Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 7 novembre 2006 à 16h00
Application de la loi d'orientation agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre ami Gérard César de son heureuse initiative. Je rejoins la réflexion de notre collègue Paul Raoult sur au moins un point : ce serait une bonne chose si, pour les décrets d'application de nombreux textes de loi, nous pouvions exercer notre deuxième compétence, à savoir le contrôle.

Je saluerai également M. le ministre pour la célérité dont il a fait preuve, puisque aujourd'hui les deux tiers environ des décrets d'application de la loi d'orientation agricole ont été publiés. Il faut espérer que, d'ici à la fin de l'année, cette proportion atteindra 80 % ou 90 % ; vous nous rassurerez dans quelques instants sur ce point, monsieur le ministre.

En tout cas, cette publication rapide ne peut que constituer un exemple pour vos collègues du Gouvernement, qui seraient bien inspirés de vous imiter pour bien d'autres lois. Les membres de la commission des affaires sociales regrettent assez souvent que, pour certains textes, de 20 % à 40 % seulement des décrets d'application aient été pris.

Je suggérerai à ce propos une mesure, monsieur le ministre, suggestion qui ne vous est pas personnellement destinée. Ce n'est pas la première fois que je le dis, et je le répéterai jusqu'à ce que je réussisse à me faire entendre : il faudrait que les ministres prennent l'habitude d'accompagner les projets de loi des projets de décret.

Interpellé sur ce point, M. Philippe Bas m'a objecté qu'au regard de tel article de la Constitution un tel dispositif serait impossible à mettre en oeuvre compte tenu des amendements parlementaires. Cependant, il va de soi que le parlement, lorsqu'il adopte un amendement impliquant la modification d'un décret d'application, ne saurait faire grief au Gouvernement du retard induit ! Si la mise en annexe des projets de décret aux projets de loi assurait une application plus rapide des textes une fois votés, nous gagnerions du temps, et chacun serait bénéficiaire dans cette opération.

Une seconde mesure - certes, elle n'est pas de votre ressort direct ! - serait également souhaitable : il faudrait que les projets de loi soient accompagnés d'une étude d'impact financier. En effet, la loi d'orientation agricole, comme bien d'autres textes adoptés durant la session, prévoit des exonérations de charges, dites « exonérations ciblées », qui ne sont pas compensées, et ce aux dépens des financements de la sécurité sociale. Étant rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale, je suis particulièrement sensible à cet aspect, que j'ai évoqué hier devant MM. François Copé et Philippe Bas et dont je parlerai également à M. Xavier Bertrand : au total, ce ne sont pas moins de 3 milliards d'euros non compensés qui sont aujourd'hui prévus dans différentes lois ordinaires.

Je voudrais maintenant revenir sur quelques points intéressant particulièrement les agriculteurs.

L'utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole n'a pas encore fait l'objet d'un décret d'application ; mais je pense, monsieur le ministre, que vous allez nous rassurer tout à l'heure.

Je vous avais interpellé sur les modalités d'application de cette disposition. En effet, il ne faut pas que nous en restions au stade de l'affichage. D'un autre côté, il ne faut pas non plus créer l'illusion auprès des producteurs, il ne faut pas laisser les agriculteurs croire que, demain, ils pourront transformer, par exemple, leur colza en huile, la stocker chez eux et la mettre dans leur tracteur. Ce n'est pas vrai ! En effet, si les moteurs de l'ancienne génération peuvent éventuellement le supporter, les nouveaux tracteurs mis aujourd'hui sur le marché ne le permettent pas.

Où en est-on, monsieur le ministre ? Avez-vous avancé dans les discussions que vous menez avec les constructeurs de machines agricoles ? Il faudrait qu'assez rapidement les producteurs puissent effectivement utiliser l'huile végétale sur leur exploitation et, une fois cela acquis, qu'ils puissent également la commercialiser au profit de celles et de ceux qui souhaiteraient l'utiliser.

Par ailleurs, l'obligation d'introduire progressivement les biocarburants a été prévue dans la loi. Ainsi, en 2010, l'essence contiendrait jusqu'à 10 % d'éthanol et le gasoil la même proportion de diester. Il semble cependant que ce dernier pose lui aussi des problèmes d'adaptation des moteurs. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Pouvez-vous également nous préciser, point qui a peu été abordé au moment de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, si le Gouvernement prévoit des dispositions réglementaires visant à obliger l'ensemble du réseau français - Total, Shell, Elf, etc. - à installer des pompes parfaitement identifiées, de façon que le consommateur sache que le produit distribué contient un pourcentage d'éthanol ou de diester ? Peut-être allez-vous me répondre que, de toute façon, l'information au consommateur comporte déjà obligatoirement ces éléments. Cependant, il serait bon, au titre de la traçabilité des produits et de l'information de nos concitoyens, qu'ils apparaissent à la pompe, de façon à savoir, lorsqu'on utilise de l'essence ou du gasoil, qu'ils contiennent une part de diester ou d'éthanol.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, lorsqu'un point a été fait sur la parution des décrets, que vous étiez favorable à une expérimentation par les collectivités locales de l'utilisation de ces produits. Avez-vous avancé sur cette question, qui correspond à une demande assez forte ? Je puis vous indiquer que, dans mon département, la chambre d'agriculture m'a demandé à être reçue par le conseil d'administration de l'association des maires, que je préside, et a l'intention d'organiser une journée thématique à laquelle elle invitera l'ensemble des élus pour les sensibiliser à l'intérêt que présenterait pour les collectivités locales la diversification des formes d'énergie utilisées. Il serait bon de pouvoir booster un peu cette initiative.

Pour terminer, j'évoquerai rapidement trois points.

J'aimerais, monsieur le ministre, que l'on ne joue pas trop l'inertie dans le dossier de l'utilisation des sacs en plastique. Un décret doit être publié en décembre. Est-il possible d'aller un peu plus vite ? C'est là un nouveau débouché pour la production végétale ; cela présente un intérêt écologique certain et, en même temps, un intérêt économique pour l'ensemble de la profession.

Lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, j'étais déjà intervenu à propos de l'article 76 pour regretter que le pouvoir d'inclure dans les baux des clauses concernant les pratiques culturales et s'imposant au preneur soit donné aux seuls bailleurs personnes morales, la possibilité en étant refusée aux personnes physiques. Votre réflexion sur le sujet a-t-elle avancé, monsieur le ministre ? J'aimerais que nous progressions sur ce point, car il y a là, à mon sens, une véritable inégalité de traitement entre les propriétaires personnes morales et les propriétaires personnes physiques.

Enfin, je rejoindrai notre collègue Paul Raoult sur un tout autre sujet : le problème que pose la fameuse maladie « de la langue bleue ». Pourriez-vous, monsieur le ministre, saisir l'occasion de ce débat pour nous donner des informations ? Quelques bribes nous sont parvenues par le canal des directions départementales de l'agriculture ; il est question d'indemnité pour les bovins mâles et les ovins... Qu'en est-il exactement ? Les éleveurs sont particulièrement inquiets. Déjà, un effet est sensible sur la valeur commerciale de leurs produits ; des coûts alimentaires et sanitaires supplémentaires vont peser sur les exploitations. Il y a également le problème de la commercialisation des reproducteurs. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi un élevage référencé, indemne, suivi par les services vétérinaires, ne posant aucun problème sanitaire, ne pourrait pas commercialiser normalement ses animaux. J'aimerais que vous puissiez nous apporter quelques éclaircissements sur ce point.

J'aurais pu vous interroger sur la PAC et sur l'OMC ; mais j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de vous interpeller sur ces questions, et je vous en ferai donc grâce. Je pourrai ainsi satisfaire à la demande de Gérard César, qui souhaitait que je sois le plus bref possible !

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