Outre que le nombre des condamnations et leur durée ne sont pas nécessairement des indicateurs d'une bonne justice, le vrai problème, tout le monde le sait, tient à l'absence des structures nécessaires pour l'incarcération, la rééducation et la réintégration des mineurs après le prononcé des peines.
C'est la grande misère de la protection judicaire de la jeunesse, la PJJ, et des associations qui aident les pouvoirs publics à rééduquer ces jeunes, à les remettre dans le droit chemin, à suppléer les parents démissionnaires ou défaillants.
En fait, cette présentation vise, à mon sens, à cacher votre propre incurie et, sans doute aussi, d'une certaine manière, votre propre déception. Car, sans faire de polémique, tout montre que la situation s'est dégradée depuis quatre ans. Cela a été suffisamment illustré à cette tribune pour que je n'y revienne pas.
Vous commettez pour le moins une erreur de diagnostic. Au pire, vous jouez avec le feu, c'est-à-dire avec la peur des Français ! Vous pensez que la sécurité s'obtient par la seule répression, par la lourdeur des peines, par la réforme permanente et incessante du code pénal et du code de procédure pénale.
À chaque crise, à chaque crime ou délit que nous sommes unanimes à condamner légitimement, le ministre d'État ou le garde des sceaux viennent devant le Parlement pour lui proposer de doubler les peines de prison, de réduire ou de supprimer les sursis, d'introduire des peines incompressibles ou des peines plancher.
Vous êtes donc dans une vision purement quantitative et sécuritaire. Ce que je dis est tellement vrai que certains, dans votre ministère et dans les préfectures - et je ne vise pas que la préfecture de Seine-Saint-Denis - surprennent en retirant les forces de l'ordre, dans certaines situations graves, pour ramener le calme.
C'est que vous en êtes à votre quatrième loi sur la sécurité : après la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure d'août 2002, la loi pour la sécurité intérieure de mars 2003, la loi sur le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers de janvier 2006, nous attendons maintenant la seconde lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Plus d'une loi par an, si l'on y ajoute les lois contre l'immigration, celle contre les mariages avec les étrangers, que votre collègue de la justice vient de faire passer !
Et nous avons des craintes que vous ne transformiez en outil supplémentaire de répression l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants, qui a donné de bons résultats pendant soixante ans. Nos prédécesseurs issus des rangs de la Résistance avaient bien fait leur travail.
Bien sûr, nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer les textes quand la société se transforme ! Mais cela a déjà été en grande partie fait.
Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 marque déjà un durcissement sensible de la réponse pénale à la délinquance des mineurs. J'en citerai deux éléments : la possibilité d'exclure, pour les jeunes de seize à dix-huit ans, ce que l'on appelle l'excuse de minorité, qui permet de prononcer une peine équivalente à celle qui serait infligée à un majeur ; la création des centres éducatifs fermés pour les mineurs âgés de treize à dix-huit ans.
Par ailleurs, la cour d'assises des mineurs peut d'ores et déjà prononcer une peine de prison à l'encontre de mineurs de treize ans et plus si les mesures éducatives et de placement ne semblent pas appropriées.
Voilà ce qui existe, aux termes de modifications législatives récentes. Faut-il aller plus loin et modifier une nouvelle fois la loi applicable aux mineurs ? Certainement pas ! Un tel projet ne ferait que s'ajouter à d'autres textes, redondants et inutiles, dont vous êtes habituellement les promoteurs. Il est inutile de déférer les mineurs devant les assises en cas d'agression de policiers, car chacun sait que cette mesure est à la fois inapplicable et bête. Il faut commencer par appliquer les textes en vigueur, mais c'est évidemment plus difficile que d'aller donner quelques coups de menton au journal de 20 heures !