Intervention de Bernard Murat

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Application de la loi d'orientation agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour parler de la loi d'orientation agricole adoptée par le Sénat le 22 décembre 2005 et entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

Adoptée dans un contexte de transitions et de défis, cette loi a pour ambition d'offrir à notre agriculture de nouvelles perspectives et de nouveaux outils pour accompagner son adaptation à un environnement en évolution constante et lui permettre de pérenniser, après 2013, sa position de première agriculture européenne.

Fruit d'une nécessité et d'une volonté politique forte, la loi d'orientation agricole donne une impulsion nouvelle au secteur agricole et agroalimentaire pour les vingt prochaines années.

Au travers de cent cinq articles, dont une grande partie a été introduite par le Sénat, cette loi fournit les instruments nécessaires à la modernisation de notre agriculture. Sur ces cent cinq articles, soixante-quatre sont d'application immédiate.

Pour la mise en oeuvre des autres articles, soixante-douze textes complémentaires, dont dix ordonnances, dix-huit décrets en Conseil d'État, vingt-huit décrets simples et seize instructions fiscales étaient attendus. À ce jour, vingt décrets simples et sept décrets en Conseil d'État sont toujours en attente de publication, et deux ordonnances devraient être ratifiées prochainement par le Parlement.

Ce vaste chantier n'est donc pas terminé. C'est l'objet même du débat d'aujourd'hui qui a été initié par notre collègue Gérard César, qui avait été rapporteur de cette loi au nom de la commission des affaires économiques, et dont nous saluons l'initiative.

Nous savons, monsieur le ministre, que l'élaboration des textes d'application suppose la consultation obligatoire de nombreux ministères - en l'occurrence, douze sont concernées par la LOA - ainsi que celle de quatre collectivités territoriales et quatorze organismes divers, dont la Commission européenne. C'est la raison pour laquelle l'élaboration des textes d'application demande un certain temps, je dirai même un temps certain.

Il est clair que la concertation dans l'élaboration des textes d'application ne doit remettre en cause ni les intentions du législateur ni les équilibres auxquels nous étions parvenus lors du vote de la loi, le 22 décembre dernier. Mais nous souhaitons aujourd'hui, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole et nous faire part de l'état d'avancement de certaines dispositions emblématiques de la loi du 5 janvier 2006.

Je me permettrai de revenir plus particulièrement sur le texte de l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 relative au statut du fermage et modifiant le code rural, adoptée sur le fondement de l'article 8 de la LOA.

Cette ordonnance a simplifié et clarifié la rédaction de certaines dispositions du code rural, supprimé d'autres mesures devenues sans objet et adapté les règles et procédures applicables en cas de résiliation ou de non-renouvellement des baux et en cas de contestation de l'autorisation d'exploiter.

Elle a simplifié l'articulation du contentieux administratif et judiciaire en cas de contestation, par le preneur, du droit de reprise exercé par le bailleur sur le bien loué.

Le sursis à statuer qui s'imposait aux juridictions judiciaires en cas de recours devant le juge administratif est devenu facultatif, ce qui permet d'éviter les saisines dilatoires du juge.

Enfin, cette ordonnance a clarifié certaines dispositions particulières relatives aux baux à long terme.

Un projet de ratification de ladite ordonnance doit être prochainement présenté au Sénat. Monsieur le ministre, si le contenu de cette ordonnance correspond tout à fait à la volonté que vous avez exprimée lors de la présentation du projet de loi devant notre Haute Assemblée, deux points semblent générer quelques inquiétudes parmi les exploitants agricoles.

Le premier concerne l'article 9 du projet d'ordonnance. En effet, cet article, qui revient sur la rédaction de l'article L. 416-3 du code rural relatif aux baux de vingt-cinq ans, écarte l'interprétation telle qu'elle ressortait d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 12 juin 2003. Le bail d'au moins vingt-cinq ans sans clause de tacite reconduction est un bail à long terme et doit donc se renouveler conformément à l'article L. 416-1 du code rural, interprétation reprise par la Cour de cassation.

Estimer que le bail en question prend fin au terme stipulé sans qu'il soit nécessaire de donner congé peut constituer une source d'insécurité pour le fermier. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaite savoir si vous avez l'intention de revenir sur cette rédaction de l'article 9, qui pourrait avoir des conséquences dommageables pour les fermiers ; ces derniers réclament, en effet, une plus grande sécurité juridique. Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien nous apporter.

Le second point de cette ordonnance qui semble inquiéter les exploitants agricoles concerne les conditions que doit remplir le bénéficiaire d'une reprise. Le code rural lui imposait toute une série de conditions cumulatives. Il devait notamment travailler effectivement sur l'exploitation, habiter sur les lieux ou à proximité, justifier d'une autorisation d'exploiter et d'une capacité professionnelle. Si le bénéficiaire ne remplissait pas l'une de ces conditions, la reprise était impossible. Désormais, le bénéficiaire qui ne remplirait pas la condition de compétence professionnelle pourrait invoquer une autorisation d'exploiter.

Alors que l'ordonnance visait à améliorer la rédaction ou la coordination de certains articles, elle modifierait la portée des conditions mises à la reprise du bailleur. Cet allégement s'accompagnerait d'un remaniement en profondeur du régime du contrôle des structures.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer ces mesures ? Les exploitants agricoles souhaitent le maintien des dispositions actuelles du statut du fermage relatives aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle à remplir par le bénéficiaire du droit de reprise. Ils demandent également que soit conservé un contrôle des structures préalable à la reprise afin de ne pas précariser la situation des fermiers et des métayers.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien nous apporter à cet égard.

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