire le « vivre ensemble », pas à pas, et ne pas baisser les bras devant l'actualité, parfois trompeuse et décourageante.

Les propositions de la mission d'information sont riches de cette volonté : adopter un « objectif de 100 % d'activité pour les jeunes des quartiers en difficulté » - proposition 26 -, « développer l'accession sociale à la propriété dans les ZUS » - proposition 8 -, « faire émerger des pôles de développement économique » - proposition 12 -... Sans aller plus loin dans l'énumération, je tiens à souligner que ces propositions ambitieuses requièrent continuité d'attention et ténacité dans l'action.

Une politique au coup par coup, dictée par l'urgence, serait inefficace : seule une action de long terme, qui réclame donc beaucoup de sang-froid de la part du responsable de la cité, dont le bilan est sans cesse attendu, est à la mesure de ces enjeux.

Je prends ici pour exemple la dernière proposition que j'ai citée : attirer les entreprises dans les ZUS. Que voit l'entrepreneur qui pourrait, justement, s'y installer ? Il peut s'y perdre : des acteurs multiples aux motivations et aux moyens d'actions multiples. Pour accompagner le choix de cet entrepreneur, l'ensemble de ces acteurs doit avoir une approche cohérente et concertée. Il s'agit, en somme, de réconcilier les projets du public avec les exigences du privé, la rénovation urbaine avec le développement économique.

La mission propose des moyens concrets pour atteindre ce but : lancer des appels à projets dans les quartiers sensibles, solliciter les avis des associations d'entrepreneurs sur les projets de rénovation urbaine... Utilisons-les dès maintenant et sachons nous y tenir, car ils ne seront efficaces que dans la durée.

Mais si la politique de la ville doit être déterminée et résolue, elle doit surtout être pertinente et s'intéresser non seulement aux murs, mais surtout aux hommes qui les habitent.

C'est là le deuxième enseignement majeur de cette mission : oui, le logement, oui, les services publics, oui, le développement économique, mais cette politique de l'environnement urbain n'a de sens que si elle s'accompagne d'une politique pour l'homme qui y vit.

Parce qu'elle touche au développement physique et social de la personne, dès le plus jeune âge et tout au long de sa vie, cette exigence ne peut passer que par une politique de prévention précoce fondée sur le message éducatif.

« Mieux répondre aux besoins prioritaires d'éducation », telle est la deuxième orientation préconisée par la mission d'information. Certaines des propositions sont fondamentales à mes yeux : « Développer les structures d'accueil de la petite enfance », proposition 17, « Faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle », proposition 19, « Clarifier le pilotage du partenariat éducatif local », proposition 22, « Développer la prévention sanitaire au niveau de l'école primaire, des crèches et des centres de protection maternelle et infantile, en associant et en sensibilisant davantage les parents », proposition 49...

Toutes ces propositions témoignent de la même idée : un message éducatif clair et compris par l'enfant est la clef d'une société harmonieuse, surtout dans des zones où la concentration de population est importante.

Le rapport à soi, aux autres et au monde ne s'improvise pas, il s'apprend au sein de la famille et à l'école. C'est pour avoir démissionné la famille et l'école de leurs fonctions essentielles, à savoir fixer les repères et transmettre l'essentiel, la règle du respect, que nous en sommes peut-être là. C'est aussi pour avoir démissionné la famille de la prise en charge de toutes ces vulnérabilités qu'elle accueillait auparavant et confié celle-ci au collectif que nous en sommes là, aujourd'hui.

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