Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas si longtemps encore, l'adoption était une réalité troublante que bien des parents adoptifs s'efforçaient de cacher ou de faire oublier.
Aujourd'hui, la réalité est tout autre et il est de plus en plus admis que les liens du sang ne sont pas indispensables à la parenté. Je dirais qu'adopter un enfant, c'est une histoire d'amour et, malheureusement trop souvent, une histoire de patience.
Je constate que la proposition de loi a pour objectif d'assouplir et d'accélérer les procédures d'adoption pour les foyers français en attente d'un enfant.
Au niveau national, dois-je rappeler que 25 000 familles sont actuellement agréées et en attente d'enfants ? Dans le département du Nord, 329 agréments ont été délivrés en 2004 et 188 enfants ont été adoptables. Le nombre d'agréments valides au 31 décembre 2004 est encore de 1 600. Par ailleurs, 151 enfants en provenance de l'étranger ont pu être accueillis.
Monsieur le ministre, la proposition de loi va dans le bon sens. Elle clarifie la procédure et harmonise les agréments au niveau national. Ils seront désormais délivrés par arrêté ; leur forme et leur contenu seront définis par décret.
L'agrément a été institué à l'origine dans l'intérêt de l'enfant, afin qu'il bénéficie d'une famille capable de lui assurer santé, sécurité et épanouissement. A l'heure actuelle, il existe des inégalités dans le traitement des dossiers selon les départements. Je me permets donc d'insister de nouveau sur l'importance de l'harmonisation des décisions en la matière.
La proposition de loi vise également un meilleur accompagnement de l'adoptant par la prolongation du suivi du mineur adopté. A ce propos, je tiens à saluer l'ouverture récente, à Lille, d'une « maison de l'adoption ».
Cette maison s'adresse aux personnes ayant déjà adopté un ou plusieurs enfants. Sur place, on trouve une équipe de professionnels, ainsi que des membres bénévoles d'associations et des parents concernés par l'adoption, qui apportent leur expérience et leur écoute. Ils réalisent un travail important avec les familles, et en premier lieu un travail d'identification des difficultés qu'elles peuvent rencontrer ; ils tentent ensuite de trouver une solution.
Dans un même souci d'accompagnement, la proposition de loi crée l'Agence française de l'adoption, qui est chargée de diffuser informations et conseils aux parents en attente d'un enfant.
Pour moi, l'adoption est synonyme de joie, mais aussi de souffrance due à l'attente, à l'incertitude et aux enquêtes sociales.
Permettez-moi de comparer la procédure d'adoption à celle de la procréation médicalement assistée. Certes, dans le cadre de la PMA, les couples doivent en outre affronter les traitements médicaux, mais, dans les deux cas, les espoirs sont fréquemment déçus et l'attente est longue.
A l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, j'avais été chargée de rapporter au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. J'avais alors proposé que les couples soient tenus informés des possibilités d'adoption et incités à effectuer les démarches en ce sens en cas d'échecs répétés. Je pense sincèrement que les familles manquent encore d'information à ce sujet.
Néanmoins, parallèlement à cette information nécessaire, il convient de remédier aux nombreux cas d'enfants qui ne peuvent être déclarés adoptables. La question de la suppression de l'interdiction de prononcer un abandon d'enfant en cas de « grande détresse des parents » a suscité un débat important à l'Assemblée nationale, mais aussi au sein de notre commission des affaires sociales.
A mon sens, que l'on parle d'adoption ou de procréation médicalement assistée, le débat est de même nature et porte sur « le droit à l'enfant » et « les droits de l'enfant ».
Tout n'est pas permis lorsque l'on traite de sujets qui ont à voir avec la vie humaine et les sentiments. L'adoption a pour objet de réunir des parents en désir d'enfant et des enfants en mal d'amour. L'intérêt de chacun doit être au centre de nos préoccupations.
J'ai beaucoup réfléchi à la suppression de la mention « sauf le cas de grande détresse des parents » dans l'article 350 du code civil. Je considère que cette suppression va dans l'intérêt de tous : l'intérêt de l'enfant, d'abord, qui pourra se voir reconnaître « adoptable » et être accueilli dans une famille qui saura lui donner tout l'amour dont il a besoin, veiller à sa santé mais aussi à son épanouissement ; l'intérêt des parents adoptifs, ensuite, qui accueilleront chez eux l'enfant qu'ils attendaient ; l'intérêt des parents biologiques, enfin, qui ont toujours la possibilité de remédier à la situation et de garder leur enfant auprès d'eux.
Certains ont évoqué la faiblesse de la durée retenue - un an - pour introduire une demande de déclaration d'abandon, ce qui ne laisserait que peu de temps aux parents pour régler les difficultés qu'ils peuvent rencontrer et, ainsi, garder leur enfant sous leur responsabilité. Dans les faits, la procédure est beaucoup plus longue.
Il faut d'abord que les services sociaux fassent le constat d'un désintéressement manifeste des parents biologiques à l'égard de l'enfant, et ce pendant une durée minimale d'un an.
Il faut ensuite que l'ASE intervienne auprès du juge du tribunal de grande instance, ce qu'elle fait rarement immédiatement après que le délai est passé. Puis, le juge fait procéder à une enquête et, enfin, déclare l'abandon. Le délai d'un an est donc largement allongé.
Voilà pourquoi je suis favorable à l'article 3 de la proposition de loi. Celui-ci permettra de déclarer davantage d'enfants adoptables, tout en laissant un large pouvoir d'appréciation au juge et une chance aux parents biologiques de porter de nouveau un intérêt à leur enfant.
Pour conclure, je dirai que, si la proposition de loi est une première étape primordiale, bien des choses reposent sur vous, monsieur le ministre. Vous avez promis de publier des décrets, de diffuser des circulaires. Je sais que je peux compter sur vous pour que tout soit fait dans les meilleurs délais ; je vous en remercie par avance.