Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 22 juin 2005 à 15h00
Réforme de l'adoption — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

En d'autres termes, si cette proposition de loi ne vise qu'à satisfaire le désir d'enfant, même si ce souci est humainement compréhensible, je m'interroge sur la portée philosophique et éthique d'un tel projet.

S'agissant des moyens, la proposition de loi envisage de réformer notre système d'adoption sur trois points.

Le premier point porte sur l'amélioration des procédures d'agrément sur le plan départemental.

La disparité de la forme et de la présentation de l'agrément suivant le département est largement reconnue. Ce manque d'uniformisation nationale des critères d'évaluation et le manque d'information des candidats à l'adoption sont autant d'éléments qui ne plaident pas en notre faveur auprès des pays d'origine.

L'évaluation sociale et psychologique doit être plus rigoureuse dans sa formulation, plus explicite et plus cohérente. En ce sens, l'harmonisation de la forme et du contenu de l'agrément est une avancée réelle, que nous approuvons, d'autant que cette homogénéisation devra obligatoirement s'appuyer sur le professionnalisme et la formation aux spécificités de l'adoption des équipes chargées des procédures d'agrément des conseils généraux.

Par ailleurs, si la notice, complément de l'agrément, est rendue obligatoire, les postulants pourront enfin bénéficier d'un traitement égal sur l'ensemble du territoire national.

La proposition de loi prévoit également une meilleure formation des adoptants. Ce point est essentiel. Les pays scandinaves et l'Espagne, pays d'accueil en progression sensible, ont mis en place de véritables sessions de préparation des candidats aux différents aspects de l'adoption internationale : connaissance des principaux pays d'origine, de leurs règles et de leurs pratiques, des données psychologiques, éducatives et culturelles de l'adoption, des institutions d'accompagnement que sont les organismes agréés pour l'adoption ainsi que des questions d'ordre juridique, judiciaire et financier.

Au terme d'une telle préparation, les candidats sont, bien évidemment, mieux à même de formuler un projet d'adoption plus précis et plus réaliste, voire d'y renoncer sans que cela soit vécu de manière dramatique. Le texte va, là encore, dans le bon sens.

Cela dit, nous sommes d'accord avec M. le rapporteur sur le fait que cette information devrait être plus contraignante pour les adoptants. Les pays d'origine sont en effet sensibles à l'instauration de tels dispositifs.

La majoration de la prime d'adoption est une mesure nécessaire, mais, en aucun cas, elle ne permettra de couvrir les frais considérables engagés par les familles qui adoptent à l'étranger. Je le rappelle, les coûts engagés dans ce domaine sont loin d'être négligeables. Ils oscillent entre 10 000 euros et 20 000 euros.

Même si certains conseils généraux, comme celui de l'Essonne, que je connais bien, accordent des prêts, cela ne rend pas pour autant l'adoption accessible à tous. Il était donc nécessaire d'apporter une aide supplémentaire aux parents.

Cependant, je regrette que la proposition de loi ne prenne pas mieux en compte le fait que la présence des futurs parents est souvent requise un long moment sur le territoire des pays d'origine afin que soient remplies toutes les formalités. N'oublions pas que la majorité des adoptants se lancent individuellement dans les démarches. Aussi, dans un but d'équité, nous vous proposerons d'adopter un amendement permettant à ces familles de bénéficier d'un congé précédant l'adoption.

Je souhaite enfin souligner le suivi renforcé des enfants après leur adoption.

Un nombre important de pays d'origine attachent, à juste titre, une importance toute particulière à la nécessité que soit mis en place un tel accompagnement. A cet égard, je vous rappelle les résultats partiels d'une étude commandée par la direction générale de l'action sociale et du ministère de la santé en mars dernier : entre 10 % et 20 % des enfants adoptés, selon les départements, se retrouvent placés dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance, voire momentanément en hôpital psychiatrique.

Cependant, un tel dispositif nécessite des moyens, un personnel formé. Les premières estimations faites par le conseil général dans mon département de l'Essonne en vue d'intégrer les différentes dispositions d'accompagnement de la proposition de loi, que ce soit l'accompagnement des parents adoptants ou celui des enfants adoptés, tablent sur un investissement annuel de l'ordre de 100 000 euros.

Or le dispositif de compensation des dépenses des conseils généraux a tout simplement été supprimé à l'Assemblée nationale. Nous vous proposerons donc de revenir sur cette suppression. Il ne suffit pas de transférer des compétences ou des charges nouvelles aux conseils généraux, encore faut-il leur donner les moyens de remplir ces missions !

Le deuxième point porte sur le renforcement de l'aide aux candidats à l'adoption internationale avec la création d'un nouvel organisme : l'agence française de l'adoption, l'AFA.

Un grand nombre d'acteurs interviennent dans l'adoption internationale. La complexité de ce dispositif constitue un véritable handicap pour la France vis-à-vis des pays d'origine.

Placé jusqu'à une période très récente sous l'autorité du Premier ministre et, depuis le 14 juin, sous l'autorité du ministère chargé de la famille - M. le Ministre pourra certainement nous éclairer sur cette modification -, le Conseil supérieur de l'adoption comporte des représentants des associations et des ministères concernés. Il émet des avis et il est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises en ce domaine.

L'Autorité centrale pour l'adoption internationale, rattachée au ministère des affaires étrangères, est, quant à elle, chargée de coordonner les travaux des administrations concernées.

Pour sa part, la MAI met en oeuvre les décisions du ministère des affaires étrangères et a, en particulier, la charge d'instruire les dossiers d'habilitation des OAA. Notre collègue, Monique Cerisier-ben Guiga, reviendra plus longuement sur cette partie du texte.

Alors que les pays d'origine réclament une plus grande lisibilité structurelle et privilégient l'interlocuteur unique, la proposition de loi prévoit la création d'un quatrième organisme. On ne peut que s'interroger sur ses compétences et, surtout, sur son articulation avec les trois qui existent. Cela ne va pas dans le sens d'une meilleure crédibilité de la France en matière d'adoption internationale ! Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en débattre en commission.

La multiplicité des instances ne peut que contribuer au manque d'efficacité de l'action publique. La proposition de loi n'aboutit finalement qu'à ajouter un peu plus de confusion dans notre paysage institutionnel.

Cette agence prend la forme d'un groupement d'intérêt public, composé de l'Etat, des départements et de personnes morales de droit privé. Les conseils généraux, quant à eux, devront nommer un représentant « adoption », chargé d'accompagner les couples dans leurs démarches et d'assurer les relations avec l'AFA.

La mise en place d'un tel dispositif peut apporter une réelle amélioration à l'aide proposée aux adoptants et crédibiliser les démarches aux yeux des interlocuteurs étrangers. Cependant, plusieurs questions restent posées.

Ainsi, comment peut-on clarifier le rôle des différentes institutions compétentes en matière d'adoption en superposant une nouvelle institution ? Son organisation dépend, une fois de plus, du pouvoir réglementaire et laisse le législateur que nous sommes dans l'expectative.

Comment cette nouvelle institution sera-t-elle financée ? Je vous le rappelle, c'est à la demande du Gouvernement que la compensation financière des charges transférées a été supprimée à l'Assemblée nationale.

Comment les frais engagés par l'Etat et les conseils généraux s'articuleront-ils ?

Comment clarifier la mission et les conditions d'agrément des organismes agréés pour l'adoption, qui sont aujourd'hui au nombre de quarante, alors que le rapport « Mission sur le dispositif français de l'adoption internationale » de 2003 établit un bilan précis qui ne semble pas avoir été pris en compte ?

Le troisième point porte sur l'article 3 de la proposition de loi, dont le but, avouons-le, est bien de multiplier le nombre d'enfants adoptables en France.

Le texte qui nous est proposé vise ainsi à assouplir les critères auxquels se réfère le juge pour accepter ou refuser la demande de déclaration d'abandon. L'article 350 du code civil prévoyait, jusqu'à présent, que seul l'état de grande détresse des parents pouvait faire obstacle à cette déclaration.

J'entends parfaitement les arguments qui ont guidé cette position. Depuis l'instauration de cette clause restrictive, entre 1981 et 2001, le nombre d'enfants déclarés abandonnés a diminué de moitié. Certains enfants vont de foyers en foyers, de famille d'accueil en famille d'accueil et connaissent une instabilité affective complète. Cependant, on ne peut oublier que l'accueil d'un enfant à l'aide sociale à l'enfance n'est pas une fin en soi, mais un temps donné, un moyen. Sa mission est de tout mettre en oeuvre pour que ne soit pas rompu le lien entre les parents et l'enfant et pour permettre à l'enfant de retrouver sa place auprès des siens.

Par ailleurs, le fait de faciliter les déclarations d'abandon judiciaire ne résoudrait pas, pour autant, la distorsion qualitative : les enfants dans cette situation sont souvent âgés et peu préparés à l'adoption.

Cette disposition a été votée « au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant », malgré les inquiétudes exprimées quant à ses conséquences psychologiques. Sommes-nous vraiment certains que la rupture définitive de tout lien avec la famille d'origine soit la meilleure solution pour l'enfant ? Celle-ci leur donne-t-elle les meilleures chances de se bâtir et de construire un avenir ?

Le lien du sang est une réalité dont on ne peut se séparer. Même si une adoption est réussie, il n'est pas rare que le jeune soit rattrapé par les questions de son origine. Cette mesure a, selon moi, été votée dans l'urgence, sans prendre suffisamment le temps de la réflexion.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion