S'agissant des amendements identiques n° 7 et 19, le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
En ce qui concerne l'amendement n° 4 rectifié, je veux dire à M. Seillier que j'ai été très touché par la présentation qu'il a faite des motifs de son amendement.
Il s'agit d'une question importante, qui ne va pas de soi et qui justifie pleinement notre débat. J'y ai beaucoup réfléchi et j'ai écouté très attentivement les propos que vous avez tenus à cet égard, monsieur le sénateur.
Le passage au statut de pupille de l'Etat ne peut en aucun cas être brutal. Pour que cette procédure soit enclenchée, il faut que les services sociaux en prennent l'initiative, que les services de l'aide sociale à l'enfance saisissent le juge des enfants, que ce dernier procède à une expertise pour prendre une décision « éclairée », selon le terme du code civil. La décision de passage au statut de pupille de l'Etat est prise à l'issue d'une procédure dont la durée, qui n'est jamais inférieure à un an, peut aller jusqu'à dix-huit mois, voire deux ans et même davantage.
La disposition que vous souhaitez amender, monsieur le sénateur, et qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, continue à exiger, comme le veut notre code civil actuellement, la démonstration du fait que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant, pour que celui-ci puisse être déclaré adoptable.
En aucun cas, et c'est une exigence impérieuse, la situation sociale des parents ne peut ni ne doit entrer en ligne de compte dans l'appréciation de leur désintérêt pour l'enfant. Il doit s'agir, je le répète, d'un désintérêt manifeste, c'est-à-dire d'une situation d'une gravité tout à fait exceptionnelle, qui ne peut concerner que quelques centaines d'enfants.
J'ai bien écouté les exemples émouvants que vous avez cités, monsieur le sénateur. Mais, précisément, ces cas ne montrent pas de désintérêt manifeste des parents pour leur enfant. Bien au contraire, ils témoignent de l'existence d'un intérêt très manifeste de leur part. Il ne s'agit donc pas de situations où ces enfants pourraient être retirés définitivement à leur famille pour pouvoir être adoptés.
La priorité du Gouvernement est que les familles en difficulté et vulnérables soient davantage soutenues. Tel est d'ailleurs l'un des objets de la conférence de la famille qui se tiendra en septembre prochain.
Cependant, nous devons penser également aux enfants qui se trouvent parfois, eux aussi, dans des situations de grande détresse. On ne doit pas, sous prétexte de la détresse de leurs propres parents, empêcher leur adoption. Quand un enfant est totalement délaissé, abandonné, maltraité même, le priver de la possibilité d'être éduqué, de grandir et de s'épanouir dans une famille aimante, revient à le sacrifier à ses parents.
On a rappelé tout à l'heure que, chaque année, en France, 1 700 enfants sont reconnus comme pupilles de l'Etat. En Grande-Bretagne, on en compte 5 000. Plusieurs milliers d'enfants en situation très grave pourraient donc probablement faire l'objet, chez nous, d'une procédure d'adoption s'ils étaient reconnus adoptables à la suite d'une procédure qui est non pas brutale, mais lente, je le répète, puisqu'elle comprend plusieurs filtres. Ce sont peut-être 3 000 enfants dont la grande détresse doit, elle aussi, être prise en considération.
En conscience, et après y avoir beaucoup réfléchi, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.