Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous allons débattre aujourd'hui est importante. Elle est très attendue par des milliers de familles et par des milliers d'enfants qui se trouvent seuls, en France ou à l'étranger.
Les chiffres sont révélateurs. Comme vous l'avez rappelé, à ce jour, 25 000 familles sont en attente d'adoption et, chaque année, 8 000 agréments sont délivrés par les présidents de conseils généraux. Seuls 5 000 enfants par an sont adoptés. L'écart entre le nombre d'agréments et le nombre d'enfants adoptés ne cesse de se creuser. Par ailleurs, le nombre d'adoptions d'enfants français ne cesse de diminuer. Nous pouvons aisément imaginer, au regard de ces quelques chiffres, les situations d'attente dans lesquelles se trouvent les familles.
La présente proposition de loi s'inscrit dans une construction progressive, le phénomène de l'adoption étant en perpétuelle évolution en France comme à l'étranger. Notre système législatif doit sans cesse s'adapter aux nouveaux besoins des familles.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui prend en compte les insuffisances du système, apporte des solutions, crée un nouvel organisme - l'Agence française de l'adoption - dont nous attendons beaucoup.
Dans toutes les dispositions proposées, l'intérêt de l'enfant domine. Je tiens à saluer l'action du Conseil supérieur de l'adoption, dont les travaux, qui ont duré deux ans, sont à l'origine du texte. Je salue également le Gouvernement, qui poursuivra l'action engagée dans un esprit de protection de la famille et des droits de l'enfant.
M. Alain Milon, qui s'est particulièrement investi dans sa mission, a présenté les trois grands axes de la réforme : l'amélioration des procédures d'agrément au niveau départemental ; le renforcement de l'aide aux candidats à l'adoption internationale ; le développement de l'adoption nationale, par le biais d'une mesure concernant la déclaration judiciaire d'abandon.
Sur ces trois points, je tiens à souligner les avancées significatives du texte.
Premier point : l'amélioration des procédures d'agrément au niveau départemental. Il était important de garantir l'égalité entre les demandeurs. On a pu effectivement constater des disparités, selon les départements, dans les critères retenus pour délivrer l'agrément à la base du projet d'adoption. La forme et le contenu de l'agrément pouvaient également varier.
L'harmonisation prévue par le texte permettra de traiter de façon équitable les familles voulant adopter. Elle permettra également une meilleure lisibilité pour les pays étrangers, ceux-ci demandant des renseignements de plus en plus précis. C'est pourquoi la notice qui sera dorénavant annexée à l'arrêté d'agrément sera très utile. Elle viendra préciser le projet d'adoption et représentera un instrument précieux puisqu'elle évoluera en fonction des changements de situation des demandeurs.
Deuxième point positif : le délai d'examen des demandes d'agrément se trouvera allongé, permettant un examen approfondi des dossiers.
Quant aux réunions d'information prévues par le texte, je pense que nombre de candidats à l'adoption voudront y assister. Les futurs parents déplorent en effet l'absence d'information au cours de la procédure. Ces réunions attireront leur attention sur des points auxquels ils n'auraient peut-être pas pensé. Ils seront mieux préparés à accueillir l'enfant, car un évènement aussi important n'est jamais simple, ni pour l'enfant, qui a vécu douloureusement une séparation, ni pour les parents, qui peuvent avoir une vision idéalisée de l'adoption.
En ce qui concerne le renforcement de l'aide aux candidats à l'adoption internationale, j'espère que d'importants moyens pourront accompagner la création de l'Agence française de l'adoption, mesure centrale de la réforme.
La création de cette agence est d'autant plus importante qu'elle accompagnera le plus grand nombre d'adoptions : celles qui auront lieu en dehors du cadre des organismes agréés pour l'adoption.
Elle apportera une information complète, une aide concrète et un accompagnement personnalisé aux candidats à l'adoption. L'agence sera ainsi un soutien efficace pour 60 % des adoptants, qui, jusqu'à présent, étaient contraints d'effectuer leurs démarches seuls, avec tous les risques d'abus que cela comporte.
Les familles manquent d'informations sur ce qui les attend dans leurs démarches à l'étranger. Les difficultés qu'elles rencontrent varient considérablement d'un pays à l'autre. Aussi la proposition de loi peut-elle métamorphoser la façon dont l'adoption est perçue par nos concitoyens.
Troisième point positif : l'accompagnement renforcé, qui se poursuivra même après le prononcé d'adoption définitive et répondra à la demande des adoptants, mais également à celle des pays d'origine.
Comme je l'ai dit précédemment, les pays d'origine sont de plus en plus exigeants en ce qui concerne le profil des familles adoptantes et les informations fournies. Certains pays, comme la Russie, refusent désormais l'adoption à titre individuel et ne souhaitent traiter qu'avec une instance nationale. Cet état de fait, qui représente bien entendu un progrès pour la protection des enfants, ne doit pas pénaliser, comme c'est le cas trop souvent, les candidatures de couples français.
Je veux insister sur l'insuffisance des moyens dont disposent les fonctionnaires chargés de la mission d'accompagnement. Il était reproché à la Mission d'adoption internationale, qui sera ainsi remplacée, d'être trop administrative et rigide, peut-être pas assez à l'écoute, par manque de temps et de moyens.
Je crois que l'accueil des parents est essentiel. Si l'Agence française de l'adoption dispose de moyens importants, d'un personnel formé, d'une organisation bien étudiée, elle pourra alors constituer une avancée très significative.
Par ailleurs, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question concernant les Français expatriés.
On peut en effet s'interroger sur l'aboutissement des démarches engagées par des Français résidant à l'étranger ou venant à s'expatrier en cours de procédure. Des familles se trouvant dans ce cas de figure m'ont fait part de leur déception, car la Mission d'adoption internationale refusait de prendre en charge leur dossier alors qu'elles avaient pourtant obtenu un agrément. Qu'en sera-t-il avec l'Agence française de l'adoption ? Les Français de l'étranger que, je représente, souhaitent savoir s'ils peuvent espérer une avancée sur ce point.
Je voudrais en outre attirer votre attention sur les frais considérables engagés pour l'adoption d'un enfant à l'étranger, la procédure qui est actuellement la plus courante.
Les familles ont à supporter des frais qui ne sont pas toujours prévisibles : frais de dossiers, voyages et séjours parfois longs et répétés, frais malheureusement inattendus liés aux réalités locales. C'est pourquoi je salue l'initiative de cette proposition de loi qui majore la prime d'accueil du jeune enfant. Mais j'espère qu'il sera possible d'aller plus loin.
L'adoption est une histoire d'amour. Il est choquant qu'elle puisse dépendre des moyens dont disposent les futurs parents. Il faut empêcher que les Français puissent ressentir l'adoption comme une injustice.
Cette proposition de loi a le mérite d'apporter des solutions en matière tant d'adoption internationale que d'adoption interne. Il faut se féliciter qu'un amendement adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ait permis d'évoquer les difficultés des enfants en situation d'abandon. La mesure envisagée permettra aux tribunaux de déclarer un abandon d'enfant au bout d'un an de délaissement de cet enfant, même en cas de grande détresse des parents.
Il me semble que, si l'article 350 du code civil, dans sa rédaction actuelle, a le mérite de prendre en considération la difficile situation des parents, il a également pour effet de nuire à l'enfant. En effet, cette disposition place des espoirs malheureusement infondés dans la capacité de certains parents à sortir d'une situation difficile et à revenir vers leur enfant. Trop souvent, bien que l'enfant soit concrètement abandonné, les années s'écoulent sans que l'on puisse permettre à une famille de le recueillir, de l'adopter définitivement, de lui apporter la sécurité dont il a tant besoin.
Le choix est difficile. Il est difficile de décider que les parents biologiques n'auront plus de droits sur leur enfant. Mais il faut considérer en priorité l'intérêt de l'enfant. En prenant en considération la grande détresse des parents, on risque fort d'oublier celle de l'enfant. La réalité sur le terrain nous enseigne malheureusement que certains parents n'ont fait que donner la vie et que c'est tout ce qu'ils pourront jamais donner à leur enfant !
L'adoption interne est peu développée. Des blocages tels que celui qui découle de l'application de l'article 350 du code civil dans sa rédaction actuelle font que les adoptants se tournent vers l'étranger, alors que des enfants sur notre sol auraient besoin d'eux. On peut donc espérer que la proposition de loi permette de résoudre de nombreux cas douloureux.
L'adoption est une rencontre : celle d'un couple sans enfant, prêt à donner son amour, et celle d'un enfant sans parents, qui rêve de recevoir cet amour.
Je vous remercie, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de tous ces parents et des enfants qui vont les rejoindre.
Mes chers collègues, je serai heureuse de voter pour eux, avec vous, cette proposition de loi.