Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut aborder la question de l'adoption sans émotion, sans penser d'abord à tous ces couples qui se sont formés en espérant avoir un enfant, qui n'en ont pas eu, qui se sont lancés un jour dans le long parcours de l'adoption, semé d'épreuves personnelles, de remises en cause et de rebondissements, au terme duquel l'arrivée tant attendue d'un enfant à aimer, d'un enfant à élever, n'est pas toujours au rendez-vous.
On ne peut aborder cette question sans penser aussi à la souffrance des enfants abandonnés, sans famille, parfois maltraités, qui, en France et à l'étranger, sont privés d'une mère et d'un père pour les aider à grandir.
A l'heure actuelle, 25 000 foyers français sont dans l'attente d'un enfant à adopter. En examinant cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez leur apporter un réel espoir de voir leur parcours simplifié et facilité dans les mois et les années à venir.
La création de l'Agence française de l'adoption sera l'un des points essentiels de cette réforme. Chaque année, ce sont 10 000 couples qui demandent à pouvoir adopter et qui se présentent dans les services des conseils généraux pour obtenir ce sésame qu'est l'attestation d'agrément, première étape d'un long chemin.
Par le vote de ce texte, vous permettrez à ces familles d'être accueillies, conseillées et informées pour pouvoir adopter un enfant qui, rappelons-le, est quatre fois sur cinq issu d'un pays étranger.
Adopter un enfant et l'accepter tel qu'il est comme étant le sien nécessite un vrai travail sur soi-même, une préparation particulière qui n'est pas toujours facile pour les familles quand celles-ci choisissent une démarche individuelle, sans aucun accompagnement.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui ne porte pas sur la réforme des conditions ou des critères nécessaires pour devenir parents adoptifs, il ne porte pas sur les conditions d'adoption d'enfants issus de pays dont les lois sont différentes des nôtres. Une réflexion sur ce point est actuellement en cours au Parlement, et ses conclusions, une fois connues, pourront peut-être permettre d'envisager d'autres réformes, s'agissant plus particulièrement du traitement en droit français de la kafala, démarche reconnue par la tradition coranique, qui fait actuellement l'objet, au sein du Conseil supérieur de l'adoption, d'un travail de réflexion technique dont je suis avec attention les progrès.
Par conséquent, ne précipitons pas les choses et laissons nos concitoyens et leurs représentants réfléchir sans passion à ces faits de société et à ces besoins exprimés. Attachons-nous en revanche à faciliter le déroulement des formalités d'adoption par la mise en place de nouvelles procédures, et cela le plus rapidement possible, car je sais que les couples concernés attendent depuis plusieurs années une telle évolution et que l'impatience les gagne.
Ce texte vise donc simplement, dans un premier temps, mais cela me paraît essentiel, à organiser, à harmoniser la procédure de l'agrément sur l'ensemble du territoire national. En effet, nous le savons tous, il existe actuellement, à cet égard, de grandes différences d'un département à l'autre.
Ce texte vise en outre à accompagner les futurs adoptants dans leurs démarches pour constituer leur dossier en vue d'adopter un enfant à l'étranger. Il a pour objet de les aider à mieux respecter leurs engagements à l'égard du pays d'origine de l'enfant.
Ce texte vise enfin à reconnaître l'effort financier des familles adoptives. A ce titre, il tend à doubler le montant de la prime à l'adoption.
Au travers de ses différents articles, cette proposition de loi pose la base de la réforme.
Tout d'abord, pour ce qui concerne l'harmonisation, elle prévoit la mise en place d'un formulaire d'arrêté d'agrément unique pour l'ensemble des conseils généraux et d'une notice d'accompagnement présentant fidèlement le projet d'adoption, ainsi que la possibilité, pour les familles en attente d'agrément, de bénéficier d'une réunion d'information centrée sur ce qu'est l'adoption d'un enfant français ou étranger.
Ensuite, pour ce qui concerne l'organisation, est prévue une aide de proximité pour les familles, par la mise à disposition, dans chaque département, d'une personne des services chargés de l'adoption, qui bénéficiera d'une formation spécifique dans le cadre de l'Agence.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la facilitation de la démarche, l'Agence française de l'adoption sera là pour aider les familles à constituer leur dossier de demande d'adoption à l'étranger et à disposer des services d'un correspondant local dans certains pays, qui aura pour mission de les informer et de les assister sur place quand elles iront chercher leur enfant.
Enfin, il est prévu d'apporter aux familles, au travers des services de l'adoption des départements et de ceux de l'Agence, une aide pour leur permettre de respecter leurs engagements à l'égard des pays d'origine des enfants en matière de suivi.
Ce texte sera complété par des dispositions relatives à l'information des familles sur la santé des enfants et leur prise en charge médicale en cas de problème.
Quant à l'Agence française de l'adoption, ce sera un organisme public, qui prendra la forme d'un groupement d'intérêt public. Ses statuts seront élaborés en partenariat avec les représentants des départements, lesquels seront, avec l'Etat, l'une des parties constitutives.
Cette agence sera donc un organisme d'information, de conseil et d'aide à la constitution des dossiers d'adoption. Elle aura pour vocation non pas de se substituer aux organismes agréés pour l'adoption, mais de permettre aux familles qui ne peuvent ou ne veulent pas passer par ces organismes de voir leur projet mieux accompagné avant, pendant et après la démarche d'adoption.
L'Agence permettra surtout aux familles d'avoir accès aux pays, de plus en plus nombreux, qui se sont fermés aux démarches individuelles ou qui en ont annoncé la fin prochaine.
Les organismes agréés pour l'adoption et les associations familiales doivent pouvoir être informés des travaux et des projets de l'Agence. Des rencontres régulières permettront d'échanger des informations sur les pays et d'actualiser la base de connaissances sur Internet. Celle-ci sera naturellement maintenue. Ainsi, nous pourrons conjuguer les différences des associations, afin de mieux adapter notre action et d'être plus opérationnels dans les divers pays d'origine des enfants.
C'est au Conseil supérieur de l'adoption que revient cependant la mission de réflexion, de concertation et de proposition en matière d'adoption. Cette réforme est d'ailleurs issue, pour une grande part, des remarquables travaux de cette instance, dont je tiens à remercier ici le président, M. le député Yves Nicolin.
Cette proposition de loi n'est pas une fin en soi. D'autres adaptations de notre droit sur la famille et, le cas échéant, sur l'adoption pourront voir le jour à la suite des travaux qui sont actuellement en cours. L'amélioration de notre dispositif relatif à l'adoption, s'agissant en particulier de tout ce qui concerne l'information des familles sur la santé des enfants et leur prise en charge médicale en cas de problème, est un chantier à mener parallèlement, dans l'intérêt des enfants et des familles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi est la base d'une réforme pour la réussite de laquelle mon ministère s'engage à faire paraître rapidement les décrets d'application une fois la loi définitivement adoptée. Le Gouvernement s'engage en outre à assumer ses responsabilités pour ce qui concerne les conséquences induites par la mise en oeuvre du dispositif. Afin de répondre au plus vite à l'attente des familles, je souhaite que l'Agence puisse être instaurée dès le début de 2006.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie par avance de la discussion que nous allons avoir en vue d'apporter des réponses concrètes et adaptées aux attentes de ceux de nos concitoyens qui cherchent à adopter un enfant.