Dans cet établissement ouvert depuis trente-trois ans, le directeur a recensé que 43 enfants sur 388 ont connu une situation similaire, soit en moyenne 10 % par an. Si l'on rapporte ce chiffre au nombre d'enfants confiés aux services de l'enfance de tous les départements de France - soit 135 000 enfants -, ce sont 13 500 enfants qui sont concernés.
Sans doute ce chiffre est-il excessif. Mais il n'est pas absurde d'imaginer que 2 % à 3 % des enfants confiés - soit 2 500 à 4 000 enfants - pourraient être déclarés abandonnés très tôt, et donc adoptables.
Ces enfants pourraient ainsi trouver dans une famille adoptive un équilibre qu'ils ont définitivement perdu. Ils pourraient éviter une souffrance psychologique et affective qu'ils ne peuvent gérer et dont ils se remettent rarement une fois devenus adultes.
Il est nécessaire d'admettre que certains hommes et certaines femmes sont inaptes à être parents. §Il n'y a aucune raison que notre société laisse des enfants dans des situations de maltraitance affectives, psychiques, physiques et quelquefois sexuelles sans chercher à y porter remède.L'article 3 de la proposition de loi, qui prévoit la modification de l'article 350 du code civil, va dans ce sens.
Ainsi, la décision du tribunal d'instance ne prendra plus en compte les cas de grande détresse des parents, mais elle se fondera sur le « désintérêt manifeste » de ceux-ci, mettant de la sorte l'intérêt de l'enfant au coeur du dispositif. Encore faudrait-il revoir les critères d'appréciation de cette notion !
Quoi qu'il en soit, au-delà de ces modifications législatives, c'est de la prégnance de l'idéologie du lien du sang qu'il faut se défaire. En effet, ce raisonnement conduit trop systématiquement les services sociaux à privilégier, parfois jusqu'à l'absurde, les statuts qui maintiennent un lien entre le mineur et ses parents biologiques.
On le sait, des enfants délaissés par leurs parents et placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance ne peuvent être adoptés car ils n'ont pas été légalement abandonnés.
La modification de l'article 350 du code civil devrait permettre d'offrir plus facilement un avenir à des enfants très tôt délaissés. L'adoption doit alors pouvoir constituer un réel recours, les enfants pouvant être adoptés beaucoup plus jeunes.
Cette mesure est susceptible de réduire la longueur de la procédure d'abandon qui est à l'origine, bien souvent, de l'élévation de l'âge moyen des enfants pouvant faire l'objet d'une adoption, rendant de fait celle-ci à peu près impossible. Cela pourrait éviter qu'une majorité de couples ne se tournent vers l'autre forme de l'adoption, à savoir l'adoption internationale, qui leur garantit généralement de se voir confier un enfant plus jeune.
Et nous voici dans le second cas de figure : le couple décide de se tourner vers l'adoption internationale. Il s'engage alors sur un chemin long, difficile et extrêmement contraignant.
Nous connaissons tous les attentes, les désillusions, les espoirs déçus ainsi que les difficultés administratives et le coût des adoptions internationales.
La création de l'Agence française de l'adoption doit permettre, telle qu'elle fonctionnera, de répondre à cette forte demande de soutien exprimée par nos concitoyens.
Sans doute faudrait-il aussi veiller à ce que les personnels de nos ambassades et consulats soient mieux formés à l'accueil des couples et que ces derniers puissent être accueillis dans un lieu confidentiel, aidés dans leurs démarches quand celles-ci nécessitent l'intervention de nos services consulaires.
A cet égard, je me réjouis de l'annonce faite par le ministère des affaires étrangères de nommer prochainement dans les postes consulaires des principaux pays d'origine un « référent adoption », chargé d'informer et de conseiller les adoptants sur les spécificités du pays, d'assurer la relation officielle avec les organismes locaux et d'instruire les demandes de visa.
En revanche, je m'étonne que, parallèlement à la création de l'Agence, le texte ne traite nullement du rôle désormais dévolu à la Mission de l'adoption internationale. La multiplication des organismes chargés de l'adoption rend très confuse, aux yeux de nos concitoyens, les modalités de l'adoption internationale.
Par ailleurs, l'un des obstacles majeurs à surmonter concerne la durée du séjour du couple dans le pays d'adoption.
Il serait souhaitable de prévoir avant l'adoption la possibilité d'un congé, dont la durée, à déterminer, devrait être suffisante pour que les candidats à l'adoption puissent satisfaire les demandes du pays d'origine et, surtout, faire la connaissance de l'enfant.
Il serait intéressant également que l'agence édite une brochure, réactualisée chaque année, relative aux démarches à suivre au retour du pays d'origine.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'une adoption nationale ou d'une adoption internationale, il n'est pas facile de se retrouver parents du jour au lendemain, sans préparation spécifique ni suivi réel. Il est donc appréciable que la France se dote enfin de dispositions permettant une information sur les réalités de l'adoption et sur les répercussions qu'elle peut avoir sur les familles. Proposer aux candidats à l'adoption des réunions d'information est appréciable mais bien peu contraignant. Pourtant, on connaît tout l'avantage qu'en retirent les participants dans les départements où cela se pratique déjà.
La proposition de loi prévoit que, au-delà de l'adoption plénière en France ou de la transcription du jugement étranger, l'accompagnement par le service de l'aide sociale à l'enfance est prolongé à la demande de l'adoptant.
Cet accompagnement doit être effectif et obligatoire sur une plus longue période. En effet, il est déjà difficile pour les parents biologiques d'avouer qu'ils rencontrent des difficultés dans leurs relations avec leur enfant. Imaginez quel sentiment de culpabilité on peut éprouver dans le cas d'un enfant adopté, lorsque l'entourage, les enquêteurs sociaux et autres personnes bien intentionnées ont souvent mis en garde sur la difficulté d'adopter. Nombre de parents adoptifs sont dans l'incapacité d'en parler. Quelquefois, la situation se dégrade et peut aboutir à des maltraitances, voire à des abandons. Les conseils de famille sont régulièrement confrontés à ces situations.
Tout couple adoptant en France ou à l'étranger devrait être assuré d'un suivi consistant, au minimum, en un contact annuel avec un référent jusqu'à la majorité de l'enfant. Cela permettrait, par nécessité ou en cas de difficultés, de conseiller et d'aider les parents. C'est l'objet d'un des amendements que j'ai déposés.
Telles sont, de manière résumée, les principales observations que je souhaitais faire sur ce texte.
Les modifications que je propose sont le fruit d'une réflexion guidée par mon expérience. Elles sont le reflet des remarques et des demandes exprimées par des couples qui ont fait ces démarches. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez répondre à mes interrogations et lever ces quelques réserves.
Au demeurant, cette proposition de loi devrait permettre de défendre au mieux les intérêts de l'enfant, tout en donnant une réponse à l'attente des futurs parents. C'est avec beaucoup d'espoir que le groupe de l'UC-UDF la votera.