La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la question orale avec débat n° 22 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en premier lieu, je souhaiterais remercier le groupe socialiste d'avoir eu l'idée de déposer cette question orale avec débat.
Bien que la conférence des présidents ait décidé d'inscrire ce débat à l'ordre du jour réservé du Sénat avant les événements tragiques de Marseille, je me félicite de pouvoir confronter aujourd'hui nos positions.
Cependant, je m'interroge : quelle était la volonté du groupe socialiste ?
Adresser un satisfecit au Gouvernement pour la politique qu'il a menée depuis 2002 ?
Affirmer avec nous qu'une politique rigoureuse finit toujours par porter ses fruits ? Ou souhaite-t-il, comme je l'entends depuis quelques jours dans différentes tribunes ou interviews, laisser entendre insidieusement que notre politique serait inefficace et même fautive, voire source d'actes délictueux ?
J'en conviens, l'exercice serait périlleux, mais la cause serait sans doute plaisante à plaider ! D'ailleurs, certains ténors du parti socialiste en quête de surenchère médiatique n'ont pas tardé à s'y employer.
Le plus fascinant, dans cette démonstration, serait de tenter de nous faire croire que, aujourd'hui, l'insécurité augmente, alors que les statistiques baissent depuis 2002. En revanche, sous le gouvernement de Lionel Jospin, ses amis n'ont eu de cesse de nous démontrer que, en dépit de statistiques alarmantes, l'insécurité ne croissait pas et que seul le « sentiment d'insécurité » - délicieuse invention sémantique ! - laissait croire le contraire. Mais le laissait croire à qui ? Certainement pas aux Français, qui ne s'y sont pas trompés, en renvoyant nos collègues à leurs études dès le premier tour de scrutin.
Décidément, les socialistes n'apprennent pas de leurs erreurs !
Faut-il rappeler le constat accablant de cette époque, qui n'est pourtant pas si lointaine ? Une criminalité et une délinquance en augmentation exponentielle et sans précédent de 1997 à 2002 ; une démobilisation des services de l'État ; la faiblesse des moyens alors que les crédits se réduisaient sans cesse ; une police de proximité, qui s'est révélée irréaliste, imposée à marche forcée ; la faiblesse de l'autorité stigmatisée par la peur de punir ; et cette emblématique circulaire de l'éducation nationale demandant aux directeurs d'établissement d'éviter les sanctions.
Ce sont les mêmes qui, aujourd'hui, souhaitent mettre en cause l'action efficace du Gouvernement. Je ne peux pas les laisser faire ! J'ai en effet eu l'honneur de participer à ces réformes en tant que rapporteur pour la Haute Assemblée du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, puis, quelques mois plus tard, du projet de loi pour la sécurité intérieure.
Si j'ai acquis une certitude en ces occasions, c'est qu'il n'y a pas de fatalité à la spirale de l'insécurité. C'est le message qu'avait voulu délivrer le ministre d'État, ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, dès son arrivée place Beauvau en 2002. C'est l'objectif que nous avons fait nôtre avec succès.
Je me souviens de mines circonspectes sur les travées et de regards désabusés, y compris dans nos rangs, certains doutant visiblement de notre faculté à redresser l'autorité de l'État dans notre pays. Je me souviens aussi d'autres regards, un peu plus condescendants, chez des personnes qui, comme aujourd'hui, étaient promptes à nous donner des leçons, sans tirer les conclusions de leur propre bilan.
Mais les chiffres, les nôtres, les vôtres, monsieur le ministre délégué, sont là. Et ils sont sans appel. Alors que la délinquance a augmenté de 15 % de 1997 à 2002, elle a reculé d'autant depuis. Il n'est pas inutile, parfois, de rappeler ces vérités, non pour se congratuler, mais pour mesurer l'ampleur du chemin parcouru, sans oublier pour autant tout ce qu'il reste à accomplir.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En quatre ans, les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont diminué de près de 9 %. De 1998 à 2002, la délinquance de voie publique avait augmenté de plus de 10 % ; depuis 2002, elle a reculé de près de 24 %. Le nombre d'infractions révélées par l'activité des services a progressé de plus de 40 %, alors qu'il était en recul avant 2002. Le taux d'élucidation est passé de 25 % à 34 %, alors qu'il était également en recul auparavant. Enfin, en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée, le taux d'élucidation est passé de 69 % à 85 %, alors qu'il était en recul de plus de 12 %.
Ce succès, c'est d'abord et avant tout celui d'une méthode, celle du volontarisme, et nous gardons sans cesse à l'esprit que nos concitoyens attendent que nous ne ménagions pas notre peine.
Au temps des formules péremptoires sur le tout-éducatif ou le tout-répressif a succédé le temps de l'action et du pragmatisme. À l'instar de nos concitoyens, qui ont souvent plus de mesure et de bon sens que nombre d'entre nous, j'attends d'une politique qu'elle soit avant tout efficace et qu'elle ne s'enferme dans aucune idéologie.
Alors, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, puisque vous n'apprenez pas du passé, puisque j'entends revenir les vieilles antiennes et les vieilles recettes - on se moque bien, finalement, qu'elles n'aient jamais eu de résultats! -, je crois devoir recourir à la pédagogie de la répétition.
Oui - et j'en suis navré -, la police de proximité, au sens où vous l'entendez, est une utopie. Or on ne gouverne pas avec des utopies. Et, ne vous en déplaise, la police sert à arrêter les délinquants et non pas, malheureusement, à faire des relations publiques.
Le monde dans lequel je vis n'est malheureusement pas idéal. Mais, dans mon monde, je vais vous décrire à quoi devrait servir la police et quelles devraient être ses missions.
La police devrait disposer de pouvoirs d'investigation, d'enquête et d'interpellation. Grâce aux coups d'arrêt répétés qu'elle parviendrait à porter aux trafics en tous genres, elle enverrait quotidiennement aux délinquants potentiels des messages de prévention, leur démontrant qu'il existe des risques réels de se faire arrêter lorsque l'on décide de commettre un crime ou un délit.
Dans mon monde - et je n'oublie pas qu'il n'est pas idéal -, la police aurait pour mission d'accueillir les victimes avec au moins autant d'égards que les mis en cause et mettrait tout en oeuvre pour que la justice puisse rapidement condamner les coupables et, ainsi, éviter qu'un délinquant ne réitère son infraction.
Enfin, la police ferait aussi de la proximité, car la police « à proximité », c'est nous qui l'avons créée, en 1995, avant qu'elle ne soit détournée de ses missions, en 1999, par la gauche, qui en a fait une police dépourvue de pouvoirs d'investigation, d'enquête et d'interpellation, une police réduite à faire des relations publiques et de l'îlotage dans les quartiers sensibles, en effectifs réduits, pour ne pas déranger les délinquants. Comme si le fauteur de trouble à l'ordre public était celui qui essayait de le restaurer !
Toujours dans mon monde, les policiers et les gendarmes participeraient quotidiennement aux campagnes de sensibilisation des populations en matière de lutte contre l'insécurité, par leur présence effective sur le territoire et par des actions ponctuelles auprès des structures éducatives.
Pour toutes ces raisons, la politique de redéploiement des forces de sécurité intérieure sur l'ensemble du territoire menée depuis 2002 me satisfait, car son modeste credo a permis de faire en sorte que les policiers et les gendarmes soient là où on les attend et là où ils souhaitent être, sur la voie publique, pour arrêter les délinquants.
Enfin, j'aimerais soulever un dernier point, celui de la sécurité dans les transports publics, qui est particulièrement d'actualité depuis le drame survenu récemment à Marseille. La matière est trop grave pour souffrir que certains s'en emparent pour faire de la cuisine électorale dans un climat de campagne interne, en découvrant tardivement que, oui, les violences dont peuvent être victimes nos concitoyens dans les transports publics existent bel et bien.
Le ministre de l'intérieur n'a pas attendu cette tragédie pour s'emparer de la question de la sécurité dans les transports. Dès 2002, des services spécialisés ont été créés : en Île-de-France, il s'agit du service régional de la police des transports ; tandis que, à Marseille, Lyon et Lille, il existe un service interdépartemental de sécurisation des transports en commun. Comprenant près de 2 000 membres des forces de l'ordre, ces services ont pour mission d'assurer la sécurité sur les réseaux ferrés.
Fort du succès de cette opération, Nicolas Sarkozy a créé, le 1er janvier dernier, le service national de la police ferroviaire, pour coordonner l'action de plus de 2 500 policiers et gendarmes maillant l'ensemble du territoire. Je crois qu'il était bon de le souligner, à l'heure où certains lancent cette idée comme si elle n'avait jamais existé avant eux.
Au demeurant, je me félicite qu'ils nous rejoignent sur ce point. Peut-être cela signifie-t-il que, finalement, ils ont tiré les enseignements du passé et que le débat qu'ils nous ont proposé aujourd'hui vise à nous remercier de l'action que nous menons maintenant depuis plus de quatre ans, action à laquelle nous sommes fiers d'avoir participé !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'aborde ce débat avec beaucoup d'humilité.
Tirer un bilan de la politique de sécurité menée depuis quelques années paraît difficile, tant il est vrai que la situation est le résultat d'un ensemble, comprenant notamment la politique de l'éducation, la politique de la ville et les actions menées contre le chômage. Tous ces éléments s'intègrent les uns dans les autres et, cela tombe sous le sens, le bilan du Gouvernement ne peut être considéré comme « globalement positif » ou, à l'inverse, « complètement nul ». Tel est mon premier sentiment, monsieur le ministre délégué.
Par ailleurs, la succession des textes que vous faites adopter par le Parlement présente une sorte de contradiction. Ne livrez-vous pas un « combat » aux médias, en présentant des textes-chocs ? Il s'agissait, en 2001, d'un projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, en 2003, d'un projet de loi pour la sécurité intérieure, et, en 2006, il s'agit d'un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Vous répondez donc en permanence par un texte législatif à une situation qui semble vous dépasser, alors que, dans le même temps, les médias sont là, sur votre initiative ou non.
Au demeurant, je vous donne acte, car j'en demeure persuadé, que les mots « kärcher » et « salopards », de même que les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement, restent à la surface des choses, sans refléter la nature profonde de la situation. En effet, si ces mots n'avaient pas été prononcés, d'autres facteurs auraient sans doute conduit à une explosion des banlieues. Nous devons donc être, dans ce domaine, extrêmement nuancés.
Pour autant, on peut véritablement dire que vous « donnez la main » aux médias ! Je pense notamment à l'affaire des Mureaux, où la presse, convoquée ou non par vous, peu importe, était sur les lieux à sept heures du matin, alors que le maire, que vous appelez au secours par ailleurs, n'avait pas été informé de l'opération de police ! Je songe également à la lettre du préfet de la Seine-Saint-Denis, parue dans Le Monde, dans laquelle il évoque ses difficultés face à la violence dans son département.
De deux choses l'une, monsieur le ministre délégué : soit vous êtes informé, le préfet recevant votre aval, et vous ne pouvez pas vous plaindre des médias ; soit vous n'êtes pas informé, et vous devez alors sanctionner ce préfet ! Pour l'heure, tout cela n'est pas très clair.
Ne vous plaignez pas ensuite que l'on évoque, toujours par médias interposés, l'anniversaire des événements qui se sont déroulés l'an dernier en Seine-et-Marne. Effectivement, on comprend l'irritation que vous pouvez éprouver devant ce type de situation.
M. le ministre d'État a tenu une conférence de presse le 8 juin dernier, donc en milieu d'année, au cours de laquelle il a constaté que la délinquance avait reculé. Je veux bien lui en donner acte, mais il est toujours très difficile de savoir si la délinquance a diminué ou non. En réalité, tout dépend de la nature des actes.
À la lecture, certes intéressante, des statistiques, on voit que l'on a constaté 23 % d'infractions de moins sur la voie publique ; le nombre des infractions révélées a, quant à lui, progressé de 40 % ; le taux d'élucidation des affaires a connu une progression de neuf points ; le nombre de gardes à vue a augmenté.
À entendre, ce matin, notre collègue Jean-Claude Peyronnet, on se rend bien compte que tout dépend de la manière dont sont abordés les problèmes. En effet, si sont pris en considération les vols de portables, le taux de la délinquance sera en baisse et l'on pourra alors constater que la situation s'améliore beaucoup.
Il n'empêche que des problèmes demeurent. Ainsi, les violences gratuites aux personnes ont augmenté de 27 % depuis 2002, ce qui constitue, selon M. le ministre d'État lui-même, le point noir de son action. Il a d'ailleurs indiqué : « On constate malheureusement cette année une reprise de ces actes de violence, et ce malgré toutes les actions entreprises et en particulier la mise en place d'un plan national de lutte contre les violences aux personnes ».
Je reconnais que l'absence totale d'homogénéité entre les actes de violence rend l'action toujours difficile. De surcroît, il n'est pas aisé d'analyser « par tranches », en quelque sorte, lesdits actes afin d'estimer les points sur lesquels il y a eu progrès ou au contraire dégradation de la situation.
Toutes ces considérations, à vrai dire assez troublantes, me font dire que, en la matière, se pose le double problème des éléments objectifs retenus, c'est-à-dire notamment des décomptes exacts effectués par l'Observatoire national de la délinquance, et de la perception que peut avoir l'opinion des problèmes.
Souvenons-nous : quinze jours avant la dernière élection présidentielle, tous les médias faisaient état des violences dont avait été victime un homme seul et très âgé, à Orléans, et d'aucuns ont prétendu que c'était la raison pour laquelle Lionel Jospin avait échoué. Certes, vous l'avez souligné, pendant cette période-là, la délinquance aurait été en quelque sorte démultipliée. Soit ! Mais même si cela n'avait pas été le cas, pour autant, la perception de cet événement par l'opinion, à la veille de l'échéance présidentielle, aurait ruiné toutes les chances de ce candidat.
J'invite donc, non sans malice, M. Sarkozy, ministre d'État, mais il a d'autres préoccupations à l'heure actuelle, à garder à l'esprit cette dimension du problème, tant il est vrai que des événements peuvent toujours venir troubler le sentiment de l'opinion publique !
Cela étant dit, je me bornerai maintenant à formuler quelques observations, notamment sur la police de proximité.
Vous nous l'avez dit lors du précédent débat, ce matin, les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine n'ont absolument pas empêché l'arrestation des délinquants auteurs de l'attaque de l'autobus à Marseille. Sur ce plan, nous sommes en droit de vous féliciter, monsieur le ministre délégué. Effectivement, la police fait un travail admirable, ce qui mérite d'être souligné. Pour autant, si la police de proximité avait existé, ces événements se seraient-ils produits ? On le voit, tous les arguments sont réversibles. Selon moi, il faut prendre les faits « à l'état brut ».
Je souligne que MM. Türk et André, dans le rapport évoqué ce matin, rappellent que la police de proximité a été plébiscitée par les maires, ainsi que l'ont montré les résultats d'un questionnaire. Cela signifie que nous devons poursuivre la réflexion et que, en attendant, il serait vain de centrer le débat sur la question de savoir s'il faut ou non une police de proximité, car ce n'est pas à cette seule aune que l'on doit juger de votre action, quand bien même elle serait géniale.
Prenons le cas des dépôts de plainte en milieu rural : contrairement à ce que prétendent certains, je constate souvent que la gendarmerie décourage le dépôt de plaintes et que l'on n'hésite pas à demander aux personnes de revenir le lendemain !
J'en viens maintenant au suivi de la délinquance des mineurs. Une candidate à l'élection présidentielle a déclaré que l'on n'avait pas construit un seul centre éducatif fermé. En réalité, c'est inexact. Ces centres sont au nombre de vingt-trois et accueillent 233 personnes. Le Gouvernement prétend que l'objectif fixé par la loi de 2002 sera rempli en 2007, lorsque 450 jeunes pourront être accueillis.
On constate avec satisfaction que la moitié des jeunes qui séjournent dans un centre éducatif fermé ne récidivent pas. Cependant, je pense qu'à ce stade les mesures préconisées ne peuvent pas aller très loin et que nous sommes obligés de nous donner toute une série d'autres moyens si nous voulons obtenir des résultats en ce domaine, s'agissant notamment de l'éducation des enfants et de l'action des parents.
Pour ce qui concerne, maintenant, le terrorisme, le ministre d'État a évoqué, dans sa conférence de presse, le problème en quelques mots. Bien que ce ne soit pas l'objet de la discussion d'aujourd'hui, je suis obligé d'évoquer la situation en Corse, monsieur le ministre. M. Sarkozy avait indiqué que le temps de l'impunité était terminé. Je lui répondrai que le temps de l'impunité continue !
Les attentats sont quotidiens en Corse. Le FLNC donne des interviews et se sert admirablement de ce prestataire de services qu'est la presse, alors que l'on pourrait imaginer qu'une organisation clandestine, par définition, soit obligée de fabriquer ses journaux elle-même. En l'occurrence, c'est inutile, puisque tous les médias, notamment ceux du service public, sont à sa disposition, si j'ose dire, pour faire en sorte que ses messages puissent être diffusés. À l'Assemblée nationale, l'un de mes collègues, Émile Zuccarelli, je crois, a demandé l'ouverture d'une information après la publication, voilà quelques jours, d'une interview du FLNC. Mais peut-être n'en êtes-vous pas encore informé, monsieur le ministre délégué ?
Et aujourd'hui encore, la presse locale se fait l'écho d'actes de « vandalisme », vocable ô combien savoureux dont vous apprécierez le caractère ésotérique quand vous saurez qu'il désigne la destruction de deux engins de chantier, d'une valeur de quelques millions d'euros. Voilà comment on édulcore la réalité de la lutte que se livrent les mafias locales pour s'emparer de certains marchés !
Monsieur le ministre délégué, il y a eu, en dix-huit mois, neuf morts dans la région d'Ajaccio, neuf assassinats !
M. Nicolas Alfonsi. « C'est le milieu ! », me dit-on, et les services de police d'expliquer, certes, de façon officieuse, qu'ils n'ont pas à s'occuper de ce qu'ils considèrent en la matière comme une sorte d'autodestruction naturelle !
Rires sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre délégué, nous en convenons, toute obligation de résultat est très difficile à remplir en la matière. Pour autant, il y a un problème. Depuis vingt ans, je passe mon temps à répéter que l'imbrication permanente entre l'organisation clandestine et les mafias de tous genres crée une situation extrêmement difficile à vivre pour des gens normaux, pour des citoyens ordinaires.
Le référendum est passé par là. Vous en connaissez le résultat. Je n'aurai pas la cruauté de le rappeler, que ce soit à vous ou à d'autres. Normalement, cela devrait, aujourd'hui, donner l'occasion de se ressaisir et de faire en sorte que ce type de situation ne se reproduise pas.
Comme je l'ai dit au début de mon propos, je parle avec humilité. Mais là où il faudrait de la discrétion, de la rigueur, de la persévérance, nous avons le sentiment que vous succombez un peu trop facilement aux médias. Je souhaiterais que puissent coïncider la réalité et le discours, et qu'il n'y ait plus de décalage entre les deux.
La sécurité est la première des libertés, c'est une certitude, et tous les membres de cette assemblée sont pour la liberté. Je ne jetterai donc pas la pierre au Gouvernement, mais j'émettrai quelques réserves sur l'action qui a été conduite, formant simplement le voeu que la sécurité ne soit pas l'occasion de mener une politique partisane.
Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la question de notre collègue Jean-Claude Peyronnet portant sur le bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002 est bien évidemment à regarder à la lumière des récents événements qui se sont produits dans une partie du pays, un an après ce que l'on appelle communément la « crise des banlieues » de novembre 2005.
Les délits commis à l'occasion de ces événements, si dramatiques, si condamnables soient-ils, viennent, une fois de plus, confirmer l'échec de la politique du ministre de l'intérieur et du Gouvernement tout entier tant sur le plan sécuritaire, certes, que sur le plan économique et social.
Force est de constater que cette politique, aussi libérale que répressive, a conduit le pays dans une impasse, et ce en moins de cinq ans.
Comment expliquez-vous en effet, monsieur le ministre délégué, vous qui représentez dans cet hémicycle un ministre d'État une fois de plus absent, que l'on en soit arrivé à la situation que l'on connaît aujourd'hui, alors que vous êtes aux commandes du pays depuis plus de quatre ans ; alors que vous avez toutes les cartes en main ; alors que l'on ne compte plus le nombre de lois modifiant notre dispositif pénal que ce gouvernement a fait voter par sa majorité parlementaire au nom de la lutte contre l'insécurité ; alors que Nicolas Sarkozy a occupé au sein du Gouvernement tour à tour les postes de ministre de l'intérieur et de ministre des finances, quand il ne s'est pas pris pour le ministre de la justice ?
Qu'en est-il aujourd'hui, alors que Nicolas Sarkozy a eu toute latitude depuis 2002 pour légiférer, pour adresser des circulaires aux préfets, pour dicter sa politique aux forces de l'ordre et ainsi de suite ? C'est l'échec !
Alors, pourquoi un échec si manifeste ?
Serait-ce à cause des magistrats, boucs émissaires tout trouvés, jugés trop laxistes et donc responsables, selon Nicolas Sarkozy, de la situation actuelle, singulièrement en ce qui concerne le traitement de la délinquance des mineurs ? Non ! D'ailleurs, un récent rapport a salué le travail de ces juges. De plus, il faut savoir que le taux de réponse pénale dans les affaires où sont impliqués des mineurs est supérieur au taux de réponse pénale dans les affaires où sont impliqués des majeurs, ces taux étant respectivement de 85 % et de 77 % en 2005.
Serait-ce alors à cause de l'ordonnance de 1945, qui organiserait l'impunité des mineurs ? Non ! D'ailleurs, la justice des mineurs prend un tour de plus en plus répressif. Les sanctions sont de plus en plus lourdes ; le nombre de mineurs en prison est en hausse.
Le principal défaut de cette ordonnance, qui offre au juge un large éventail de mesures, est le manque cruel de moyens humains et matériels qui empêche sa bonne application, essentiellement pour ce qui concerne sa partie éducative. C'est en raison de cette carence de moyens que ce texte est très partiellement appliqué, ce qui fait dire à ses détracteurs que l'ordonnance est inefficace et que, par conséquent, il convient de la réformer.
Or, rapprocher le droit pénal des mineurs de celui des majeurs, comme le veut la droite, n'est qu'un pis-aller, une solution simpliste et démagogique censée rassurer l'opinion publique.
Serait-ce enfin à cause des politiques menées avant l'actuel ministre d'État ? Non ! Ce raisonnement serait trop facile et très réducteur.
Les raisons, multiples, de cet échec sont ailleurs.
Loin de répondre aux inquiétudes, légitimes, de nos concitoyens en matière de sécurité - d'ailleurs, est-ce vraiment l'objectif du ministre de l'intérieur ? Permettez-moi d'en douter ! - la politique pénale qu'il mène, axée essentiellement sur la répression, se révèle pour ce qu'elle est, à savoir injuste et inefficace.
Les choix incohérents du ministre d'État en matière de sécurité, tels que la suppression de la police de proximité, le déploiement de CRS dans les quartiers jugés sensibles, n'ont pas fait reculer les violences, loin s'en faut.
En revanche, ils ont conduit à une stigmatisation de la population, à un véritable harcèlement des jeunes des quartiers populaires, soumis à d'incessants contrôles d'identité, voire à des humiliations.
Or, on le sait, la seule répression ne peut pas tout régler.
Vous aurez beau démultiplier les réformes pénales, augmenter autant que vous le voudrez le quantum des peines, accroître le nombre de places en prison, rien n'y fera, si la répression, qui est nécessaire, ne s'accompagne pas d'une politique globale de prévention, d'une politique économique et sociale digne de ce nom.
Je le dis haut et fort pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à mes propos : je condamne avec la plus grande fermeté tout acte violent - en cet instant, comment ne pas penser à cette jeune Marseillaise encore entre la vie et la mort ? - comme je condamne tout incendie et toute destruction de biens, publics et privés, d'autant que les premières victimes de ces actes sont les populations qui sont déjà les plus défavorisées, les plus précarisées, celles qui subissent de plein fouet les injustices de la « mal vie » et les effets de votre politique libérale, monsieur le ministre délégué.
En effet, ainsi que vous l'aurez constaté, les émeutes se font très rares à Neuilly-sur-Seine ou, d'ailleurs, à Nice !
Les auteurs de ces actes doivent être punis. C'est une évidence. Cependant, à chaque infraction commise, il faut une réponse - mesure éducative, réparation, sanction - permettant de donner des repères à des jeunes qui n'en ont plus, ni au sein de la cellule familiale, ni à l'école.
Pour qu'elle soit comprise et efficace, la sanction doit être individualisée, en opposition au traitement global qu'est l'enfermement, lequel doit demeurer autant que faire se peut l'ultime recours. La sanction, qui doit être proportionnée à la gravité de l'acte, devrait toujours prendre place au sein du triptyque « prévention, dissuasion, sanction-réparation ».
Ce n'est évidemment pas la voie choisie par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qui privilégie la « surveillance » et la « punition », comme si elles allaient permettre à la France de se mettre à l'abri des flambées de violence qui l'assaillent.
La répression ne permet de prévenir ni le passage à l'acte délictuel, ni la récidive.
En réalité, la crise des banlieues permet au ministre de l'intérieur de justifier sa politique sécuritaire et de susciter le rappel à l'ordre. Dans ce climat de pré-campagne électorale, lui-même, le Gouvernement et la majorité parlementaire, aimeraient imposer leur thème favori, celui de l'hystérie sécuritaire, comme en 2002. Cependant, cette stratégie de la tension est très dangereuse, je l'ai déjà dit.
La droite porte une grande responsabilité dans la violence de ces derniers jours en répondant à la violence par la violence et la provocation ; surtout, elle n'a rien fait, ni, depuis 2002, pour les jeunes, les quartiers et les populations qui y vivent, ni, a fortiori, depuis novembre 2005, pour apporter des solutions aux problèmes de ces quartiers.
La motivation sociale des auteurs des émeutes de novembre 2005 ne peut plus être niée, non plus que le fait que l'on avait affaire non pas à des voyous tous connus des services de police, mais à des primo-délinquants. L'effusion de violence de l'automne 2005 a bel et bien traduit une crise profonde qui trouve son essence dans des mesures toujours plus inégalitaires faisant le jeu du libéralisme et dans l'abandon des politiques publiques volontaires.
Malgré les efforts du ministre de l'intérieur pour l'occulter, le débat sur la question sociale, sur le chômage de masse et l'inégalité d'accès des jeunes des quartiers populaires au marché du travail, s'est imposé à l'issue de la crise de l'an dernier, débat qui a mis en lumière l'exigence de changements radicaux au profit d'une politique de cohésion, d'intégration et de solidarité en faveur des hommes et des territoires, là où le Gouvernement n'a su qu'apporter une réponse policière à de lourds problèmes sociaux.
Alors que l'on était en droit d'attendre des réponses permettant une politique porteuse de justice sociale et de respect mutuel, ce gouvernement a répondu dans un premier temps par la répression, puis par l'extension des zones franches, le retour du travail des enfants, avec l'apprentissage à quatorze ans, et le fameux CPE.
Un an après les violences urbaines de 2005, force est d'admettre que les inquiétudes, les questions, les colères, sont toujours là. Les problèmes qui ont conduit à cette situation de crise demeurent : le chômage, la précarité, la dégradation de l'habitat, la ghettoïsation, l'éclatement des ZEP, la réduction des subventions accordées aux associations de terrain, la fermeture des services publics de proximité, l'étranglement financier des collectivités en raison de transferts de charges non compensés par l'État, les discriminations, et ma liste n'est pas exhaustive.
Aucune réponse sociale n'a été apportée au profond malaise qui s'est exprimé alors. Au contraire, l'UMP et le MEDEF en ont même profité pour poursuivre leur politique injuste au mépris de la population, tout en accroissant le climat sécuritaire et en aggravant les communautarismes.
Que sont devenues les promesses faites à l'époque par M. de Villepin ? Où est passé son « plan d'urgence pour l'emploi » ? Quid des propositions avancées par le président du conseil général de Seine-Saint-Denis le 15 novembre 2005, en pleine crise des banlieues, pour répondre à l'urgence sociale et aller vers plus de justice et de dignité ?
On le voit, rien de significatif n'a été fait depuis l'an dernier. Si, pardon ! Nous avons eu la loi CESEDA, modifiant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et celui qui instaure, entre autres, la privatisation de GDF : autant de textes qui nous offrent un florilège de certitudes libérales, d'atteintes aux libertés et d'attaques contre le service public !
En revanche, les inégalités à l'origine de la colère sont toujours là, et, surtout, elles s'aggravent d'année en année. J'en veux pour preuve l'enquête menée par le président de l'Observatoire des inégalités. Les petites phrases, les effets d'annonce et les provocations sont également toujours présents, sans parler des descentes de police dans les cités qui se font sous les feux des projecteurs.
Pour résumer, le bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002 par la droite est assez éloquent : on assiste à des flambées de violence comme le pays en a rarement connu. Le malaise et le mécontentement grandissent dans la population, singulièrement celle des quartiers dits sensibles, et surtout chez les jeunes, même si l'on ne souscrit pas à la forme que prend leur colère.
Mais comment pourrait-il en être autrement ? Peut-on sincèrement penser que l'aggravation de la précarité, la privatisation de pans entiers de la vie sociale, économique et culturelle, le racisme et les humiliations permanentes, n'auraient aucune conséquence sur toute une génération ?
Le mécontentement gagne aussi les forces de l'ordre, en sous-effectif chronique dans les zones dites sensibles, malgré ce que vous nous avez dit ce matin, monsieur le ministre délégué, ces forces de police qui se font agresser sur le terrain et paient ainsi, d'une certaine manière, le prix des propos tenus par leur ministre de tutelle.
Il faut arrêter la surenchère sécuritaire, qui est contre-productive et dangereuse pour tout le monde.
Il faudrait un grand débat public sur l'utilisation démocratique des forces de police : quelle police pour quel usage ?
Si le maintien de l'ordre est nécessaire, en revanche, telle ne peut être l'unique voie à suivre en matière de sécurité. Le recours aux BAC, aux CRS et aux GIR ne suffira pas à tout régler. Il faut rétablir une police de proximité en y apportant certaines adaptations tirées de l'expérience passée. Chacun ici doit se rappeler tout l'intérêt du travail de l'îlotage. Il faut renouer le dialogue entre les policiers et la population et mettre à nouveau en place un travail de discussion avec les associations de locataires, les associations sportives et culturelles. Il faut contribuer à apaiser les tensions, à retisser le lien social.
Nous avons besoin d'une police républicaine, respectée et formée.
Pour cela, il faut arrêter d'affecter dans les quartiers les plus difficiles les jeunes fonctionnaires tout juste sortis de l'école de police et fidéliser ceux qui, par leur expérience de terrain, ont acquis une bonne connaissance des quartiers les plus difficiles ; il faut revoir la répartition des effectifs de police sur le territoire, qui est inchangée depuis cinquante ans, arrêter la culture du chiffre, cette politique du rendement axée sur la seule répression, dangereuse pour tous et qui fait peser sur les forces de l'ordre une forte pression hiérarchique.
Le ministre de l'intérieur ne va pas s'en tirer, cette fois-ci, en érigeant en vérités avérées des cas particuliers souvent horribles, ou grâce à ses pirouettes habituelles, lui qui n'hésite pas à énumérer les chiffres qui font l'éloge d'une politique sécuritaire, à annoncer des mesures législatives destinées à durcir encore le dispositif pénal français ou encore à proposer d'amender le texte sur la prévention de la délinquance, le tout sous couvert du sempiternel leitmotiv qui lui est cher - « je dis tout haut ce que d'autres pensent tout bas » - et qui tourne, selon la version, soit à la fanfaronnade, soit au populisme le plus primaire et, donc, le plus dangereux.
À chaque incident dans le pays, la réponse est un article du code pénal ou du code de procédure pénale.
Or, ce n'est pas de cela qu'ont besoin nos concitoyens. Le sujet est trop sérieux, la situation trop grave, pour que l'on puisse se laisser aller à des querelles stériles sur les chiffres de la délinquance, chiffres que chacun interprète d'ailleurs à sa façon, ou à des discours d'autosatisfaction en pleine campagne électorale.
Ce que nous attendons cette fois-ci de la part du Gouvernement, ce sont des annonces concrètes en termes de logement, de santé, d'amélioration de l'habitat, de services publics de proximité en milieu urbain comme en milieu rural, d'éducation, de loisirs, de lutte contre les discriminations, de police de proximité, bref, tout ce qui est susceptible de reconstituer le lien social, afin que le « vivre ensemble » soit plus que des mots.
À mon sens, le tissu social ne pourra se reconstituer qu'au prix de réformes radicales et d'une véritable ambition sociale, mais cela suppose bien évidemment l'octroi des moyens financiers adéquats et, surtout, une réelle volonté politique.
Tel est le prix à payer pour enrayer la spirale de la violence et de l'insécurité engendrée par le fonctionnement même de notre société.
Hélas, à regarder le projet de budget de la France pour 2007, actuellement examiné à l'Assemblée nationale, force est de constater que telle n'est pas la priorité de ce gouvernement, qui se préoccupe davantage d'éponger la dette publique et de supprimer des postes de fonctionnaires que d'apporter des réponses ambitieuses et à la hauteur des besoins qui s'expriment.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, tenter de porter un jugement un peu objectif sur le bilan de l'action du ministre de l'intérieur en matière de lutte contre l'insécurité relève de la gageure.
Manquent toujours les indicateurs fiables permettant d'apprécier la performance : la statistique des « faits constatés » de l'état 4001 ne mesure pas plus de manière fiable l'activité des délinquants que le « taux d'élucidation » ne traduit leur risque d'être rattrapés par la justice.
Sans parler de la délinquance qui demeure inconnue, le recueil statistique 4001 ne concerne ni la totalité des crimes et délits, ni les infractions relevées sur main courante, mais seulement les faits signalés au Parquet, suite à une plainte ou à l'initiative des services.
« On reproche, à juste titre, à l'outil d'enregistrement de la délinquance ou état 4001 d'être insuffisant, partiel, parcellaire, parfois partial », écrit le criminologue Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance. L'AFP nous rapporte ce matin qu'à Lille, par exemple, 4 000 faits ont été enlevés de la comptabilité 2005. M. Alain Bauer remet en cause l'usage d'un indice agrégeant des données très hétérogènes, la pertinence d'un agrégat comme celui de « délinquance de voie publique », qui est pourtant le plus commenté, et celle de la comparaison entre mêmes mois d'années qui se suivent.
Depuis le printemps 2002, les Français sont pourtant convoqués chaque mois afin d'analyser ces indicateurs non fiables.
Nous utilisons le même baromètre que nos prédécesseurs, dites-vous, monsieur le ministre délégué, et vous l'avez encore rappelé ce matin. Oui, et alors ?
De deux choses l'une, en effet : ou l'instrument mesure, même de manière grossière, ce qu'il est censé mesurer, et on peut l'utiliser, ou ce n'est pas le cas, et on ne s'en prévaut pas. Puissiez-vous l'utiliser un siècle, le baromètre dont vous avez parlé ce matin ne vous livrera pas plus la température que l'état 4001 le niveau de la délinquance.
Vous-même, monsieur le ministre délégué, qui êtes sportif de haut niveau et visiblement lecteur d'Alice au pays des merveilles, vous n'hésitez pas à prendre tous les risques : l'état 4001 mesure pour vous non seulement la délinquance, mais aussi le nombre de « non victimes » : « Depuis 2002, nous avons évité à notre pays, par notre politique, un million de victimes », m'avez-vous répondu le 5 octobre 2002.
Il fallait oser, vous l'avez fait !
Quant au taux d'élucidation, il ne saurait, lui non plus, être utilisé sans précautions. Son mode de construction fait qu'à nombre de faits élucidés constant il augmente lorsque le nombre de faits constatés dans l'année diminue. Il croît aussi avec le nombre de faits constatés sur l'initiative des services, par définition élucidés à 100 %.
De 2002 à 2005, le taux global d'élucidation peut bien avoir augmenté, pour atteindre 33, 7 %, comme vous nous l'avez dit, mais un calcul assez simple montre que le nombre d'élucidations des faits déclarés - ce qui intéresse les gens - n'a pas pour autant progressé.
L'augmentation du taux d'élucidation est la conséquence mécanique de la diminution du nombre de faits constatés et de la progression de l'initiative des services.
Cela dit, un taux d'élucidation de ce niveau laisse à penser qu'on fera plus diminuer l'insécurité en augmentant les risques pour les délinquants de se faire prendre qu'en alourdissant les peines de ceux... qui ne se feront pas prendre !
Avec de tels indicateurs, il suffit que le ministre de l'intérieur apparaisse pour que les résultats soient là.
« Entre janvier et avril, avant que nous arrivions, la délinquance a encore augmenté de 5 %. Depuis le mois de mai, elle a augmenté de 0 %. Au mois d'août, pour la première fois depuis cinq ans, la délinquance a diminué », annonçait-t-il dès l'automne 2002.
M. Sarkozy arrive au ministère de l'intérieur et la progression de la délinquance s'arrête, puis recule, avant même que les mesures décidées par le nouveau gouvernement aient pu avoir un quelconque effet sur le terrain.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Se trouve ainsi vérifié le théorème bien connu des statisticiens, dit théorème de Demonque : « Sur une courte période, les statistiques de la délinquance varient en proportion inverse de la popularité du ministre de l'intérieur auprès des agents chargés du collationnement des données qui les fondent. »
Sourires
Pourtant, dès que l'on sort du brouillard des statistiques globales, des ratios de convenance et des comptabilités à géométrie variable, pour s'en tenir aux faits les plus incontestables et les plus graves, le paysage change totalement.
Ainsi, loin de diminuer, les violences aux personnes augmentent : calculées sur douze mois glissants, les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes progressent, selon l'intervalle considéré, de 6, 6 % à 8, 4 % ; les vols avec violence sont en hausse de 6, 2 % et les violences physiques non crapuleuses de 10 %, avec une pointe à 11 % en mai dernier.
Un autre indicateur peu contestable, les incendies de voitures, a, lui, explosé. De 15 000 en 2000, sous la « gauche laxiste », il passe à 45 588 en 2005 et s'établit à 21 000 pour le seul premier semestre 2006, sous la « droite enfin responsable ». C'est qu'en novembre 2005 est survenu un événement majeur, à savoir l'embrasement d'une partie des communes de banlieue, obligeant le Gouvernement à décréter l'état d'urgence, ce qui n'avait pas été fait même en 1968 ! L'image du pays à l'étranger en fut ternie. Le Premier ministre espagnol ne le fera pas dire à M. Sarkozy, venu lui donner des leçons de politique en matière d'immigration.
Le ministre de l'intérieur n'est évidemment pas responsable de l'état des quartiers en difficulté déploré depuis longtemps et de la lente dégradation des conditions de vie de leurs habitants. En revanche, outre de n'avoir rien vu venir, on peut lui faire deux reproches : en arrêtant brutalement la politique de retissage patient du lien social mise en oeuvre par ses prédécesseurs, il a non seulement affaibli les capacités de réponse naturelles des populations à l'incivilité et à la délinquance, mais a aussi aggravé la crise par l'usage ostentatoire et médiatique de la force publique.
Paradoxalement, c'est dans les zones non sensibles que les effectifs de sécurité ont le plus progressé et que les adjoints de sécurité ont le moins diminué.
Ensuite, mais ensuite seulement viennent les zones sensibles et les zones très sensibles : quelle fine stratégie que de dégarnir ses lignes les plus exposées !
Non seulement les effectifs des forces de sécurité sont donc moins étoffés en zones sensibles et très sensibles qu'ailleurs, mais il en est fait un usage contestable. À cet égard, la mission d'information commune chargée d'évaluer la politique en direction des quartiers, que nous avons évoquée ce matin, souligne dans son rapport : « Cependant, il convient avant tout de revoir les modalités d'intervention de la police et de les adapter aux situations rencontrées. » Elle ajoute même que la multiplication des contrôles d'identité, parfois plusieurs fois par jour, est perçue comme le signe de contrôles au faciès et comme une humiliation.
Pour ma part, j'estime que les opérations « médiatico-policières » ont profondément dégradé les relations de la population avec la police, créant des solidarités contre nature là où il faudrait isoler les éléments violents et délinquants.
La mission observe que, progressivement, s'installent des formes larvées de vendettas personnelles entre population et forces de l'ordre. Quant aux maires, pourtant promus au rang de coordonnateurs de la prévention de la délinquance, ils ne peuvent que constater, de plus en plus impuissants, la dégradation de la situation.
La mission précise encore : « Cependant, la diminution des moyens consacrés à la médiation sociale, la reconquête des quartiers par de nouvelles méthodes d'intervention ont éloigné la police de la population. Or, il ne peut y avoir de sécurité sans la population. Un rééquilibrage paraît donc indispensable, de même qu'une relance des partenariats avec tous les acteurs de la prévention. »
Cela revient à affirmer, en termes diplomatiques, que la méthode Sarkozy a échoué. Le ministre de l'intérieur la justifie par la situation et par la gravité des délits, notamment les agressions envers des policiers. Cela n'a évidemment aucun sens : le problème est non pas d'être plus ou moins « compréhensif » envers les délinquants, comme vous essayez de nous le faire croire, mais d'être efficace. Or on ne peut être efficace sans le soutien de la population.
Monsieur le ministre délégué, vous avez évoqué ce matin le cas de la ville de Marseille. Je serais tenté d'être d'accord avec vous, mais, à y regarder de très près, on voit que, si la citée phocéenne est restée calme en novembre 2005, c'est grâce notamment à l'existence d'équipements collectifs plus nombreux qu'ailleurs, à un tissu socioéducatif et culturel ancien et solide.
Vive le maire !
Vivent tous les maires successifs, monsieur le ministre délégué, car ils agissent ainsi depuis trente ans !
C'est grâce aussi à l'intégration de policiers en civil à la population et, surtout, au fait que les habitants des quartiers se sentent Marseillais et en sont fiers.
L'attentat aux conséquences dramatiques qui vient d'avoir lieu est doublement révélateur. Il montre, premièrement, qu'à Marseille aussi la situation est explosive et qu'elle appelle des solutions de fond. Il prouve, deuxièmement, que c'est la solidité de l'encadrement social qui a permis l'identification rapide et l'arrestation des auteurs du crime, sans déploiement de forces particulier. À l'origine, vous l'avez rappelé ce matin, selon le préfet de police, l'information décisive a été obtenue « grâce au travail de fond et de proximité d'un fonctionnaire appartenant à la BAC des quartiers Nord. » À l'évidence, la population a vu dans la police une alliée et non pas, comme trop souvent, une ennemie.
Il serait temps de regarder les choses en face et de rompre avec une politique incantatoire, globalement inefficace et sectoriellement dévastatrice.
La montée d'une violence gratuite de plus en plus difficile à contenir est le signe du délitement du tissu social, de l'absence de repères et de l'inefficacité de l'encadrement social « naturel ». Cette délinquance est encore plus difficile à contenir que celle dans laquelle entre encore en compte un semblant de calcul rationnel.
Dans les secteurs difficiles, les élus de toutes tendances et les préfets décrivent une situation devenue explosive. Je vous ferai grâce des citations, mes collègues vous les ayant données ce matin !
Au demeurant, il n'y a pas que les quartiers réputés difficiles à être touchés par les nouvelles formes de délinquance. Ainsi le nombre d'agressions sur les usagers des transports publics est-il en forte progression dans les villes de province, surtout dans les plus petites.
Même les amis du ministre de l'intérieur s'inquiètent, comme le prouve cet extrait de l'exposé des motifs d'une toute récente proposition de loi de sénateurs UMP : « Depuis lors, les Français assistent inquiets à une montée de la délinquance violente et du terrorisme. Les malfaiteurs semblent faire de moins en moins cas de la vie humaine. Chaque jour désormais ou presque, on enlève et on tue des enfants, on assassine des personnes âgées pour leur dérober leurs économies ; on n'hésite plus à ouvrir le feu sur les représentants de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. »
Il est difficile de porter un jugement plus sévère sur le bilan de M. Sarkozy !
En conclusion, monsieur le ministre délégué, je vous ferai une confidence. Quand je vous entends chanter les louanges du ministre de l'intérieur, comme vous le faites inlassablement, et ce matin encore, je suis victime d'un curieux phénomène stéréophonique : j'ai l'impression d'entendre, dans mon oreille droite, Edith Piaf chanter : « Avant toi, y avait rien, avec toi, je suis bien » et, dans mon oreille gauche, Dalida lui répondre : « Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots... Parole, parole, parole » !
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je me réjouis du fait qu'après avoir débattu ce matin des politiques conduites en faveur des quartiers en difficulté le Sénat aborde maintenant les résultats de la politique de sécurité menée par le Gouvernement depuis 2002, car ces deux questions sont intimement liées, dans mon département de la Seine-Saint-Denis comme ailleurs.
Après mon collègue Jean-Patrick Courtois, je salue votre initiative, monsieur Peyronnet, qui nous permet ici de mettre en valeur les résultats probants en matière de sécurité de l'action de l'actuel gouvernement, et particulièrement de Nicolas Sarkozy. Il est vrai qu'il aurait été difficile d'avoir le même débat, avec des résultats aussi bons, entre 1997 et 2002, étant donné que la délinquance, sur cette période, avait augmentée de 14 %.
Cher collègue Peyronnet, vous dénoncez dans le texte de votre question l'outil statistique de mesure de la délinquance, ce qui, selon vous, permet à chacun de trouver sa vérité.
En effet, lorsque vous affirmez que les violences non crapuleuses et les atteintes aux personnes ont augmenté, vous y trouvez votre vérité. Lorsque vous dénoncez les résultats concernant la délinquance des mineurs et les violences scolaires, force est de constater que, là aussi, vous trouvez votre vérité. Tout comme lorsque vous annoncez, sans autre argument, le niveau des violences urbaines.
Vous vous renvoyez la balle sur la délinquance en faisant monter la pression sur la sécurité : c'est affligeant !
Mais vous avez sans doute malencontreusement oublié, car je n'ose douter de votre bonne foi, de spécifier que la délinquance générale a reculé de 8, 8 % entre 2002 et 2006. Et ça, c'est la vérité !
Même s'il reste, bien sûr, beaucoup à faire, il nous faut néanmoins, en tant que responsables politiques, avoir l'honnêteté de reconnaître ces résultats encourageants, dont nous devrions tous être fiers.
Au lieu de cela, vous vous en prenez systématiquement à celui qui est l'artisan de cette baisse, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.
Toujours dans le texte de votre question, vous accusez le Gouvernement de se dédouaner de toute responsabilité en incriminant les magistrats. Notre collègue Éliane Assassi vient d'ailleurs de faire de même.
Je me doute à quoi vous faites référence et je crois utile de préciser qu'il faut replacer les choses dans leur contexte et ne pas faire d'amalgame. En effet, les seuls magistrats mis en cause étaient les juges des enfants du tribunal de Bobigny.
M. Christian Demuynck. Le saviez-vous, les jeunes délinquants les surnomment les « Pères Noël », tant ils sont cléments à leur endroit !
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Et ce n'est pas Mme Assassi qui pourra me contredire ! Alors, parler de démission lorsqu'à peine 8 % des jeunes déférés en 2005 ont été finalement écroués ne me paraît pas exagéré.
Je considère bien volontiers la différence de perception qui doit être la vôtre, vu de la Haute-Vienne, mon cher collègue.
La mission principale qui est impartie à un ministre de l'intérieur est de garantir la sécurité de nos concitoyens, et cela partout, car il n'y a rien de plus scandaleux que d'entendre des critiques sur des policiers qui auraient eu une attitude provocante, simplement parce qu'ils ont osé patrouiller ou faire un contrôle d'identité, que ce soit en uniforme ou non, dans des quartiers difficiles.
M. Christian Demuynck. Les forces de l'ordre doivent être respectées dans n'importe quelle campagne, dans n'importe quelle ville, dans n'importe quel quartier de France. Et Nicolas Sarkozy a cette volonté et le prouve chaque jour !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Pour que les forces de l'ordre soient respectées et soutenues par la population, pour que chaque intervention ne dégénère pas en attroupement hostile, phénomène qui devient d'ailleurs inquiétant, il faut faire évoluer les mentalités, et ce dès le plus jeune âge.
Si à l'école, par le développement de l'éducation civique, qui doit retrouver sa place, ou en dehors, par le biais d'actions de sensibilisation et de promotion, comme le fait par exemple l'armée de terre, on donne une image plus humaine des forces de l'ordre, si l'on met en valeur le fait qu'elles sont là avant tout pour protéger chacune et chacun d'entre nous avant de réprimer, alors, il y a fort à parier que la cohabitation sera meilleure.
De plus, durant les derniers événements, le problème de la jeunesse et du manque d'expérience des policiers dans certains quartiers difficiles a été mis en avant.
Monsieur le ministre délégué, ne pourrait-on pas imaginer, pour améliorer les résultats de la police dans ces quartiers, inciter des policiers expérimentés à venir y travailler ? Je propose une revalorisation des aides financières, notamment des aides au logement et de certaines autres primes qui sont aujourd'hui bien trop faibles. Par exemple, à l'heure actuelle, la prime de fidélisation s'élève à 805 euros par an, soit environ 65 euros par mois, ce qui est dérisoire compte tenu des conditions extrêmes de travail auxquelles ces agents sont soumis.
Je suppose que c'est ce que vous allez dire au moment de la discussion budgétaire !
Il ne s'agit pas là de jeter la pierre à de jeunes fonctionnaires qui sont souvent très compétents et qui font un travail remarquable. Cependant, l'expérience du terrain ne s'apprend pas à l'école : elle s'acquiert au fil du temps.
Ce que je viens de dire pour la police, je peux le redire dans les mêmes termes pour les enseignants.
En effet, la responsabilité éducative de notre société est ici en jeu. Et si le retour à l'ordre et à l'autorité est un préalable dans les écoles de la République, un enseignement de qualité dispensé par des professeurs qui ont l'expérience de la pédagogie ne pourrait que tirer vers le haut ces établissements scolaires, et finalement ces quartiers, en donnant un espoir aux jeunes.
Monsieur le ministre délégué, je terminerai en parlant plus spécifiquement de mon département, la Seine-Saint-Denis, qui est, à bien des égards, symbolique, et malheureusement, trop souvent caricaturé.
Malgré le travail de qualité que les forces de l'ordre et le corps préfectoral effectuent tous les jours sur le terrain, il faut reconnaître que les résultats ne sont pas bons et que l'insécurité progresse. Le contraste avec les chiffres relevés partout ailleurs, qui indiquent une baisse de la délinquance, appelle une réaction.
Comme je le répète inlassablement depuis des années à l'occasion des discussions budgétaires successives, la spécificité de la Seine-Saint-Denis, compte tenu de sa mixité sociale et d'un aménagement territorial qui a montré toutes ses limites, nécessite des moyens particuliers.
M. Christian Demuynck. À ce titre, à la suite de la polémique qu'a suscitée la lettre du préfet Cordet, dont je voudrais souligner ici le grand professionnalisme, il y a eu une prise de conscience et un renfort d'environ trois cents policiers a été promis par Nicolas Sarkozy.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il avait promis la même chose il y a un an ! Chaque année, c'est pareil, et l'on ne voit rien venir !
Madame la présidente, j'aimerais pouvoir terminer tranquillement mon propos sans subir ce brouhaha infernal sur mon extrême gauche !
Monsieur le ministre délégué, pourriez-vous nous indiquer les modalités et le calendrier retenus pour l'affectation de ces fonctionnaires supplémentaires, qui seront loin d'être de trop, je vous le garantis ?
Enfin, je crois utile de préciser, à la suite des propositions que j'ai pu entendre ces derniers jours, que la Seine-Saint-Denis n'a nul besoin d'être une fois encore stigmatisée par le biais d'une loi qui lui serait spécifique. Ce serait selon moi une offense faite aux hommes et aux femmes qui vivent dans ce département et qui l'aiment.
Vous le voyez, monsieur le ministre délégué, je ne suis pas tombé dans l'angélisme et l'autosatisfaction dans l'appréciation que je fais du bilan de la politique de sécurité conduite depuis 2002, car il reste beaucoup de travail à accomplir.
Néanmoins, je mesure le chemin qui a été parcouru depuis quatre ans et tiens à rendre hommage à ce gouvernement et à ceux de Jean-Pierre Raffarin. Il vous appartient désormais de relever les défis qui s'ouvrent encore à nous pour offrir à nos concitoyens le niveau de sécurité qu'ils attendent. C'est là notre responsabilité d'élus et c'est la mission que ce gouvernement s'est fixée. Le reste, ce ne sont que polémiques, calculs politiques, considérations électoralistes, et les Français ne s'y tromperont pas !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant la campagne pour l'élection présidentielle de 2002, la sécurité était considérée par tous les observateurs comme un, voire comme « le » problème majeur.
Un déballage médiatique horripilant a contribué à faire que la campagne a tourné exclusivement, ou presque, autour de ce sujet.
Rappelons-nous l'histoire de ce vieil homme seul, agressé dans sa maison, qui avait fait la une de tous les médias pendant plus d'une semaine.
Je ne veux pas dire par là que la sécurité est un problème mineur. Je déplore seulement que la médiatisation à outrance d'un cas isolé ait déplacé et détourné le débat politique.
Le gouvernement de Lionel Jospin ne considérait pas la sécurité comme un problème mineur. Son action a d'ailleurs contribué à l'infléchissement de la hausse des violences. À cet égard, le colloque de Villepinte symbolise le climat de l'époque. Mais il faut aussi rappeler la création de la police de proximité, le recrutement de nouveaux effectifs et l'affectation de moyens supplémentaires.
M. Sarkozy n'étant pas parmi nous, je compte sur vous, monsieur le ministre délégué, pour lui transmettre les propos suivants, qui lui sont directement adressés.
Depuis la dernière élection présidentielle, monsieur le ministre d'État, vous êtes au pouvoir. En effet, en cinq années, vous n'avez quitté le ministère de l'intérieur que peu de temps. Quel bilan peut-on tirer de votre action ?
Vous avez purement et simplement supprimé la police de proximité, qui commençait à avoir des effets positifs dans les quartiers, et vous avez concentré les effectifs de police dans les centres-villes, là où le besoin s'en fait le moins sentir.
Le résultat de cette politique ? Les violences contre les personnes ne cessent d'augmenter ; jamais il n'y a eu autant de voitures brûlées dans les quartiers ; quant aux transports en commun, ils sont devenus des cibles privilégiées.
Ce bilan est désastreux. La société française est plus dangereuse aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, alors même que vous disposez d'un pouvoir considérable. D'ailleurs, vous ne vous privez pas de vous en servir.
Vous avez ainsi monté un dispositif législatif extravagant, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, étendant les pouvoirs des forces de l'ordre, multipliant les occasions de créer des fichiers, et j'en passe. Chaque fait divers fut suivi, quelques mois plus tard, d'un nouveau texte.
Pour soutenir toutes ces actions, vous avez usé et abusé de la médiatisation qui avait fait votre succès en 2002.
Et pourtant, nous fêtons aujourd'hui un bien triste anniversaire, avec de bien tristes évènements : une jeune femme de vingt-six ans est actuellement encore dans un état critique ; deux adolescents et un père de famille sont morts l'an dernier ; des millions de personnes subissent toujours les conséquences des violences et des dizaines de milliers d'autres se trouvent sans moyens de transport.
Monsieur le ministre d'État, il y a cinq ans, vous donniez des leçons et traitiez vos prédécesseurs d'incapables.
Or, en cinq ans, vous n'avez fait qu'attiser la haine, qu'attiser le feu. Vous avez fait grandir le fossé entre les jeunes des quartiers et les forces de l'ordre. Vous avez monté les communautés les unes contre les autres et érigé des frontières entre les générations.
Les épisodes de flambée de violence se succèdent depuis deux ans : c'est d'abord, en mars 2005, l'agression de jeunes manifestants contre la loi Fillon par d'autres jeunes venus des banlieues parisiennes ; puis, en octobre et novembre 2005, trois semaines d'émeutes dans les villes les plus défavorisées de France ; enfin, la violente agression par des jeunes casseurs de manifestants anti-CPE.
Les tensions sont de plus en plus vives dans les quartiers, surtout lorsque le Gouvernement leur envoie pour toute réponse des cars de CRS, ce qui ne résout rien.
Les évènements de l'an dernier sont significatifs : ils symbolisent l'échec de vos méthodes.
Ils démontrent d'abord votre incapacité à répondre aux attentes de nos concitoyens en ce domaine. La violence de ces trois semaines d'émeutes avait couvé, puis s'est amplifiée peu à peu à coups de « Kärcher » et de « racailles ». Elle a mûri aussi à force de chômage, de discrimination et d'abandon.
Pour répondre à ces évènements, vous avez déclaré l'état d'urgence. Vous conveniez donc que ces évènements, qui se produisaient quatre ans après votre retour au pouvoir, étaient d'une gravité exceptionnelle.
Vous avez alors eu l'audace de refuser d'indemniser les collectivités locales et les particuliers qui avaient eu à subir les conséquences de votre politique en matière de sécurité ! Or le maintien de l'ordre est de votre responsabilité ; les conséquences du non-maintien de l'ordre sont donc à la charge de l'État.
À maintes reprises, de nombreux parlementaires ont relayé les appels de leurs concitoyens. Ils vous ont alerté sur les difficultés et les craintes de nombreux particuliers qui ont perdu, lors de ces évènements, leur seul moyen de transport pour aller travailler, alors qu'ils comptent parmi ceux de nos concitoyens qui ont le plus besoin de travailler et qui sont les plus fragiles.
Nous vous avons aussi alerté sur les demandes émanant des collectivités territoriales. Certaines communes ont en effet été contraintes de réaliser d'importants travaux à la suite de ces évènements, des gymnases et des écoles ayant été incendiés. Or ces communes sont celles qui connaissent déjà les plus grandes difficultés.
Pour tous ceux-là, particuliers ou collectivités, vous auriez pu faire un geste, car ils doivent souvent faire face à des assurances dont les tarifs ont explosé.
Mais vous n'avez rien fait.
Monsieur le ministre d'État, votre bilan doit vous ramener à plus de modestie. Vous ne pouvez plus vous cacher derrière celui de vos prédécesseurs. C'est vous qui êtes responsable de ce bilan peu glorieux.
Et encore n'ai-je pas évoqué, dans ce court moment qui m'est imparti, la situation de la Corse, qui connaît une recrudescence des violences. Depuis plusieurs mois, il ne se passe pas une semaine sans que s'y produise un attentat ou un incident entraînant des dégâts importants.
Là aussi, monsieur le ministre d'État, vous êtes comptable de la sécurité de nos concitoyens. Un jour ou l'autre, ces incidents tourneront au drame.
Il n'est pas souhaitable que la prochaine campagne présidentielle se déroule dans le même contexte que la précédente. Mais tout laisse à penser que certains l'envisagent pourtant de façon stratégique.
Nous devons tout faire pour éviter cela, car ces sujets entraînent des réactions démesurées, certes compréhensibles, mais qui nuisent au débat politique, débat qui exige au contraire calme et sérénité.
Les problèmes du pays ne doivent pas être relégués au second plan. Monsieur le ministre d'État, les cartes sont entre vos mains pour apaiser les esprits, afin que ce rendez-vous électoral décisif et historique se déroule dans un contexte serein. C'est votre responsabilité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nos pensées se tournent d'abord vers la jeune Mama Galledou, notre compatriote victime de l'attentat dont vous avez tous eu connaissance, qui lutte encore pour sa vie, une vie qui ne sera plus jamais ce qu'elle avait espéré. Nos pensées vont également à sa famille.
Je souhaite répondre à ceux qui se sont interrogés sur le motif d'un tel débat. Mes chers collègues, que pouvons-nous faire pour qu'un tel drame ne se reproduise pas ? Tel est précisément le sens du débat proposé par M. Peyronnet.
L'incendie du bus 32 à Marseille fait malheureusement suite à une longue série de crimes crapuleux, racistes et sexistes : le meurtre d'Ilan Halimi, celui de Jean-claude Irvoas, assassiné alors qu'il photographiait un réverbère pour des raisons professionnelles, celui de Sohane Benziane, brûlée vive, et bien d'autres encore.
Les collègues qui m'ont précédé à cette tribune ont insisté sur l'augmentation de l'insécurité et des actes d'incivilité, qui se manifestent par les incendies d'autobus et de milliers de voitures, ainsi que par le saccage de biens publics et collectifs.
À cela s'ajoutent les agressions dont font l'objet des policiers - parfois pris dans de véritables souricières ou guets-apens - et dont les auteurs doivent être poursuivis et condamnés. C'est un miracle qu'un accident majeur ne se soit pas encore produit ou qu'un homme ne soit pas mort !
Je voudrais rendre hommage ici au courage, au sang-froid et à l'engagement des policiers et des gendarmes qui, sur le terrain, jour après jour, réussissent à maintenir l'ordre dans les zones les plus difficiles, tout en respectant la légalité et en évitant les incidents ou les accidents. Ils ont bien mérité de la République.
Il faut donc restaurer l'ordre républicain partout où il est mis ou remis en cause. Cette démarche doit aller de pair avec la restauration des valeurs fondamentales qui sont à la base de notre société, en particulier le respect des institutions et de la démocratie, le respect de l'autorité, des parents, des enseignants et, pour commencer, le respect de la vie humaine.
Ces valeurs, personne n'en a le monopole : elles fondent notre culture et notre démocratie. Nous les défendons, nous, au moins autant que vous.
À cet égard, je demanderai au ministre d'État de cesser de parler à la gauche et de la gauche avec ce ton de commisération, de mépris, voire de supériorité.
Si l'argument principal de votre ministre d'État consiste à traiter François Hollande « de comique inimitable de la vie politique », vous conviendrez que nous serions en droit de vous répondre, pour filer la métaphore, que, dans ce Médrano permanent, vous êtes quant à vous des gugusses !
Vous répétez à satiété la thèse selon laquelle la gauche serait -- je cite dans le désordre le florilège des qualificatifs - incompétente, laxiste, prisonnière d'un angélisme digne de jeunes pensionnaires du couvent des Oiseaux - j'ignore s'il existe encore - mais, en tout cas, responsable de tout ce qui s'est passé avant et, pourquoi pas, depuis 2002 !
Nous serions ceux qui excusent les marlous, ceux qui laissent courir les assassins, ceux qui ouvrent les prisons. Nous serions avec les agresseurs contre les victimes ! Voilà ce que Nicolas Sarkozy dit de nous, et je vous le dis tout net, c'est inacceptable, surtout de la part d'un ministre d'État qui, les derniers sondages le montrent, inquiète 55 % des Français et n'en rassure que 30 %. Tout cela relève du faux débat, de la caricature et de la mauvaise foi.
Votre ministre d'État a, il y a quelque temps, critiqué injustement les juges du tribunal pour enfants de Bobigny.
Outre que le nombre des condamnations et leur durée ne sont pas nécessairement des indicateurs d'une bonne justice, le vrai problème, tout le monde le sait, tient à l'absence des structures nécessaires pour l'incarcération, la rééducation et la réintégration des mineurs après le prononcé des peines.
C'est la grande misère de la protection judicaire de la jeunesse, la PJJ, et des associations qui aident les pouvoirs publics à rééduquer ces jeunes, à les remettre dans le droit chemin, à suppléer les parents démissionnaires ou défaillants.
En fait, cette présentation vise, à mon sens, à cacher votre propre incurie et, sans doute aussi, d'une certaine manière, votre propre déception. Car, sans faire de polémique, tout montre que la situation s'est dégradée depuis quatre ans. Cela a été suffisamment illustré à cette tribune pour que je n'y revienne pas.
Vous commettez pour le moins une erreur de diagnostic. Au pire, vous jouez avec le feu, c'est-à-dire avec la peur des Français ! Vous pensez que la sécurité s'obtient par la seule répression, par la lourdeur des peines, par la réforme permanente et incessante du code pénal et du code de procédure pénale.
À chaque crise, à chaque crime ou délit que nous sommes unanimes à condamner légitimement, le ministre d'État ou le garde des sceaux viennent devant le Parlement pour lui proposer de doubler les peines de prison, de réduire ou de supprimer les sursis, d'introduire des peines incompressibles ou des peines plancher.
Vous êtes donc dans une vision purement quantitative et sécuritaire. Ce que je dis est tellement vrai que certains, dans votre ministère et dans les préfectures - et je ne vise pas que la préfecture de Seine-Saint-Denis - surprennent en retirant les forces de l'ordre, dans certaines situations graves, pour ramener le calme.
C'est que vous en êtes à votre quatrième loi sur la sécurité : après la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure d'août 2002, la loi pour la sécurité intérieure de mars 2003, la loi sur le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers de janvier 2006, nous attendons maintenant la seconde lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Plus d'une loi par an, si l'on y ajoute les lois contre l'immigration, celle contre les mariages avec les étrangers, que votre collègue de la justice vient de faire passer !
Et nous avons des craintes que vous ne transformiez en outil supplémentaire de répression l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants, qui a donné de bons résultats pendant soixante ans. Nos prédécesseurs issus des rangs de la Résistance avaient bien fait leur travail.
Bien sûr, nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer les textes quand la société se transforme ! Mais cela a déjà été en grande partie fait.
Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 marque déjà un durcissement sensible de la réponse pénale à la délinquance des mineurs. J'en citerai deux éléments : la possibilité d'exclure, pour les jeunes de seize à dix-huit ans, ce que l'on appelle l'excuse de minorité, qui permet de prononcer une peine équivalente à celle qui serait infligée à un majeur ; la création des centres éducatifs fermés pour les mineurs âgés de treize à dix-huit ans.
Par ailleurs, la cour d'assises des mineurs peut d'ores et déjà prononcer une peine de prison à l'encontre de mineurs de treize ans et plus si les mesures éducatives et de placement ne semblent pas appropriées.
Voilà ce qui existe, aux termes de modifications législatives récentes. Faut-il aller plus loin et modifier une nouvelle fois la loi applicable aux mineurs ? Certainement pas ! Un tel projet ne ferait que s'ajouter à d'autres textes, redondants et inutiles, dont vous êtes habituellement les promoteurs. Il est inutile de déférer les mineurs devant les assises en cas d'agression de policiers, car chacun sait que cette mesure est à la fois inapplicable et bête. Il faut commencer par appliquer les textes en vigueur, mais c'est évidemment plus difficile que d'aller donner quelques coups de menton au journal de 20 heures !
Nous, nous proposons des solutions qui ont fait leurs preuves, tout en étant conscients de la complexité de la question telle qu'elle a été développée en particulier dans le rapport de la mission d'information commune examiné ce matin par notre assemblée.
En matière de sécurité, nous proposons des mesures indissociables du retour à une police de proximité dotée de capacités judiciaires et pratiquant l'îlotage, en tirant les enseignements de ce qui a été fait entre 1997 et 2002.
Nous proposons la prévention précoce de la violence, dans le cadre d'un plan gouvernemental, et la création de cellules de veille éducative.
Nous proposons l'application de mesures éducatives et de sanctions prononcées, ce qui implique, nous le savons, un effort budgétaire considérable pour les forces de sécurité et pour la justice.
Nous proposons une valorisation des alternatives à la prison en vue de faciliter la réinsertion des mineurs délinquants.
Nous proposons un plan de lutte contre les violences conjugales et familiales, ce qui nécessitera probablement une loi du Parlement.
Nous proposons un renforcement de la présence des adultes dans les écoles afin d'endiguer les comportements violents.
Nous proposons la réduction des délais entre l'infraction, la constatation de l'infraction, la sanction et son exécution.
Nous proposons enfin de redonner un soutien réel et financier aux associations de terrain qui oeuvrent pour la prévention.
Voilà les grandes lignes de ce qu'il faudrait faire, en veillant à y associer la justice, la police et la gendarmerie, les élus, en particulier les maires, et les citoyens dans un effort commun. Voilà ce que nous ferons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre délégué, j'avoue que le ton que vous avez adopté à l'égard de la représentation nationale nous incite à répondre comme vous le faites en général : assez vertement et en lâchant les freins !
Monsieur le ministre délégué, le gouvernement auquel vous appartenez n'a eu de cesse, notamment par la voix de son ministre de l'intérieur, de fustiger l'angélisme de la prévention, de railler toute tentative d'analyse et d'explication des phénomènes de violence, de prôner la sanction indifférenciée, remplissant encore, et encore plus, nos prisons.
Au gré de textes législatifs à répétition - trois en trois ans, un record sur le sujet et un triste aveu d'activisme et d'impuissance -, la liste des délits n'a cessé de s'allonger, stigmatisant dans un même amalgame la détention de cannabis, le vol à la roulotte et le stationnement dans une cage d'escalier !
Autant de manquements à la loi soumis à ce que vous appelez la « tolérance zéro », manquements qui n'ont pourtant de commun que la suspicion qu'ils font porter sur les Français de moins de vingt-cinq ans pour peu qu'ils résident dans des quartiers d'habitat social !
Le « tous racailles » serait-il une revanche au « tous pourris » dont sont parfois accusés les politiques ? On n'ose y croire ! Notre responsabilité est bien, au contraire, d'apporter une réponse digne et efficace aux difficultés rencontrées dans les quartiers. Et, pour cela, il convient d'asseoir l'action publique en matière de tranquillité sur ses deux piliers, pour nous d'égale importance, prévention et sécurité.
J'évoquerai pour commencer la prévention, plus généralement les actions d'accompagnement social.
N'en déplaise au locataire de la place Beauvau, les phénomènes de violence sont en effet les conséquences de l'échec d'autres politiques : échec des politiques économiques, avec le chômage massif, la précarité, les discriminations à l'embauche, l'abandon du soutien associatif ; échec des politiques sociales, avec l'exclusion, les assignations à résidence, l'absence de mixité ; échec des politiques éducatives, avec le saupoudrage des moyens dans les ZEP, où les postes vacants sont de plus en plus nombreux.
« La police ne peut donc seule régler le problème des quartiers difficiles et la première forme de prévention est de créer les conditions d'une insertion réussie dans la société. » Cette assertion n'est pas défendue par une gauche irresponsable et angélique. Elle est in extenso tirée du rapport signé par M. Pierre André au nom de la mission d'information commune présidée par M. Alex Türk sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années.
Les élus locaux le répètent, nos collègues le confirment : le quasi-abandon de toute politique de prévention et de médiation sociale a fait des ravages : « Un rééquilibrage paraît indispensable, de même qu'une relance des partenariats avec tous les acteurs de la prévention ». Au premier rang de ces acteurs : les associations.
Ainsi, « les quartiers qui n'ont recensé aucun incident sont ceux où le tissu associatif et social a pu être préservé ». Celui-ci s'adossait à deux dispositifs essentiels à sa vitalité : les emplois-jeunes et les contrats de ville.
Or le gouvernement auquel vous appartenez a brutalement mis fin à l'expérience des emplois-jeunes en 2002.
C'est ainsi que les agents locaux de médiation sociale, les ALMS, qui exerçaient leur activité pour près de la moitié d'entre eux en ZUS, au nombre de 4 000 à la fin 2003, sont à peine plus de 1 300 aujourd'hui.
Pourtant leur utilité avait été éprouvée, à tel point, d'ailleurs, que, à la suite des violences de novembre 2005, le comité interministériel des villes a décidé le 9 mars dernier de recruter 5 000 nouveaux médiateurs sociaux ! Quatre ans de perdus ! Il mobilise pour cela deux nouveaux contrats aidés : les contrats d'accompagnement dans l'emploi et les contrats d'avenir, créés après qu'eurent été supprimés ceux qui existaient antérieurement : emplois-jeunes, CEC, ou contrats emploi consolidés, et autres CES, contrats emploi solidarité...
La mission d'information commune elle-même, dans son rapport, « déplore cette politique de stop and go qui fragilise la crédibilité du dispositif ».
Que de temps perdu, que de déstabilisation des maillages associatifs locaux ! Que de coups portés aux réseaux d'acteurs que sont les mairies, les centres sociaux, les services départementaux, investis tout au long de l'année pour un meilleur vivre-ensemble dans les banlieues !
Quant aux contrats de ville, ils ont vu leur enveloppe considérablement réduite en 2005, mettant les collectivités territoriales face à ce dilemme : constater le recul des actions associatives dans les quartiers ou compenser le désengagement financier de l'État. Certaines n'ont même pas eu à choisir, la faiblesse de leurs budgets les a contraintes à assister, impuissantes, à la suppression de plusieurs fiches actions de leur contrat de ville, faute de moyens.
Le sursaut de la fin de l'année dernière, avec l'annonce de crédits supplémentaires pour les associations, n'est qu'un symptôme supplémentaire de l'inconséquence de l'action d'un gouvernement qui crée les conditions du désastre et, une fois celui-ci constaté, se félicite de prendre des mesures correctrices !
Je pourrais encore développer ici le rôle de l'école dans la prévention des violences, cette école qui doit donner des perspectives d'avenir aux enfants et adolescents, cette école dont l'un des rôles est d'assurer les jeunes qu'ils ont toute leur place dans la société.
Là encore, le rapport de nos collègues André et Türk est sans ambiguïté : « Le facteur majeur de l'entrée dans la délinquance est l'échec scolaire avant la sixième, qui implique un risque trois à quatre fois supérieur d'être impliqué dans des délits ».
Mais, là encore, dans les quartiers défavorisés, la République ne s'est pas donné, ces dernières années, les moyens de ses ambitions : les effectifs restent trop élevés ; la carte scolaire est massivement contournée ; les enseignants sont souvent de jeunes professionnels qui n'ont pas choisi leur affectation et manquent d'expérience ; leur travail est insuffisamment valorisé ; de nombreux postes d'enseignement spécialisé et de santé scolaire sont vacants.
Bref, l'égalité des chances n'est plus qu'un souvenir !
Si la prévention et l'accompagnement social sont donc indispensables, la politique de sécurité proprement dite l'est tout autant.
L'action de la police est, à ce titre, essentielle et doit prendre des formes variées, adaptées au territoire d'intervention. Le rapport de la mission d'information commune est sur ce point d'une grande clarté et contredit complètement ce que vous nous avez dit ce matin.
Tout d'abord, on y rappelle que « la police de proximité a été plébiscitée par les maires » : 82 % des édiles interrogés par la mission ont qualifié de « bon » ou de « très bon » le bilan de la police de proximité, en raison notamment de sa « meilleure présence sur le terrain » et de son « rôle éducatif non négligeable auprès des jeunes ». Alors, soit vous êtes un incompris, soit vous n'êtes pas écouté !
Pourtant, dès octobre 2002, malgré ce bilan, la police de proximité, qui sécurise au quotidien et alimente en informations la police judiciaire, n'est plus considérée comme prioritaire : alors que les deux vont de pair, elle est supplantée par la seule action judiciaire.
Les brigades anticriminalité et les CRS sont alors déployées dans les quartiers difficiles sans pour autant que la hausse des violences aux personnes soit enrayée : elle était de 7, 5 % en 2005, le taux étant de plus 8, 5 % dans les transports publics, chiffres publiés dans le rapport du Sénat.
Les effectifs en charge de la police de proximité sont, depuis 2002, redéployés vers d'autres services qui deviennent prioritaires aux yeux du ministre, notamment la lutte contre l'immigration, ce dont la police de l'air et des frontières, la PAF, et la DST profitent.
De même, la création d'une police des transports affaiblit la présence policière sur la voie publique et, faute de budget pour le paiement d'heures supplémentaires, des agents de police sont priés de récupérer leurs heures à domicile. Ainsi, dans le commissariat de police que je connais le mieux, celui de ma ville, 10 % de la totalité des effectifs sont assignés à leur domicile, et donc inemployables, sur une période allant de six mois à deux ans !
Pis, « le changement des modes d'intervention de la police s'est traduit par une dégradation des relations entre la police et la population [...], les habitants déclarant craindre des violences ou de l'irrespect ».
La relation de confiance est rompue et le déploiement de forces n'a eu qu'un effet contreproductif.
La mission commune d'information, que l'on ne peut accuser de complaisance, dresse ainsi le tableau des tensions entre police et habitants : augmentation constante des procédures pour outrages ; propension croissante des policiers à se constituer partie civile montrant une personnalisation des conflits ; multiplication des saisines de la commission de déontologie ; contrôles d'identité à répétition - jusqu'à plusieurs fois par jour - vécus comme autant d'humiliations...
Pour faire face au déficit d'encadrement des fonctionnaires de police, il faudrait une meilleure valorisation des rémunérations et des carrières.
Pour atténuer la défiance entre policiers et habitants, il faudrait apprendre aux gardiens de la paix à mieux connaître les jeunes qu'ils côtoient dans les quartiers et les former à la lutte contre les discriminations.
Pour une action au plus près des réalités du terrain d'intervention, il faut réactiver une véritable police de proximité.
Voilà autant de propositions, non pas de la gauche - elles ne sauraient trouver grâce à vos yeux -, mais de la mission commune d'information.
Le regain de tension actuel traduit les manquements de votre gouvernement, qui, au-delà des affichages sécuritaires, n'a su ni prendre la mesure de la désespérance des banlieues ni en déterminer les causes avec justesse. Le rapport de la mission commune d'information en témoigne, les élus que nous sommes le répètent depuis des mois : l'heure est au bilan et au changement de cap.
Nous vous demandons non pas de vous renier, mais simplement d'entendre les appels des élus sur le terrain et des populations, qui n'ont pas choisi leur lieu de vie. Ne serait-ce que parce qu'elles sont assignées à certains territoires, elles méritent plus que d'autres la solidarité nationale pour elles et leurs familles. C'est en tout cas notre conception, et c'est elle qui nous guidera dans la détermination des politiques nationales, sous votre gouvernement comme sous celui qui, je n'en doute pas, lui succédera quand nos concitoyens pourront s'exprimer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur Peyronnet, je tiens à mon tour à vous remercier de votre initiative : c'est une formidable occasion que nous offre à travers vous le groupe socialiste du Sénat d'aborder le bilan de la lutte contre l'insécurité depuis 2002 et de mettre ainsi en lumière l'action ambitieuse et déterminée que Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin ont menée depuis quatre ans et les résultats incontestables de notre politique.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Je tiens d'abord, au nom du ministre d'État, à saluer une nouvelle fois l'engagement au quotidien des policiers et gendarmes qui ont permis d'obtenir, ces quatre dernières années, un net recul de la délinquance, répondant ainsi, en matière de sécurité, aux attentes, anciennes, de nos concitoyens.
Depuis mai 2002, la délinquance générale a baissé de près de 9 %, résultat que certains ont contesté, mais que je démontrerai dans la suite de mon exposé par des preuves irréfutables.
Je rappelle tout de même qu'entre 1998 et 2002 vous utilisiez le même baromètre que nous et qu'il était tous les mois à la hausse !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Personne ne peut contester l'intégrité des fonctionnaires chargés de la lecture de ce baromètre. Or ce sont les résultats communiqués par ces fonctionnaires au ministre de l'intérieur que celui-ci rend publics tous les mois et il se trouve que les chiffres annoncés par les ministres de l'intérieur qui se sont succédé entre 1997 et 2002 faisaient apparaître une montée de la délinquance, la hausse étant allée jusqu'à atteindre 14, 5 %, alors que les chiffres font aujourd'hui apparaître une baisse de 9 %.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Dès lors, comment pouvez-vous contester cette baisse ? Vous pouvez continuer d'égrener vos propres chiffres, mais, en tout état de cause, ceux que j'avance sont incontestables.
D'ailleurs, depuis le début de cette année, la délinquance a encore reculé de 0, 9 %.
Je souligne qu'entre 1998 et 2002 elle augmentait régulièrement et inéluctablement.
Le taux d'élucidation des crimes et délits a progressé de plus de 40 % en quatre ans.
Cette augmentation de 40 %, à laquelle nos forces de sécurité - qui, entre nous soit dit, sont les mêmes qu'avant 2002, mais auxquelles nous avons donné des outils nouveaux - ont pu parvenir grâce à la nouvelle organisation voulue par le législateur, en tout cas voulue par ceux, et ceux-là seuls, qui ont voté la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la loi pour la sécurité intérieure, est elle aussi incontestable.
En ce qui concerne plus spécifiquement la délinquance de voie publique, celle qui empoisonne en réalité la vie de nos concitoyens au quotidien, elle a reculé de 23 % depuis mai 2002, alors qu'entre 1998 et 2002 elle avait augmenté de 10, 5 %. Là aussi, que chacun assume son bilan ! Nos résultats sont incontestables et l'outil statistique n'a pas été modifié.
Vous semblez, en quelque sorte, mettre en cause l'action des policiers.
Moi, je veux rendre hommage à leur travail, à leur professionnalisme et à leur courage.
Je ne sais pas de quoi sera fait l'avenir politique de notre pays, mais, quels que soient, dans le respect de la démocratie, les responsables de demain, le devoir de chacune et de chacun d'entre nous, dès lors qu'une baisse de la délinquance succède à la hausse que nous avons connue jusqu'à 2002, est tout de même de tenter d'ancrer durablement ces résultats.
C'est pourquoi Nicolas Sarkozy a souhaité ouvrir de nouvelles perspectives dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance voté en première lecture par le Sénat il y a quelques semaines.
Quant au rôle de la police en matière de prévention, de répression et de proximité, monsieur Peyronnet, vous évoquiez « l'exagération du Gouvernement à privilégier le versant répressif de la police ». Permettez-moi une petite digression sémantique sur le sujet en revenant quelques instants sur la notion de sécurité de proximité. En effet, un faux débat s'est instauré en France à cet égard.
Personne n'a abandonné la proximité, ...
Dites-le aux maires : ce sont eux qui ont le sentiment d'être abandonnés !
... sauf peut-être le gouvernement socialiste entre 1997 et 2002.
Monsieur le sénateur, vous avez dit voilà quelques instants avoir inventé en 1997 la police de proximité, mais permettez-moi de vous rappeler que c'est le ministre de l'intérieur Charles Pasqua qui l'a créée sous le gouvernement d'Édouard Balladur, entre 1993 et 1995.
Hélas ! vous avez vidé ses missions de leur contenu, raison pour laquelle nous avons dû reprendre en 2002 cette politique de proximité que vous aviez abandonnée entre 1997 et 2002 en cherchant à l'adapter à la réalité des problèmes de sécurité pour en venir à une notion de sécurité de proximité.
En effet, vider de sa substance l'action de la police de proximité, c'était en quelque sorte essayer de transformer nos policiers, qui pour beaucoup d'ailleurs s'en sont plaints à l'époque, en « agents d'ambiance », ...
... ce qui n'était pas le but du jeu. C'est pourquoi il nous fallait revenir à une vraie politique de sécurité de proximité.
Les résultats de l'abandon de cette politique, nous les connaissons malheureusement bien et je les ai rappelés tout à l'heure.
Depuis 2002, la démarche de Nicolas Sarkozy n'est pas doctrinaire : elle est fondée sur une analyse lucide et pragmatique de chaque situation locale. La présence policière a été renforcée aux heures et dans les lieux les plus criminogènes, ce qui, là encore, dénote la grande différence qui existe entre votre notion de la proximité et la nôtre.
Pour vous, la proximité consistait à faire du « relationnel » à partir de neuf heures du matin puis à « tirer le rideau » à dix-neuf heures. Or, ce qu'attendent les Françaises et les Français de notre part, c'est au contraire une sécurité de proximité aux heures où les menaces sont les plus importantes et notamment la nuit. C'est la raison pour laquelle nous avons réorganisé et restructuré les actions de proximité de la police dans ce sens.
Cette démarche n'a pas remis en cause les principes fondamentaux de la police de proximité, mais elle a rééquilibré l'action de la police sur le volet judiciaire et sa présence sur la voie publique. C'est la nouvelle stratégie qui a été définie par la LOPSI et mise en oeuvre par la circulaire du 24 octobre 2002.
La proximité, c'est être à l'écoute des besoins de la population, affirmer pour tous le droit à la sécurité et arrêter les délinquants.
La population attend en effet d'une police de proximité qu'elle lui permette de vivre librement et en sécurité. Elle n'a que faire de policiers qui se promènent sur la place du quartier et parlent gentiment à tel ou tel dont on sait qu'il participe à l'organisation de divers réseaux et au développement de l'économie souterraine, et qui menace tous les soirs dans leur cage d'escalier les gens qui rentrent paisiblement du « boulot ».
Au cours des années qui ont précédé 2002, vous avez laissé se développer la désespérance de la population, laquelle attend des policiers qu'ils interpellent, poursuivent et arrêtent les délinquants qui « pourrissent » la vie de la grande majorité des citoyens qui habitent ces quartiers.
Vous parlez de la population, mais permettez-moi de vous dire que, si vous êtes sensibles à la situation d'une toute petite minorité, pour notre part, nous sommes attentifs à l'immense majorité des habitants de ces quartiers, qui souhaitent que l'on soit près d'eux, que l'on réponde à leur exaspération et à leurs attentes, qui ne supportent plus de voir jour après jour les mêmes caïds les menacer et les empêcher de vivre paisiblement.
Il nous faut encourager plus encore les comportements citoyens. La lutte contre l'insécurité est bien l'affaire de tous. Le partenariat et le contact avec la population doivent donc être améliorés.
En 2002, Nicolas Sarkozy a redéfini les structures en matière de prévention de la délinquance, en créant notamment les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui se substituent aux conseils communaux de prévention de la délinquance et aux comités de suivi des contrats locaux de sécurité.
Nous constatons aujourd'hui une plus forte implication des élus et une concertation plus large que par le passé entre les acteurs de la sécurité et de la prévention.
Une grande majorité de maires se montrent très volontaristes. §Il serait d'ailleurs intéressant de comparer certaines actions municipales à d'autres qui accusent un manque de volontarisme et d'en mesurer les conséquences en matière de délinquance pour un certain nombre de quartiers.
Les maires ont souvent pris en main le suivi et l'animation des actions à mener. Il est donc tout à fait légitime qu'ils soient au coeur du dispositif, comme le prévoit le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, même si la direction des forces de l'ordre revient sans contestation possible à l'État.
Il reste encore une catégorie de faits que la police et la gendarmerie peinent à réduire : les violences aux personnes, particulièrement dans la sphère privée.
De mai 1998 à avril 2002, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont augmenté de 42 %. De mai 2002 à l'été 2006, la hausse s'est poursuivie, mais elle a été contenue à 12 %.
Certes, ces résultats sont insatisfaisants, mais la comparaison méritait d'être faite.
Je tiens tout particulièrement à souligner l'action des forces de l'ordre car, en matière de lutte contre les violences aux personnes - les violences conjugales, les violences individuelles, les violences familiales, les atteintes sexuelles aux enfants, etc. - le taux d'élucidation a progressé de 8, 5 %, passant de 48, 4 % en 2002, à 56, 9 % en 2006. J'ai ici toutes les statistiques relatives à chaque domaine touchant à la violence ! Et Nicolas Sarkozy est déterminé à lutter sans relâche contre cette montée de violence, qui touche également nos voisins européens.
Les dispositifs sont adaptés en permanence pour améliorer encore l'efficacité de la réponse policière.
Dès 2002, le ministre d'État a ainsi souhaité renforcer la sécurité dans les transports. J'entends aujourd'hui certains donner des leçons ; or je me souviens qu'entre 2000 et 2002 l'insécurité dans les transports en commun, notamment en région parisienne, avait augmenté de 30 %.
Nous avons créé le service régional de police des transports pour sécuriser quotidiennement 1 300 trains en Île-de-France. Les résultats parlent d'eux-mêmes : en 2005, la délinquance a reculé de 7, 83 %.
En province, en renfort des unités de sécurisation des transports en commun déjà existantes, trois services interdépartementaux ont été mis en place à Lille, Lyon et Marseille. En janvier de cette année, Nicolas Sarkozy a décidé de créer un véritable service national de police ferroviaire, qui regroupe 2 500 policiers et gendarmes. En neuf mois, son action s'est traduite par une baisse de 3, 41 % de la délinquance.
Le 26 octobre dernier, les principaux responsables des transports publics et les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales ont été réunis au ministère de l'intérieur. Tout est mis en oeuvre pour renforcer la sécurité des lignes de bus.
Nicolas Sarkozy a tout d'abord décidé de renforcer immédiatement les patrouilles de police et de gendarmerie sur les itinéraires sensibles, aux heures les plus critiques. Concrètement, cela signifie que, depuis le 26 octobre, 4 000 policiers et gendarmes sont déployés en renfort pour répondre aux risques et aux menaces. Dans chaque département, des plans d'action spécifiques ont été élaborés.
Tous les moyens dont nous disposons sont mobilisés. Si nécessaire, nous utiliserons des hélicoptères munis de puissants projecteurs, comme cela a déjà été fait en Seine-Saint-Denis, dans le Rhône ou dans l'Essonne. Tous les services d'investigation sont mis en oeuvre pour procéder à l'identification des auteurs d'infractions.
À Marseille, les mineurs suspectés d'avoir incendié un bus ont été déférés devant les magistrats. À Lille, les auteurs de l'incendie d'un bus le 29 octobre ont été interpellés.
Il y a un an, notre pays a connu vingt-cinq nuits de violences urbaines. Face à ce déchaînement de violence, la réponse des forces de l'ordre et de la justice a été forte : 6 050 individus ont été interpellés pendant ou après les émeutes, 5 643 ont été placés en garde à vue et 1 328 ont été écroués.
Afin de contenir et de combattre efficacement ces dérives urbaines, nous nous devions d'adapter nos dispositifs. Nous avons donc décidé de déployer vingt-deux unités de CRS et sept escadrons de gendarmerie de manière permanente, dans les lieux et aux horaires les plus sensibles, dans le cadre du plan de renforcement de lutte contre les violences urbaines mis en place dans les dix-huit départements les plus touchés par ce phénomène.
Cette présence accrue sur la voie publique permet d'assurer un meilleur quadrillage de l'espace et apporte une réponse à la fois préventive et répressive à tout acte ou toutes prémices de violence urbaine.
En 2005, nous avons utilisé des hélicoptères afin de mieux surveiller certains secteurs. Nous disposons désormais de moyens aériens pour répondre à de nouveaux débordements éventuels.
En complément de cette action coordonnée des services territoriaux - la sécurité publique, les CRS, les renseignements généraux et la police judiciaire -, l'activité des groupes d'intervention régionaux a été orientée vers les quartiers sensibles, afin d'agir en profondeur sur l'économie souterraine. Ce travail contre l'économie souterraine est l'un des axes prioritaires de notre politique.
En quatre ans, les GIR ont permis de saisir plus de 1 650 armes, 1 480 véhicules, 5, 2 tonnes de cannabis, 145 kilos de cocaïne et d'héroïne et près de 29, 5 millions d'euros issus de l'économie souterraine.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Permettez-moi de vous faire remarquer la différence entre notre action et votre vision de la police de proximité, qui consistait à faire des politesses et à acheter la paix sociale en refusant de savoir ce qui se passait réellement dans ces quartiers.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Christian Estrosi, ministre délégué.... réseaux sur lesquels vous fermiez en quelque sorte les yeux. Voilà des résultats concrets ! Notre vision de la police de proximité est donc bien différente de la vôtre. Nous avons demandé aux policiers non pas de jouer au football ou de serrer des mains, mais simplement d'arrêter les délinquants.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il était également devenu nécessaire de se doter d'un outil performant, capable à la fois de recenser les faits de violences urbaines et de mesurer l'activité des services, pour adapter en temps réel la réponse policière et la rendre ainsi plus efficace.
Cette initiative s'est traduite par la création d'un indicateur national des violences urbaines. L'ensemble du dispositif est désormais coordonné par un bureau national de coordination de la lutte contre les violences urbaines.
Ainsi, au cours des neufs premiers mois de l'année 2006, dans les dix-huit départements bénéficiant de ce plan, 3 016 individus ont été interpellés, dont 1 077 incendiaires ; 2 678 d'entre eux, soit 88, 8 %, ont été placés en garde à vue, et 284, soit 9, 4 %, ont été écroués. Il est à noter que 46 % de ces mesures de garde à vue concernaient, hélas ! des mineurs.
Parallèlement, l'action des CRS dans ces départements a donné lieu à plus de 20 000 interpellations.
S'agissant des violences aux forces de l'ordre, l'augmentation du nombre d'attroupements hostiles et surtout de prises à partie violentes dans les quartiers sensibles apparaît clairement comme le corollaire de l'intervention directe des services contre des délinquants réfractaires à toute forme d'autorité, qui ont installé leurs trafics au coeur des quartiers.
Certains, tout à l'heure, parlaient de « quartiers de non - droit ». Comment peuvent-ils, dans le même temps, nous reprocher de faire pénétrer dans ces quartiers l'ensemble des forces de police ? Ce n'était pas le cas avant 2002 et cela apparaît quelquefois comme une provocation aux yeux de ceux qui vivaient tranquillement des réseaux qu'ils administraient. Cela ne leur plait pas et ils réagissent contre l'autorité !
La présence et l'action soutenue des forces de l'ordre gênent ces individus dans leurs activités illicites. Ils y répondent par une extrême violence pour préserver leur territoire. Vous ne pouvez pas dénoncer l'existence de zones de non - droit et nous reprocher parallèlement d'intervenir au sein de ces territoires, où ceux qui refusent notre intervention tendent des guets-apens à la police nationale.
Sur un sujet aussi grave que les atteintes à l'institution policière, il faut être précis !
On ne peut tout d'abord que constater que les violences à dépositaires de l'autorité sont en augmentation constante ces dernières années : en quatre ans, de mai 2002 à avril 2006, elles ont progressé de 34, 3 %. On peut s'interroger sur ce chiffre : pourquoi y a-t-il plus d'atteintes à l'institution aujourd'hui qu'auparavant ? Simplement parce qu'il y a davantage de policiers qui interviennent.
Nous avons eu très tôt conscience de ce phénomène et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de moderniser l'équipement des policiers en les dotant de gilets pare-balles ou, plus récemment, de pistolets à impulsion électrique.
Les délinquants n'hésitent plus désormais à s'en prendre directement aux policiers en empêchant physiquement leur action ou en leur tendant des guets-apens. On note un recours très fréquent à des jets de projectiles, d'engins incendiaires, d'objets lourds extrêmement dangereux.
Il s'agit non plus de simples provocations visant à défier l'autorité ou à dénoncer une intervention policière considérée comme injuste, ...
... mais de véritables opérations destinées à porter délibérément atteinte à l'intégrité physique des policiers qui sont aujourd'hui devenus des cibles. En témoignent les événements des Tarterets, des Mureaux, et plus récemment de la Courneuve et d'Épinay-sur-Seine.
Ces attaques ont pour seul et unique but de dissuader les forces de l'ordre de se rendre dans ces secteurs sensibles. En 2005, 4 246 policiers avaient été blessés en mission, contre 2 890 depuis le début de l'année 2006.
Pour combattre cette violence, les forces de l'ordre procèdent à des fouilles régulières des parties communes, des toits et terrasses des immeubles des quartiers sensibles, afin de réduire les lieux de stockage d'objets susceptibles d'être utilisés comme des armes par destination.
Les forces de l'ordre mènent également des opérations de sécurisation, et j'ai demandé que l'on adapte les règles d'utilisation des compagnies républicaines de sécurité dans les quartiers.
Enfin, les forces de l'ordre effectuent un travail de fond, ciblé sur les délinquants particulièrement actifs dans certaines cités, afin de mettre un terme à l'économie souterraine et au sentiment d'impunité, particulièrement propice à la remise en cause de l'autorité de l'État. Cela implique une réponse judiciaire adaptée à la gravité des délits.
Et permettez-moi en cet instant précis, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous dire que la sécurité de nos concitoyens ne se limite pas à l'action de la police et de la gendarmerie : elle dépend d'un certain nombre d'intervenants. Nous avons tous, en héritage, vingt ou trente ans de politique successive en matière d'urbanisme, d'emploi, d'action sociale, d'éducation nationale, de justice, qui rendent la tâche particulièrement difficile.
Nous rendons hommage ensemble, parce que c'est notre devoir d'unité nationale, à l'action de la police et de la gendarmerie depuis 2002 dans le cadre des nouvelles dispositions que nous avons prises, notamment avec la LOPSI et la LSI. Mais lorsqu'on regarde les chiffres, à savoir le nombre d'interpellations et le taux d'élucidation - qui n'ont cessé de croître depuis 2002, madame Assassi ! -, et, en vis-à-vis, les sanctions qui ont été prononcées, nous constatons malheureusement que la colonne des sanctions reste désespérément vide. Il est donc légitime de se poser des questions !
Je comprends la perplexité du policier ou du gendarme qui interpelle un dangereux délinquant le matin, le remet entre les mains de la justice pendant la journée, et l'arrête de nouveau le soir. Il est en droit de s'interroger sur les instructions qui lui ont été données par sa hiérarchie.
Aussi, quand le ministre d'État, ministre de l'intérieur, évoque la nécessité d'appliquer des peines planchers aux multirécidivistes et de réformer certaines des dispositions contenues dans l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, notamment l'âge de la majorité pénale, il apporte une réponse concrète aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Le délinquant mineur de 2006 n'a rien à voir avec celui de 1945 !
On me fait observer que la mise en place de peines planchers serait inadmissible, contraire à la Constitution, à nos principes et aux libertés individuelles. Mais jusqu'à la réforme de 1993, notre code pénal prévoyait des peines planchers, et il comprend encore bien des dispositions, en dehors de la répression de la délinquance, qui permettent l'application de peines automatiques.
Rien ne s'oppose à l'adoption de mesures qui, par exemple, doubleraient ou tripleraient la durée de la peine encourue lors d'une première ou d'une deuxième récidive, afin de doter la chaîne pénale des outils efficaces qui lui permettront de mieux fonctionner.
Comme le soulignait ce matin le ministre d'État, ministre de l'intérieur, lors d'une réunion avec les préfets, les procureurs et les recteurs, quand on construit une maison, il y a nécessairement un plancher et un plafond.
Que je sache, tous nos textes de loi prévoient des peines plafonds. Pourquoi, dès lors, serait-il impossible de prévoir dans notre législation des peines planchers ?
Ceux qui critiquent la volonté du ministre de l'intérieur de créer de telles peines versent donc dans une caricature qui confine à la désinformation, à moins qu'il ne s'agisse d'ignorance.
Si nous tenons à instituer des peines planchers, c'est parce que le sentiment d'impunité favorise la délinquance et que nous voulons qu'un multiréciviste soit condamné a minima. L'État doit apporter une réponse ferme au problème posé par ceux qui ne respectent plus rien ni personne.
Enfin, en matière de délinquance des mineurs, le nombre de ceux qui sont mis en cause est en augmentation constante : 98 864 en 1996, 177 000 en 2001 et 193 000 en 2005. C'est pourquoi nous tentons d'apporter des réponses pragmatiques, adaptées à ces jeunes adultes délinquants qui ont très largement passé l'âge de l'incrédulité.
La sécurité publique dispose de personnels spécialisés et met en place des actions ciblées. Elle participe également à la politique de prévention par le biais, notamment, des centres de loisirs des jeunes et des opérations de prévention d'été.
Monsieur Peyronnet, comment pouvez-vous arguer que les forces de police ne font que de la répression ? Et comment pouvez-vous rester aveuglé par l'angélisme de vos camarades, alors même que le comportement de certains de ces jeunes délinquants est tout simplement barbare ?
La réponse aujourd'hui est claire : le statut pénal des jeunes délinquants issu de l'ordonnance de 1945 n'est plus adapté.
Comment pouvez-vous accepter qu'un jeune mineur arrêté pour quelque fait délictuel ou criminel soit déjà connu des services de police pour des faits antérieurs, parfois de même nature ?
Nous ne pouvons plus supporter l'intolérable. C'est pourquoi le projet de loi sur la prévention de la délinquance, que vous avez récemment voté, comporte un large volet sur la délinquance des mineurs.
Nicolas Sarkozy sera intraitable sur ce sujet, alors qu'une jeune femme se trouve aujourd'hui encore entre la vie et la mort après avoir été brûlée dans un bus par une bande d'individus que l'on ne peut qualifier que de barbares.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, sur la question de la délinquance, je vous entends régulièrement évoquer « les jeunes », en général. Permettez-moi de vous dire qu'il s'agit là d'une insulte à l'égard de la jeunesse de nos quartiers...
M. Christian Estrosi, ministre délégué.... qui, à 90 %, est noble, talentueuse, courageuse, travailleuse, désireuse d'ascension sociale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Quant aux mineurs âgés de 15 ou 17 ans qui ont commis un acte aussi atroce contre un bus à Marseille, ce sont non pas des jeunes, mais tout simplement des barbares, et ils ne méritent pas d'autre qualification.
Je veux remercier Jean-Patrick Courtois du soutien qu'il a apporté à l'action du Gouvernement. Il peut d'ailleurs s'attribuer une part des résultats du ministre d'État, ministre de l'intérieur, puisqu'il a été, devant la Haute Assemblée, le rapporteur de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi pour la sécurité intérieure.
Monsieur Alfonsi, j'ai beaucoup de respect pour vous et je vous remercie d'avoir été très modéré dans votre intervention. Vous avez reconnu, notamment, que les chiffres étaient bons, mais vous avez déploré la persistance des problèmes.
Vous avez rendu hommage à la police nationale, et je vous en suis reconnaissant, mais vous avez également affirmé que la gendarmerie dissuadait un certain nombre de victimes de porter plainte. Or il est grave, me semble-t-il, de mettre en cause les militaires de la gendarmerie nationale, qui ont choisi ce métier, qui se sont engagés au service de la sécurité des personnes et des biens et qui travaillent souvent sur des territoires très difficiles ; le département dont vous êtes l'élu, monsieur Alfonsi, est l'un des plus durs de France. Je ne pense pas un instant qu'un seul militaire de la gendarmerie de notre pays puisse être animé d'un tel état d'esprit.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Alfonsi, vous avez rendu hommage à la police nationale ; pour ma part, je veux saluer l'ensemble des forces de sécurité intérieure pour leur intégrité, leur courage et leur détermination. Police et gendarmerie sont totalement associées dans cette lutte contre l'insécurité.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Vous ignorez la réalité, monsieur le ministre ! Vous pratiquez la politique de l'autruche !
Monsieur Alfonsi, vous nous avez reproché d'avoir fait voter trop de textes. Mais ne pensez-vous pas que, dans une société en pleine évolution en raison des technologies de l'information, où des risques d'une nature nouvelle apparaissent tous les jours, la responsabilité d'un gouvernement, quel qu'il soit, est d'essayer d'apporter des réponses précises aux problèmes qui se posent ?
À titre d'exemple, après les attentats de septembre 2001 à New York, M. Vaillant, ministre de l'intérieur du gouvernement de M. Jospin, a soumis au Parlement un projet de loi sur la sécurité quotidienne, et l'ensemble de l'opposition de l'époque a adopté ces dispositions, afin de lutter contre les menaces terroristes auxquelles nous étions confrontés.
Je citerai l'une de ces mesures, qui aurait pu être considérée comme une atteinte aux libertés fondamentales : l'autorisation pendant trois ans des fouilles de voitures, réputées jusqu'alors propriétés privées. Pourtant, sans faillir, l'opposition a été présente au rendez-vous et a voté ce texte, au lendemain des attentats de septembre 2001, car elle considérait qu'il était de son devoir d'offrir à la police et à la gendarmerie les outils nécessaires pour lutter contre le terrorisme.
Monsieur Alfonsi, si nous soumettons régulièrement des textes au Parlement, c'est pour répondre à des événements nouveaux. Ainsi, au mois de janvier dernier, au lendemain des attentats perpétrés dans le métro de Londres, nous avons présenté un projet de loi contre le terrorisme en raison des échanges que nous avons eus avec les services de sécurité du Royaume-Uni.
Nous avons donc tout naturellement proposé au Parlement de nous donner les moyens, notamment, d'équiper les lieux publics de caméras de télésurveillance, de conserver les données électroniques et d'exiger des opérateurs qu'ils gardent une trace de leur activité, en particulier quand ils gèrent des lieux publics comme les cybercafés. En effet, ces derniers, nous le savons, sont susceptibles d'être utilisés par des terroristes.
Il est normal que le Gouvernement propose sans cesse d'adapter la législation à l'évolution des événements, afin de doter nos forces de police et de gendarmerie des outils adaptés.
D'ailleurs, je regrette que, sur tous ces sujets, l'opposition actuelle ne soit pas animée du même esprit de responsabilité que celui dont nous avions fait preuve avant 2002. Elle est même allée jusqu'à déposer un recours devant le Conseil constitutionnel sur la conservation des données électroniques, alors que nous savons combien cette disposition peut être efficace pour éviter des attentats dans notre pays.
Monsieur Alfonsi, vous m'avez également interrogé sur la Corse. Vous avez évoqué, notamment, les neuf assassinats et les onze tentatives de meurtres commises dans l'île depuis le début de l'année. Si je vous réponds que les enquêtes sont en cours, vous ne serez sans doute pas satisfait ! Je soulignerai donc que, depuis le début du mois de janvier, il y a eu 120 interpellations et 17 mises sous écrous.
S'agissant de l'article paru dans le magazine Corsica, auquel vous faisiez référence tout à l'heure, sachez que les deux journalistes concernés ont été convoqués et entendus aujourd'hui par la DRPJ d'Ajaccio et que le parquet de Paris est saisi d'une enquête préliminaire. J'espère que ces indications seront de nature à répondre à vos inquiétudes.
Madame Assassi, je vous ai répondu sur la justice des mineurs et la suppression de la police de proximité.
Vous vous êtes élevée contre la répression policière et les provocations dans les banlieues, en faisant référence, notamment, aux émeutes de novembre 2005. Or la France est regardée partout dans le monde comme un exemple. Elle a connu trois semaines d'émeutes urbaines pendant lesquelles on n'a compté aucun mort...
... grâce au sang-froid, à la lucidité et au courage de la police et de la gendarmerie, qui ont particulièrement bien géré cette crise exceptionnelle.
Lorsque nous observons ce qui se passe dans d'autres grandes démocraties en la matière, nous constatons que l'action de la police française face à de tels événements est tout à fait exemplaire.
Monsieur Collombat, vous avez évoqué tout à l'heure la transparence et la fiabilité des données statistiques en matière de sécurité. J'ai déjà répondu sur ce point ; je rappellerai simplement que le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a décidé de rendre publics chaque mois les résultats des départements en matière de lutte contre la délinquance. Le 4 novembre 2003, il a créé l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, qui est présidé par M. Alain Bauer.
L'OND recueille les données statistiques et les exploite en procédant aux analyses globales ou spécifiques de la délinquance. Il permet donc de rendre plus lisible l'état 4001, ce baromètre de la délinquance que nous utilisons depuis longtemps, en lui apportant une expertise statistique supplémentaire et un surcroît de transparence.
D'ailleurs, l'OND prépare actuellement une enquête de victimation sur 20 000 personnes, qui concernera les violences.
Monsieur Demuynck, qui êtes élu de la Seine-Saint-Denis, je vous remercie tout d'abord du soutien que vous m'avez apporté aujourd'hui, et plus largement de votre action constante en faveur des projets du ministre de l'intérieur
Vous m'avez interrogé sur la gestion des nouveaux effectifs de police qui ont été annoncés, ainsi que sur le calendrier de leur mise en place. Je veux vous apporter des réponses précises.
Le 1er décembre 2006, 298 gardiens de la paix de la 208e promotion ont été affectés ; le 1er février 2007, 175 gardiens de la paix de la 209e promotion le seront à leur tour ; le 1er mai 2007, 100 gardiens de la paix de la 210e promotion seront également affectés. Cela représentera 573 arrivées entre le 1er décembre 2006 et le 1er mai 2007, soit, après une prise en compte des départs à la retraite, une progression en solde net de 396 policiers pour le département de la Seine-Saint-Denis.
Monsieur Gautier, vous avez rappelé le colloque de Villepinte. Je dois reconnaître qu'à l'époque j'avais été particulièrement séduit par les débats organisés par le gouvernement Jospin, qui semblaient augurer un changement heureux s'agissant de l'approche des problèmes de sécurité. Malheureusement, vous en êtes restés à des déclarations d'intention : chaque fois qu'il a fallu apporter des réponses concrètes, vous avez reculé. Rappelez-vous notamment l'échec de la tentative de redéploiement, qui avait pourtant été annoncé à grand renfort de publicité au lendemain de ce colloque !
M. Pierre-Yves Collombat s'exclame.
Monsieur Repentin, je vous ai déjà répondu sur la police de proximité, mais vous semblez attacher une attention toute particulière à la prévention. Qu'a fait d'autre le ministre d'État en présentant le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui a été récemment examiné par le Sénat ? En matière de prévention, monsieur Repentin, non seulement votre contribution est inexistante, mais vous vous êtes même opposé à ce texte ! §Nos échanges d'aujourd'hui vous amèneront peut-être à réfléchir d'ici à la seconde lecture. Nous prévoyons d'ailleurs de renforcer un certain nombre de dispositions.
Je conclurai en vous remerciant de nouveau, monsieur Peyronnet, ainsi que l'ensemble des membres du groupe socialiste : ce débat a été une formidable occasion de rappeler un certain nombre de vérités.
Au terme de cette discussion, ma conviction est que ceux qui, aujourd'hui, ont voulu une nouvelle fois saisir cette opportunité pour dissimuler leur échec de la période 1997 - 2002, ...
... sont ceux qui n'ont cessé de s'opposer depuis 2002 aux mesures que nous avons suggérées pour renforcer l'action de la police et de la gendarmerie.
Je pense notamment à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, qui avait pour objet de corriger vos erreurs fatales en matière d'effectifs de police.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les 35 heures, mesdames, messieurs les sénateurs
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
... ont entraîné la suppression de 9 000 postes dans la police nationale. Et vous n'avez prévu en aucun cas la compensation des effectifs supprimés.
C'est grâce à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, à laquelle vous vous êtes opposés, qu'entre 2002 et 2007 les effectifs auront augmenté : 7 500 gendarmes et 6 500 policiers supplémentaires ont été prévus aux termes de la loi de finances pour 2007.
Dois-je évoquer la loi relative à la lutte contre le terrorisme, contre laquelle vous vous êtes élevés ? Dois-je mentionner le fichier national automatisé des empreintes génétiques ? À ce jour, il a permis de résoudre près de 4 800 affaires en matière de crimes les plus odieux dans notre pays et de mettre hors circuit de dangereux criminels. Pourtant, vous aviez déposé un recours devant le Conseil constitutionnel.
Ce fichier comporte près de 350 000 noms aujourd'hui, contre 4 000 auparavant ; en cela, il se rapproche de celui du Royaume-Uni, qui avait une large avance dans ce domaine.
Vous vous êtes opposés à ce dispositif, il faut que les Français le sachent. C'est grâce à la majorité que nous avons pu moderniser notre action en matière tant de police scientifique que de prévention de la délinquance. Nous sommes là au coeur du débat. Je sais que, sur ce sujet, votre attitude ne changera pas.
Monsieur Collombat, vous avez terminé votre intervention par ces mots : paroles, paroles, paroles. Je conclurai en disant, au nom de Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur, qu'en ce qui nous concerne c'est : action, action, action !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
(Ordre du jour réservé)
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 21 de M. Gérard César sur l'application de la loi d'orientation agricole.
Cette question est ainsi libellée :
M. Gérard César demande à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche de dresser le bilan de l'application de la loi n° 2006 - 11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, texte très attendu par le monde agricole et qu'il avait lui-même rapporté pour la commission des affaires économiques, dont 41 des 105 articles promulgués requéraient l'adoption de 72 textes complémentaires. Il souhaiterait connaître la liste des mesures d'application prises à ce jour, ainsi que celles qui restent à prendre, étant précisés leur état d'avancement et leur calendrier prévisionnel de publication.
La parole est à M. Gérard César, auteur de la question.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous occupe aujourd'hui n'est pas seulement formelle : l'état d'avancement des mesures d'application d'un texte aussi important que la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, que j'ai eu l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires économiques, est en effet aussi crucial que le contenu du texte lui-même.
Je ne fais là que rappeler l'esprit de la communication faite le 26 juillet dernier par le Premier ministre en Conseil des ministres : la priorité du Gouvernement doit désormais être de faire en sorte que les mesures déjà votées par le Parlement produisent tous leurs effets, ce qui implique de publier décrets, arrêtés et circulaires d'application, mais aussi de prendre parfois des décisions budgétaires.
D'une façon générale, je dois dire que vos services et vous-même, monsieur le ministre, avez particulièrement bien entendu le message. Je ne peux que le confirmer en tant que rapporteur de la commission, puisque, à plusieurs reprises, j'ai été associé à la rédaction des décrets. Presque dix mois, jour pour jour, après la publication de la loi, son taux d'application est en effet supérieur à 40 %.
Il est vrai que, comme vous nous l'aviez annoncé, de nombreuses mesures d'application ont commencé à être élaborées par votre ministère, en concertation avec les acteurs intéressés, concomitamment à l'examen du texte. Il s'agit là d'une excellente méthode, qui tend à se généraliser et dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Parmi les premières mesures d'application prises figurent certaines des plus attendues, qui concernent par exemple la procédure de cession du bail rural, la simplification du contrôle des structures, les exonérations ou réductions de cotisations patronales, l'organisation économique dans le secteur des fruits et légumes, la création du Conseil de modération et de prévention, l'évaluation des produits phytopharmaceutiques par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, ou encore le crédit d'impôt bio.
Le bilan est donc bon à ce jour, et nous vous savons gré, monsieur le ministre, d'avoir veillé à ce que vos services ne relâchent pas leurs efforts, alors que de nombreuses mesures d'application concernent des articles de la loi issus d'amendements parlementaires, qui n'avaient donc pu faire l'objet d'une préparation en amont.
Toutefois, plusieurs points restent à éclaircir.
Tout d'abord, quel calendrier envisagez-vous et quelles sont vos priorités parmi les vingt-sept mesures d'application qui restent à prendre aujourd'hui ?
Certaines d'entre elles touchent à des sujets sociaux sensibles : statut du conjoint collaborateur, protection sociale des salariés et non salariés agricoles, octroi du « 1 % logement ».
D'autres ont une dimension environnementale importante : interdiction de lubrifiants non écolabellisés dans les zones écologiquement sensibles, interdiction de distribuer aux consommateurs des sacs de caisse à usage unique en plastique non biodégradable - la presse s'était à l'époque fait largement l'écho de cette mesure, alors que nous aurions préféré qu'elle s'attache plus au texte lui-même -, possibilité pour les agriculteurs d'utiliser à titre dérogatoire des huiles végétales pures comme carburant, régime des baux environnementaux.
Enfin, certaines mesures d'application conditionnent la structuration et la compétitivité de la filière : maîtrise des aléas, refonte du dispositif national de valorisation des produits agricoles, organisation et fonctionnement des organisations de producteurs, des interprofessions et des coopératives agricoles Sur ce dernier point, si l'ordonnance prévue à l'article 59 de la loi d'orientation agricole a bien été publiée, pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, des précisions sur le support et le calendrier de sa ratification législative, très attendue par le milieu coopératif ?
À deux exceptions près, les bases de données fournies par vos services prévoient que ces mesures seront transmises au Conseil d'État ou feront l'objet d'une signature durant le quatrième trimestre 2006. La fin de l'année approche, monsieur le ministre... Pouvez-vous nous confirmer que ce calendrier sera respecté, et nous en préciser les modalités ?
Comme vous l'aviez fait remarquer à l'Assemblée nationale le 7 juin dernier, le rythme de publication des diverses mesures d'application, aussi rapide soit-il, est affecté par la nécessité de recueillir l'avis de douze ministères, quatre collectivités territoriales et pas moins de quatorze institutions différentes, notamment la Commission européenne. Y a-t-il eu pour ce texte, comme cela a été le cas avec la récente loi relative aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, consultation de ces différents organismes en amont du processus législatif ?
Si le souci de concertation est louable en soi, ne pensez-vous pas que sa généralisation peut-être excessive va à l'encontre du souci d'efficacité et de vélocité dans la mise en application effective des textes législatifs ? La circulaire du 1er juillet 2004 et le guide de légistique du secrétariat général du gouvernement posent que le calendrier prévisionnel ne doit pas comporter, en principe, d'échéance d'adoption des décrets supérieure à six mois.
Il est vrai que plusieurs initiatives ont été prises par le Gouvernement afin de réduire les délais de publication des mesures règlementaires. Le système d'organisation en ligne des opérations normatives, le SOLON, en constitue l'instrument le plus récent. Ce procédé permettra la consultation à tout moment de l'état d'avancement des mesures d'application, dans leurs versions successives, ainsi que l'établissement de tableaux de bord et de comptes rendus de réunions interministérielles. Il constituera non seulement un médium capable de réduire les délais de consultations interministérielles, mais également une source d'information considérable.
Si le ministère de l'écologie et du développement durable a été choisi comme ministère pilote de ce projet, est-il prévu, monsieur le ministre, que votre ministère collabore à sa mise en oeuvre, en l'espèce dans le cadre de la loi d'orientation agricole ?
En conclusion, j'évoquerai l'article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004, qui prévoit le dépôt d'un rapport sur la mise en application des lois six mois après leur promulgation. Parmi les vingt-deux rapports déposés à ce jour figure celui qui concerne la loi relative au développement des territoires ruraux, remis le 24 juillet dernier. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur le rapport ayant trait à la loi d'orientation agricole, qui s'inscrit dans la continuité de la loi relative au développement des territoires ruraux ?
Tels sont, monsieur le ministre, les éléments sur lesquels je souhaitais vous interroger à l'occasion de ce débat. Beaucoup a déjà été fait pour transcrire les dispositions de la loi d'orientation agricole en mesures règlementaires. Nous comptons sur vous et sur vos services pour poursuivre cette dynamique et permettre à ce texte très attendu dans le monde rural d'être très rapidement applicable.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Murat.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour parler de la loi d'orientation agricole adoptée par le Sénat le 22 décembre 2005 et entrée en vigueur le 1er janvier 2006.
Adoptée dans un contexte de transitions et de défis, cette loi a pour ambition d'offrir à notre agriculture de nouvelles perspectives et de nouveaux outils pour accompagner son adaptation à un environnement en évolution constante et lui permettre de pérenniser, après 2013, sa position de première agriculture européenne.
Fruit d'une nécessité et d'une volonté politique forte, la loi d'orientation agricole donne une impulsion nouvelle au secteur agricole et agroalimentaire pour les vingt prochaines années.
Au travers de cent cinq articles, dont une grande partie a été introduite par le Sénat, cette loi fournit les instruments nécessaires à la modernisation de notre agriculture. Sur ces cent cinq articles, soixante-quatre sont d'application immédiate.
Pour la mise en oeuvre des autres articles, soixante-douze textes complémentaires, dont dix ordonnances, dix-huit décrets en Conseil d'État, vingt-huit décrets simples et seize instructions fiscales étaient attendus. À ce jour, vingt décrets simples et sept décrets en Conseil d'État sont toujours en attente de publication, et deux ordonnances devraient être ratifiées prochainement par le Parlement.
Ce vaste chantier n'est donc pas terminé. C'est l'objet même du débat d'aujourd'hui qui a été initié par notre collègue Gérard César, qui avait été rapporteur de cette loi au nom de la commission des affaires économiques, et dont nous saluons l'initiative.
Nous savons, monsieur le ministre, que l'élaboration des textes d'application suppose la consultation obligatoire de nombreux ministères - en l'occurrence, douze sont concernées par la LOA - ainsi que celle de quatre collectivités territoriales et quatorze organismes divers, dont la Commission européenne. C'est la raison pour laquelle l'élaboration des textes d'application demande un certain temps, je dirai même un temps certain.
Il est clair que la concertation dans l'élaboration des textes d'application ne doit remettre en cause ni les intentions du législateur ni les équilibres auxquels nous étions parvenus lors du vote de la loi, le 22 décembre dernier. Mais nous souhaitons aujourd'hui, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole et nous faire part de l'état d'avancement de certaines dispositions emblématiques de la loi du 5 janvier 2006.
Je me permettrai de revenir plus particulièrement sur le texte de l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 relative au statut du fermage et modifiant le code rural, adoptée sur le fondement de l'article 8 de la LOA.
Cette ordonnance a simplifié et clarifié la rédaction de certaines dispositions du code rural, supprimé d'autres mesures devenues sans objet et adapté les règles et procédures applicables en cas de résiliation ou de non-renouvellement des baux et en cas de contestation de l'autorisation d'exploiter.
Elle a simplifié l'articulation du contentieux administratif et judiciaire en cas de contestation, par le preneur, du droit de reprise exercé par le bailleur sur le bien loué.
Le sursis à statuer qui s'imposait aux juridictions judiciaires en cas de recours devant le juge administratif est devenu facultatif, ce qui permet d'éviter les saisines dilatoires du juge.
Enfin, cette ordonnance a clarifié certaines dispositions particulières relatives aux baux à long terme.
Un projet de ratification de ladite ordonnance doit être prochainement présenté au Sénat. Monsieur le ministre, si le contenu de cette ordonnance correspond tout à fait à la volonté que vous avez exprimée lors de la présentation du projet de loi devant notre Haute Assemblée, deux points semblent générer quelques inquiétudes parmi les exploitants agricoles.
Le premier concerne l'article 9 du projet d'ordonnance. En effet, cet article, qui revient sur la rédaction de l'article L. 416-3 du code rural relatif aux baux de vingt-cinq ans, écarte l'interprétation telle qu'elle ressortait d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 12 juin 2003. Le bail d'au moins vingt-cinq ans sans clause de tacite reconduction est un bail à long terme et doit donc se renouveler conformément à l'article L. 416-1 du code rural, interprétation reprise par la Cour de cassation.
Estimer que le bail en question prend fin au terme stipulé sans qu'il soit nécessaire de donner congé peut constituer une source d'insécurité pour le fermier. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaite savoir si vous avez l'intention de revenir sur cette rédaction de l'article 9, qui pourrait avoir des conséquences dommageables pour les fermiers ; ces derniers réclament, en effet, une plus grande sécurité juridique. Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien nous apporter.
Le second point de cette ordonnance qui semble inquiéter les exploitants agricoles concerne les conditions que doit remplir le bénéficiaire d'une reprise. Le code rural lui imposait toute une série de conditions cumulatives. Il devait notamment travailler effectivement sur l'exploitation, habiter sur les lieux ou à proximité, justifier d'une autorisation d'exploiter et d'une capacité professionnelle. Si le bénéficiaire ne remplissait pas l'une de ces conditions, la reprise était impossible. Désormais, le bénéficiaire qui ne remplirait pas la condition de compétence professionnelle pourrait invoquer une autorisation d'exploiter.
Alors que l'ordonnance visait à améliorer la rédaction ou la coordination de certains articles, elle modifierait la portée des conditions mises à la reprise du bailleur. Cet allégement s'accompagnerait d'un remaniement en profondeur du régime du contrôle des structures.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer ces mesures ? Les exploitants agricoles souhaitent le maintien des dispositions actuelles du statut du fermage relatives aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle à remplir par le bénéficiaire du droit de reprise. Ils demandent également que soit conservé un contrôle des structures préalable à la reprise afin de ne pas précariser la situation des fermiers et des métayers.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien nous apporter à cet égard.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 avait pour objectif de dessiner l'agriculture « pour les prochaines décennies » ; cet objectif était ambitieux, monsieur le ministre. Vous avez voulu mettre en place de nouveaux outils pour l'agriculture de demain ; je mentionnerai en particulier la création du fonds agricole.
Le monde agricole s'interroge : les propos tenus avec force à l'époque sont-ils rentrés dans les faits par la mise en application de cette loi près de onze mois après son vote ?
Des mesures réglementaires ont été prises, un nombre quasi équivalent est en attente de l'être ; je retiens que vous avez jugé indispensable, car juste, que tous les citoyens puissent bénéficier de conditions d'existence comparables avec la prise en charge d'une partie des dépenses engagées lors d'un remplacement pour congé.
Je suis surpris que vous ayez pris des décrets qui n'étaient pas obligatoires. Au nombre de sept, ils couvrent tous les domaines, du fonds agricole au contrat emploi-formation agricole, à l'indemnisation des membres et du président du conseil permanent de l'INAO, aux obligations déclaratives attachées à la réduction d'impôt pour dépenses de travaux forestiers, en passant par la sanction des infractions à la réglementation des produits laitiers.
En revanche, vous tardez à réglementer dans d'autres domaines. Je souhaite attirer votre attention sur deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et qui relèvent d'un fort souci environnemental.
Pourquoi avoir retardé la mise en oeuvre du décret relatif à l'interdiction des sacs plastiques non biodégradables ou la parution des deux décrets concernant l'utilisation, comme carburant agricole, d'huile végétale pure ? Pourquoi ce retard concernant les modalités de sa production, de sa commercialisation et de son utilisation ? Sont-ce des raisons techniques ou d'opportunité ?
Il me paraît essentiel que vous marquiez fortement votre soutien à de telles mesures emblématiques, porteuses d'avenir, utiles à tous et compréhensibles par tous.
Monsieur le ministre, nous avons accompli notre part du travail en amendant et en votant ce texte après des débats constructifs. Nous vous demandons d'achever la vôtre en prenant les mesures réglementaires nécessaires à la mise en application de cette loi d'orientation agricole. Vous honorerez ainsi la confiance que nous vous portons.
Monsieur le ministre, vous avez eu l'amabilité de présenter, courant juin 2006, l'état d'avancement de l'application de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Cette question orale, sur l'initiative du rapporteur de la loi, M. Gérard César, devrait permettre à la représentation nationale d'apprécier la mise en oeuvre de cette loi s'agissant des décrets et ordonnances qui en précisent le contenu.
S'il faut relativiser la loi d'orientation agricole au regard du poids de la PAC et de celui des négociations de l'OMC, qui se poursuivent malgré l'échec de Doha, il ne faut surtout pas en minimiser le contenu et la portée, dont notre groupe ne partageait pas l'orientation libérale : une orientation d'adaptation permanente, de course-poursuite avec la PAC et l'OMC, elles-mêmes d'inspiration libérale et parfois ultralibérale.
Ce type de comportement politique a affecté également tous les secteurs économiques, sociaux et environnementaux de notre pays, au travers de multiples lois qui ont marqué cette législature finissante.
Avant d'aborder les principales dispositions du texte de la LOA, et les remarques et questionnements qu'elles suscitent, je m'autoriserai à faire une remarque de pure forme sur le déroulement de nos débats.
Il aurait été de bon goût, monsieur le ministre, de nous communiquer un rapport complet sur l'état de la loi quelques jours avant cette question orale, afin de faciliter la tâche des parlementaires et d'améliorer la qualité de nos échanges. Vous ne m'en voudrez donc pas d'avoir construit cette intervention à partir de l'état du mois de juin et des projections en cours.
Mon honnêteté politique m'amène toutefois à vous féliciter, monsieur le ministre, ainsi que vos services, pour la qualité pédagogique et la clarté du document que vous nous avez adressé courant janvier 2006 dans le cadre, si je puis dire, du service après vente de la loi. J'ai eu l'occasion de transmettre ce document à de nombreux agriculteurs de mon département qui ont ainsi pu prendre connaissance des principales dispositions de la loi.
À propos du fonds agricole, qui consacre une vue entrepreneuriale de l'exploitation et ouvre grand la porte à des agricultures qui échappent progressivement aux véritables acteurs du terroir que sont les paysans, le laboureur d'autrefois est devenu paysan, ensuite cultivateur, puis agriculteur, avant d'être exploitant agricole et, enfin, entrepreneur agricole. Mais, quelle que soit la terminologie employée, les tendances à la concentration et la financiarisation de l'agriculture ne connaissent pas de répit ; les crises demeurent cycliques, voire permanentes pour certaines productions.
Le fonds agricole participe de cette démarche. Il y a fort à parier qu'à l'instar des grands vignobles ou de l'intégration des élevages avicoles hors sols des pans entiers, les plus rentables en tout cas, passent sous la coupe de capitaux en quête de rentabilité, capitaux souvent apatrides et « délocalisateurs » ou capitaux stratégiques qui, dans le cadre de la guerre alimentaire, pourraient provoquer des dommages irréversibles à notre agriculture nationale.
Il serait néanmoins intéressant, et ce sera ma première question monsieur le ministre, de connaître le nombre et la nature des exploitants ayant déjà opté pour le fonds agricole. Mais le temps de retour étant relativement court, répondre à cette question risque d'être quelque peu compliqué !
Au sujet du bail cessible, qui est le pendant du fonds agricole, le propriétaire, bien que bénéficiaire d'un « droit d'opposition pour motifs légitimes », se trouve engagé dans une aventure à moyen terme, voire définitive, qui contribue également à la concentration des exploitations.
Le document « service après vente » que vous nous avez adressé au mois de janvier précise : « Cette option ouverte aux parties pour un bail cessible devrait faciliter les installations en fermage sur des unités économiques opérationnelles et viables », ce que je traduis par des unités toujours plus grandes pour tenter d'obtenir une rentabilité qui, en réalité, trouve ses faiblesses non pas dans les surfaces cultivées, mais dans une politique des prix désastreuse à tout point de vue.
Le décret du 23 mars dernier permet de signer ces baux cessibles. Là encore, il serait intéressant de savoir si cette disposition connaît un certain engouement ou, au contraire, le désintérêt le plus total ; ce sera donc ma deuxième question, monsieur le ministre.
Le contrôle des structures, assoupli à l'article 14 par le relèvement du seuil de surface au-delà duquel les reprises de terres agricoles sont soumises à autorisation d'exploiter, avait donné lieu à de vifs débats dans cet hémicycle. Cet assouplissement permet désormais au plus influent ou au plus offrant d'accaparer des terres qui auraient pu être précieuses pour renforcer des exploitations de petite ou moyenne taille. Quel seuil a été définitivement adopté ? Je vous remercie de me répondre également sur ce point.
En ce qui concerne les mesures sociales, il serait intéressant de suivre l'évolution du statut du conjoint en qualité de collaborateur, de salarié ou d'exploitant.
Environ 119 000 conjointes étaient concernées par cette mesure en 2003. Aujourd'hui, près d'une femme sur deux - 47 % exactement - ne travaille pas ou ne travaille plus sur l'exploitation, tandis que 37 % sont agricultrices à titre principal, 12 % se partageant entre une activité agricole et une activité extérieure.
Si ces chiffres peuvent être parfois le résultat d'un choix délibéré, ils expriment souvent l'incapacité de vivre à deux sur l'exploitation au regard des prix pratiqués et des revenus.
Le revenu agricole a reculé de 3 % en 2005, certes avec de fortes disparités selon les productions. En Bretagne, le revenu moyen s'établissait en 2003 à 12 500 euros par unité de travail humain familiale, soit 6 500 euros de moins que le revenu de référence des autres catégories socioprofessionnelles, qui se situe lui-même en deçà des moyennes nationales.
La situation des conjoints, et tout particulièrement celle des conjointes, se trouverait rapidement confortée par une vraie politique de prix rémunérateurs.
Le volet social de la loi d'orientation agricole, bien qu'insuffisant, va dans le bon sens, tant il est vrai que tout progrès, même minime, est bon à prendre.
Quelle est la situation des 160 000 personnes concernées par la demi-surface minimum d'installation, monsieur le ministre ? Disposez-vous des chiffres concernant le crédit d'impôt de remplacement ?
Toujours s'agissant du revenu, la loi d'orientation agricole préconisait de conforter celui-ci par le développement des biocarburants et des bioproduits, le renforcement de l'organisation économique et la maîtrise des risques et aléas.
Le sujet énergétique étant d'actualité, je reviendrai plus particulièrement sur la question des biocarburants.
Après la très médiatique communication de M. le ministre de l'économie sur l'E85, il convient de remettre les pendules à l'heure. Je me suis laissé dire que la pompe était tombée en panne dès le lendemain et avait été recouverte d'une bâche le surlendemain. Cette pompe distribuait-elle même réellement de l'E85 ?
Sourires
Aujourd'hui, rien ou presque n'est de nature à engager la profession dans la voie des biocarburants, car rien ne l'assure d'un réel complément de revenu. Une fiscalité incitative se fait attendre pour les biocarburants et leur usage non seulement par l'ensemble de la profession agricole, mais également par le monde de la pêche. Les grands groupes de l'énergie et les triturateurs ne vont-ils pas être les uniques bénéficiaires de la filière biocarburants ?
Une planification des surfaces à destination énergétique paraît également indispensable au regard de la première responsabilité de l'agriculture, qui est de nourrir les hommes.
Un autre danger plane sur l'avenir des biocarburants, à savoir l'abaissement de 54 % à 51 % des tarifs douaniers dans le cadre de l'OMC. Cette mesure pourrait avoir comme conséquence immédiate de rendre moins cher l'alcool de canne à sucre brésilien et de favoriser ainsi son utilisation à la place de nos biocarburants.
On se souvent encore que l'absence de toute taxe à l'importation sur le soja américain a empêché l'Union européenne de développer une filière protéinique végétale compétitive.
Tout doit cependant être mis en oeuvre pour produire un maximum d'énergie à partir des biocarburants et de la biomasse compte tenu de la flambée des prix que devraient connaître les énergies fossiles.
Enfin, je dirai quelques mots sur le monde coopératif, pour lequel les communistes éprouvent à la fois sympathie et inquiétude : sympathie eu égard à la garantie qu'offrent les coopératives pour l'activité et l'emploi local, par ce lien permanent établi entre les acteurs de terrain, les agriculteurs, et par la structure d'approvisionnement, de transformation et de commercialisation qu'elles représentent ; inquiétude compte tenu de l'évolution, que je qualifierai de libérale, de leurs critères de gestion et de management.
On peut d'ailleurs s'interroger, monsieur le ministre, sur le rôle exact que jouera le Haut conseil de la coopération agricole en matière d'orientation et d'agrément du monde coopératif. N'allez-vous pas transformer la coopération agricole en structures calquées sur la gestion privée et le profit maximum ?
Globalement, les décrets et ordonnances pris en application de la loi d'orientation agricole ne sont pas pour nous rassurer dans la mesure où ce texte a conforté partout où il le pouvait l'ouverture à la concurrence et les critères de gestion libéraux.
Quelle France agricole se prépare ? S'agit-il de celle que décrit Bertrand Hervieu, dans laquelle la production agricole serait assurée, d'une part, par une centaine de milliers d'exploitations qui, pratiquant une culture intensive et s'alignant sur les prix mondiaux, capteraient l'essentiel des aides et des subventions, d'autre part, par des exploitants dits « de proximité », voués aux circuits courts, à l'agrotourisme, à l'entretien des paysages et aux cultures biologiques, qui tenteraient de survivre ?
Ou bien s'agit-il d'une agriculture diversifiée, vivant de prix rémunérateurs sur des surfaces variables, d'une agriculture dont les relations commerciales avec les réseaux de la grande distribution seraient enfin normalisées au bénéfice des producteurs et des consommateurs, d'une agriculture dont les aides ne serviraient qu'à compenser les handicaps dans le cadre d'une réelle préférence communautaire et d'une vraie solidarité internationale, d'une agriculture qui ne confondrait pas production et productivisme, d'une agriculture en harmonie avec la ruralité dans sa globalité, d'une agriculture où la démocratie représentative serait enfin rétablie au sein des chambres, d'une agriculture, enfin, qui en reviendrait à sa mission originelle, à savoir fournir en quantité suffisante une alimentation de qualité et contribuer activement au défi énergétique national, dans la mesure de ses capacités ?
Monsieur le ministre, vous ne m'en voudrez pas si je préfère cette seconde version.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques fait consciencieusement son travail quand, après la loi relative au développement des territoires ruraux, elle interroge le Gouvernement sur l'application de la loi d'orientation agricole.
Comme chaque année, la commission va publier un rapport dressant le bilan de l'application des lois qui sont de son ressort. Comme chaque année, elle ne manquera pas de remarquer que les indicateurs de suivi des textes sont inégalement appliqués par le Gouvernement, que les échéanciers fournis par les ministères laissent à désirer et que l'effet des mesures prises n'est pas visible.
En ce sens, force est de constater que, même si nombre des textes d'application sont aujourd'hui parus, la loi relative au développement des territoires ruraux attend encore la publication de vingt-cinq décrets, d'après le site du service public de l'accès au droit Legifrance, voire vingt-huit, d'après le Sénat, qui en a dressé l'état d'application. La loi d'orientation agricole, quant à elle, a été promulguée le 5 janvier 2006. Pour l'instant, elle est faiblement appliquée : dix de ses décrets ont été publiés, tandis que trente sont attendus. Je suppose que vous nous annoncerez quelques bonnes nouvelles aujourd'hui, monsieur le ministre.
Il était donc légitime que le Sénat vous montre sa vigilance dans un exercice, certes quelque peu convenu, mais utile.
Sourires
Toutefois, si l'on en est à devoir mesurer et vérifier l'application des lois, c'est que ces dernières deviennent instables et complexes, comme l'a regretté le Conseil d'État dans son rapport annuel. Son constat peut-être résumé par cette phrase : malgré la détermination politique affichée par les circulaires successives des Premiers ministres appelant, depuis trois décennies, à l'évaluation rigoureuse des réformes législatives et à un effort de sobriété, et malgré les observations sans cesse réitérées du Conseil d'État, les trente dernières années se caractérisent par une accélération du rythme normatif, sous le regard désabusé du citoyen.
S'appuyant sur une analyse rigoureuse, le Conseil d'État veut nous alerter sur les dérives de la loi et les conséquences sur le législateur, à la fois « contraint, submergé et contourné ». L'élimination des dérives telles que la gesticulation médiatique est donc un impératif, que les conseillers d'État qualifient d'obligation de résultat, sous peine de paralysie des institutions et de la société.
L'application des cent cinq articles de la loi d'orientation agricole est donc à considérer à l'aune de ce rapport.
Je continue de penser que, dans la période d'incertitude dans laquelle nous sommes plongés, l'orientation censée être donnée pour vingt ans est décevante, parce qu'elle ne trace pas de grandes perspectives. Néanmoins, la loi est la loi et elle doit être appliquée. Aussi, j'insisterai sur quatre points.
Premièrement, les droits à paiement unique, les DPU, sont considérés aujourd'hui par ceux qui les détiennent non plus comme un support de compensation économique, mais comme un élément patrimonial à monnayer. Cela pose le problème de la marchandisation des aides publiques, même si l'on nous présente comme une garantie absolue le fait que les prélèvements effectués sur les transferts de droits seront plus faibles lorsque ces droits seront cédés avec le foncier.
En outre, on peut être propriétaire du foncier sans l'être des DPU, ou être propriétaire des DPU sans l'être du foncier. C'est toute l'ambiguïté de l'agriculture de demain. La création du fonds agricole contribue à ces difficultés en puissance en permettant le découplage de la valeur de l'entreprise et celle du foncier.
Par ailleurs, les SAFER ne sont pas pleinement satisfaites par la loi d'orientation agricole dans la mesure où elles ne peuvent ni acquérir ni gérer directement les DPU.
La mise en place en 2006 des droits à paiement unique pose le problème du devenir du droit de préemption dont disposent aujourd'hui les SAFER sur les terres agricoles et les éléments d'exploitation qui leur sont attachés.
Lors des débats, nous vous avions alerté, monsieur le ministre, sur ce problème très particulier et nous avions pu faire adopter un amendement tendant à ce que le droit de préemption des SAFER ne soit pas contourné en cas de vente globale du foncier et des DPU. Mais cette disposition n'est pas entrée en vigueur faute de publication du décret prévu à l'article 38. Quand sera-t-il publié, monsieur le ministre ?
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les circuits commerciaux courts et les niches locales.
La France ne peut pas nourrir le monde ! Dans un marché global où prévalent les principes libéraux les plus radicaux, la « ferme France » cherche à être hypercompétitive sur un marché soumis à une âpre concurrence.
Mais nos concitoyens s'en rendent compte chaque jour davantage, la recherche de productivité et la concurrence ont entraîné des pratiques qui nuisent à la qualité et qui peuvent porter atteinte à l'environnement. Il faut donc prendre garde à ne pas handicaper les productions de niches à grande valeur ajoutée, qui correspondent souvent à un terroir et à des savoir-faire ancestraux qui peuvent être remis au goût du jour avec ingéniosité. Il faut oeuvrer pour leur pérennité ou leur reconversion. Pour ce faire, l'aide de l'État est indispensable. Les groupements d'éleveurs, par exemple, sont aujourd'hui fortement menacés.
Le titre IV de la loi prévoit des dispositions en faveur de la qualité des produits, de l'environnement, de l'agriculture de montagne. Monsieur le ministre, où en est leur application et comment comptez-vous valoriser ces « niches » ?
Le troisième point que j'évoquerai est relatif à la démographie agricole.
Au terme de la période 2007-2013, notre pays comptera 50 % d'agriculteurs en moins. Le bail cessible n'est pas la réponse universelle à cette hémorragie, loin de là ! Comment limiter la spéculation foncière ? Comment préserver le foncier agricole ? Comment favoriser la pluriactivité et l'exploitation en société, améliorer les conditions de travail des conjoints et des salariés agricoles ? Comment inciter davantage à l'installation et comment, enfin, préserver le revenu agricole ?
Je prendrai l'exemple de la viticulture, qui, certes, représente une part importante de l'activité de mon département, mais occupe aussi une place non négligeable en France. Le Gouvernement propose l'arrachage de pieds de vigne. Comme la distillation de crise, cette mesure ponctuelle ne peut satisfaire la filière et il convient d'y recourir avec parcimonie. Comment comptez-vous l'appliquer, monsieur le ministre ?
Il faut un plan d'envergure pour assurer l'avenir du vignoble et pour répondre à la demande du marché. S'agissant de la promotion, des relations avec la grande distribution, ou encore de l'exportation, beaucoup de pistes restent à explorer. Mais l'aménagement du territoire aussi est en jeu : que vont devenir nos terroirs viticoles du pays gaillacois, du Languedoc et du Bordelais lorsque les ceps seront arrachés ?
Le quatrième point que je souhaite évoquer brièvement concerne l'application de la loi d'orientation agricole au regard de la mission d'expertise de la ruralité en Europe, qui a rendu son rapport voilà quelques jours.
Le lien entre l'agriculture et la ruralité demeure une réalité incontestable en Europe.
En Autriche, par exemple, les agriculteurs peuvent produire l'huile végétale nécessaire à la diversification énergétique, qui est en vente directe dans toutes les pompes à essence : l'agriculture est au service de la société.
En France, où en sommes-nous ? Nous ne pouvons pas continuer à nous positionner en observateurs de ce qui se passe ailleurs, notamment en matière d'énergies renouvelables.
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
Nous pouvons également nous inspirer de l'exemple de la coopérative rurale à vocation multiple espagnole, qui est beaucoup plus globale que notre coopération française.
Tout cela se retrouve dans ce rapport - dans votre rapport, monsieur le ministre ! - qui comporte une annexe importante et complémentaire à la loi d'orientation agricole. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ?
En tout état de cause, la ruralité, comme l'agriculture, c'est un choix politique avant tout, ...
... car ce n'est ni une évidence ni une démarche naturelle s'il n'y a pas d'accompagnement d'un vrai projet de vie. La ruralité, comme l'agriculture, c'est d'abord une activité économique. La ruralité, comme l'agriculture, cela implique un espace qu'il faut gérer entre plusieurs utilisateurs. La ruralité, comme l'agriculture, c'est une politique financière et une péréquation. Enfin, la ruralité, comme l'agriculture, monsieur le ministre, cela ne peut passer que par plus de solidarité entre les hommes et les territoires.
L'agriculture peut prendre plusieurs formes : il faut distinguer celle qui participe à l'économie mondiale de celle qui est plus traditionnelle et qui doit pouvoir trouver sa place durablement. Le souhaitez-vous vraiment ? Au vu de la réalité que nous observons dans ce domaine, nous restons, monsieur le ministre, très perplexes et très inquiets.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation agricole, adoptée par le Parlement voilà une dizaine de mois, a été l'objet de débats très intéressants et très constructifs pour le soutien et le développement de notre agriculture.
Je suis très heureux de pouvoir participer aujourd'hui à cette discussion, qui permettra non seulement de dresser un bilan d'étape sur l'avancement de l'application de cette loi, mais aussi, je l'espère, de relancer sa mise en oeuvre sur plusieurs points.
Je tiens donc à remercier vivement notre collègue Gérard César d'avoir posé cette question et M. le ministre de répondre à nos interrogations.
Monsieur le ministre, je suis conscient des combats que vous menez pour rendre applicable la loi d'orientation agricole et, bien sûr, pour défendre et promouvoir sans relâche notre agriculture.
J'aimerais attirer votre attention sur quelques points qui me tiennent à coeur et qui n'ont pour l'instant pas fait l'objet d'une mise en oeuvre évidente à la suite de l'adoption de la loi d'orientation agricole.
Tout d'abord, il est à noter qu'un certain nombre d'ordonnances prévues par cette loi n'ont pas été prises par le Gouvernement ou n'ont pas encore fait l'objet de ratification par le Parlement. Ainsi, sur les huit ordonnances que le Gouvernement a été autorisé à prendre, trois n'ont pas encore été mises en oeuvre, les cinq autres n'ayant pas été présentées au Parlement.
Or ces ordonnances traitent de sujets fondamentaux pour le monde agricole, qu'il s'agisse de modifications du statut du fermage, de l'amélioration des régimes d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles pour les salariés et les non-salariés agricoles, ou encore du renforcement de l'implication des adhérents de coopératives. Sur ce dernier point, l'ordonnance prise le 5 octobre dernier améliore le droit à l'information des adhérents de coopératives, ce qui représente une condition nécessaire à la bonne gouvernance de celles-ci. Il est important de pouvoir la faire ratifier rapidement.
Cette année, élections obligent, la session du Parlement risque d'être courte, et je crains que nous n'ayons pas le temps d'aller au bout de cette réforme. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez. Pourriez-vous donc esquisser devant la Haute Assemblée un calendrier de mise en application de ces différentes mesures ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne les biocarburants. C'est un secteur primordial d'un point de vue économique et agricole, car il redonne confiance à la profession. Je tiens à soutenir pleinement son développement et à vous féliciter pour votre engagement personnel ainsi que pour les différentes mesures actuellement prises par le Gouvernement. C'est un point décisif pour l'avenir de notre agriculture.
L'article 48 de la loi d'orientation agricole fixe des objectifs ambitieux pour notre pays en matière d'utilisation des biocarburants, supérieurs à ceux qui sont prévus par l'Union européenne. Ainsi, la part des biocarburants et des carburants renouvelables devra atteindre, en teneur énergétique, 5, 75 % du marché à la fin de l'année 2008, 7 % à la fin de l'année 2010 et 10 % à la fin de l'année 2015.
Pouvez-vous nous dire à combien s'élève cette part aujourd'hui, monsieur le ministre ? Il est en effet important de connaître les évolutions concrètes de ce nouveau débouché et de rassurer les agriculteurs sur l'avenir de la production française face à ses concurrentes - brésilienne par exemple -, donc de les tranquilliser sur leur propre avenir. Que peuvent représenter ces évolutions en termes de surface cultivée ?
Nous nous posons très régulièrement la question suivante : les agriculteurs peuvent-ils cultiver les terres en jachère à des fins de production de biocarburants ? Dans l'affirmative, ces terres seront-elles encore éligibles à des primes ?
Pouvez-vous également, monsieur le ministre, nous faire part de vos projets, hormis l'outil de défiscalisation figurant dans le projet de loi de finances pour 2007, afin de favoriser la production et l'incorporation de biocarburants dans les carburants ?
Dans le même secteur liant énergie et agriculture, je souhaite vous interroger de nouveau sur le cas des huiles végétales pures. Je tiens à préciser qu'à mes yeux les huiles végétales pures ne sont pas un substitut aux biocarburants : elles représentent une alternative, limitée mais intéressante, aux carburants fossiles classiques.
L'utilisation de ces huiles végétales pures comme biocarburants a été abordée dans la loi d'orientation agricole. Or j'ai l'impression d'observer depuis un an une certaine cacophonie des pouvoirs publics dans ce domaine.
Dernier épisode : on a pu entendre, il y a quelques jours, le ministre des transports faire l'éloge des huiles végétales pures « pour leur utilisation dans les flottes captives, comme celles de la communauté de communes du Villeneuvois ».
Pourriez-vous, monsieur le ministre, clarifier cette situation et nous exposer vos projets dans ce domaine ? Je sais que vous travaillez sur cette question, et j'espère que nous pourrons obtenir des réponses concrètes.
L'utilisation des huiles végétales pures comme carburant me semble très avantageuse. Il est urgent de prendre des mesures en matière d'expérimentation ainsi que sur le plan de l'organisation. Il faut permettre aux organismes stockeurs de presser cette huile à la sortie des silos. C'est le seul moyen d'obtenir des huiles de qualité, ainsi que des sous-produits homogènes qui peuvent être valorisés dans les meilleures conditions.
La création d'une telle filière courte peut s'avérer très intéressante non seulement pour les agriculteurs, mais aussi, sur le plan du développement économique, pour certaines régions telles que le Sud-Ouest, que je connais bien. Quel est votre avis sur ce sujet, monsieur le ministre ? Quelles décisions comptez-vous prendre ?
J'aimerais enfin aborder un thème que j'avais personnellement défendu lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, celui de la gestion des crises, particulièrement dans le secteur des fruits et légumes. La situation de cette filière a été au coeur de nos débats sur ce texte.
La loi permet aujourd'hui que les organisations de producteurs soient le socle de base de toute action collective et des soutiens des pouvoirs publics, que les centrales de ventes puissent être reconnues en tant qu'associations d'OP et que les associations d'OP reconnues comités économiques puissent mettre en oeuvre un fonds de mutualisation.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes fortement engagé sur ce dossier, au niveau national mais aussi et tout particulièrement à Bruxelles, et que le projet de règlement « fruits et légumes » prévu par la Commission européenne a été repoussé. Mais il reste à l'étude et j'espère qu'il pourra intervenir d'ici à la fin de l'année, en tout cas au tout début de l'année prochaine.
J'aimerais attirer votre attention sur deux points, que je regrette : d'une part, les décisions financières en matière de crédits d'investissement pour les serres et de rénovation des vergers, qui sont de très bonnes mesures, ne privilégient pas les producteurs organisés en OP ; d'autre part, les effets de la baisse des crédits pour les offices se feront fatalement sentir en matière d'investissement et de promotion des produits agricoles.
Ensuite, concernant les fonds de mutualisation, il est primordial que leur gestion soit pleinement confiée à l'organisation économique représentée par les comités économiques et que ceux-ci participent à parité à leur financement. L'objectif reste de pouvoir rendre incitatif un mécanisme de prévention et de gestion de crise au travers des OP et des associations d'OP.
Il n'est pas possible, dans ce secteur, de s'appuyer sur l'interprofession, les différents partenaires représentant des intérêts divergents, voire diamétralement opposés entre l'amont et l'aval. Ainsi, nous avons pu constater que, chaque fois qu'il y a conflit, l'interprofession est paralysée.
Pouvez-vous nous donner votre position sur l'évolution de ce dossier tant en France qu'au niveau de l'Union européenne ?
J'espère, monsieur le ministre, que le débat sur cette question orale de notre collègue Gérard César vous permettra d'apporter des réponses satisfaisantes à ces différentes interrogations. Je vous en remercie par avance.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Gérard César d'avoir eu cette heureuse initiative de vous interroger sur le bilan d'application de la loi d'orientation agricole, qu'il avait rapportée. Cette séance tombe à point nommé, puisque tout récemment est intervenue une revalorisation généralisée des retraites agricoles sur 2007. C'est l'occasion de vous dire, mais vous le savez, combien ces mesures étaient attendues dans le monde rural.
Même si cette loi d'orientation n'irait pas assez loin, selon un certain nombre d'organisations professionnelles agricoles, elle a le mérite de traiter de nombreuses évolutions indispensables à l'agriculture française pour s'adapter aux enjeux de demain : la sécurité alimentaire, la qualité des produits - tout en préservant nos traditions -, la démarche d'entreprise, l'amélioration des débouchés des productions agricoles et forestières, la maîtrise des aléas climatiques, la simplification administrative et institutionnelle.
Sur ce dernier point en particulier, monsieur le ministre, la réglementation tatillonne d'origine française et communautaire et les contrôles multiples ont transformé le travail de la terre en une gestion quotidienne de paperasserie administrative. Vous l'aviez souligné à l'occasion de la discussion du texte au sein de cette assemblée, simplifier c'est non pas déréglementer, mais permettre aux exploitants de concentrer leur temps à produire et à développer leur exploitation, plutôt qu'à remplir des dossiers.
Or, à ce jour, cette simplification a du mal à émerger. Parfois, au contraire, certaines administrations continuent à faire du zèle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de leur donner un signe...
De façon plus précise, j'attirerai votre attention sur quelques points, sur lesquels les textes d'application de la loi ne sont pas encore parus, créant certaines difficultés concrètes pour les professionnels.
S'agissant de l'article 8 de la loi d'orientation agricole concernant la modernisation du fermage, l'ordonnance complète l'article L. 416-3 du code rural concernant la reconduction des baux à long terme d'au moins vingt-cinq ans ; elle prévoit qu'en l'absence d'une clause de tacite reconduction le bail prend fin au terme stipulé sans que le bailleur soit tenu de délivrer un congé et sans qu'il y ait un renouvellement possible.
Or, monsieur le ministre, cette interprétation semble contraire à l'article L. 416-1 du code rural selon lequel le bail à long terme est conclu pour une période d'au moins dix-huit ans et renouvelable par période de neuf ans. Cette position avait d'ailleurs été reprise par la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 12 juin 2003. Je vous remercie de me répondre sur ce point.
Pour ce qui est du bail cessible, la loi précise que la majoration de ce dernier - 50 % au maximum - s'applique aux maxima prévus par l'article L. 411-11 du code rural. Cet article dispose que le prix du bail est fonction de la durée de celui-ci. Il n'y a donc aucune ambiguïté dans la loi. Si un bail cessible est conclu pour vingt-cinq ans, il suffit de prendre le maximum fixé par l'arrêté préfectoral pour une durée de vingt-cinq ans et d'appliquer la majoration de 50 % pour connaître le montant maximum du fermage, les parties du contrat étant libres de convenir d'un montant moins élevé.
Pour autant, dans une réponse ministérielle publiée au Journal officiel du Sénat le 1er juin 2006, sous le numéro 22 691, vous précisez, monsieur le ministre, que la majoration de 50 % s'appliquerait au prix du bail de neuf ans, et non pas du bail de vingt-cinq ans, ce qui paraît contraire à la loi. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point et me dire si vous envisagez de publier un décret conforme à l'esprit de la loi ?
Par ailleurs, s'agissant du contrôle des structures visé à l'article 14 de la loi, il semble que le décret d'application ne soit toujours pas paru à ce jour. Avec la circulaire, la libéralisation du contrôle crée des difficultés pour ceux qui s'installent ou qui veulent s'agrandir, car ils ne savent pas s'ils doivent demander une autorisation ou se contenter d'une simple déclaration.
Ces règles peuvent aussi engendrer des inégalités, et surtout des conflits, sachant que la première installation d'un jeune agriculteur et la réinstallation d'un propriétaire ou d'un fermier, exproprié ou évincé, constituent des priorités.
Par ailleurs, une personne détenant déjà 2 % du capital d'une société peut-elle reprendre les 98 % restants sans demander une autorisation d'exploiter ?
Par circulaire en date du 8 août 2006, la direction générale de la forêt et des affaires rurales précise aux directions départementales de l'agriculture qu'en matière de société un contrôle de la « double participation » continue d'être opéré. Cette disposition vise le cas de l'augmentation de parts de sociétés par une personne ayant déjà la qualité d'exploitant agricole dans une autre structure, même si cette dernière a déjà été autorisée à exploiter ses terres. Il semble que cette interprétation soit contraire à la loi. Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'apporter des éclaircissements sur ce point ?
Enfin, qu'en est-il de la liberté de choix d'un propriétaire qui a plusieurs candidats à l'installation ?
La question du loyer de la maison d'habitation d'une exploitation agricole a été abordée lors de la discussion de la loi d'orientation agricole et traitée dans le cadre de la loi portant engagement national pour le logement, publiée le 13 juillet dernier. De nombreux propriétaires et fermiers attendent avec impatience le décret correspondant.
Pour ce qui est des clauses de gestion environnementale, là encore, les décrets d'application sont attendus. À ce jour, une seule réunion aurait eu lieu.
S'agissant du crédit d'impôt « remplacement », prévu à l'article 25 de la loi, ce texte apparaît d'une portée trop restrictive, puisqu'il ne bénéficie qu'aux exploitations sur lesquelles la présence quotidienne est requise tout au long de l'année. Or c'est une appréciation très factuelle. Peut-on en effet considérer qu'un agriculteur dans le secteur végétal n'a pas à assumer des contraintes de présence, alors même que son calendrier de travail ne lui permet pas de partir en congé pendant les périodes scolaires ? Cet article introduit donc des inégalités entre les agriculteurs.
Quant à l'exonération de cotisations sociales pour les travailleurs occasionnels - il s'agit de l'article 27 de la loi -, si les décrets d'application sont bien parus, il existe néanmoins un problème d'interprétation de la part de votre ministère : l'exonération pour les travailleurs occasionnels passe de 100 à 119 jours et, selon vos services, le texte s'applique à la condition que la période des 100 premiers jours ne soit pas achevée à la date de publication du décret ; si cette condition n'est pas remplie, l'exonération ne s'applique pas aux contrats en cours, qui restent soumis à une exonération de 100 jours. Or il serait utile que l'extension de cette exonération s'applique à tous les contrats de travail en cours.
Sur le point concernant les calamités agricoles et l'assurance récolte, une participation efficace de l'État est nécessaire pour mettre en oeuvre une vraie réforme du fonds national des calamités et permettre ainsi le déblocage du système actuel d'assurance récole. Il importe, en effet, d'assouplir ce dernier et de l'étendre rapidement à tout le territoire, ainsi qu'à l'ensemble des productions.
Cette assurance doit prendre en compte plutôt la parcelle, et non la culture, et se fonder sur la seule estimation de la perte de rendement, à l'exclusion de tout autre type de reconnaissance, nationale ou départementale, qu'il s'agisse d'arrêtés de catastrophe naturelle ou de la validation par Météo France.
J'en viens, enfin, à l'évolution des textes réglementaires sur la génétique des animaux d'élevage. Qu'en est-il des arrêtés relatifs aux établissements départementaux de l'élevage et aux contrôles de performance, qui devraient être publiés dans le courant du premier semestre de 2007 ?
Le mouvement de restructuration à entreprendre pour les EDE-Chambres d'agriculture est important. Il prend du temps, afin de permettre la concertation avec les organismes de contrôle des performances. C'est pourquoi vos services ont été saisis par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture d'une demande de report au 1er janvier 2009 de la date d'application des textes relatifs aux EDE et aux contrôles de performance. Un tel report permettrait également aux départements concernés par la restructuration d'être plus sereins à quelques semaines des élections des chambres d'agriculture.
Telles sont, monsieur le ministre, les nombreuses questions, légitimes, qui se posent sur le terrain. Elles ne remettent naturellement pas en cause le bien-fondé de cette loi d'orientation, à laquelle nous avons pu intégrer de nombreux amendements grâce à votre ouverture d'esprit. Je vous remercie à l'avance des réponses que vous pourrez m'apporter.
Je tiens également à vous remercier très sincèrement, ainsi que vos collaborateurs, de la réactivité dont vous avez fait preuve, ce qui n'est pas le cas de tous les ministères, en répondant avec clarté et rapidité aux nombreuses questions écrites que je vous ai posées depuis la publication de cette loi d'orientation.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je me félicite de cette initiative qui nous réunit aujourd'hui et qui concerne l'application réelle d'un texte qui a publié le 5 janvier 2006. Je souhaiterais qu'elle soit généralisée à l'ensemble des textes qui sont votés, tant il est vrai que la publication des décrets est la condition d'une réelle application d'un texte et nous assure que la loi est non pas le fruit d'une pression médiatique ou d'un effet d'annonce, mais traduit une véritable volonté politique de changer les choses.
S'il est exact que la non-publication de certains décrets pourrait être interprétée comme une véritable autocensure - je pense au CV anonyme, par exemple -, il convient qu'un décret d'application d'un texte soit élaboré de manière intelligente et concrète. On le voit bien, lorsque le décret est lié à un texte concernant uniquement le ministère de l'agriculture, il est publié plus rapidement. Mais dès lors qu'il concerne plusieurs ministères, il devient difficile de faire avancer les choses, tant chaque ministère redoute que l'on empiète sur son pouvoir.
Je souhaite que les ministères se montrent un peu plus coopératifs à cet égard, sauf à favoriser un rejet du politique par nos concitoyens, rejet que nous constatons, nous parlementaires, surtout lorsque nous devons dire que tel ou tel texte que nous avons voté n'est pas applicable, car il est toujours « dans les ministères » ! Cette situation conduit parfois à des formes de populisme détestables, révélant des aspirations à une démocratie punitive plutôt que participative.
Sourires
Mon rêve, aujourd'hui, serait donc qu'un groupe de parlementaires puisse suivre les projets d'élaboration des décrets d'application, comme le font d'ailleurs les syndicats professionnels et les associations nationales diverses concernés par un projet de décret. En effet, en tant que parlementaire, je ne suis jamais consulté sur l'élaboration des projets de décret, alors que le vice-président que je suis de la Fédération des parcs naturels régionaux de France et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies reçoit les avant-projets et suit leur élaboration pas à pas avec les ministères. Autrement dit, une fois que la loi est votée, les parlementaires sont moins bien informés que les responsables des fédérations.
Or, on le sait très bien, le décret a parfois plus de valeur que la loi elle-même ! Il y a donc une réflexion à mener sur les évolutions nécessaires dans ce domaine, sans nier pour autant l'intérêt de la consultation des associations, fédérations ou autres organismes.
Permettez-moi de formuler à présent deux questions, monsieur le ministre.
Tout d'abord, le monde professionnel agricole s'inquiète quant à l'estimation financière du fonds agricole, craignant qu'elle ne conduise à une augmentation du coût des transmissions des exploitations. La généralisation mal maîtrisée d'une sorte de pas-de-porte risque de se révéler dangereuse pour l'avenir de l'agriculture. Pourriez-vous nous livrer vos réflexions sur ce sujet, afin de rassurer en particulier les jeunes agriculteurs qui ont un projet d'installation ?
Ensuite, bien qu'un peu hors sujet, ma seconde question, qui me concerne directement, reste liée à la capacité d'interpréter et d'appliquer les textes, surtout lorsqu'ils sont nationaux et européens.
Je souhaite attirer votre attention sur la situation de l'élevage dans le nord de la France, en particulier dans le département du Nord, à la suite de la détection de foyers de fièvre catarrhale. La gestion de cette affaire est pleine d'enseignements sur notre capacité ou notre difficulté à appliquer les textes.
L'apparition d'un moucheron piqueur, le, qui est adapté au climat européen et touche les bovins, provoquant de la fièvre, la congestion des muqueuses, une cyanose de la langue, vous a conduit, monsieur le ministre, à prendre des mesures sanitaires parfaitement justifiées.
Malheureusement, ces dispositions paralysent le commerce des animaux, qui ne peuvent plus sortir des zones concernées. Autrement dit, les éleveurs ne peuvent plus vendre leurs veaux de huit jours aux départements et aux régions d'embouche et ils connaissent une baisse des prix catastrophique : ceux-ci sont passés de 160 euros en moyenne à 45 euros.
Ces mêmes éleveurs sont aujourd'hui contraints d'élever leurs animaux, alors même qu'ils ne disposent pas toujours des locaux ni des aliments nécessaires, risquant même parfois de perdre des primes auxquelles ils auraient droit.
Quant aux engraisseurs, ils ne peuvent plus exporter ou tout simplement abattre dans les abattoirs agréés parce que ces derniers se situent dans les régions indemnes.
Paradoxalement, les abattoirs non livrés en bêtes doivent mettre leur personnel au chômage technique, en particulier en Bretagne. Faute d'approvisionnement, plus de vingt abattoirs en zones indemnes ont dû annuler 20 % de leur activité, ce qui représente un jour d'abattage par semaine.
L'objet de ma demande, monsieur le ministre, est de permettre l'abattage des bovins et ovins des quinze départements réglementés dans tous les abattoirs du territoire national qui le souhaitent, comme c'est déjà le cas - et j'insiste fortement sur ce point - dans les États membres de l'Union européenne concernés, à savoir en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.
Je souhaite donc que vous preniez les décisions nécessaires, sans prendre de risques, bien sûr, en veillant à leur mise en application avec la plus grande rigueur. Ces décisions sont très attendues par les éleveurs qui subissent de lourdes pertes financières.
Pour en revenir à la loi d'orientation agricole, ma demande rejoint le problème de la mise en oeuvre de textes, certes importants et contraignants, en les adaptant aux situations telles qu'elles sont vécues par les agriculteurs.
Tel est le voeu que je tenais à vous exprimer ce soir, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre ami Gérard César de son heureuse initiative. Je rejoins la réflexion de notre collègue Paul Raoult sur au moins un point : ce serait une bonne chose si, pour les décrets d'application de nombreux textes de loi, nous pouvions exercer notre deuxième compétence, à savoir le contrôle.
Je saluerai également M. le ministre pour la célérité dont il a fait preuve, puisque aujourd'hui les deux tiers environ des décrets d'application de la loi d'orientation agricole ont été publiés. Il faut espérer que, d'ici à la fin de l'année, cette proportion atteindra 80 % ou 90 % ; vous nous rassurerez dans quelques instants sur ce point, monsieur le ministre.
En tout cas, cette publication rapide ne peut que constituer un exemple pour vos collègues du Gouvernement, qui seraient bien inspirés de vous imiter pour bien d'autres lois. Les membres de la commission des affaires sociales regrettent assez souvent que, pour certains textes, de 20 % à 40 % seulement des décrets d'application aient été pris.
Je suggérerai à ce propos une mesure, monsieur le ministre, suggestion qui ne vous est pas personnellement destinée. Ce n'est pas la première fois que je le dis, et je le répéterai jusqu'à ce que je réussisse à me faire entendre : il faudrait que les ministres prennent l'habitude d'accompagner les projets de loi des projets de décret.
Interpellé sur ce point, M. Philippe Bas m'a objecté qu'au regard de tel article de la Constitution un tel dispositif serait impossible à mettre en oeuvre compte tenu des amendements parlementaires. Cependant, il va de soi que le parlement, lorsqu'il adopte un amendement impliquant la modification d'un décret d'application, ne saurait faire grief au Gouvernement du retard induit ! Si la mise en annexe des projets de décret aux projets de loi assurait une application plus rapide des textes une fois votés, nous gagnerions du temps, et chacun serait bénéficiaire dans cette opération.
Une seconde mesure - certes, elle n'est pas de votre ressort direct ! - serait également souhaitable : il faudrait que les projets de loi soient accompagnés d'une étude d'impact financier. En effet, la loi d'orientation agricole, comme bien d'autres textes adoptés durant la session, prévoit des exonérations de charges, dites « exonérations ciblées », qui ne sont pas compensées, et ce aux dépens des financements de la sécurité sociale. Étant rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale, je suis particulièrement sensible à cet aspect, que j'ai évoqué hier devant MM. François Copé et Philippe Bas et dont je parlerai également à M. Xavier Bertrand : au total, ce ne sont pas moins de 3 milliards d'euros non compensés qui sont aujourd'hui prévus dans différentes lois ordinaires.
Je voudrais maintenant revenir sur quelques points intéressant particulièrement les agriculteurs.
L'utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole n'a pas encore fait l'objet d'un décret d'application ; mais je pense, monsieur le ministre, que vous allez nous rassurer tout à l'heure.
Je vous avais interpellé sur les modalités d'application de cette disposition. En effet, il ne faut pas que nous en restions au stade de l'affichage. D'un autre côté, il ne faut pas non plus créer l'illusion auprès des producteurs, il ne faut pas laisser les agriculteurs croire que, demain, ils pourront transformer, par exemple, leur colza en huile, la stocker chez eux et la mettre dans leur tracteur. Ce n'est pas vrai ! En effet, si les moteurs de l'ancienne génération peuvent éventuellement le supporter, les nouveaux tracteurs mis aujourd'hui sur le marché ne le permettent pas.
Où en est-on, monsieur le ministre ? Avez-vous avancé dans les discussions que vous menez avec les constructeurs de machines agricoles ? Il faudrait qu'assez rapidement les producteurs puissent effectivement utiliser l'huile végétale sur leur exploitation et, une fois cela acquis, qu'ils puissent également la commercialiser au profit de celles et de ceux qui souhaiteraient l'utiliser.
Par ailleurs, l'obligation d'introduire progressivement les biocarburants a été prévue dans la loi. Ainsi, en 2010, l'essence contiendrait jusqu'à 10 % d'éthanol et le gasoil la même proportion de diester. Il semble cependant que ce dernier pose lui aussi des problèmes d'adaptation des moteurs. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Pouvez-vous également nous préciser, point qui a peu été abordé au moment de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, si le Gouvernement prévoit des dispositions réglementaires visant à obliger l'ensemble du réseau français - Total, Shell, Elf, etc. - à installer des pompes parfaitement identifiées, de façon que le consommateur sache que le produit distribué contient un pourcentage d'éthanol ou de diester ? Peut-être allez-vous me répondre que, de toute façon, l'information au consommateur comporte déjà obligatoirement ces éléments. Cependant, il serait bon, au titre de la traçabilité des produits et de l'information de nos concitoyens, qu'ils apparaissent à la pompe, de façon à savoir, lorsqu'on utilise de l'essence ou du gasoil, qu'ils contiennent une part de diester ou d'éthanol.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, lorsqu'un point a été fait sur la parution des décrets, que vous étiez favorable à une expérimentation par les collectivités locales de l'utilisation de ces produits. Avez-vous avancé sur cette question, qui correspond à une demande assez forte ? Je puis vous indiquer que, dans mon département, la chambre d'agriculture m'a demandé à être reçue par le conseil d'administration de l'association des maires, que je préside, et a l'intention d'organiser une journée thématique à laquelle elle invitera l'ensemble des élus pour les sensibiliser à l'intérêt que présenterait pour les collectivités locales la diversification des formes d'énergie utilisées. Il serait bon de pouvoir booster un peu cette initiative.
Pour terminer, j'évoquerai rapidement trois points.
J'aimerais, monsieur le ministre, que l'on ne joue pas trop l'inertie dans le dossier de l'utilisation des sacs en plastique. Un décret doit être publié en décembre. Est-il possible d'aller un peu plus vite ? C'est là un nouveau débouché pour la production végétale ; cela présente un intérêt écologique certain et, en même temps, un intérêt économique pour l'ensemble de la profession.
Lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, j'étais déjà intervenu à propos de l'article 76 pour regretter que le pouvoir d'inclure dans les baux des clauses concernant les pratiques culturales et s'imposant au preneur soit donné aux seuls bailleurs personnes morales, la possibilité en étant refusée aux personnes physiques. Votre réflexion sur le sujet a-t-elle avancé, monsieur le ministre ? J'aimerais que nous progressions sur ce point, car il y a là, à mon sens, une véritable inégalité de traitement entre les propriétaires personnes morales et les propriétaires personnes physiques.
Enfin, je rejoindrai notre collègue Paul Raoult sur un tout autre sujet : le problème que pose la fameuse maladie « de la langue bleue ». Pourriez-vous, monsieur le ministre, saisir l'occasion de ce débat pour nous donner des informations ? Quelques bribes nous sont parvenues par le canal des directions départementales de l'agriculture ; il est question d'indemnité pour les bovins mâles et les ovins... Qu'en est-il exactement ? Les éleveurs sont particulièrement inquiets. Déjà, un effet est sensible sur la valeur commerciale de leurs produits ; des coûts alimentaires et sanitaires supplémentaires vont peser sur les exploitations. Il y a également le problème de la commercialisation des reproducteurs. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi un élevage référencé, indemne, suivi par les services vétérinaires, ne posant aucun problème sanitaire, ne pourrait pas commercialiser normalement ses animaux. J'aimerais que vous puissiez nous apporter quelques éclaircissements sur ce point.
J'aurais pu vous interroger sur la PAC et sur l'OMC ; mais j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de vous interpeller sur ces questions, et je vous en ferai donc grâce. Je pourrai ainsi satisfaire à la demande de Gérard César, qui souhaitait que je sois le plus bref possible !
Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'aborderai pas l'économie générale de la loi d'orientation agricole et me limiterai à me faire le porte-parole des représentants du monde agricole en Savoie, qui attendent la publication d'un certain nombre de décrets.
Ainsi, les dispositions de l'article L. 716-2 du code rural instaurant pour les employeurs occupant au moins 50 salariés agricoles une cotisation destinée à contribuer au financement du logement des salariés par le biais d'aides ou de prêts semblent être restées lettre morte pour le moment. Alors que nos concitoyens connaissent des difficultés accrues pour se loger, phénomène auquel n'échappent pas les salariés agricoles, cette initiative peut créer un levier supplémentaire pour faciliter à ceux-ci l'accès au logement. C'était l'objet de nos discussions lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Une autre disposition de la loi concerne les plus précarisés des exploitants, ceux qui sont contraints de cesser leur activité et d'envisager leur reconversion. À la détresse morale s'ajoute évidemment la détresse financière. Même si elle ne concerne qu'un nombre restreint de bénéficiaires, la mise en oeuvre du décret permettant de fixer le versement du revenu d'accompagnement au chef d'exploitation en congé de formation semble n'être toujours pas effective, alors qu'elle représente une chance supplémentaire dans un parcours qu'il est nécessaire de sécuriser.
S'agissant de mesures dont les effets sur l'environnement sont marqués, là encore, force est de constater que le rythme d'avancement des décisions réglementaires est plus lent que nous ne le souhaiterions, et ce malgré les engagements qui avaient été pris durant le débat parlementaire.
Il en va ainsi de l'article 44, portant sur l'obligation d'utiliser dans les zones naturelles sensibles des lubrifiants biodégradables pour des usages donnés. Certes, l'entrée en vigueur de cette mesure est fixée au 1er janvier 2008, mais il avait été indiqué, en réponse à une interrogation du rapporteur du projet de loi, qu'une application anticipée serait encouragée.
Une autre mesure a une haute portée symbolique et est considérée comme un message fort à destination de l'opinion publique et des professionnels concernés : c'est bien évidemment l'interdiction de distribuer au consommateur final des sacs et emballages en plastique non biodégradable, même si les sacs de caisse ne représentent que 0, 26 % du poids total des ordures ménagères.
De nombreuses initiatives émanant des collectivités locales et associant la grande distribution ont anticipé ce processus et sont en cours de concrétisation, à l'image de ce qui se passe en Corse et en Savoie, départements précurseurs. Afin que cette évolution, notamment en termes de recherche sur la biodégradabilité et sur l'adaptation des processus de production, soit anticipée, en particulier pour les entreprises de ce secteur, il convient que soit rapidement publié le décret sur l'incorporation des matières d'origine végétale précisant les taux d'incorporation imposés.
L'enjeu est de taille : certes, 0, 8 % seulement du tonnage des emballages en plastique est biodégradable, mais il y va de la crédibilité de la démarche ; il s'agit aussi de développer un débouché pour la production de notre agriculture.
Dans le même domaine, la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser comme carburant les huiles végétales pures issues de plantes qu'ils produisent n'a pas fait l'objet de mesures d'application, alors que la portée de cette disposition est très limitée et reste en deçà de ce que nous aurions souhaité, en particulier dans la mesure où elle n'est pas étendue à tous les exploitants et ne comporte pas la fixation de normes pour les moteurs et les émissions. Alors que le rapporteur du projet de loi indiquait que ce système était simple et immédiatement applicable pendant une période d'essai d'un an, avant qu'il n'en soit dressé un premier bilan et que des évolutions ne soient éventuellement décidées, l'expérimentation, en l'absence de décret d'application, n'a visiblement pas encore commencé. Quant aux initiatives prises par les collectivités locales dans ce domaine, notamment dans le cadre des transports en commun, elles se heurtent toujours à une application drastique de la réglementation.
Je souhaite également saisir l'occasion que me fournit cette question orale avec débat pour évoquer l'inquiétude, largement relayée par la presse, des nombreux jardiniers, agriculteurs et distributeurs quant à la mise en oeuvre de l'article 70.
Ce texte, qui a pour objet de protéger les consommateurs, est tout à fait louable dans son principe, mais sa mise en oeuvre aboutit à des résultats différents des objectifs visés. Ainsi, la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché, une AMM, ou une autorisation de distribution pour expérimentation, du fait de leur coût et du délai d'attente, est tout à fait rédhibitoire pour de nombreux producteurs.
De même, l'interdiction de toute publicité commerciale pour des produits ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché fait que de nombreux jardiniers et agriculteurs utilisant et faisant la promotion de pesticides naturels comme le purin d'orties se retrouvent dans l'illégalité. Le paradoxe de cette législation est qu'elle conduit aujourd'hui à remettre en cause des productions dont le caractère sans danger pour le milieu naturel est établi.
Si cet article renforce dans son premier alinéa la garantie sanitaire en confiant à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'évaluation des risques liés aux fertilisants et aux produits phytosanitaires, la décision d'exiger une autorisation de mise sur le marché est perçue par les associations de développement de l'agriculture biologique comme un outil de soutien aux industries phytopharmaceutiques.
Monsieur le ministre, s'agissant de produits d'origine naturelle issus souvent de savoir-faire traditionnels, une procédure d'homologation spécifique, plus souple et respectant bien évidemment les conditions de sécurité alimentaire des consommateurs, peut-elle être envisagée ?
J'évoquerai enfin un dernier point, qui me concerne directement en tant qu'élu de la montagne et qui intéresse également les agriculteurs de montagne.
L'article 93, paragraphe V, de la loi d'orientation agricole prévoit que le Gouvernement doit prendre les dispositions nécessaires pour la mise en place du service universel afin de préserver la possibilité pour tout producteur d'obtenir des inséminations artificielles de haute qualité, quel que soit son lieu de résidence, et à des prix comparables.
L'enjeu est la prise en compte de la spécificité des races à faible effectif implantées dans des zones à contraintes fortes, comme la montagne, où les coûts de mise en place sont encore plus élevés, notamment en raison de la distance.
Chacun connaît le rôle que jouent, par exemple, les races Tarentaise ou Abondance en matière d'entretien de l'espace dans les zones alpines, au-delà du fait qu'elles sont à l'origine de produits à haute valorisation.
Le service universel doit également s'appliquer au schéma de sélection des races à faible effectif, dont le coût est estimé au double des autres races. Il s'agit de préserver la diversité génétique à laquelle concourent des races comme l'Abondance et la Tarentaise ou la Thônes et Marthod.
Monsieur le ministre, étant à l'origine de la disposition législative adoptée - j'avais en effet déposé un amendement visant les races de montagne que vous m'avez demandé de modifier pour viser les races à faible effectif -, je suis très soucieux de la rédaction de ce décret d'application, souhaitant qu'il n'exclue en définitive aucune race de montagne ; le seuil à partir duquel vous fixerez la définition des races à faible effectif fera que l'Abondance et la Tarine seront ou non concernées par ce service universel.
Je souhaite que le Gouvernement, dans le cadre de l'arrêté en cours de préparation relatif au service universel de distribution et de mise en place de la semence des ruminants, prenne en compte cette double dimension des contraintes liées au territoire et de la diversité génétique, les deux éléments étant profondément liés.
Votre réponse sera bien évidemment examinée de très près par les chambres d'agriculture des différents massifs de notre territoire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre, pour être bref et pour répondre à la demande de M. Gérard César, j'entrerai d'emblée dans le vif du sujet qui me préoccupe, à savoir la montagne.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, vous avez pris en compte un certain nombre de questions, parmi lesquelles figure l'agriculture de montagne, qui fait d'ailleurs l'objet du chapitre III du titre IV, intitulé « Garantir les conditions d'une agriculture de montagne durable ».
Vous avez déclaré le 27 octobre 2006 à Ax-les-Thermes, lors du XXIIe congrès de l'Association nationale des élus de la montagne, que la loi d'orientation agricole a donné une force opérationnelle aux différentes actions pour l'agriculture en montagne.
Mais qu'il me soit permis de vous interroger sur quelques points précis.
L'article 79 de la loi d'orientation agricole, premier article du chapitre III consacré à l'agriculture de montagne, prévoit que « les dispositions législatives et réglementaires relatives au domaine de la montagne sont regroupées dans un code de la montagne ».
Monsieur le ministre, compte tenu des réticences des services à élaborer un tel code, nous avons besoin de votre volonté politique pour faire avancer ce dossier.
Il ne faudrait d'ailleurs pas que, dans ce code, le périmètre de la montagne soit le plus limité possible. Le code de la montagne doit être pilote et non « suiveur » d'autres codes, comme le code de l'urbanisme, le code de l'environnement ou le code général des collectivités territoriales, quel que soit leur intérêt.
Il conviendrait également de s'assurer que les zones de montagne qui sont délimitées de façon précise, avec des critères européens, par leur altitude, leur climat ou leurs pentes, répondent à cette classification spécifique.
Ce serait une erreur, quel que soit l'intérêt des politiques de massifs, d'assimiler montagnes et massifs. Il y a une politique propre de la montagne dans les massifs.
Monsieur le ministre, l'article 80 prévoit la prise en compte des handicaps naturels de l'agriculture de montagne par des mesures particulières visant notamment à compenser financièrement les surcoûts qu'ils génèrent.
Je ne vais pas dresser la liste de ces mesures, mais peut-être serait-il intéressant de saisir l'opportunité de ce débat pour faire rapidement le point sur la revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, question sur laquelle vous avez fait des déclarations positives, sur le problème de la prime herbagère agrienvironnementale, sur les plans de modernisation des bâtiments d'élevage ou sur l'aide à la mécanisation. Je connais votre volonté, mais il est important que nos agriculteurs de montagne, se référant à vos réponses, gardent confiance.
Avec les articles 83 et 85, le Sénat, répondant aux souhaits du groupe d'études sur le développement économique de montagne que je préside et qui rassemble des sénateurs issus de tous les groupes de la Haute Assemblée, a prévu l'obligation, pour « les sections ou commissions consacrées aux produits portant la dénomination ?montagne? des organisations interprofessionnlles » de se réunir « au moins une fois par an pour établir un bilan de l'attribution de cette dénomination aux produits pour lesquels elles sont compétentes », ainsi que la désignation de commissions spécialisées consacrées aux produits de montagne au sein des comités de massifs. Il s'agit de faire en sorte que le label « montagne » soit synonyme de qualité, et nous avons toujours été très vigilants sur ce point.
De nombreux débats ont eu lieu, mais j'aimerais savoir si ces commissions sont désormais opérationnelles.
Je souhaite également appeler votre attention sur l'article 62, qui est relatif à la maîtrise des aléas.
Il s'agit de la prise en compte de la « fragilité accrue au regard des aléas de certains territoires, notamment ceux de montagne et des départements d'outre-mer, en particulier pour ce qui concerne la définition des dommages assurables », afin qu'une approche moins restrictive à l'égard des calamités agricoles soit adoptée. C'est en effet un sujet qui a entraîné de nombreux problèmes d'assurance.
Un décret doit préciser les modalités d'application de l'article 62, complétant l'article L. 361-20 du code rural. Dans quels délais ce décret doit-il être publié ? Il semble qu'il y ait de nombreuses difficultés à cet égard.
Enfin, le Gouvernement a entrepris une action très importante afin que cette approche de la montagne soit prise en compte au niveau européen. Les choses avancent un peu, me semble-t-il, mais il est essentiel que l'Europe prenne conscience de la nécessité de maintenir une agriculture en montagne, d'abord parce que cette dernière donne des produits de très grande qualité - ces productions font appel à des techniques agrienvironnementales - qui doivent être reconnus et valorisés comme tels, ensuite parce qu'elle assure le maintien de nos espèces et de nos paysages. N'oublions pas que c'est l'Europe qui a inventé en 1972 la « prime à la vache tondeuse ».
Cette prime, qui visait à maintenir les sols, a permis aujourd'hui, certes après transformation, de maintenir l'agriculture en montagne.
Mes chers collègues, que seraient nos montagnes s'il n'y avait pas eu cette politique agricole européenne ? Il est tout de même bon de lui rendre hommage de temps en temps ; mais encore faut-il qu'elle persiste. Nous devons nous battre pour les prochaines années, et nous mobiliser tous pour que l'Europe n'oublie pas cette réalité.
Pour terminer, j'évoquerai la viticulture, étant moi-même à l'origine d'un amendement, qui a été adopté, visant à ce que « la dénomination ?vins de pays?, suivie d'une zone de production ou d'un département », soit reconnue comme « mention valorisante ».
Cette mention est importante pour des producteurs de vins de pays qui ont consenti d'énormes efforts et qui souffrent - Gérard César ne me démentira pas. L'ancien président de la région Languedoc-Roussillon que je suis connaît non seulement les efforts faits par nos viticulteurs, mais aussi leurs angoisses et la situation redoutable que vivent actuellement un certain nombre d'entre eux. Et il sait que l'appellation « vins du pays d'Oc » constitue une démarche formidable dans la région Languedoc-Roussillon.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir où en est cette mesure nouvelle visant à permettre la reconnaissance de ces signes de qualité, associant cépage et terroir ou département, afin de répondre à l'attente, parfois un peu angoissée, de nos viticulteurs.
Enfin, je voudrais souligner que vous vous êtes battu contre d'autres ministères, notamment avec le ministère des finances - mais c'est le lot permanent des ministres de l'agriculture, et je sais que, même si ce n'est pas toujours facile, vous le faites avec une grande conviction -, pour défendre l'agriculture.
L'agriculture constitue une chance pour la France et pour l'Europe ! Ne laissons pas courir le bruit que la politique agricole commune ruinerait l'Europe, alors que c'est la seule politique commune européenne !
En effet, les financements apportés par l'Europe à la politique agricole ne sont pas comparables à ce qui peut se faire dans d'autres secteurs où l'Europe, certes, intervient, mais où elle le fait dans le seul cadre d'une volonté partagée pour aller au-delà de l'action menée par les États.
Ne comparons pas la politique agricole commune et les mesures financières relatives au développement de la recherche et des technologies. Dans ce domaine, nous pouvons être fiers de ce qui se fait dans notre pays. J'étais hier avec M. le ministre délégué à l'enseignement et à la recherche à Agropolis, le grand pôle de recherches agronomiques de Montpellier, mondialement connu ; j'étais fier du savoir-faire de la France dans ce domaine, et fier également de l'avoir un peu accompagné.
Monsieur le ministre, je vous remercie de l'action que vous menez ; nous allons vous aider pour que les autres ministères, Bercy notamment, ne bloquent pas certains projets.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner, après d'autres orateurs, que la demande de M. Gérard César de dresser le bilan de l'application de la loi d'orientation agricole adoptée le 5 janvier 2006 me semble très pertinente, en particulier en ce moment, même si je ne partage pas pour autant l'enthousiasme de notre collègue sur l'appréciation de ce premier bilan.
Le débat sur les questions agricoles est en effet opportun à l'heure où les collectivités négocient avec l'État les futurs contrats de projets, qui voient les lignes spécifiques aux questions agricoles réduites parfois de 35 %, sans parler des anciens contrats de plan qui n'ont pas tous tenu leurs engagements financiers du fait de gels budgétaires.
Ce débat est opportun aussi à l'heure où la partie régionale des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, est encore en discussion, à l'heure où les agriculteurs français découvrent les premières notifications de leurs DPU, les droits à paiement unique, avec les inégalités et les conséquences que nous connaissons, à l'heure enfin où chacun a présent à l'esprit les prochaines élections au sein des chambres d'agriculture.
Il est temps, en effet, de faire le point sur la loi d'orientation agricole, qui avait fait naître des espoirs certains dans un monde agricole déstabilisé par le manque de perspectives sur les plans mondial, européen et national.
Mes collègues du groupe socialiste et moi-même ne partageons pas la vision libérale de ce texte - nous l'avions dit à l'époque, nous le répétons aujourd'hui - qui tend à installer, voire à abandonner, l'agriculture dans la seule logique du marché. Face à votre souhait de transformer les exploitations agricoles en entreprises industrielles, il convient de réaffirmer que la France agricole et rurale est riche de sa diversité et que toutes les formes d'agriculture à dimension humaine, compétitive, diversifiée et respectueuse de l'environnement sont à préserver au sein de nos territoires ruraux, si différents dans leur géographie, leur histoire et parfois même dans leurs ambitions.
Lorsque l'on fait le recensement des textes d'application pris par le gouvernement actuel, on peut en avoir une vision soit très optimiste, comme c'est le cas de certains d'entre vous, soit, au contraire, plus critique, comme les membres du groupe socialiste.
Parmi les mesures réglementaires déjà prises par le Gouvernement, figure un décret relatif aux modalités de déclaration du fonds agricole, publié en août 2006, qui n'était pas prévu par la loi.
Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, nous vous avions alerté sur le besoin de clarifier les rôles dans les opérations de transfert de bail. Nous vous avions alors dit que la précipitation n'était jamais bonne conseillère.
Ce décret répond-il aux questions que nous vous posions à l'époque ? Comment ce fonds sera-t-il construit, géré et défini ? Quelle sera la place du candidat à la reprise ? Aura-t-il son mot à dire ou devra-t-il, au final, nécessairement suivre l'avis du bailleur de crainte de voir le bail se terminer ? J'espère que la date de publication du décret au Journal officiel, le 4 août, est de bon augure dans ce domaine.
Par ailleurs, les DPU seront-ils intégrés dans la valorisation d'un fonds agricole et, dans l'affirmative, jusqu'à quand ?
Permettez-moi de m'arrêter un instant, comme l'a fait M. Repentin tout à l'heure, sur la question que pose le décret, paru au début du mois de juillet, relatif à l'évaluation par l'AFSSA des produits phytopharmaceutiques, matières fertilisantes et supports de culture.
Ce décret prévoit que seront désormais interdites toute publicité commerciale et toute recommandation pour les produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives destinées au traitement de végétaux si ces produits ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation de distribution pour expérimentation.
Ces dispositions posent un réel problème pour des produits naturels traditionnels et des pratiques qui, jusqu'à présent, étaient considérées comme particulièrement respectueuses de l'environnement.
Monsieur le ministre, vous avez dû, je présume, recevoir un très grand nombre de courriers d'alerte de la part de nombreux parlementaires, tant l'émoi suscité par ces décrets a été grand non seulement dans le petit monde du jardinage écologique, mais également dans le milieu agricole et rural soucieux des bonnes pratiques environnementales.
Nous sommes bien loin, là, d'une vision écologique et économe du travail de la terre. Comment peut-on à la fois prôner la limitation de l'utilisation de produits fongicides et d'engrais pour lutter contre la pollution des sols et des eaux et interdire la promotion des produits naturels et quasiment gratuits ? Mais n'est-ce pas précisément là le noeud du problème ?
On peut comprendre l'importance de ne pas tout laisser faire et, surtout, de ne pas laisser faire n'importe comment, mais reconnaissez que nous sommes dans une situation singulière, dans laquelle le contrevenant est passible de deux ans de prison et de 75 000 euros d'amende ! Y avait-il réellement urgence à publier ce décret en l'état ?
Monsieur le ministre, il convient de légiférer rapidement sur les biocarburants, qu'il s'agisse de l'utilisation, comme carburant agricole, d'huile végétale pure ou des modalités de production, de commercialisation et d'utilisation de l'huile végétale.
Il y a en effet urgence tant la question des énergies est devenue, pour les agriculteurs, une donnée nouvelle, intéressante pour l'avenir, mais aussi pleine d'incertitudes. Il convient néanmoins de s'interroger sur le fond et de se demander si l'agriculteur peut réellement y trouver son compte.
Certains voient dans les biocarburants un avenir réel pour l'agriculture française. Comme nous l'avions indiqué lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, il y aura toujours ailleurs, je le crains, des modèles et des pratiques culturales à moindre coût, donc plus rentables. Ne laissons pas croire aux agriculteurs que l'avenir réside uniquement dans les carburants verts. Ne retombons pas dans les travers du passé. L'énergie fait partie intégrante des questions économiques concernant les exploitations et l'agriculture en général.
Si nous pouvons dire « oui » à des filières courtes afin de promouvoir l'autonomie énergétique des exploitations - déjà, aujourd'hui, des projets locaux existent, des récoltes ont été faites et des presses à huile ont commencé à tourner -, nous devons cependant rester prudents et dire « non » à des contrats sans garantie entre les agriculteurs et des multinationales qui prôneraient des pratiques culturales dont le bilan écologique positif n'a toujours pas été démontré et qui favoriseraient une intégration dissimulée.
Il faut donc légiférer pour encadrer les modalités de production, de commercialisation et d'utilisation des huiles végétales. C'est devenu d'autant plus urgent que certains pôles d'excellence ruraux labellisés ont déjà préparé des projets dans ce sens et attendent de pouvoir les mettre en oeuvre.
Enfin, et ce sera mon dernier point, je tiens à évoquer l'article 38 de la loi d'orientation agricole, qui a complété le premier alinéa de L. 143-1 du code rural relatif au droit de préemption des SAFER.
La mise en place du cadre juridique de la réforme de la PAC risque de mettre à mal la politique d'amélioration des structures et le rôle des SAFER, dont la mission de service public a été prévue par le code rural depuis 1960. Il est donc urgent de préciser leur rôle, qui est indispensable pour la politique d'installation des jeunes et pour la modernisation des exploitations.
Comme on peut le constater depuis quelque temps, si les SAFER ne peuvent préempter les DPU avec les terres qu'elles acquièrent, elles ne pourront plus réaliser les restructurations de terres qui leur permettent soit d'aider à l'installation de nouveaux agriculteurs, soit de conforter les exploitations. Elles ne pourront pas non plus à l'avenir compenser les pertes de terrains avec DPU dans le cadre d'acquisitions pour des réalisations liées à des politiques publiques.
Par ailleurs, monsieur le ministre, envisagez-vous d'effectuer des prélèvements à chaque changement d'exploitant pendant les phases de stockage temporaire, au risque de casser la logique d'aménagement des structures ?
En outre, la question complexe de perte de DPU des terres en stock de 2000 à 2002 au profit de la réserve départementale a semble-t-il amené certaines SAFER à engager des poursuites juridiques.
Pourquoi pénaliser cet opérateur foncier différent des autres, qui a su montrer, dans l'exercice de sa mission de service public, son rôle structurant, au moment même où la loi relative au développement des territoires ruraux et la loi d'orientation agricole ont prévu d'étendre leurs interventions auprès des territoires et des collectivités ?
Reconnues comme « exploitantes » aux termes de la définition européenne de l'exploitant agricole, les SAFER méritent non seulement qu'on leur donne les moyens d'appliquer les politiques d'installation de nouveaux agriculteurs et de modernisation des exploitations, mais aussi que l'on mette tout en oeuvre pour que leurs activités ne se déroulent pas, à l'avenir, d'une manière trop complexe ou avec moins d'efficacité, moins de qualité auprès d'attributaires prioritaires. Cela aurait pour effet de permettre à certains de leurs détracteurs d'être encore plus critiques.
Nous avions déposé nombre d'amendements sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole. Seul l'un d'entre eux a été adopté. Il tendait à éviter que la conclusion de baux cessibles ne donne lieu à la signature de baux de complaisance n'ayant pour objectif que de contourner le droit de préemption des SAFER.
Je crains que, avec le système des DPU, ces risques de contournement du droit de préemption ne dépassent largement, hélas ! la seule signature de baux cessibles.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Lors de la conférence des présidents, j'avais demandé, au nom de la commission des finances, l'inscription à l'ordre du jour réservé de cette séance du débat de contrôle budgétaire sur le fonctionnement du service public de l'équarissage, à la suite du rapport d'information fait par M. Joël Bourdin et Mme Nicole Bricq sur l'enquête relative au fonctionnement du service public de l'équarissage, diligentée, à la demande de la commission des finances, par la Cour des comptes.
Monsieur le ministre, vous m'avez laissé entendre que vous seriez peut-être mieux à même dans quelques jours d'apporter des réponses plus concrètes aux questions que soulève le rapport d'information de nos collègues.
Je demande donc au Sénat de bien vouloir reporter ce débat, qui ne devrait pas excéder une heure trente, en souhaitant, monsieur le ministre, que le Gouvernement l'inscrive à l'ordre du jour prioritaire avant le début de la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Je vous en remercie par avance.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Monsieur le ministre, je pense exprimer le souhait de tous nos collègues en vous demandant que le Gouvernement inscrive le plus rapidement possible ce débat à l'ordre du jour prioritaire du Sénat.
Ordre du jour réservé
Nous reprenons la discussion de la question orale avec débat n° 21 de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'application de la loi d'orientation agricole.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, je tiens d'abord à vous remercier de votre bienveillance, puisque vous avez permis que ce débat sur l'application de la loi d'orientation agricole se poursuive à une heure quelque peu avancée.
Je remercie également M. Jean Arthuis de sa proposition, que le Sénat a acceptée. Le débat sur l'équarrissage est en effet très attendu. M. Joël Bourdin et Mme Nicole Bricq ont réalisé un excellent travail qui s'appuie sur l'enquête conduite par la Cour des comptes. Il est essentiel que nous puissions consacrer en toute sérénité le temps nécessaire à l'étude de ce rapport très important, en vue d'améliorer le fonctionnement du système.
Je m'engage à prendre contact, dès demain matin, avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, afin que ce débat puisse être prochainement inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Sénat.
J'en viens à l'objet de notre débat. Je me félicite de la qualité des interventions des différents orateurs et je tiens à remercier M. Gérard César d'avoir fait usage de son droit de suite. Comme M. Alain Vasselle l'a rappelé à juste titre, au-delà du vote de la loi, le législateur a aussi pour mission de contrôler l'action des pouvoirs publics.
C'est dans cet esprit que j'ai abordé la discussion de la question de M. César sur l'application de la loi d'orientation agricole. J'ai d'ailleurs eu l'honneur, le 27 juin dernier, d'être auditionné par la commission des affaires économiques, à laquelle j'ai transmis toutes les informations disponibles sur l'état d'avancement des textes d'application. Je me suis livré au même exercice devant l'Assemblée nationale, ce qui est naturel, mais aussi, ce qui est moins habituel - mais cela m'a semblé utile -, devant le Conseil économique et social qui avait beaucoup travaillé sur ce sujet. Vous aviez d'ailleurs reçu M. Gaël Grosmaire, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil économique et social.
Le projet de loi d'orientation agricole, qui comportait à l'origine trente-cinq articles, s'est étoffé grâce à la richesse, à la qualité et au caractère très courtois de nos débats. Ce travail a été fructueux puisque, à l'issue de la discussion, ce texte avait triplé de volume, passant de trente-cinq à cent cinq articles.
Il en résulte que le nombre de décrets nécessaires à la mise en application de la loi d'orientation agricole a augmenté. La mise en oeuvre de cette dernière demandera soixante-douze textes complémentaires, dix ordonnances, dix-huit décrets en Conseil d'État, vingt-neuf décrets simples, quinze instructions fiscales, soit la réécriture d'un bon quart du code rural.
Conformément à l'état d'esprit qui a régné lors des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'ai souhaité faire en sorte que ces textes d'application soient rédigés selon trois principes : la rapidité, car une loi est votée pour être appliquée le plus vite possible, malgré le problème de l'interministérialité évoqué par M. César ; la concertation avec toutes les parties prenantes, comme le disait tout à l'heure M. Raoul, s'agissant de la consultation des grandes associations et de l'ensemble des strates du monde agricole ; ...
... et la fidélité à vos intentions, mesdames, messieurs les sénateurs, concernant en particulier les équilibres que vous avez souhaités. En effet, nous avons toujours cherché à les préserver, en associant les rapporteurs des deux assemblées à la préparation des ordonnances.
Avant de répondre plus précisément à vos questions, je dresserai l'état d'avancement de ce chantier, qui est lourd.
Sur les dix ordonnances prévues, cinq ont été publiées et sont donc d'application immédiate ; deux, qui concernent les signes de qualité et l'élevage, sont devant le Conseil d'État, et deux autres sont en cours de mise au point technique. Quant à l'ordonnance relative à l'outre-mer, elle n'est plus nécessaire, puisque le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer prévoit l'application à Mayotte du code rural, modifié par la loi d'orientation agricole, et que la loi est applicable en l'état dans la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous avons donc tenu les délais que vous nous aviez assignés, et j'en rends d'ailleurs hommage aux services de mon ministère. Toutes les ordonnances qui devaient être publiés dans un délai de neuf mois à compter de la date de promulgation de la loi l'ont effectivement été avant le 7 octobre. Deux ordonnances ont d'ores et déjà fait l'objet d'un projet de loi de ratification adopté par le conseil des ministres ; les autres le seront dans le délai de trois mois prévu par la loi.
S'agissant de la rédaction des ordonnances, j'ai toujours essayé de faire en sorte que la représentation nationale y soit associée, conformément à l'engagement que j'avais pris devant les deux assemblées.
Concernant la partie réglementaire, vingt-deux des quarante-sept décrets ont été publiés, deux sont en cours de signature - ils ont trait à l'utilisation des huiles brutes et au Haut conseil de la coopération agricole - et j'ai signé aujourd'hui un décret général relatif aux organisations de producteurs et un décret plus particulier sur les organisations de producteurs dans le secteur de l'élevage.
Par ailleurs, cinq décrets sont actuellement devant le Conseil d'État. Ils visent la procédure d'agrément des GAEC -les groupements agricoles d'exploitation en commun - le contrôle des structures, le bail environnemental, le service universel de l'insémination artificielle animale, qui a été évoqué tout à l'heure par M. Repentin, et les signes de qualité.
Sur les quinze instructions fiscales, six ont été publiées et quatre ont été transformées en décrets. Trois d'entre eux, qui concernent le crédit d'impôt remplacement, le DEFI forêt, le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt, et le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, ont été publiés.
Nous avons également fait en sorte que les décrets et arrêtés d'application des ordonnances et les arrêtés d'application des décrets d'application de la loi soient pris dans les plus brefs délais. Ainsi, l'ordonnance et le décret d'application de l'article 93 seront examinés presque simultanément par le Conseil d'État, avant la fin du mois de novembre, et leurs projets d'arrêtés d'application sont préparés de façon que l'ensemble des textes nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme prévue par cet article soit publié au mois de décembre prochain.
Il a également été fait référence au système d'organisation en ligne des opérations normatives, qui a pour objet de doter les services du Premier ministre et le secrétariat général du Gouvernement d'un outil de dématérialisation de la production des actes destinés à une publication au Journal officiel.
Une première phase pilote, dont le bilan est positif, a eu lieu. Une seconde phase d'expérimentation est envisagée pour l'année 2007.
Conformément à l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, qui prévoit le principe du dépôt d'un rapport sur la mise en application des lois à l'issue d'un délai de six mois suivant leur promulgation, je vous informe, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce rapport est prêt. Il devrait vous parvenir dans les tous prochains jours via le secrétariat général du Gouvernement.
Je souhaite maintenant répondre aux questions que vous avez posées. J'espère que vous voudrez bien m'excuser par avance de ne pas entrer dans tous les détails. Naturellement, je répondrai par écrit sur les thèmes que je n'aurai pas pu aborder ce soir. Par ailleurs, je serai demain devant la commission des affaires économiques pour évoquer le budget de l'agriculture, et je profiterai peut-être de cette occasion pour apporter des précisions sur certains points.
Sur le statut du fermage, plusieurs questions m'ont été posées.
Tout d'abord, s'agissant des baux de plus de vingt-cinq ans, leur spécificité repose sur le fait que le fermier est assuré d'une durée de vingt-cinq ans au moins, en contrepartie, pour le bailleur, d'un loyer majoré et de la possibilité de remettre en cause le droit au renouvellement.
Sur ce dernier point, l'article L. 416-3 du code rural prévoit qu'« il peut être convenu que le bail à long terme se renouvelle à son expiration, sans limitation de durée, par tacite reconduction ». Dans ces conditions, chacune des parties peut décider, chaque année, de mettre fin au bail, et les dispositions sur le renouvellement automatique ne s'appliquent pas.
Ainsi, la règle est claire si le contrat de bail prévoit une clause de tacite reconduction. Elle l'est beaucoup moins en l'absence d'une telle clause et ce cas a fait l'objet d'interprétations divergentes par les tribunaux.
Afin de mettre un terme à ces divergences de jurisprudence et dans un souci de clarification, l'ordonnance complète ainsi l'article L. 416-3 du code rural : « En l'absence de clause de tacite reconduction, le bail prend fin au terme stipulé sans que le bailleur soit tenu de délivrer congé. »
À cet égard, en matière de louage, les « règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux » prévoient, à l'article 1737 du code civil, que « le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé ».
Ainsi, il a été considéré qu'il n'était pas choquant que le propriétaire qui consent un bail d'une telle durée puisse être assuré de la reprise de son bien. Il s'agit d'établir un équilibre clarifié dans les relations entre le bailleur et le preneur. Naturellement, le locataire peut toujours négocier l'insertion d'une clause de tacite reconduction.
Cet équilibre a été maintenu dans le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 relative au statut du fermage et modifiant le code rural, qui a été déposé sur le bureau du Parlement le 5 octobre dernier.
M. Murat a évoqué les conditions que doit remplir le bénéficiaire du droit de reprise. Les modifications apportées par l'ordonnance relative au fermage permettent une meilleure coordination avec les règles relatives au contrôle des structures.
En effet, ce contrôle des structures soumet l'exploitant à autorisation s'il ne dispose pas de la capacité ou de l'expérience requise. L'article L. 411-58 du code rural subordonne le droit de reprise à une autorisation d'exploiter, que l'article L. 411-59 du même code n'invoquait pas. Ainsi, l'ordonnance relative au statut du fermage a complété cet article pour le mettre en cohérence avec le précédent.
La simplification du contrôle des structures, qui figurait à l'article 14 du projet de loi d'orientation agricole, avait beaucoup animé nos débats. Depuis le début de l'année, de nombreuses réunions avec les partenaires concernés ont permis de déboucher sur un compromis équilibré, en phase avec l'issue de nos discussions. Ce texte a été envoyé au Conseil d'État, qui devrait l'examiner au début du mois de décembre.
Monsieur Le Cam, je vous précise que le seuil de surface qui a été adopté s'inscrira dans une fourchette de une à deux unités de référence.
S'agissant du développement des entreprises agricoles, nous avons bien progressé.
Le bail cessible, qui représente une avancée sensible en termes de modernisation du statut de l'exploitation, peut d'ores et déjà être signé, depuis la publication du décret du 23 mars dernier.
Monsieur Pointereau, la question de la majoration possible du prix du bail cessible a pu, en effet, faire l'objet de divergences d'interprétation, voire de malentendus. C'est la raison pour laquelle il a paru utile, pour assurer la sécurité juridique des parties ayant choisi cette nouvelle forme de bail, de clarifier définitivement notre réponse par un décret pris en Conseil d'État. C'est ce que j'ai indiqué dans mes réponses les plus récentes aux nombreux parlementaires qui m'ont interrogé sur ce sujet. Ce décret sera commun avec celui qui sera pris en application de l'article 104 de la loi portant engagement national pour le logement, qui est destiné à encadrer le loyer des maisons d'habitation louées dans le cadre d'un bail rural.
La création du fonds agricole, à propos duquel nous avons eu de longs débats, est facultative.
Cette question a fait l'objet du décret du 1er août 2006, qui permet la déclaration du fonds auprès du centre de formalité des entreprises. Concernant le coût de ce fonds, je ferai référence à un excellent article paru dans la revue Actuagri, dans lequel plusieurs dirigeants agricoles échangent leurs points de vue sur la capacité, ou non, du fonds agricole à engendrer des coûts supplémentaires. L'article se conclut sur une réponse négative.
Afin de faciliter la transmission des exploitations et l'installation des jeunes, nous avons également instauré une déduction fiscale en cas de différé de paiement accordé au repreneur. Vous vous souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, que les jeunes agriculteurs tenaient beaucoup à cette mesure. L'instruction fiscale correspondante a été publiée le 30 mai dernier.
Enfin, monsieur Pastor, le décret d'application sur le droit de préemption des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, va prochainement être mis à la signature, un accord étant intervenu sur l'équilibre du texte.
Le titre Ier de la loi d'orientation agricole comporte aussi un ensemble de mesures sur l'emploi, la protection sociale et les conditions de travail des exploitants et de leurs familles.
Par son article 21, la loi a institué une obligation de choix d'un statut professionnel pour les conjoints participant aux travaux. Monsieur Le Cam, le décret d'application précisant les modalités d'option du conjoint collaborateur pour son statut a été signé le 25 octobre et publié au Journal officiel le 27 du même mois.
L'article 23 prévoit deux ordonnances d'application.
La première vise à améliorer la protection sociale des non-salariés agricoles exploitant des terres d'une superficie inférieure à la moitié de la surface minimum d'installation. Le texte est finalisé et sera adressé au secrétariat général du Gouvernement pour transmission au Conseil d'État.
La seconde tend à améliorer les régimes d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés et des non-salariés agricoles. Elle a été publiée le 20 juillet dernier.
La création - elle a été évoquée, en particulier, par M. Pointereau - d'un crédit d'impôt-remplacement à l'article 25 permet aux exploitants de se faire remplacer quatorze jours par an. La mise en oeuvre de cette disposition nécessitait un décret, qui a été publié le 7 juillet dernier. Ce crédit d'impôt permet la prise en charge de quatorze jours de congés par an, à hauteur de 50 % de la dépense engagée et dans la limite d'un plafond révisé chaque année.
La loi a expressément prévu que, pour être éligible au crédit d'impôt, il faut justifier de contraintes de présence sur l'exploitation chaque jour de l'année, en raison de la nature des productions. Comme le rappelait M. César tout à l'heure, cette disposition concerne tout particulièrement les éleveurs, qui remplissent une telle condition.
En ce qui concerne les productions végétales, qui ont été évoquées par M. Pointereau, compte tenu de la variété des situations, le décret d'application du 6 juillet 2006 indique que les personnes concernées devront fournir à l'appui de leur demande un calendrier des travaux faisant apparaître qu'ils remplissent bien cette condition de présence chaque jour de l'année.
Les dispositions du décret d'application de l'article 25 permettent donc de respecter l'objectif politique de la loi d'orientation agricole, qui était de permettre aux agriculteurs qui ont le plus de difficultés à s'absenter de bénéficier de meilleures conditions de vie et de rendre ainsi leur métier plus attractif, en particulier aux yeux des jeunes.
Les articles 26, 27 et 31 de la loi d'orientation agricole prévoient de nouveaux dispositifs d'exonération de charges en faveur de l'emploi agricole. Il s'agit de l'emploi de salariés en CDI par les groupements d'employeurs, de la transformation de CDD en CDI, du passage de 100 à 119 jours pour les exonérations liées à l'emploi de travailleurs occasionnels - c'est une mesure très importante pour la filière des fruits et légumes - et de l'élargissement de cette mesure aux entreprises de travaux forestiers et agricoles. Pour l'emploi saisonnier de salariés de moins de vingt-six ans, il est également prévu une exonération de la part salariale. Les trois décrets ont été signés le 8 septembre 2006, et publiés le 10 du même mois. Ils ont donc pu s'appliquer dans un certain nombre de cas.
À cet égard, monsieur Pointereau, je précise que le passage de 100 à 119 jours de la période d'allégements de charges sociales patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels s'applique bien aux contrats en cours, même lorsque les 100 jours ont été dépassés à la date de publication du décret d'application de l'article 27 de la loi, le 10 septembre 2006. Cette interprétation favorable a fait l'objet d'un courrier, daté du 9 octobre 2006, au président de la caisse centrale de la MSA, la Mutualité sociale agricole, qui doit donc être parvenu aux caisses départementales ou régionales.
S'agissant de l'article 29 de la loi d'orientation agricole et de l'application du dispositif du « 1 % logement » aux salariés agricoles, évoqué tout à l'heure par M. Repentin, une longue concertation a été engagée avec les partenaires sociaux ; elle vient tout juste de s'achever. Le texte pourra être transmis au Conseil d'État au cours du mois de novembre. Conformément à la loi, les cotisations seront acquittées à la fin de l'année 2007 sur les salaires versés en 2007 et perçues par les organismes collecteurs au début de l'année 2008.
Dans le domaine de la formation des chefs d'exploitation, j'ai également signé le décret d'application de l'article 33 de la loi d'orientation agricole, qui doit maintenant être contresigné par les ministres du budget, de la santé et de l'emploi.
J'en viens au titre III, qui vise à consolider le revenu agricole et à favoriser l'activité, notamment en améliorant les débouchés des produits agricoles.
S'agissant des biocarburants, sujet très important qui a été évoqué, notamment, par Mme Herviaux, un nouvel appel à candidatures a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 1er juillet dernier. Il porte sur des volumes supplémentaires de 900 000 tonnes par an de biodiesel et 200 000 tonnes par an de bioéthanol. Les agréments correspondants ont été accordés aux opérateurs le 29 septembre dernier.
Comment cela se traduit-il ? Alors que les biocarburants représentaient 1 % des carburants distribués en 2005, monsieur Soulage, ils représenteront 1, 75 % cette année et 3, 5 % en 2007, soit une croissance de 250 % en deux ans.
Les objectifs ont été inscrits dans la loi, ce qui est très important, car cela montre la volonté politique du Parlement.
Avec un objectif de 5, 75 % dès 2008 et de 7 % en 2010, la France se situera au-delà des objectifs communautaires et dans le peloton de tête à l'échelon européen comme international en termes de part des biocarburants dans sa consommation.
Mais cela a un coût pour les finances publiques. Ainsi, en 2006, le soutien fiscal représente près de 280 millions d'euros et il s'élèvera en 2007, si vous en décidez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la discussion du projet de loi de finances, à 550 millions d'euros.
Cette montée en charge se traduit par la construction en cours de seize nouvelles usines dans douze régions. Avec les agréments de 1 100 000 tonnes qui viennent d'être alloués, le Gouvernement aura délivré en moins de dix-huit mois 3, 7 millions de tonnes d'agréments nouveaux, donnant ainsi la visibilité aux opérateurs de la filière pour réaliser les investissements nécessaires.
Deux millions d'hectares, soit 15 % des surfaces cultivées en céréales, betteraves et oléagineux, seront nécessaires pour atteindre l'objectif de 7 % en 2010. Cela nécessitera peut-être certaines modifications de l'assolement.
Cependant, le développement des biocarburants ne menace en rien nos besoins prioritaires, c'est-à-dire l'alimentation humaine. Je rappelle, au moment où nous parlons de l'avenir de la PAC, que les cultures destinées aux biocarburants, comme les autres productions agricoles, sont soumises aux obligations de la PAC en matière de préservation de l'environnement.
Je vous confirme enfin, monsieur Soulage, que les agriculteurs peuvent cultiver les terres en jachère à des fins de production pour les biocarburants, tout en restant éligibles aux primes « jachère ».
Monsieur Le Cam, je serai particulièrement vigilant au risque d'importation de biocarburants en provenance des pays tiers. En effet, il est inutile de tout mettre en oeuvre pour produire de l'éthanol, de construire des usines si tous les achats en la matière sont effectués au Brésil. La traçabilité, l'emploi sont des raisons pour lesquelles le Gouvernement français a toujours défendu une position de fermeté devant l'OMC. Du résultat des élections américaines de ce jour dépend, d'ailleurs, la reprise des négociations au sein de cet organisme ; des ouvertures seront possibles en fonction de l'obtention, ou non, par le gouvernement américain d'une majorité. Tout cela incite le France, soutenue par une majorité de pays européens, à être ferme.
MM. de Montesquiou, Soulage et Le Cam m'ont interrogé sur les dispositions qui déterminent les conditions d'autorisation de recourir aux huiles végétales pures comme carburant agricole. Ces conditions s'inscrivent dans le cadre plus large d'un décret qui donne un statut fiscal propre aux unités de production de biocarburants.
J'ai signé ce décret, qui est actuellement dans le processus de contreseing interministériel.
Le second décret, qui précisera les modalités de production, de commercialisation et d'utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche, interviendra à la fin du second semestre de cette année, afin que nous ayons pu tirer tous les enseignements du texte précédent. J'apporte cette précision aux élus du littoral présents dans cet hémicycle, car c'est aussi un moyen de faire baisser les coûts supportés par les pêcheurs français.
Enfin, les recommandations relatives aux méthodes de production des huiles végétales pures et aux usages des tourteaux, prévues à l'article 49, paragraphe III, de la loi d'orientation agricole, ont été publiées au bulletin officiel du ministère du 22 septembre, et sont également diffusées sur son site internet.
Par ailleurs, de nombreux élus locaux - M. Vasselle l'a rappelé - dont M. Jérôme Cahuzac, président de la communauté de communes de Villeneuve-d'Agen, M. Maxime Bono, président de la communauté d'agglomération de La Rochelle, ont exprimé le souhait de conduire, dans un cadre réglementaire approprié, des expériences d'utilisation d'huiles végétales pures. Cela doit se faire, selon moi, en cohérence avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, qui prévoit le droit à l'expérimentation pour les collectivités locales.
À cet effet, j'ai sollicité M. le Premier ministre pour que soit fixé, lors de réunions interministérielles, un cadre légal à ces expérimentations, afin d'éviter que les élus ne s'engagent dans cette voie et que le préfet ne saisisse les tribunaux administratifs, en application du droit actuel. Dans le respect de la loi constitutionnelle de 2003, l'expérimentation permettrait d'ouvrir de nouvelles possibilités aux collectivités territoriales. M. le Premier ministre se prononcera sur la proposition que je lui ai soumise, et que M. Perben a reprise dans le domaine qui le concerne.
Le développement des bioplastiques a reçu une impulsion décisive avec l'article 47 de la loi d'orientation qui prévoit l'interdiction, à compter du 1er janvier 2010, des sacs de caisses en plastique non biodégradable. Deux décrets d'application sont prévus, dont l'élaboration a nécessité de clarifier un certain nombre de questions techniques, monsieur de Montesquiou.
Le premier d'entre eux précise le champ de la mesure d'interdiction et définit les contrôles et sanctions qui y sont liées. Sa rédaction, qui a nécessité un important travail d'expertise technique, est maintenant achevée. Le texte va être notifié à la Commission européenne puis soumis à la signature des ministres concernés.
Le second décret, qui doit être pris avant le mois de décembre, devra fixer le taux d'incorporation de matières d'origine végétale dans différents usages du plastique. Les travaux techniques préparatoires à la rédaction de ce texte sont bien avancés. Le décret pourrait porter, dans un premier temps, sur l'incorporation de matières d'origine végétale dans certains films de paillage agricoles, dans les sacs poubelles, les pots de culture, les couverts jetables et certains emballages. Les projets de décret et d'arrêté devront être notifiés à la Commission, dans la mesure où cette dernière pourrait considérer qu'ils constituent une entrave technique aux échanges au sein de l'Union européenne.
Nous sommes conduits à renoncer, à ce stade, aux films de paillage plastiques dans la mesure où les résultats d'une étude technique font apparaître des risques d'accumulation dans le sol et de passage dans la chaîne alimentaire de plastiques résiduels. Cependant, nous continuons de travailler sur ce sujet.
Par ailleurs, le renforcement de l'organisation économique passe par celui des organisations de producteurs, d'une part, et par la modernisation du statut de la coopération agricole, d'autre part.
L'article 53 de la loi d'orientation agricole définit les principes applicables en matière de reconnaissance des organisations de producteurs et élargit les attributions des interprofessions, comme vous l'avez souhaité, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je viens de signer le décret général, qui fixe les modalités transversales de reconnaissance des organisations de producteurs et qui est nécessaire pour la publication des décrets par filière spécifique. Des décrets devront, par secteur, déterminer les conditions d'attribution et de retrait de cette reconnaissance.
Je viens également de signer le décret relatif aux organisations de producteurs du secteur de l'élevage.
Dans le domaine des fruits et légumes, le projet de décret a été validé par la Commission européenne. Je vais donc le signer.
Vous m'avez également interrogé à juste titre, monsieur Soulage, sur les instruments de gestion de crise.
Nous attendons de connaître le règlement communautaire sur l'organisation commune du marché des fruits et légumes, qui sera négocié, sous présidence allemande, au début de l'année 2007. L'idée est de permettre un rééquilibrage des interventions en faveur des fruits et légumes en ajoutant au volet structurel des programmes opérationnels un volet d'intervention sur les marchés, qui fait défaut à l'heure actuelle. Dans ce domaine, un outil de gestion de crise est nécessaire, même si un tel besoin s'est moins fait sentir cet été, car la situation a été moins difficile que l'été précédent.
La Commission a retenu le principe de la mise en place d'outils de gestion de crise dans son premier document présenté au mois de juin dernier. J'ai à nouveau insisté sur ce dossier et proposé un dispositif de « fonds de crise », qui pourrait être utilisé pour activer des mesures visant à l'augmentation de la demande - promotions en période de crise - ou à la maîtrise des volumes mis sur le marché - aide au stockage, par exemple.
Pour que les actions ainsi financées soient menées rapidement, sans avoir à demander d'autorisation, j'ai suggéré, comme piste de réflexion, que ces fonds soient mis en place et gérés par les acteurs économiques eux-mêmes, c'est-à-dire par des organisations ou des associations d'organisations de producteurs, ou encore des comités de bassin, en complète subsidiarité, c'est-à-dire sous le contrôle des États membres et dans le respect d'une cohérence nationale. Le financement de ces fonds serait réparti entre les professionnels et l'Union européenne.
Cette mesure m'apparaît comme une priorité parce qu'elle devrait permettre au secteur des fruits et légumes, qui subit sans arrêt des crises, de les prévenir et de les gérer avec la réactivité et l'efficacité nécessaires.
S'agissant plus particulièrement des serristes, monsieur Soulage, je vous précise que les taux de subvention de l'État et de l'Union européenne ont été portés, pour les investissements en matière d'économies d'énergie, à 35 % pour les adhérents des organisations de producteurs, au lieu de 28 % pour les autres, et à 40 % pour les jeunes agriculteurs organisés, au lieu de 33 % pour les autres. Je me suis ainsi fait l'interprète de la volonté du Parlement en résistant aux demandes de la profession, qui aurait souhaité des taux uniformes. Nous avons fait un pas en direction des agriculteurs qui s'organisent.
Pour ce qui concerne les crédits des offices, les évolutions des soutiens à travers l'action des offices - nous en parlerons lors de l'examen du projet de loi de finances -prennent en compte en 2007 les nouvelles modalités de contractualisation avec les régions, désormais plus ciblées sur des projets, ainsi que la progressivité de la montée en charge des nouveaux contrats.
La baisse des crédits signifie donc non pas un moindre soutien global, mais une réorganisation. Les contrats de projets se négociant actuellement, nous avons mis l'accent sur d'autres actions nécessaires et faisables dès l'an prochain.
Ainsi, les crédits d'intervention nationale des offices passeraient, dans le prochain projet de loi de finances, et sous réserve de votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, de 87 millions d'euros en 2006 à 114 millions d'euros en 2007.
Comme M. Pastor l'a indiqué tout à l'heure, un effort particulier a été consenti pour la viticulture, principalement pour les exportations, qui reprennent dans certains vignobles, en volume comme en valeur, pour la première fois depuis quelque années, ainsi que vous avez d'ailleurs pu le constater. Il est naturel que tous les vignobles français, quelle que soit leur implantation, puissent en profiter.
Afin de moderniser le statut de la coopération agricole, l'ordonnance du 5 octobre 2006 visant à réformer les règles de fonctionnement des coopératives a été publiée le 6 octobre dernier. Quant au projet de décret relatif au Haut Conseil de la coopération, il a été validé par le Conseil d'État. ; je vais donc le signer.
Pour ce qui concerne la maîtrise des aléas, les dispositions de la loi visent à renforcer la capacité des entreprises agricoles à se prémunir contre ces aléas.
Deux projets de décrets d'application des articles 62 et 63 de la loi d'orientation ont été élaborés, un décret en Conseil d'État et un décret simple. Ils viennent d'être validés par le secrétariat général du Gouvernement, pour transmission au Conseil d'État pour le premier et pour signature pour le second.
Vous avez soulevé, monsieur Blanc, la question des calamités agricoles en montagne. La fragilité de ces territoires est précisément prise en compte dans les décrets d'application de l'article 62.
S'agissant plus spécifiquement des questions intéressant la montagne, sur lesquelles vous m'avez interrogé, ainsi que M. Repentin, je puis vous donner quelques précisions.
L'article 79 de la loi d'orientation prévoit la création d'un code de la montagne, disposition à laquelle vous attachiez beaucoup d'importance. Le travail à cet égard a été activement poursuivi. Lors du Conseil national de la montagne, qui s'est tenu à la fin du mois d'août à Sallanches, le Premier ministre a beaucoup insisté sur l'aboutissement de ce travail.
D'ores et déjà, plusieurs réunions se sont tenues pour définir le contenu de ce code et pour en déterminer la méthode de construction.
Sur le premier point, quatre domaines ont été identifiés : le secteur institutionnel, le domaine économique et social, l'aménagement du territoire et, enfin, la protection et la prévention. Je vous précise que le domaine institutionnel visera notamment à définir tant la montagne que les massifs. Il convient, à cet égard, de rappeler que le massif est un territoire de projet et de développement économique et non de réglementation, alors que les zones de montagne sont définies par la loi montagne du 9 janvier 1985 - texte que vous connaissez bien - comme se caractérisant par des handicaps liés à l'altitude, à la pente et au climat.
Nous allons essayer de réaliser un bon travail de codification, notamment sur le sujet particulier des pluriactifs et du travail saisonnier.
S'agissant du calendrier, monsieur Blanc, le contenu de ce code devrait être validé avant la fin de cette année et sa rédaction effective débutera en 2007. Je veillerai à ce que la pesanteur n'empêche pas de grimper les pentes !
Quant à l'indemnité compensatoire des handicaps naturels, évoquée tant par vous, monsieur Blanc, que par M. Repentin, elle a été très fortement revalorisée depuis 2002. La reprise des revalorisations des vingt-cinq premiers hectares est prévue pour 2007 au bénéfice des seules zones de montagne. Ainsi, pour les vingt-cinq premiers hectares primés, le taux passera de 30 % à 35 %.
En 2007, les paiements, y compris la part communautaire, vont s'élever à près de 520 millions d'euros contre 450 millions d'euros voilà quelques années.
Si l'on raisonne en termes de prime moyenne par bénéficiaire, l'on est passé de 4102 euros en 2002 à 5160 euros en 2007, soit 1000 euros de plus, ce qui représente une augmentation de 25 %, près de 5 % par an pendant cinq ans, soit trois fois plus que l'inflation. Peu d'aides agricoles et de subventions de l'État, y compris en faveur de nos collectivités, ont connu une telle hausse au cours de ladite période. Seules les zones de montagne bénéficieront de l'augmentation des vingt-cinq premiers hectares en 2007.
Les articles 83 et 85 de la loi d'orientation visent les commissions spécialisées « produits de montagne ». À ce jour, il est vrai qu'aucune commission de ce type n'a encore été réunie sous l'égide des préfets coordonnateurs de massif. Je vais donner les instructions nécessaires en la matière.
Le titre IV de la loi précitée est consacré aux attentes des citoyens et des consommateurs. Il traite de l'environnement, de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits.
Le bail environnemental permettra d'assurer la préservation des espaces agricoles qui le nécessitent. Il sera accessible aux particuliers dans les zones précises que les rédacteurs de la loi souhaitent voir protégées. Le projet de décret fixant les modalités de définition des clauses environnementales qui pourront être retenues a été envoyé le 4 octobre pour examen au Conseil d'État.
Il est prévu, dans la loi d'orientation agricole, pour une période de trois ans, un crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, afin de reconnaître la plus-value particulière apportée par cette forme d'activité en termes environnementaux. Le décret du 4 juillet 2006 concrétise cette mesure.
S'agissant de l'amélioration de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits, les dispositions relatives à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires seront mises en conformité avec le droit communautaire. L'ordonnance du 5 octobre 2006 a été publiée le 6 octobre.
Le dispositif de sécurité sanitaire des aliments sera renforcé, puisque - nous rejoignons là le sujet des orties - l'évaluation du risque lié aux entrants en agriculture sera confiée à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA. Le décret a été publié le 23 septembre.
La fameuse autorisation de mise sur le marché est nécessaire quand il y a commercialisation d'un produit. Ainsi l'ont voulu les rédacteurs de la loi. Cela étant, le bon sens veut que nous travaillions à la mise en place d'un dispositif plus simple, plus rapide, moins compliqué et moins lourd.
Enfin, la loi d'orientation agricole prévoit la réorganisation de notre dispositif de valorisation des produits agricoles et agroalimentaires : un projet d'ordonnance est actuellement examiné par le Conseil d'État.
Le projet de décret assurant la mise en place d'une nouvelle structure de gestion des signes d'identification de la qualité et de l'origine est en voie de finalisation avant transmission au Conseil d'État pour être examiné avec le projet d'ordonnance. Le dispositif permet, notamment, de dessiner l'architecture du nouvel institut national de l'origine et de la qualité, qui verra le jour au 1er janvier 2007, et naîtra du rapprochement entre la CNLC, la Commission nationale des labels et certifications, et l'INAO, l'Institut national des appellations d'origine. Ce dernier verra ainsi ses missions élargies.
Monsieur Blanc, vous m'avez interrogé sur le décret « produits-pays ». Ce texte a été validé par le Conseil d'État le 25 octobre dernier et se trouve maintenant dans le circuit des signatures par les ministres concernés. Il sera ensuite fusionné avec le décret « valorisation des produits agricoles, de la mer, forestiers ou alimentaires », qui est examiné en parallèle à l'ordonnance Qualité/INAO par le Conseil d'État.
S'agissant de la fièvre catarrhale ovine, que vous avez évoquée, monsieur Raoult, comme plusieurs autres orateurs, notre objectif - vous l'avez d'ailleurs vous-même indiqué, monsieur le sénateur - est d'éviter, grâce à la mise en place d'un cordon sanitaire, que cette maladie, qui a frappé en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, ne se développe sur l'ensemble de notre territoire national.
Vous avez raison de dire que, avec l'arrivée du froid, le moucheron en cause ne piquera plus. Le Gouvernement a donc demandé à l'AFSSA de réviser l'appréciation de la situation.
Je suis tout à fait conscient des conséquences économiques de cette maladie dans les zones touchées, que M. Vasselle a évoquées également : le Nord, la Picardie, la Champagne-Ardenne, la Lorraine.
Les premières mesures de compensation du manque à gagner subi par les éleveurs de broutards contaminés ont été prises. Alors même que vous vous exprimiez à cette tribune, les uns et les autres, se déroulait une réunion interministérielle à Matignon, afin que soient prévues de nouvelles mesures de solidarité nationale à l'intention aussi bien des éleveurs que des maillons de la filière en aval, coopératives et abattoirs, notamment.
D'ici à quelques jours, je compte vous les annoncer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes exprimés avec beaucoup de précision. J'essaie très humblement de mettre en oeuvre la loi d'orientation agricole en respectant l'esprit dans lequel elle a été élaborée, par vous-mêmes comme par vos collègues députés, et de tenir les délais prévus. J'ai été longtemps parlementaire : j'ai siégé dix ans au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale et j'ai examiné beaucoup de textes.
Je ne veux pas dire que ce gouvernement est meilleur que les autres...
...mais, honnêtement, objectivement, il me semble travailler sérieusement, en respectant les délais impartis, et, donc, respecter comme il se doit le Parlement et les exploitants agricoles de notre pays.
Je poursuivrai cet effort pour que la quasi-totalité des textes d'application soit publiée avant la fin de cette année. J'informerai, bien sûr, personnellement l'ensemble des sénateurs, la commission et vous-même, monsieur le rapporteur. Je profiterai du débat budgétaire, dans quelques semaines, pour refaire le point et vous dire ce qui a changé par rapport à la situation actuelle, que je me suis permis de dépeindre un peu longuement devant vous ce soir.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures.