Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'aborde ce débat avec beaucoup d'humilité.
Tirer un bilan de la politique de sécurité menée depuis quelques années paraît difficile, tant il est vrai que la situation est le résultat d'un ensemble, comprenant notamment la politique de l'éducation, la politique de la ville et les actions menées contre le chômage. Tous ces éléments s'intègrent les uns dans les autres et, cela tombe sous le sens, le bilan du Gouvernement ne peut être considéré comme « globalement positif » ou, à l'inverse, « complètement nul ». Tel est mon premier sentiment, monsieur le ministre délégué.
Par ailleurs, la succession des textes que vous faites adopter par le Parlement présente une sorte de contradiction. Ne livrez-vous pas un « combat » aux médias, en présentant des textes-chocs ? Il s'agissait, en 2001, d'un projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, en 2003, d'un projet de loi pour la sécurité intérieure, et, en 2006, il s'agit d'un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Vous répondez donc en permanence par un texte législatif à une situation qui semble vous dépasser, alors que, dans le même temps, les médias sont là, sur votre initiative ou non.
Au demeurant, je vous donne acte, car j'en demeure persuadé, que les mots « kärcher » et « salopards », de même que les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement, restent à la surface des choses, sans refléter la nature profonde de la situation. En effet, si ces mots n'avaient pas été prononcés, d'autres facteurs auraient sans doute conduit à une explosion des banlieues. Nous devons donc être, dans ce domaine, extrêmement nuancés.
Pour autant, on peut véritablement dire que vous « donnez la main » aux médias ! Je pense notamment à l'affaire des Mureaux, où la presse, convoquée ou non par vous, peu importe, était sur les lieux à sept heures du matin, alors que le maire, que vous appelez au secours par ailleurs, n'avait pas été informé de l'opération de police ! Je songe également à la lettre du préfet de la Seine-Saint-Denis, parue dans Le Monde, dans laquelle il évoque ses difficultés face à la violence dans son département.
De deux choses l'une, monsieur le ministre délégué : soit vous êtes informé, le préfet recevant votre aval, et vous ne pouvez pas vous plaindre des médias ; soit vous n'êtes pas informé, et vous devez alors sanctionner ce préfet ! Pour l'heure, tout cela n'est pas très clair.
Ne vous plaignez pas ensuite que l'on évoque, toujours par médias interposés, l'anniversaire des événements qui se sont déroulés l'an dernier en Seine-et-Marne. Effectivement, on comprend l'irritation que vous pouvez éprouver devant ce type de situation.
M. le ministre d'État a tenu une conférence de presse le 8 juin dernier, donc en milieu d'année, au cours de laquelle il a constaté que la délinquance avait reculé. Je veux bien lui en donner acte, mais il est toujours très difficile de savoir si la délinquance a diminué ou non. En réalité, tout dépend de la nature des actes.
À la lecture, certes intéressante, des statistiques, on voit que l'on a constaté 23 % d'infractions de moins sur la voie publique ; le nombre des infractions révélées a, quant à lui, progressé de 40 % ; le taux d'élucidation des affaires a connu une progression de neuf points ; le nombre de gardes à vue a augmenté.
À entendre, ce matin, notre collègue Jean-Claude Peyronnet, on se rend bien compte que tout dépend de la manière dont sont abordés les problèmes. En effet, si sont pris en considération les vols de portables, le taux de la délinquance sera en baisse et l'on pourra alors constater que la situation s'améliore beaucoup.
Il n'empêche que des problèmes demeurent. Ainsi, les violences gratuites aux personnes ont augmenté de 27 % depuis 2002, ce qui constitue, selon M. le ministre d'État lui-même, le point noir de son action. Il a d'ailleurs indiqué : « On constate malheureusement cette année une reprise de ces actes de violence, et ce malgré toutes les actions entreprises et en particulier la mise en place d'un plan national de lutte contre les violences aux personnes ».
Je reconnais que l'absence totale d'homogénéité entre les actes de violence rend l'action toujours difficile. De surcroît, il n'est pas aisé d'analyser « par tranches », en quelque sorte, lesdits actes afin d'estimer les points sur lesquels il y a eu progrès ou au contraire dégradation de la situation.
Toutes ces considérations, à vrai dire assez troublantes, me font dire que, en la matière, se pose le double problème des éléments objectifs retenus, c'est-à-dire notamment des décomptes exacts effectués par l'Observatoire national de la délinquance, et de la perception que peut avoir l'opinion des problèmes.
Souvenons-nous : quinze jours avant la dernière élection présidentielle, tous les médias faisaient état des violences dont avait été victime un homme seul et très âgé, à Orléans, et d'aucuns ont prétendu que c'était la raison pour laquelle Lionel Jospin avait échoué. Certes, vous l'avez souligné, pendant cette période-là, la délinquance aurait été en quelque sorte démultipliée. Soit ! Mais même si cela n'avait pas été le cas, pour autant, la perception de cet événement par l'opinion, à la veille de l'échéance présidentielle, aurait ruiné toutes les chances de ce candidat.
J'invite donc, non sans malice, M. Sarkozy, ministre d'État, mais il a d'autres préoccupations à l'heure actuelle, à garder à l'esprit cette dimension du problème, tant il est vrai que des événements peuvent toujours venir troubler le sentiment de l'opinion publique !
Cela étant dit, je me bornerai maintenant à formuler quelques observations, notamment sur la police de proximité.
Vous nous l'avez dit lors du précédent débat, ce matin, les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine n'ont absolument pas empêché l'arrestation des délinquants auteurs de l'attaque de l'autobus à Marseille. Sur ce plan, nous sommes en droit de vous féliciter, monsieur le ministre délégué. Effectivement, la police fait un travail admirable, ce qui mérite d'être souligné. Pour autant, si la police de proximité avait existé, ces événements se seraient-ils produits ? On le voit, tous les arguments sont réversibles. Selon moi, il faut prendre les faits « à l'état brut ».
Je souligne que MM. Türk et André, dans le rapport évoqué ce matin, rappellent que la police de proximité a été plébiscitée par les maires, ainsi que l'ont montré les résultats d'un questionnaire. Cela signifie que nous devons poursuivre la réflexion et que, en attendant, il serait vain de centrer le débat sur la question de savoir s'il faut ou non une police de proximité, car ce n'est pas à cette seule aune que l'on doit juger de votre action, quand bien même elle serait géniale.
Prenons le cas des dépôts de plainte en milieu rural : contrairement à ce que prétendent certains, je constate souvent que la gendarmerie décourage le dépôt de plaintes et que l'on n'hésite pas à demander aux personnes de revenir le lendemain !