Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 22 juin 2005 à 15h00
Réforme de l'adoption — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi portant réforme de l'adoption vise à donner un cadre à une procédure longue et complexe qui concerne 25 000 familles en attente d'un enfant.

Dans l'adoption sont parties prenantes, d'une part, l'enfant, d'autre part, les personnes qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas avoir d'enfants ou qui, en ayant déjà, décident d'agrandir leur famille par l'adoption. Je le dis clairement : quel que soit le désir des adultes, il ne faut jamais oublier que c'est toujours l'intérêt de l'enfant qui doit primer. La défenseure des enfants, Claire Brisset, utilise à ce propos une formule tout à fait adaptée : « L'adoption consiste à offrir un foyer à un enfant qui en est privé et non pas un enfant à un foyer qui en aurait le désir. »

S'agissant des enfants issus des pays pauvres, j'aurais tendance à dire que leur premier intérêt serait de ne pas être « adoptables ». Il est toujours regrettable que des enfants soient abandonnés et donc soumis à l'adoption au motif que le niveau de vie de leur famille est si faible qu'elle ne peut en assurer l'éducation. C'est pourquoi je suis un peu gênée d'entendre le précédent ministre de la famille se réjouir et souhaiter l'augmentation des adoptions dans les années à venir.

D'un autre côté, il est évident que les enfants concernés ont le droit de grandir dans des conditions de vie acceptables qui leur permettent de s'épanouir comme tous les autres enfants. A cet égard, faciliter la procédure d'adoption internationale était non seulement nécessaire mais surtout urgent.

L'adoption est actuellement régie par la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption et par celle du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, après que la loi du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption et celle du 22 décembre 1976 modifiant certaines dispositions concernant l'adoption ont autorisé l'adoption par les célibataires et par les couples ayant déjà des enfants. En dépit de cette législation, le système français de l'adoption se révèle peu efficace.

L'écart entre le nombre d'agréments et le nombre d'enfants adoptés ne cesse de se creuser : en 2004, 5 000 adoptions sont intervenues, concernant en majorité des enfants de nationalité étrangère. Le nombre d'adoptions d'enfants français ne cesse pour sa part de diminuer, puisqu'il s'établit à environ 1 500 par an. Cette situation crée au sein des familles des insatisfactions et explique le recours de plus en plus fréquent à l'adoption internationale.

L'adoption doit donc être réformée, tant la procédure d'agrément que l'organisation des démarches individuelles des familles. Il est courant de parler de véritable parcours du combattant pour des familles qui souhaitent adopter des enfants étrangers.

La procédure d'agrément est aujourd'hui très imparfaite. Actuellement, chaque conseil général a la responsabilité de délivrer un agrément aux parents ayant déposé une demande d'adoption, que celle-ci porte sur un enfant né en France ou sur un enfant né à l'étranger. Les agréments sont de ce fait très inégalement délivrés d'un département à l'autre, le taux pouvant varier de 66 % à 98 %.

Théoriquement, l'enquête qui suit la demande d'agrément ne doit pas dépasser neuf mois, puisque c'est le délai imparti au conseil général pour délivrer ou non l'agrément aux personnes candidates à l'adoption. Mais, de manière générale, ce délai est souvent dépassé.

Les différences existant entre les taux d'agrément départementaux s'expliquent en partie par les écarts de pratiques entre les services de l'aide sociale à l'enfance : certains départements ajoutent leurs propres critères et refusent par exemple de délivrer un agrément aux personnes célibataires ou aux couples ayant déjà des enfants, ignorant ainsi les lois de 1966 et de 1976.

Une harmonisation au niveau national apparaissait donc nécessaire afin de ne pas décourager les candidats à l'adoption. La proposition de loi permet de ce point de vue une amélioration de la procédure d'agrément au niveau départemental, puisqu'elle met en place un document dont la forme et le contenu seront identiques sur l'ensemble du territoire. L'agrément sera ainsi plus précis pour les autorités des pays d'origine des enfants.

Nous espérons maintenant, si la procédure d'agrément tend à s'uniformiser, que les enquêtes soient menées dans le respect de la loi. Ce type d'enquête constitue une activité très spécifique, qui doit être de la compétence de professionnels formés, bénéficiant d'un encadrement de grande qualité. La défenseure des enfants regrette d'ailleurs que les enquêteurs ne disposent pas d'un guide d'entretien national. Mais peut-être aurez-vous une réponse à nous apporter à ce sujet, monsieur le ministre ?

Par ailleurs, il nous semble cohérent de n'exiger qu'un seul agrément lorsque les candidats à l'adoption souhaitent adopter une fratrie, plutôt que de faire déposer une demande par enfant. Cette disposition permettra de raccourcir les délais d'adoption simultanée de plusieurs enfants, ce qui est évidemment dans l'intérêt de ces derniers.

Enfin, les réunions d'information prévues pendant la période d'agrément seront utiles aux familles pour qu'elles ne se sentent pas livrées à elles-mêmes une fois l'enfant arrivé dans le foyer.

L'information et l'accompagnement des familles candidates à l'adoption sont en effet essentiels, notamment lorsqu'il s'agit d'adoption internationale. La multiplication des interlocuteurs des familles adoptantes ne simplifie pas leur parcours. Entre la Mission de l'adoption internationale, chargée de diffuser l'information aux familles tout en étant le relais des autorités étrangères chargées de l'adoption internationale, et les OAA, très sélectifs dans le choix des dossiers qu'ils acceptent de traiter, il est souvent difficile d'accéder à l'adoption internationale par ce biais.

En ce sens, la création de l'Agence française de l'adoption rendra les démarches d'adoption internationale plus simples. En effet, l'Agence française de l'adoption a pour vocation d'aider et d'orienter dans leurs démarches les parents candidats à l'adoption. Elle s'apparente à une troisième voie, qui prendra place au côté des démarches individuelles et à celles des organismes agréés, lesquels sont le plus souvent des associations, à l'instar de Médecins du monde.

Cependant, la seule création de l'Agence française de l'adoption ne sera pas suffisante si, dans les pays d'origine des enfants « adoptables », les personnels consulaires français ne sont pas mis à contribution.

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