Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'aborderai pas l'économie générale de la loi d'orientation agricole et me limiterai à me faire le porte-parole des représentants du monde agricole en Savoie, qui attendent la publication d'un certain nombre de décrets.
Ainsi, les dispositions de l'article L. 716-2 du code rural instaurant pour les employeurs occupant au moins 50 salariés agricoles une cotisation destinée à contribuer au financement du logement des salariés par le biais d'aides ou de prêts semblent être restées lettre morte pour le moment. Alors que nos concitoyens connaissent des difficultés accrues pour se loger, phénomène auquel n'échappent pas les salariés agricoles, cette initiative peut créer un levier supplémentaire pour faciliter à ceux-ci l'accès au logement. C'était l'objet de nos discussions lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Une autre disposition de la loi concerne les plus précarisés des exploitants, ceux qui sont contraints de cesser leur activité et d'envisager leur reconversion. À la détresse morale s'ajoute évidemment la détresse financière. Même si elle ne concerne qu'un nombre restreint de bénéficiaires, la mise en oeuvre du décret permettant de fixer le versement du revenu d'accompagnement au chef d'exploitation en congé de formation semble n'être toujours pas effective, alors qu'elle représente une chance supplémentaire dans un parcours qu'il est nécessaire de sécuriser.
S'agissant de mesures dont les effets sur l'environnement sont marqués, là encore, force est de constater que le rythme d'avancement des décisions réglementaires est plus lent que nous ne le souhaiterions, et ce malgré les engagements qui avaient été pris durant le débat parlementaire.
Il en va ainsi de l'article 44, portant sur l'obligation d'utiliser dans les zones naturelles sensibles des lubrifiants biodégradables pour des usages donnés. Certes, l'entrée en vigueur de cette mesure est fixée au 1er janvier 2008, mais il avait été indiqué, en réponse à une interrogation du rapporteur du projet de loi, qu'une application anticipée serait encouragée.
Une autre mesure a une haute portée symbolique et est considérée comme un message fort à destination de l'opinion publique et des professionnels concernés : c'est bien évidemment l'interdiction de distribuer au consommateur final des sacs et emballages en plastique non biodégradable, même si les sacs de caisse ne représentent que 0, 26 % du poids total des ordures ménagères.
De nombreuses initiatives émanant des collectivités locales et associant la grande distribution ont anticipé ce processus et sont en cours de concrétisation, à l'image de ce qui se passe en Corse et en Savoie, départements précurseurs. Afin que cette évolution, notamment en termes de recherche sur la biodégradabilité et sur l'adaptation des processus de production, soit anticipée, en particulier pour les entreprises de ce secteur, il convient que soit rapidement publié le décret sur l'incorporation des matières d'origine végétale précisant les taux d'incorporation imposés.
L'enjeu est de taille : certes, 0, 8 % seulement du tonnage des emballages en plastique est biodégradable, mais il y va de la crédibilité de la démarche ; il s'agit aussi de développer un débouché pour la production de notre agriculture.
Dans le même domaine, la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser comme carburant les huiles végétales pures issues de plantes qu'ils produisent n'a pas fait l'objet de mesures d'application, alors que la portée de cette disposition est très limitée et reste en deçà de ce que nous aurions souhaité, en particulier dans la mesure où elle n'est pas étendue à tous les exploitants et ne comporte pas la fixation de normes pour les moteurs et les émissions. Alors que le rapporteur du projet de loi indiquait que ce système était simple et immédiatement applicable pendant une période d'essai d'un an, avant qu'il n'en soit dressé un premier bilan et que des évolutions ne soient éventuellement décidées, l'expérimentation, en l'absence de décret d'application, n'a visiblement pas encore commencé. Quant aux initiatives prises par les collectivités locales dans ce domaine, notamment dans le cadre des transports en commun, elles se heurtent toujours à une application drastique de la réglementation.
Je souhaite également saisir l'occasion que me fournit cette question orale avec débat pour évoquer l'inquiétude, largement relayée par la presse, des nombreux jardiniers, agriculteurs et distributeurs quant à la mise en oeuvre de l'article 70.
Ce texte, qui a pour objet de protéger les consommateurs, est tout à fait louable dans son principe, mais sa mise en oeuvre aboutit à des résultats différents des objectifs visés. Ainsi, la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché, une AMM, ou une autorisation de distribution pour expérimentation, du fait de leur coût et du délai d'attente, est tout à fait rédhibitoire pour de nombreux producteurs.
De même, l'interdiction de toute publicité commerciale pour des produits ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché fait que de nombreux jardiniers et agriculteurs utilisant et faisant la promotion de pesticides naturels comme le purin d'orties se retrouvent dans l'illégalité. Le paradoxe de cette législation est qu'elle conduit aujourd'hui à remettre en cause des productions dont le caractère sans danger pour le milieu naturel est établi.
Si cet article renforce dans son premier alinéa la garantie sanitaire en confiant à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'évaluation des risques liés aux fertilisants et aux produits phytosanitaires, la décision d'exiger une autorisation de mise sur le marché est perçue par les associations de développement de l'agriculture biologique comme un outil de soutien aux industries phytopharmaceutiques.
Monsieur le ministre, s'agissant de produits d'origine naturelle issus souvent de savoir-faire traditionnels, une procédure d'homologation spécifique, plus souple et respectant bien évidemment les conditions de sécurité alimentaire des consommateurs, peut-elle être envisagée ?
J'évoquerai enfin un dernier point, qui me concerne directement en tant qu'élu de la montagne et qui intéresse également les agriculteurs de montagne.
L'article 93, paragraphe V, de la loi d'orientation agricole prévoit que le Gouvernement doit prendre les dispositions nécessaires pour la mise en place du service universel afin de préserver la possibilité pour tout producteur d'obtenir des inséminations artificielles de haute qualité, quel que soit son lieu de résidence, et à des prix comparables.
L'enjeu est la prise en compte de la spécificité des races à faible effectif implantées dans des zones à contraintes fortes, comme la montagne, où les coûts de mise en place sont encore plus élevés, notamment en raison de la distance.
Chacun connaît le rôle que jouent, par exemple, les races Tarentaise ou Abondance en matière d'entretien de l'espace dans les zones alpines, au-delà du fait qu'elles sont à l'origine de produits à haute valorisation.
Le service universel doit également s'appliquer au schéma de sélection des races à faible effectif, dont le coût est estimé au double des autres races. Il s'agit de préserver la diversité génétique à laquelle concourent des races comme l'Abondance et la Tarentaise ou la Thônes et Marthod.
Monsieur le ministre, étant à l'origine de la disposition législative adoptée - j'avais en effet déposé un amendement visant les races de montagne que vous m'avez demandé de modifier pour viser les races à faible effectif -, je suis très soucieux de la rédaction de ce décret d'application, souhaitant qu'il n'exclue en définitive aucune race de montagne ; le seuil à partir duquel vous fixerez la définition des races à faible effectif fera que l'Abondance et la Tarine seront ou non concernées par ce service universel.
Je souhaite que le Gouvernement, dans le cadre de l'arrêté en cours de préparation relatif au service universel de distribution et de mise en place de la semence des ruminants, prenne en compte cette double dimension des contraintes liées au territoire et de la diversité génétique, les deux éléments étant profondément liés.
Votre réponse sera bien évidemment examinée de très près par les chambres d'agriculture des différents massifs de notre territoire.