Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur Alain Milon de nous avoir fait profiter de sa connaissance très approfondie du dossier et d'avoir présenté de manière complète cette proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, vous avez souligné l'importance de l'unification des procédures d'agrément. C'est, en effet, le premier objectif de cette proposition de loi, les procédures actuelles entraînant, dans la situation actuelle, de nombreuses inégalités de traitement qu'il était devenu urgent de supprimer.
Vous avez également insisté sur l'intérêt du renforcement de l'aide à l'adoption internationale. A l'heure actuelle, compte tenu du nombre d'organismes intervenant dans la procédure d'adoption, les couples adoptants peuvent se sentir un peu perdus et ne pas savoir à qui s'adresser. Beaucoup de couples en viennent donc à entreprendre des démarches individuelles particulièrement difficiles et souvent douloureuses. Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le rapporteur, la création de l'Agence française de l'adoption contribuera à remédier à cette situation en rendant un meilleur service aux parents.
Plusieurs orateurs se sont dits préoccupés des conséquences de la création de l'Agence sur la répartition des rôles entre différents organismes. Je souhaite revenir sur cette dernière en répondant notamment à Mmes Dini, Campion et Cerisier-ben Guiga.
Le paysage de l'adoption ne sera pas complexifié du fait de cette réforme.
Premièrement, le Conseil supérieur de l'adoption, qui sera désormais placé auprès du ministre chargé de la famille, restera l'instance de consultation, d'avis et de réflexion, avec une compétence pleine et entière tant pour l'adoption nationale que pour l'adoption internationale. Il n'intervient bien évidemment dans aucune procédure dans laquelle seraient engagés les parents.
Deuxièmement, l'Autorité centrale pour l'adoption internationale exercera exclusivement la mission de régulation et de veille sur l'application de la convention de La Haye, sur la protection de l'enfance et sur la coopération en matière d'adoption internationale.
Troisièmement, la Mission de l'adoption internationale, qui transférera à l'Agence l'essentiel de ses missions, deviendra, pour ses missions régaliennes, le secrétariat général de l'Autorité centrale. Elle n'exercera plus que ses missions régaliennes de l'Etat, en particulier la délivrance de visas pour les enfants adoptés et le contrôle des organismes intermédiaires pour l'adoption.
La gestion des dossiers individuels et l'information des candidats seront entièrement et exclusivement assurées par l'Agence française de l'adoption. La réforme permettra ainsi de mettre fin à un système dans lequel la Mission de l'adoption internationale exerçait parallèlement les missions de l'Etat et celles qui relèvent du champ de compétences des intermédiaires pour l'adoption.
Monsieur le rapporteur, vous avez également souligné l'apport de la proposition de loi pour servir le développement de l'adoption nationale. Les pupilles adoptables qui ne trouvent pas de parents en raison soit de leur santé, soit de leur âge, soit du fait de leur appartenance à une fratrie, sont, il est vrai, au nombre de 1 700, chiffre qui donne à s'interroger, comparé avec celui du Royaume-Uni, à savoir 5000.
Pourquoi cet écart ? Ce dernier est sans doute dû à notre législation en matière de tutelle et de reconnaissance du fait qu'un enfant est pupille adoptable.
L'adoption nationale des pupilles de l'Etat me préoccupe tout comme vous. Le tiers des pupilles font l'objet chaque année d'une proposition d'adoption. C'est insuffisant et injuste. II faut mettre en relation plus active les familles et ces enfants. S'il existe un fichier national informatisé, le SIAPE, ou système d'information pour l'adoption des pupilles de l'Etat, il doit être développé par une meilleure information des différents acteurs.
Nous y reviendrons lors de la discussion des articles. L'objectif est non d'accroître le nombre d'enfants adoptables, mais de donner une chance à des enfants réellement et complètement abandonnés, sur proposition des services de l'aide sociale à l'enfance, sur décision du juge des enfants, prise après des délais et selon des procédures de nature à garantir tout le discernement nécessaire de la part du magistrat.
Madame Campion, je vous remercie d'avoir souligné l'apport de la proposition de loi quant à l'agrément, puisque le traitement des demandes des parents adoptants va être unifié sur l'ensemble du territoire national.
Vous avez insisté sur la nécessité d'information des parents adoptants, point qui est extrêmement important, en effet. La création de l'Agence, les notices qui seront désormais données aux parents adoptants, les réunions qui seront organisées sur l'initiative de l'Agence en liaison avec les conseils généraux permettront de progresser dans cette voie.
L'urgence que vous invoquez, madame la sénatrice, nous la ressentons tous, tout comme les parents qui attendent depuis des années un enfant. Je l'ai dit, cette proposition de loi est une première étape, qui fait suite aux travaux du Conseil supérieur de l'adoption. C'est, au-delà de la création de l'Agence, un vrai texte de loi sur l'adoption. Il n'y a donc pas lieu, à mon sens, d'en changer l'intitulé.
Quant à la clarification des rôles entre les différentes institutions, je l'ai évoquée à l'instant.
Madame Desmarescaux, vous avez comparé les procédures relatives à la procréation médicalement assistée et l'adoption. C'est vrai, des espoirs sont souvent déçus, les attentes sont toujours longues, et les familles manquent d'information. Cette proposition de loi permettra, je crois, d'améliorer cette information.
Quant à la question de l'abandon d'enfant, aujourd'hui impossible dans le cas de détresse des parents, elle a fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat. L'important est, en effet, d'avoir toutes les garanties que les procédures mises en oeuvre permettent de faire passer au premier plan l'intérêt de l'enfant adoptable sans pour autant arriver à des excès qu'il nous faudrait éviter.
En réalité, la durée des procédures, le rôle des services sociaux, de l'aide sociale à l'enfant et du juge, ainsi que l'ensemble des délais sont autant de garanties que les décisions seront prises par le juge des enfants avec tout le discernement nécessaire.
Je souligne également que les maisons de l'adoption créées depuis quelques mois dans plusieurs villes de France montrent, à l'évidence, le besoin d'information des familles sur lequel, madame Desmarescaux, vous êtes revenue tout à l'heure. Le texte va dans ce sens en complétant ces initiatives individuelles.
Madame Kammermann, je vous remercie d'avoir souligné l'intérêt de l'unification de l'agrément pour servir l'égalité entre les couples. Vous avez également dit que le texte apporterait un meilleur soutien aux parents actuellement engagés dans une démarche individuelle d'adoption internationale et confrontés à des difficultés croissantes du fait des pratiques en vigueur dans les pays vers lesquels ils se tournent pour adopter un enfant.
L'information sur laquelle vous avez, vous aussi, insisté est en effet un aspect extrêmement important pour préparer les futurs parents à leur rôle et leur éviter d'idéaliser leur situation de futurs parents adoptifs. A cet égard, les réunions prévues, qui vont tout à fait dans ce sens, sont l'un des apports de cette proposition de loi.
Pour les 60 % d'adoptants engagés dans une démarche individuelle à l'étranger dépourvue de toute aide, la création de l'Agence va apporter une réponse très précieuse et particulièrement opportune en raison de l'évolution de la situation internationale pour l'adoption.
Les moyens de l'Agence internationale qui sera créée devront, bien sûr, être suffisants pour lui permettre de répondre à l'ensemble de ses missions. Le Gouvernement y veillera, naturellement.
Je voudrais souligner toute l'importance que le Gouvernement attache à la question de l'adoption d'enfants par des Français résidant à l'étranger.
Actuellement, la Mission pour l'adoption internationale reconnaît, comme c'est son devoir, les mêmes droits à tous les couples demandeurs, qu'ils résident en France ou à l'étranger. Si vous connaissiez le moindre cas particulier infirmant cette situation, il faudrait naturellement nous le signaler, tant il n'y a pas, pour l'accès à l'adoption, de discrimination possible entre Français selon qu'ils résident à l'étranger ou sur le territoire national.
Madame Dini, vous avez souligné le caractère raisonnable du délai de neuf mois prévu par la loi, pourvu que ce dernier ne soit pas dépassé. Bien entendu, je souscris totalement à votre observation.
Je tiens à souligner aussi que l'adoption des pupilles doit pouvoir être développée non seulement qualitativement, par l'augmentation du nombre des organismes régionaux de concertation en adoption, mais aussi quantitativement, grâce à une meilleure utilisation du fichier SIAPE.
Je reviens un instant sur les difficultés des Français résidant à l'étranger pour adopter, que vous avez évoquées, tout comme Mme Kammermann et Mme Garriaud-Maylam.
Nos concitoyens résidant à l'étranger peuvent, en effet, rencontrer des difficultés, en particulier, dans les pays non signataires de la Convention de La Haye. Une concertation avec le ministère des affaires étrangères est actuellement organisée au cas par cas afin de les aider à résoudre leurs problèmes dans le respect des lois internationales. La plupart des conseils généraux facilitent, quant à eux, le déroulement des formalités tendant à l'obtention de l'agrément pour ces familles en regroupant sur quelques jours les enquêtes nécessaires, et s'appuient, pour le suivi des enfants, sur les personnels sociaux des ambassades.
L'Agence reprendra les missions d'information et d'aide à la constitution des dossiers, et apportera, dans certains pays, un soutien local dans les démarches. Il y aura désormais des référents représentant l'Agence dans les principaux Etats concernés.
Madame Garriaud-Maylam, vous avez souligné la nécessité de simplifier les procédures de transcription. Vous avez notamment évoqué le caractère excessif des exigences en matière de traduction de ces actes et souhaité qu'une traduction certifiée conforme par le consulat soit être rendue possible. Je retiens cette proposition. Le texte qui vous est soumis ne répond pas à toutes les questions. Il se concentre sur certains points, mais c'est effectivement une piste intéressante à examiner.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Assassi quand elle affirme que tous les enfants ont le droit de grandir dans des conditions de vie favorables à leur épanouissement. Cela vaut pour l'adoption internationale, mais aussi, bien sûr, pour l'adoption nationale. L'unification des agréments, l'égalité de traitement qu'elle implique entre tous les couples demandeurs constitue évidemment un progrès très important dans cette direction.
Je souligne également que le guide de bonnes pratiques à l'usage des personnels qui sera mis en place en 2006 permettra d'améliorer le traitement des demandes partout sur le territoire national.
De plus, la participation des départements à l'activité de l'Agence permettra une meilleure formation de l'ensemble des départements pour unifier davantage l'instruction des dossiers d'agrément.
Je vous confirme, par ailleurs, que le ministère des affaires étrangères met actuellement en place une action de formation à l'intention des futurs agents consulaires, de manière qu'ils connaissent ces procédures et puissent assister les parents demandeurs dans leurs démarches.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous vous êtes demandée si le concept de l'Agence française de l'adoption serait adapté à l'adoption internationale.
Je ne vous étonnerai pas en vous répondant que, pour le Gouvernement, la réponse est « oui » : en effet, aujourd'hui, comme je le rappelais à l'instant, 60 % des démarches d'adoption sont des démarches individuelles internationales, que les parents font donc tout seuls et qui s'adressent souvent à des pays non signataires de la convention de La Haye. La création de cette agence va donc, à l'évidence, permettre à ces parents de recevoir un soutien dont ils ne peuvent bénéficier actuellement.
Vous vous êtes interrogée sur la neutralité de la future agence. Sachez que, pas plus que celle des services des conseils généraux qui instruisent les demandes d'agrément, la neutralité de ce futur établissement ne peut a priori être suspectée.